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Etre migrant et adolescent : quelles actions préventives proposer ?

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E. Pfarrwaller

A. Meynard introduction

La mobilité accrue des populations entraîne une diversité culturelle importante en Suisse (tableau 1) comme dans la majorité des pays européens. Les professionnels de santé au- ront de plus en plus affaire à des patients de cultures et d’ho- rizons différents.

Les migrants, mais également les enfants et adolescents, se retrouvent souvent dans la catégorie intitulée «population vulnérable» des programmes de préven- tion nationaux. Les adolescents migrants cumulent-ils donc des facteurs de vul- nérabilité ?

Quelques définitions de termes utilisés fréquemment dans le domaine de la migration sont mentionnées dans le tableau 2.

vignette

Installé dans une ville de taille moyenne en tant que médecin de premier re- cours intéressé à la santé des jeunes, vous êtes médecin scolaire et médecin répondant d’un foyer éducatif pour jeunes en difficultés. D’autre part, vous comptez de nombreux migrants récemment arrivés parmi vos patients en rai- son d’un foyer de requérants d’asile dans votre commune. Vous êtes amené à participer avec des éducateurs, des enseignants et les services de santé sco- laire à un groupe de travail mandaté par le conseil communal, qui vous de- mande de proposer des interventions pertinentes sur la base du programme récemment développé par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) pour les jeunes vulnérables : «Intervention précoce : accompagner les jeunes en si- tuation de vulnérabilité».

1

enquêtes de santé en population générale

L’OFSP a mené deux enquêtes «Monitoring de l’état de santé de la population migrante en Suisse» en 2004 et 2010.

2

Elles visent à décrire le rôle des facteurs

Being a migrant and an adolescent : which

strategies for health promotion ?

Young recently arrived migrants represent a vulnerable population. The influence of socio- economic and environmental factors on health is now well known. The accumulation of pro- tective factors can counterbalance the negative effect of risk factors, based on the concept of health assets. The migration process may threaten this balance. Some studies have ob- served better health in migrants than in the host population, but this is not a permanent effect as health deteriorates with time. Pre-mi- gration experiences as well as post-migration conditions in the host country largely influence migrants’ health outcomes. Family and social support and integration into the host society are primordial factors that need to be streng- thened.

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 1272-8

Les jeunes migrants récemment arrivés représentent une po- pulation vulnérable. Le rôle des facteurs socio-économiques et environnementaux sur l’état de la santé est maintenant bien reconnu. L’accumulation de facteurs protecteurs peut contre- balancer l’effet délétère des facteurs de risque, s’appuyant sur la notion de capital de santé. Le processus de migration peut menacer cet équilibre. Si certaines études ont décrit une meilleure santé chez les migrants que dans la population du pays d’accueil, cet effet est transitoire car la santé a tendance à se dégrader avec le temps. Tant les expériences avant la mi- gration que le vécu dans le pays d’accueil influencent la santé de façon importante. Le soutien familial et social ainsi que l’intégration dans la société sont des facteurs primordiaux qui nécessitent d’être renforcés.

Etre migrant et adolescent :

quelles actions préventives proposer ?

le point sur…

(2)

socio-économiques, démographiques et migratoires sur l’état de santé, les comportements et le recours aux services de soins d’un échantillon de la population migrante, âgée de 17 à 74 ans en Suisse. Les résultats montrent une bonne santé chez les immigrés récents, mais leur état de santé se dégrade avec le temps. En comparaison avec la population suisse, l’accès aux soins est assez similaire, par contre la population migrante utilise moins souvent les offres de prévention.

L’adolescence n’est souvent pas clairement séparée des autres tranches d’âge dans les enquêtes de santé, ce qui rend les données difficiles à interpréter. Il est actuellement largement reconnu que les étapes de développement de l’adolescence sont très variables d’un individu à l’autre et à cheval entre les différentes tranches d’âge (10 à 25 ans).

