( * )
n
IRAPPORT
FAIT PAR
M. L'ARCHEVÊQUE DE BORDEAUX;
Au nom du Comité
choijipar VAJfemblée na-
tionale,
pour
rédigerun Projet
de Conjlitu- tionydans
laSéance du
lundiz 7
Juillet1789.
Messieurs/
O u
s avez vouluque
leComité que vous
aveznommé pour
rédigerun
projetde constitution*vousprésentât dès aujourd’huiau
moins
une partiede
sontravail,
pour que
la discussionpuisseenêtrefcommencée
ce soirmême
dans vos Bureaux.Votre
impatience est juste, etle besoin d’accé- lérer lamarche commune
, s’est àchaque
instant fait sentir ànotrecœur comme
au vôtre.Une
Constitution nationale estdemandée
et at*tenduepar tousnos
Commettahs
;etlesévénemens
survenus depuisnotre réunion,la rendent demo- ment
enmoment
plus instante et plus indispensa*ble : elle seulepeut,, en posantla liberté des Fran-
çois
sur des bases inébranlables,les préserver des dangers d’une funeste fermentation,et assurer lebonheur
des races futures.TüENEWBEWStf U8RARY
(O
Jusqu’àces derniers
temps,
et je pourroisdire jusqu’à cès derniersmomens
,ce vaste et superbeEmpire
n’a cessé d’être lavi&ime
de \a confusion etde l’indétermination des pouvoirs.L’ambitionet l’intrigueont fait valoir à leurgrêlesdroits incer- tains des Rois et ceux des Peuples.Notre
histoiren’est qu’une suitedes tristes
combats
de ce genre, dontle résultat a toujours ete,ou
1accroissement d’un fatal despotisme,ou
l’établissement peut- être plus, fatal encore de la prépondérance et del’aristocratiedes corps, dontlejoug pèse en
même"
temps
sur les Peuples et sur les Rois.Les prospérités passagères delà Nation nont ete jusqu’à présent
que
l’effetdu
caractèreou
des talens personnelsdenosRoiset deleurs Ministres,ou
encore des combinaisonsfortuites,quelesvicesdu Gouvernement
n’ontpu
détruire.Le temps
est arrivéoù
une raison éclairée doit dissiper d’an- ciens prestiges; elle a étéprovoquée
cette raison publique;ellesera secondée parun Monarque
qui ne veut que lebonheur
de laNation, quise fait gloire decommander
; elle le sera par l’energieque
les François ontmontrée
dans ces dernierstemps;
elle le sen* par les sentimens patriotiques qui anitnent tous lesMembres
de cetteAssem-
blée.
Loin
de nous toutintérêtd’Ordre&
deCorps
; loin de nous tout attachementà des usages,ou
même
à des droits queJa
Patrie n’avoueroitpas.(
3
, )Iln’est rien qui ne doivefléchir devantl’intérêt pu-
blic.
Eh
! quelle classe de Citoyens pourroit re- vendiquerdesprivilèges abusifs,lorsque leRoi
lui-même
consent à baisser son sceptre devant laLoi, à regarder le
bonheur
des Peuples,comme
luiprescrivant le plus sacré de ses devoirs, et à rendre ce
bonheut même
la règle et lamesure
de
ses prérogatives et de son autorité.Toutes
ces considérationssansdoute étoientbien propres à échauffer notrezèle. Ilne faut pas"d ef- fortspourse livrerà l’empressementdu
patriotis-me
, et s’abandonner à sespressantesinspirations;combien,
au contraire , ne nous en a-t-il pasfallupour
en tempérer les élansîcombien
d’imposans motifs nous ont présenté lanécessitéde nous pré- server d’une dangereuse précipitation! C’est en votrenom.
