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Un « Nouvel hygiénisme » ? Le bruit, l'odeur et l'émergence d'une new middle class

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Academic year: 2022

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Un « Nouvel hygiénisme » ? Le bruit, l'odeur et l'émergence d'une new middle class

MATTHEY, Laurent, WALTHER, Olivier

Abstract

La tentation est grande aujourd'hui d'envisager un « Nouvel hygiénisme » qui façonnerait les espaces urbains et les corps. Cet article défend cependant l'hypothèse que ce qu'il est convenu d'appeler « Nouvel hygiénisme » est en fait un ensemble de pratiques sociales qui reposent sur la consommation ostentatoire et la distinction sociologique d'une classe sociale en ascension (la new middle class).

MATTHEY, Laurent, WALTHER, Olivier. Un « Nouvel hygiénisme » ? Le bruit, l'odeur et l'émergence d'une new middle class. Articulo - Journal of Urban Research, 2005, no. 1, p.

1-14

DOI : 10.4000/articulo.931

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:77104

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Articulo - Journal of Urban Research

1 | 2005 :

Approches plurielles du quotidien

Varia

Un « Nouvel hygiénisme » ? Le bruit, l’odeur et l’émergence

d’une new middle class

L

AURENT

M

ATTHEY AND

O

LIVIER

W

ALTHER

Abstract

La tentation est grande aujourd’hui d’envisager un « Nouvel hygiénisme » qui façonnerait les espaces urbains et les corps. Cet article défend cependant l’hypothèse que ce qu’il est convenu d’appeler « Nouvel hygiénisme » est en fait un ensemble de pratiques sociales qui reposent sur la consommation ostentatoire et la distinction sociologique d’une classe sociale en ascension (la new middle class).

Index terms

Mots­clés : hygiénisme, middle class, bourgeoisie, propreté, gentrification

Full text

Voilà ce qu’on nous inculquait : les basses classes sentent. Voilà bien le type de la barrière infranchissable. Car aucun sentiment, de goût ou de dégoût, n’est aussi solidement enraciné que le sentiment physique.

George Orwell, 1937 (2000), Le quai de Wigan : 143.

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Médecins et Monsieurs­propres de la bourgeoisie

Un « Nouvel hygiénisme » propre comme un sou neuf ?

Au XIXe siècle, deux discours se rencontrent. Celui de l’hygiène, qui émane du monde médical. Celui de la propreté, qui part d’une classe sociale en ascension, la bourgeoisie. Pour l’un, il s’agit d’assainir. La ville est un « suicide collectif » ; la médecine, sous la plume romanesque du Dr Richard Smollet, déplore «  la poussière, les fumées, les immondices » de Londres (Corbin, 1988 [1997] : 74). Il faudra bientôt aérer, éclaircir, nettoyer. Pour l’autre, il convient de ne pas dépasser les limites. Il est nécessaire de rester dans les frontières de son corps, de ne pas incommoder par son odeur, de respecter la privacy de l’autre. La propreté est donc un nouveau rapport au corps qui tient de la discipline. Elle est un discours social qui renvoie non pas à l’hygiène, mais au contrôle de soi (Vernex, 1994). C’est dans la rencontre de ces deux discours que naît l’hygiénisme, alors que l’on glisse de l’« hygiénique au moral » (Corbin, 1988).

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Les slogans l’affirment, «  une société sera d’autant plus moralisée qu’elle sera décrassée  » (Journal de la Société vaudoise d’utilité publique, 1869, cité par Heller, 1979). « L’individu qui s’est lavé, qui s’est débarbouillé, marche d’un pas alerte,  le  visage  frais,  l’esprit  dispos,  et  peut  réellement  produire  mieux  et  plus vite » (ibid.). Alors il faut laver. Tout, et tous. À commencer par les plus pauvres,

« les  classes  dangereuses  » pour reprendre l’expression de L. Chevalier (1958),

«  les  monstres  tapis  dans  le  soubassement  de  la  ville  » (Corbin, 1991 [1998]  : 216). Ainsi, une nouvelle sensibilité olfactive se manifeste dans la diffusion de thèses qui démontrent scientifiquement que les pauvres dégagent une odeur plus intense, travaillant sur le socle des traités d’osmologie, qui depuis 1750, au moins, s’essaient à une taxonomie des odeurs urbaines, cherchent à en quantifier le volume per capita et élaborent une cartographie de leur répartition (Corbin, 1988 [1997]).