Ces étapes jouent un rôle crucial dans la compréhension des comportements de santé des jeunes, en particulier par l’influence de la puberté et du développement du cerveau.

3

L’étude Health Behaviour in School-aged Children (HBSC,

www.hbsc.org), menée dans 41 pays et régions d’Europe et d’Amérique du Nord chez des adolescents de onze, treize et quinze ans en milieu scolaire, illustre à quel point les facteurs environnementaux sont déterminants pour la santé des adolescents. La santé varie significativement avec la localisation géographique : de façon générale, les adoles- cents d’Europe du Nord et de l’Ouest se décrivent en meil- leure santé, mais ont de moins bonnes relations familiales que les jeunes d’Europe du Sud et de l’Est. Un bas niveau socio-économique est presque partout associé à une moins bonne santé.

Le programme de prévention développé pour la Suisse par l’OFSP à l’attention des jeunes en situation de vulnéra- bilité

1

s’appuie sur une vision transversale de l’adolescen ce, ainsi que sur la collaboration entre les acteurs communau- taires et socio-éducatifs, les familles et les professionnels de santé. Il est actuellement largement reconnu que les facteurs de risque ou protecteurs pour les divers compor- tements préjudiciables à la santé des jeunes sont souvent

Tableau 1. Quelques chiffres concernant la migration en Suisse pour l’année 2011

Statistique des étrangers (à fin décembre 2011) Statistique en matière d’asile 2011 Effectif (= nombre de personnes actuellement en Suisse)

Population résidente étrangèrea 1 772 279 Personnes relevant du domaine de l’asileb 74 765

Nationalités les plus nombreuses • Dont réfugiés reconnus 26 978

• Italie 16,4% • Dont personnes dans le processus d’asile 40 677

• Allemagne 15,6% (= procédure en suspens)

• Portugal 12,6% – Dont mineurs âgés de 10-14 ans 2979 (7,3%)

- Filles 45,9%

- Garçons 54,1%

– Dont mineurs et jeunes âgés de 15-19 ans 3715 (9,1%)

- Filles 34,3%

- Garçons 65,7%

Flux (= nombre d’arrivées au cours de l’année)

Entrées en Suisse (sans requérants d’asile) 142 471 Demandes d’asile déposées durant 22 551

durant l’année 2011 l’année 2011

Motifs de migration Pays d’origine les plus fréquents

• Activité lucrative 48,1% • Erythrée 14,9%

• Regroupement familial 31,6% • Tunisie 11,4%

• Formation 11,3% • Nigeria 8,4%

• Réfugiés reconnus 2,2% • Serbie 5,4%

• Reste 6,8%

Requérants d’asile mineurs non accompagnés 327

Dont 15-18 ans 84,3%

• Filles 24,8%

• Garçons 75,2%

Pays d’origine les plus fréquents

• Afghanistan 16,2%

• Erythrée 12,2%

• Tunisie 10,4%

• Biélorussie 5,8%

(Source : Office fédéral des migrations, www.bfm.admin.ch/content/bfm/fr/home/dokumentation/zahlen_und_fakten.html).

La plus grande partie des migrants est constituée de personnes originaires de l’Union européenne et venant en Suisse en raison du travail. Les requérants d’asile ne constituent qu’environ 13% des migrants. En comparaison, le nombre relativement important de personnes en attente dans le processus d’asile reflète des processus administratifs d’assez longue durée.

Il est difficile d’obtenir des données précises sur les adolescents migrants, car certains obtiennent la nationalité suisse ou disparaissent (surtout les mineurs non accompagnés). Ces chiffres montrent aussi à quel point il est difficile de généraliser le concept de «l’adolescent migrant», car les pays d’origine sont très variables selon les circonstances de migration (migrants économiques, réfugiés, mineurs non accompagnés).

a Inclut les personnes établies, les titulaires d’un permis de séjour et les titulaires d’un permis de courte durée M 12 mois. Sans les fonctionnaires interna- tionaux, les titulaires d’un permis de courte durée l 12 mois et les requérants d’asile.

b Réfugiés reconnus (permis B ou C), admissions provisoires, cas en suspens en première instance, décisions en première instance non encore entrées en force, personnes en soutien d’exécution du renvoi, suspensions, cas spéciaux.