Messieurs, qu’il nous étoitrecom- mandé
de recueilliretderassembler lesvœux
lesopinions. C’est à tracer les premiers
fondemens
del’édifice que vos mainsgénéreuses vontélever à laliberté^etavecelle, àladignitédel’Homme
et à la félicité publique, que vous nous avez appelles :c’est devant vous que nous avons à repondre;
c’est devant les Représentans d’ungrand Empire.,
c’est devant l’Europe entière, dont les regards sont attachés sur nous, et qui attend de vos lumières,
un modèle
qui sera bientôt imité ; c’estpour
la postérité, qui tous les jourscommence,,
qui, dansun moment,
nousdemandera compte
A
2C
4
)de
nostravaux; c’est par ces considérationsque
nous avons senti qu’il falloit nous asservir àune méthode
sévère , et réunir à une méditation profonde, sur les basesmême
de laConstitution; l’étude des volontés exprimées par nos Corn-;mettans. ... ,
"f
Ainsi nous avons cru devoir
commencer
par l’examen de cesvolontés, consignées dans les ca- hiers que nous avonspu
consulter.M.
leComte de Clermont-Tonnerre
va vous présenterletravail raisonné dont il a bien voulu se charger,
pour vous
faireconnoîtrel’espritgénéralde voscahiers.Nous
avons sur-tout fixénotre attention surles articlesque
nosCômmettans
nous ont plus spé- cialementrecommandés,
et qu’ils regardentavec justicecomme
nécessaires et indispensables.Mais nous avons en
même temps
reconnuque
çesdifférentes vues exigeoient l’établissement desmoyens
suffisanspour
les accomplir; qu’il falloitdéterminer et définir les diverspouvoirs institués
poûr
le maintien de l’ordre social , circonscrire leurs limites,et enmême temps
les préserver de toute invasion.Que
la Constitution de l’empire devoit présenterun
ensemble imposant, dont toutes les parties liéeset correspondantes ëntr’el- îes,tendissent aumême
but, c’est-à-direàla fé- licité publique et à celle de tous les individus;et qu’enfin nous remplirions
mal
votreattenteen vous présentant des dispositions éparses ,incohé- rentes et dénuées des précautions capables d’en( J )
garantir
pour
toujours l’exécution; et c’est sous ces rapports importans ques’est présenté à nous l’ouvrageque
vous nous avezconfié.Et
d’abord nous avons jugé d’après vousque
la Constitution devoitêtreprécédée d’une déclara- tiondes droits de
l’Homme
etdu
Citoyen,
non
que
cette exposition pût avoirpour
objet d’im- primer à ces véritéspremières une force qu’elles tiennent de lamorale
et de la raison, qu’elles tiennent de la Nature qui lésa déposéesdans tous les
cœurs
auprèsdu germe
de la vie, qui les a rendues inséparables del’essence et
du
caractèred’Homme
; mais c’est à ces titresmême que
vous avez vouluque
ces principes ineffaçables fussent sans cesse présens à nosyeux
et à notre pensee: vous avez voulu qu’à chaque instant laNation
que
nous avons l’honneur de représenter» pûty
rapporter, en rapprocherchaque
articlede
la constitution dont elle s’est reposée sur nous*, s’assurer denotre fidélité às’y conformer, et re~
connoîtrel’obligation etle devoirqui naissent
pour
elle de se soumettre à des Lois qui maintiennent inflexiblement tous ses droits.
Vous
avezsentique
ceseroitpour
nous une garantie continuelle contre la crainte de nos propres méprises, et vous avez prevu quesi, dans lasuite des âges,une
puissance quelconque tentoit d’imposer des Lois quine Se- roientpas uneémanation
decesmêmes
principesy ce type original et toujours subsistant, dénonce-*roit à l’instant à tous les citoyens
ou
le crimeou
l’erreur.
C
6
)>' Cette noble idéeconçue dans
un
autrehémis^
phère
,• devoit de préférence se transplanter d’a-bord parmi
nous.Nous
avons concourir aux évé- îlemens qui ont renduà l’Amériqueseptentrionalesft liberté: elle nous
montre
sur quels principes rious devons appuyer la conservation dela notre}
ét c’est le
nouveau Monde
,où
nousn’avions autre- fois apportéque
des fers, qui nous apprend au- jourd’hui à nous garantir
du malheur
d’en porternous-mêmes.
J Les
Membres
de votreComité
sesont tousoc- cupés de cette importante déclaration des droits.Ils ont
peu
varié dans le fond, etbeaucoup
plus dansl’expression etdansla forme.Deux
ont paruréunir les différens caractères desautres.
On
vousa
déjàfait connoître, par lavoie del’impression,
celle de
M.
l’abbé Siéyès5 celle deM. Mounier yous
sera demême communiquée.