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semblables. Si un certain nombre de jeunes cumulent des facteurs de risque délétères pour la santé ou le dévelop- pement, le nombre de facteurs protecteurs est également un indicateur fiable de développement sain s’appuyant sur

Termes Définitions

Mineur non Mineur se trouvant en dehors du territoire du pays dont accompagné il possède la nationalité sans être accompagné par son

représentant légal, un membre de sa famille, ou tout autre adulte ayant, en vertu de la loi ou de la coutume, la responsabilité du mineur

Acculturation Ensemble des changements apportés aux modèles cultu- rels initiaux résultant de contacts directs et continus entre des groupes d’individus de culture différente, à la suite par exemple de mouvements migratoires ou d’échanges économiques

Assimilation Processus par lequel un premier groupe social ou ethnique généralement minoritaire adopte les traits culturels (langage, traditions, valeurs, mœurs, etc.) d’un second groupe, généralement majoritaire. L’adaptation se traduit par une altération du sentiment d’appartenance.

L’assimilation va au-delà de l’acculturation

Intégration Ensemble de liens sociaux qui font qu’un individu ou un groupe appartient à une société donnée et en partage les codes. Dans le contexte migratoire, processus par lequel les immigrés s’incorporent dans la société d’accueil, à titre individuel et en tant que groupe, et y sont acceptés

Tableau 2. Définitions de termes utilisés fréquem-

ment dans le domaine de la migration

Selon Perruchoud R. Glossaire de la migration. Genève : Organisation internationale pour les migrations, 2007.

Figure 1. Modèle d’acquis de santé (health assets)

pour les adolescents

Schéma adapté d’après Morgan A : The Assets Model (figure). In : Social cohesion for mental well-being among adolescents. World Health Orga- nisation, 2008 ; et le Search Institute (réf.5).

L’environnement et la cohésion sociale sont des déterminants centraux pour le bien-être mental des adolescents. L’accumulation d’acquis de santé tout au long de la vie représente les ressources dont ils disposent pour contrer des influences à risque.

Situation socio-économique personnelle Accumulation d’acquis de santé

Acquis externes

• Soutien familial, scolaire et communautaire

• Prise en charge

• Limites dans la famille et l’école

• Utilisation constructive du temps

Acquis internes

• Engagement envers l’école et l’apprentissage

• Valeurs positives

• Compétences sociales

• Identité positive (estime de soi, sentiment d’utilité) Environnement

• Education

• Habitat

• Standard de vie

• Environnement physique

Cohésion sociale

• Confiance interpersonnelle

• Support mutuel

• Participation sociale

• Relations amicales

Bien-être mental

Comportements de santé

• Abus de substances

• Nutrition et activité physique

• Santé sexuelle

la notion d’acquis de santé ou acquis développementaux

(figure 1 et encadré 1).

Le Search Institute a identifié 40 acquis développemen- taux

5

qui favorisent le développement sain des adolescents.

L’accumulation de ces acquis contrebalance l’effet défavo- rable des facteurs de risque. Les facteurs sociaux et envi- ronnementaux jouent un rôle particulièrement important.

Cette approche permet de définir des facteurs protecteurs et des ressources pouvant être renforcés pour un dévelop- pement sain de l’adolescent.

6

vignette ( suite )

Après quelques séances de discussion, vous avez choi- si dans le groupe de travail de revoir la littérature sur la santé des jeunes migrants récemment arrivés, puisque la migration figure dans la liste des facteurs de vulnéra- bilité. Votre pratique vous rend attentif tant aux défis liés à l’intégration des jeunes migrants à leur arrivée qu’aux histoires de vie de vos patients adultes d’origine étran- gère souvent arrivés ici comme adolescents ou jeunes adultes et vous aimeriez développer des interventions précoces ciblant les familles étrangères récemment arri- vées dans votre commune.

résultats de la revue de la littérature La revue de la littérature résumée dans le tableau 3 per- met d’évaluer la santé en général et la santé mentale des jeunes migrants.

Santé générale et subjective

La pratique courante dans les soins pour les jeunes mi- grants est encore trop souvent focalisée sur les maladies infectieuses et les vaccinations. Les besoins spécifiques liés à la fois à la tranche d’âge «adolescent ou jeune» et au statut de migrant sont souvent mal identifiés. Les recom- mandations de bonne pratique portent souvent sur les barrières à l’accès aux soins des populations migrantes.

7-9

Certaines études ont décrit une meilleure santé chez les migrants en comparaison avec la population du pays d’ac- cueil, soutenant l’hypothèse du «migrant en bonne santé», ou

healthy migrant effect

. Les études ayant démontré cet effet se basent souvent sur la mortalité

10,11

ou sur des popula- tions très spécifiques, alors que l’effet est moins prononcé si plusieurs variables (âge, sexe, pays d’origine…) sont pri- ses en compte.

12

De plus, il s’agit vraisemblablement d’un

Encadré 1. Health assets et developmental assets Ces termes désignent l’ensemble des ressources dont dispose un individu ou une communauté, protégeant les personnes contre les conséquences négatives sur leur santé et assurant la promotion de leur santé.4 Ces ressources peuvent être sociales, financières, physiques, environnementales ou humaines.

On trouve plusieurs traductions du terme assets dans la littéra- ture francophone : capital, potentiel ou encore acquis, aucune de ces traductions n’étant entièrement satisfaisante. Dans cet article nous avons choisi d’utiliser «acquis de santé» et «acquis dévelop- pementaux».

(4)

Auteurs Types d’étude Pays Population étudiée Résultats (réf.)

Priebe et coll.7 Enquête (interviews 16 pays européens Professionnels de santé Les avis sur les difficultés d’accès aux soins (langue, structurés) travaillant avec des problèmes sociaux, différences culturelles…) et la

migrants (n = 240) bonne pratique dans les soins aux migrants sont assez cohérents, mais pas toujours implémentés dans la pratique courante

Devillé et coll.8 Etude Delphi 16 pays de l’Union Experts (universités, Les experts s’accordent sur le fait qu’il faut des soins européenne ONG, praticiens) (n = 134) respectant la culture pour tous les migrants, et sur les

grandes lignes de bonne pratique. Des désaccords persistent dans certains sujets spécifiques

Durieux-Paillard Article de synthèse Suisse (Genève) (pas d’étude) Les difficultés rencontrées dans les soins aux patients

et coll.9 migrants sont similaires à celles retrouvées chez

d’autres groupes de populations vulnérables. Les symptômes sont influencés par les histoires de vie parfois traumatisantes

Razum et coll.10 Etude de mortalité Allemagne Immigrants turcs Mortalité plus basse chez les immigrants turcs que basée sur les registres (25-65 ans), comparés avec chez les Allemands (hommes et femmes), aussi dans la de décès (1980-94) des Allemands et des deuxième génération. Une partie de cet effet pourrait Turcs résidant à Istanbul être expliquée par un retour en Turquie de personnes

plus malades

Abraido-Lanza Etude de mortalité Etats-Unis Immigrants cubains et Mortalité plus basse chez les immigrés cubains et

et coll.11 portoricains, individus portoricains que chez les personnes nées aux

nés aux Etats-Unis (plus Etats-Unis de 25 ans)