La
première s’emparant,pour
ainsidire, delà naturedel’Homme
dans ses premiers élémens, etlasuivantsans distraction dans tous ses développe-
mens
et dans sescombinaisons sociales, a l’avan- tage de ne laisser échapper aucune des idéesqui enchaînent les résultats, ni des nuances qui lient lésidéeselles-mêmes.On y
retrouveet laprécisionetlasévéritéd’untalentmaître de
lui-même
etde
son sujet. Peut-être eny
découvrant l’empreinte d’unesagacitéaussiprofonde querare, trouverez- vousque
son inconvénient est dans saperfectionmême
, etque
le génie particulierqui 1a dictee.(
7
)en supposèrent
beaucoup
plus qu’il n’est permis d’en attendre de l’universalité de ceuxqui doiventla lireet l’entendre; ettous doivent la lire et1en- tendre. C’est par déférence
pour
ces reflexions,
que M.
l’abbé Siéyès a disposéles principesde sonOuvrage
en résultats courts et plus faciles à saisir.Celle de
M. Mounier
estformée
d’aprèslesmê- mes
observations sur la nature del’Homme.
L’enchaînement des résultats s’y fait
moins
aper- cevoir5 ce sont des formules pleines, mais déta- chées les unes des autres. Les personnes exercées
les liront aisément, etsuppléerontlesvides laisses
entr’elles.Les autreslesretiendrontplus facilement et neseront pas effrayées,
ou
par lafatigue d’en suivre attentivementlagénération,ou
parlacrainte demal
choisir dansune
suite de propositions, cellesoh
résidelerésultat quilesintéresse.V
ous re-trouverez dansleprojetde
M. Moünier
lesideesqui vous ont déjà été présentéesparM.
dela Fayette, et qui ont reçu voséloges; etM. Mounier
aéga-lement
eu soinde consulter les divers projets re-mis
parplusieursMembres
distingués de cetteAs-
semblée.Vous
déciderez. Messieurs, entre cesdeux
genres de mérites, tousdeux
sirecommandables.
Vous
peserez ceque
l’on doit aux lumières des esprits les plus pénétrans, etceque
l’on doit àla simplicité des autres. Peut-être croirez-vous de- voir concilier cette double obligation, et de-là naîtra une nouvelleforme
qui conviendra à touscomme
elle sera l’ouvrage de tous.(
8
)Nous
joignons à ces deuxprojets de déclaratioaides droits de
l’Homme
etdu
Citoyen,leprojetdu
premierchapitre delaConstitutionsurlesprincipesdu gouvernement
François. Icinous avons étégui- déset éclairésparuneantiquetradition, etparl’uni- versalité de noscahiers.Nous
soumettonsce projet à votreexamen
; nous leperfectionneronspar le secours
de
vos lumières, et nous vous le pré- senterons ensuite, plus digne de vous, dans le corps entier de la Constitution.Nous
avons cru pouvoir l’endétacherpour
lemoment
,afinque
vous puissiezreconnoître si nous avonsrendu avecfidélité les principes de vos
Commettans
sur des objets d’une aussihaute importance*Nous
vous rendronscompte
ensuite,et le plus tôt qu’il sera possible, de nos vuespour
l’orga- nisationdu
pouvoir législatif; celle
du
pouvoir d’administration} celledu
pouvoir judiciaire;celle
du
pouvoir militaire, et enfin celled’uneins- iruction publique et nationale.Nous
invitonsavecempressement
tous lesMem-
bres de cette
Assemblée
,à nous faire part de leurs idées sur ces différens objets,etnous croyons devoir fixer spécialementleur attention surdeux
questions importantes,quisontrelativesàlacom-
position et à l’organisation
du
corps législatif,et dont lasolutionentraînera les plusprécieusescon- séquences.On demande
d’abordsi le corps législatifserapériodique
ou
permanent,tt
Q
(
9
)Le
grandnombre
des cahiers, il fautl’avouer,
ne parle
que
de la périodicité, etnousnevouj
dissimuleronscependantpasque
l’opinionunanime du Comité
estpour
la permanence.Nous
avons pensé que le pouvoir législatif ne pouvoirêtre sansdanger,condamné
ausilence et à l’inactionpendantaucun
intervalle detemps
;que
lui seul a le droit d’interpréter
ou
desuppléerleslois qu’il a portées
;
que
se reposer sur le pou- voir exécutif decette double fonction, ce seroit compliquer ensemble deux forcesque
l’intérêtpu*blicexige quel’onsépare
;
que commettre