Boulogne Etude de mortalité France Toute la population La différence de mortalité entre immigrants et et coll.12 basée sur les registres (stratifiée par âge, sexe, Français est hétérogène, variant avec l’âge, le sexe,

de décès (2004-7) origine, cause de décès) le pays de naissance (mortalité plus élevée chez les ressortissants d’Europe de l’Est) et la cause de décès (mortalité due aux maladies infectieuses et au diabète plus élevée chez les migrants, mortalité due à la violence et aux cancers plus élevée chez les Français) Renard et coll.13 Enquête transversale Belgique Adolescents originaires de Dégradation de la qualité de vie avec le temps passé

(questionnaire de 37 pays (n = 158, âge en Belgique. Le manque de support social diminue la

qualité de vie) moyen 15,4 ans) qualité de vie de façon significative

Gilgen et coll.14 Enquête transversale Suisse Immigrants de Bosnie Les immigrants bosniaques ont vécu plus d’événements (interviews semi- (n = 36) et Turquie (n = 62), traumatisants et ont plus de problèmes de santé. Les structurées) comparés avec des migrants problèmes psychologiques étaient fréquents, mais

internes suisses (n = 48), rarement rapportés spontanément âge 16 ans et plus

Fazel et coll.15 Revue systématique Amérique du Nord 44 études, âge moyen L’exposition à la violence est un facteur de risque clé, de la littérature et Europe de l 18 ans alors qu’un établissement stable et du support social

l’Ouest dans le pays d’accueil a un effet positif sur la santé mentale des enfants migrants. Il y a un manque d’études longitudinales

Heptinstall Enquête transversale Grande-Bretagne Enfants réfugiés accompagnés Les scores de stress post-traumatique étaient et coll.16 (questionnaire et (Londres) (n = 40), âgés de 8 à 16 ans significativement corrélés au nombre de traumatismes

interview avec les avant la migration et à un statut d’asile incertain.

parents) Les scores de dépression étaient significativement

corrélés au nombre de facteurs de stress après la migration, à un statut d’asile incertain et aux difficultés financières

Montgomery Enquête transversale Danemark Enfants réfugiés originaires Une grande majorité des enfants (90%) a été exposée et coll.17 (interviews structurées du Moyen-Orient (n = 311), à la guerre et a résidé en camp de réfugiés, 70% ont

avec les parents) âgés de 3 à 15 ans au été témoins de violence, 50% avaient un parent torturé.

moment de l’arrivée Deux tiers souffraient d’anxiété, 30% de problèmes de

sommeil.

Les décisions concernant l’asile ne semblaient pas prendre en compte l’histoire de violence et la santé mentale des enfants

Montgomery Etude longitudinale Danemark Enfants réfugiés originaires Prédicteurs de comportements extériorisés :

et coll.18 du Moyen-Orient (voir témoignage de violences après l’arrivée, changement

réf. 17), 8 à 9 ans après fréquent d’école, basse fréquentation de l’école/du leur arrivée (n = 131, âge travail, éducation de la mère dans le pays d’origine, moyen 15,3 ans) plus jeune âge.

Prédicteurs de comportements intériorisés : événements traumatiques avant l’arrivée, facteurs de stress après l’arrivée, discrimination, manque de pairs danois, problèmes avec la langue danoise

Tableau 3. Résultats de la revue de la littérature sur la santé des jeunes migrants d’arrivée récente Medline 2011.

(5)

effet transitoire. Ainsi, dans une étude belge menée auprès d’adolescents immigrés,

13

la qualité de vie avait tendance à se dégrader avec le temps. Les auteurs attirent l’atten- tion sur l’importance des services de santé scolaire qui jouent un rôle important dans le repérage précoce de la souffrance psychique et de l’intégration de ces jeunes, tout en favorisant l’accès aux soins de premier recours.

Dans une étude suisse menée auprès de réfugiés adul- tes,

14

des facteurs liés à la migration (expériences de guerre, migration involontaire) étaient corrélés à l’état de santé.

Les problèmes psychosociaux étaient fréquents chez ces patients, alors que le motif de consultation était le plus souvent somatique (puisque la consultation avait lieu dans une policlinique générale).

Santé mentale

La littérature existante est surtout focalisée sur les popu- lations réfugiées. Celles-ci cumulent des facteurs de vulné- rabilité individuels, familiaux et sociaux. Les adolescents

migrants venus rejoindre leur famille sont parfois moins vi- sibles et, selon certaines études, l’hyperadaptation, en par- ticulier scolaire, peut aussi masquer des troubles psychi- ques, d’où le rôle crucial des programmes de santé scolaire ou des services de santé de premier recours offrant une approche globale de la santé.

Chez les adolescents migrants, l’équilibre entre les fac- teurs protecteurs, les acquis de santé et les facteurs de stress peut être menacé en raison de la migration (tableau 4).

Le vécu avant la migration constitue un facteur important.

Les facteurs de risque clés pour la santé mentale des réfu- giés sont la violence,

15

le nombre d’événements traumati- sants

16

et les séjours en camp de réfugiés.

17

Des facteurs liés aux conditions de vie après la migra- tion sont déterminants pour le développement mental et pourraient même avoir une influence plus importante à long terme que les événements traumatisants antérieurs.

18

Ainsi, la discrimination au sein de la communauté ou de la société peut péjorer les symptômes de stress post-trau-

Auteurs Types d’étude Pays Population étudiée Résultats

(réf.)

Tableau 3. (Suite)

Ellis et coll.19 Enquête transversale Etats-Unis Adolescents réfugiés La cumulation de traumatismes est liée aux symptômes (interviews structurées) d’origine somalienne de stress post-traumatique et de dépression.

(n = 135), âgés de 11 à Ces symptômes étaient aggravés par des facteurs de 20 ans stress après la migration (discrimination, temps

écoulé depuis l’arrivée)

Laban et coll.20 Etude transversale Pays-Bas Requérants d’asile iraquiens Prévalence de maladies psychiatriques : 42% dans le (questionnaire de plus de 18 ans, arrivés groupe récemment arrivé, 66,2% dans l’autre groupe, structuré) depuis moins de 6 mois avec une prévalence significativement plus élevée

(n = 143) et depuis plus de d’anxiété, de dépression et de maladies somatoformes 2 ans (n = 151) dans le deuxième groupe.

La durée du processus d’asile est corrélée de façon significative avec les problèmes psychiatriques Nielsen et coll.21 Etude transversale Danemark Enfants et adolescents Les difficultés mentales augmentent avec une durée

(questionnaires remplis requérants d’asile, du processus d’asile supérieure à une année ainsi par enseignants d’école accompagnés d’un parent, qu’avec le nombre de relocalisations, dans toutes les

et les adolescents vivant dans un foyer tranches d’âge

eux-mêmes) d’accueil (n = 260), âge 4

à 16 ans

Bean et coll.22 Etude longitudinale Pays-Bas Mineurs non accompagnés Détresse psychologique sévère et chronique décrite (douze mois), (n = 582), âgés entre 12 par 50% des mineurs, stable au suivi à douze mois, questionnaire rempli et 18 ans, de 48 pays confirmée par les réponses des enseignants et des

par les adolescents, tuteurs.

les enseignants et les La sévérité des problèmes était fortement corrélée

tuteurs légaux au nombre d’adversités (stressful life events)

Hodes et coll.23 Etude transversale Grande-Bretagne Mineurs non accompagnés Les symptômes de stress post-traumatique étaient (questionnaire) (Londres) (n = 78), âgés de 13 à 18 ans, corrélés avec les conditions de vie indépendantes

originaires majoritairement (absence de famille d’accueil), le sexe féminin et des des Balkans et d’Afrique, événements traumatisants

comparés avec des enfants réfugiés accompagnés (n = 35)

Kovacev et coll.24 Etude transversale Australie Adolescents migrants Une attitude positive envers la culture d’origine et la (questionnaire) originaires d’ex-Yougoslavie culture de la société d’accueil était corrélée avec des (n = 83), âgés entre 12 et scores élevés d’estime de soi et de support social de

19 ans la part des pairs.