cetteau- torité à des corps, ce seroit , parun
plus grandmalheur
encore, exposertout à la fois et le pou- voir exécutifet le pouvoir législatif à uneinÿa*sion redoutable de leur part;
qu
?enfiri ce pour- voir ne pouvants’exercer par délégation d’aucungenre,
et devantnéanmoins
être actif, il restoituniquement
àrendrepermanente
l’Assemblée à laquelle il appartient de le faire agir.Ce
n’est pas qu’aucun de nous ait penséque
cette
Assemblée
dût être perpétuelle, mais seu-lement
toujours enmesure
de seformer
, tou- jourscontinuant ses séances , et ne se renouvelantque
dans sesMembres
,que
dans une proportionde nombre
et detemps
qu’il paroîtra convtna*- bîe de fixer.Notre
opinionn’estpaségalement arrêtéesur lacomposition
même du
corps législatif: sera-t-ilconstitué en une seule
chambre ou
enplusieurs*?(10
f Les personnes qui sont attachées au système d’une
chambre
unique* peuvent s’appuyer avecune
juste confiance surl’exemple de celle danslaquelle nous
sommes
réunis , etdontles heureuxeffets sont déjàsi sensibles. Elles allèguent encore
que
c’est la volontécommune
qui doit faire la loi, et qu’elle ne semontre
jamaismieux que
dansune
seulechambre
; que tout partagedu
corps législatif*en rompant
son unité* rendroit souvent impossibles les meilleures institutions, les: réformes les plus salutaires• qu’il introduiroit dans le sein de la nationun
état de lutte etde combat
, dont l’inertie politiqueou
de fu- nestes divisionspourroient résulter * qu’ilexpo-
seroit aux dangers d’une nouvelle aristocratie .que le
vœu
,comme
l’intêrét national , estd’écarter.
D’autres aucontrairesoutiennent
que
lepartagedu
corps législatif en deuxchambres
est néces- saire.Qu’à
la vérité*1dans lemoment
d’une régé- nération,on
adû
préférerl’existence d’une seulechambre
; qu’il falloitseprémunir contrelesobsta- cles de tout genre dont nous étions environnés,mais
que deux chambres
serontindispensablespour
la conservation et la stabilité de la constitutionque
vousaurezdéterminée; qu’il fautdeux cham-
bres
pour
prévenir toute surprise et toute préci- pitation, pourassurerlamaturité desdélibérations,que
l’interventiondu Roi
* dans la législation>seraitvaine*illusoire et sans force contre la
masse
irrésistible des volontés nationales portées par
une
seulechambre
$que
devant tendre sur-tout à fonder une constitution solide et durable, nous devons nous garder de tout système qui, en ré- servant toutela réalitédel’influenceaucorpslégis- latif, intéresseroit leMonarque
à saisirlesocca-sions
de
la modifier,et exposeroit l’Empire àde
nouvelles convulsions.Que
l’activitédu
corpslégislatif, en accélérant samarche
sans utilité, l’expose à des résolutions trop subites, inspirées parune
éloquenceentraî- nante,ou
par la chaleur des opinions,ou
enfin par des intrigues étrangères excitées par lesMi-
nistres ,
ou
dirigées contre eux;que
ces résolu- tions précipitées conduiroient bientôt au despo- tisme ouà l’anarchie;que
l’exemple del’Angleterre etmême
celui del’Amérique
démontrentl’utilit$de deux
chambres,et répondent suffisammentaux
objections fondées sur la crainte de leurs incon- véniens. Ils ajoutentnéanmoins
qu’en partageant le corps législatifendeux chambres
,ce doit être sanségard auxdistinctions d’Ordres,quipourraientramener
les dangers d’autant plus redoutablesde
l’aristocratie,qu’ilsauraientle sceau delalégalité, mais en faisant ressortir leur différence de l’in- fluence que l’on attribuerait à chacune d’elles,et de la nature
même
de leur constitution.C’enest assez,Messieurs
,
pour
vous fairecon-
noître les principaux rapports de la question qui exfcrje en cemoment
vos Commissaires$ elle est(
la
)lusceptible des plus grands
développemens
? etchacun
decesdeveloppemens
est susceptible lui-même
des réflexions les plus graves et les plussérieuses.
Vous
les modifierez avec Papplication qu’ils exigent.Nous
auronsremplienvers vousun
premier devoiren
laprovoquant, et nous enrem-
plirons