Une attitude négative envers les deux cultures était corrélée avec des scores bas de fonctionnement psychosocial

Erhart et coll.25 Enquête transversale Allemagne Adolescents (n = 6691) Chez les adolescents migrants, les facteurs protecteurs (questionnaire KiGGS) âgés de 11 à 17 ans personnels et sociaux sont moins développés.

Il y a une corrélation évidente entre les facteurs protecteurs et les comportements à risque

(6)

matique.

19

Les processus administratifs liés à une deman- de d’asile peuvent avoir un effet négatif sur des troubles préexistants (symptômes de stress post-traumatique)

16

et favoriser l’apparition de nouveaux problèmes (anxiété, dé- pression, troubles somatoformes).

20,21

L’absence de struc- ture familiale, notamment chez les mineurs non accompa- gnés, favorise également les problèmes psychologiques.

22,23

Facteurs protecteurs : rôle de l’acculturation et du support social

Divers processus psychologiques sont mis en route lors de l’arrivée dans une nouvelle culture. Une étude austra- lienne s’est intéressée au fonctionnement psychosocial chez des adolescents réfugiés d’ex-Yougoslavie.

24

Des compor- tements d’intégration (maintien de la culture d’origine avec participation active dans la société d’accueil) étaient corré- lés à un bon fonctionnement psychosocial (estime de soi, support social de la part de la famille et des pairs). Au contraire, des comportements de marginalisation (rejet de la culture d’origine et de la culture de la société d’accueil) ou d’assimilation (désir de ne pas être reconnu comme étranger et de vivre comme les Australiens) influençaient de façon négative l’estime de soi et les liens avec les pairs.

L’enquête KiGGS

25

effectuée en Allemagne a étudié les facteurs protecteurs et de risque pour la santé mentale des adolescents de onze à dix-sept ans. Les familles migrantes y avaient généralement un niveau socio-économique plus bas que les familles non migrantes, ce qui allait de pair avec des facteurs protecteurs moindres, surtout en ce qui con- cerne les facteurs personnels (optimisme, auto-efficacité) et le support social. Par contre, aucune différence n’a été observée au niveau des facteurs protecteurs familiaux. Il se pourrait donc que le fait de vivre dans une culture étran- gère favorise la cohésion familiale.

conclusion

Beaucoup de jeunes migrants se retrouvent dans un exercice d’équilibre délicat entre la culture d’origine et celle d’accueil. Les éléments liés à la migration doivent être pris

en compte dans les programmes de prévention, mais il faut également être prudent de ne pas mettre trop de lumière sur les questions d’appartenance et de culture, laissant dans l’ombre certaines vulnérabilités individuelles ou fa- miliales pas toujours liées à la migration. Une approche ba- sée à la fois sur les facteurs favorisant un développement sain et sur ceux liés à la migration et aux éventuels trauma- tismes vécus, aux inégalités socio-économiques et au rôle de l’environnement permet de développer des program- mes de promotion de la santé respectant la diversité cultu- relle de nos sociétés.

Facteurs de risque Facteurs protecteurs

Prémigratoires Postmigratoires

• Exposition directe à la violence Processus d’immigration Ressources individuelles

• Nombre d’événements traumatisants • Processus de demande d’asile de longue durée • Sentiment d’efficacité personnelle

• Résidence en camp de réfugiés • Statut légal incertain • Estime de soi

• Parents ayant vécu la violence • Séjour prolongé en foyer d’accueil • Optimisme

Facteurs socio-économiques

• Pauvreté Ressources familiales

• Précarité • Support parental

Absence de support familial • Cohésion familiale

• Absence de famille (mineurs non accompagnés) • Intégration en famille d’accueil (mineurs non

• Problèmes mentaux chez les parents accompagnés)

Absence de support communautaire

• Changements fréquents de domicile Ressources communautaires

• Changements fréquents d’école • Expérience positive de l’école

• Discrimination (de la part des pairs, • Cohésion sociale

de la communauté, de la société) • Lien avec les pairs

• Rejet de la culture d’origine • Intégration

Tableau 4. Résumé des facteurs de risque et des facteurs protecteurs pour la santé mentale des adolescents

migrants

Stratégie de recherche

Les données utilisées pour cette revue de la littérature ont été identifiées par une recherche Medline des articles publiés en anglais, en français et en allemand sans limite de date.

Les mots-clés retenus étaient une combinaison des termes

«adolescents», «young», «teenage», en association avec

«migrant», «refugee», «immigrant», «asylum seeker» ainsi que «health», «mental health» et «quality of life». La re- cherche a ensuite été étendue aux références citées dans les différents articles issus de la première étape. Dix-neuf articles ont été retenus pour cette revue (références 7 à 25).

Implications pratiques

La capacité de créer des ponts entre les deux cultures favo- rise l’intégration et le fonctionnement psychosocial des jeunes migrants. L’intérêt que les professionnels de santé portent au monde d’origine permet à ces jeunes de garder le lien avec leur culture

La promotion de la santé des adolescents migrants doit se baser sur un concept global des acquis de santé, sans se fo- caliser sur des facteurs de risque individuels

L’ouverture du soignant pour des problèmes qui ne sont pas toujours perçus comme «médicaux», comme la santé men- tale ou les problèmes socio-économiques, permet au jeune migrant d’exprimer ses préoccupations et de repérer et ren- forcer ses ressources

>

>

>

(7)

1 * Intervention précoce : accompagner les jeunes en situation de vulnérabilité. Office fédéral de la santé pu- blique ; 2010 (accessed April 4, 2012). Available from : www.bag.admin.ch/shop/00010/00515/index.html?

lang=fr

2 Monitoring de l’état de santé de la population mi- grante en Suisse. Office fédéral de la santé publique ; 2010 (accessed April 4, 2012). Available from : www.bag.admin.

ch/themen/gesundheitspolitik/07685/12533/12535/

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4 Davies M, Morgan A, Ziglio E. Health assets in a global context : Theory, methods, action. New York : Springer, 2010.

5 * 40 developmental assets for adolescents. Search Institute ; 2011. (accessed April 10, 2012). Available from : www.search-institute.org/content/40-developmental- assets-adolescents-ages-12-18

6 Kia-Keating M, Dowdy E, Morgan ML, Noam GG.

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7 Priebe S, Sandhu S, Dias S, et al. Good practice in health care for migrants : Views and experiences of care professionals in 16 European countries. BMC Public Health 2011;11:187.

8 Devillé W, Greacen T, Bogic M, et al. Health care for immigrants in Europe : Is there still consensus among country experts about principles of good practice ? A Delphi study. BMC Public Health 2011;11:699.

9 Durieux-Paillard S, Dao MD, Perron NJ. Patients migrants au cabinet médical : médecine générale ou pratique spécialisée ? (Health care for migrant patients : Primary care or specialized medicine ?). Rev Med Suisse 2007;3:2167-70.

10 Razum O, Zeeb H, Akgun HS, Yilmaz S. Low over-

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11 Abraido-Lanza AF, Dohrenwend BP, Ng-Mak DS, Turner JB. The Latino mortality paradox : A test of the

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* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Dr Eva Pfarrwaller

Unité de développement et de recherche en éducation médicale

Direction de l’enseignement et de la recherche Dr Anne Meynard

Unité santé jeunes

Programme adolescents et jeunes adultes Département de l’enfant et de l’adolescent et Département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences

HUG, 1211 Genève 14 eva.pfarrwaller@unige.ch anne.meynard@hcuge.ch

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