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Ainsi l’hygiénisme réalisera son projet moral en s’inscrivant dans l’espace — et singulièrement l’espace urbain — et dans les corps. Il relève de ce que M. Foucault a appelé le «  biopouvoir  » (1976 [1994]), un pouvoir de gestion de la vie, qui circule de proche en proche, dans des procédures de normalisation intersubjectives  ; dans sa logique de fonctionnement, il tient de ce que M.

Foucault, encore, a identifié comme des « micro­pouvoirs » (1975 [1993]). Présent partout et toujours, l’hygiénisme suit l’agent social et le contrôle pour son bien, passe par des institutions et des individus, par des discours et des actes. Comme les micro-pouvoirs de M. Foucault, l’hygiénisme produit de la parole plutôt qu’il ne la réprime ; il incite à l’aveu pour identifier le déviant. L’hygiénisme travaille la norme plus que la loi, attribut du Pouvoir et non des micro-pouvoirs.

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L’hygiénisme est cette forme de régulation qui aspire à s’occuper de tout ; cette forme de contrôle sociétal qui tend à la normalisation sans limites et à l’évacuation de la parole alternative dans une prétention à l’universalité d’une norme historique. L’hygiénisme est un discours qui est sorti des faits pour contrôler un ensemble social. Il assure une fonction de régulation. La structure sociale dans laquelle il naît est celle de l’industrialisation. L’acteur qui en use est issu d’une classe sociale en ascension : la bourgeoisie industrielle.

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Or, si autour de vous vos amis ont définitivement arrêté de fumer, s’ils font

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Le Nouvel hygiénisme

L’Espace : des villes « propre en ordre » ?

leurs yaourts bio eux-mêmes, s’ils vous lisent le dernier manuel d’une maison d’édition vous promettant une jeunesse éternelle, s’ils ne «  jugent pas  », s’ils se laissent insensiblement pousser les cheveux jusqu’à mi-yeux, la tentation est grande d’envisager, à la façon de certains journalistes (par exemple Haberli, 2005 ; Rivoire, 2005) l’émergence d’un « Nouvel hygiénisme ». Un état d’esprit qui se veut avant tout bienveillant, soucieux de votre santé, de votre bien-être, de la durée de votre existence, de votre insertion heureuse dans un monde chaleureux et ouvert à l’autre où chacun a sa place (et doit rester à sa place ?).

C’est cette thèse que nous voudrions discuter, d’abord en dégageant ses saillances. Puis en rappelant qu’analogie ne veut pas dire homologie. La disparité des phénomènes rassemblés sous l’intitulé de « Nouvel hygiénisme » parle d’autre chose que d’une forme de régulation née du capitalisme industriel et de la bourgeoisie marchande.

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Au travers de nouvelles formes de consommation ostentatoire et de processus de différenciation sociologique qui se servent du «  désancrage  spatial  et temporel » des cultures (Werlen, 2003 : 14) dans une inflation sémiologique, il se peut en effet que le « Nouvel hygiénisme » nous raconte l’histoire de l’injonction paradoxale à la fluidité et au besoin d’enracinement à laquelle est soumis l’individu narcissique du capitalisme contemporain (Lipovetsky, 1983)  ; une injonction paradoxale qui s’inscrit dans l’espace et dans les corps. À partir de ce présupposé, nous tenterons de dégager un programme empirique dans le prolongement de notre hypothèse, selon laquelle ce qu’il est convenu d’appeler le

« Nouvel hygiénisme » est en fait un ensemble de pratiques sociales qui reposent sur la consommation ostentatoire et la distinction sociologique d’une classe sociale en ascension, caractérisée par une tendance à la conscience de soi.

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Pour certains, le «  Nouvel hygiénisme  » est en marche dès lors que la société occidentale est confrontée à l’imposition de nouvelles normes sociales, forgeant le

« citoyen responsable ». Par un curieux paradoxe, ce « Nouvel hygiénisme » serait de nature conservatrice, malgré les apparences, puisqu’il s’écarterait peu de ses valeurs et de ses instruments anciens, notamment celui d’un souci de la santé comme gage de moralité. Ainsi l’Université, par exemple, serait une configuration sociale typique de ce «  Nouvel hygiénisme  ». On y verrait s’y développer simultanément une prohibition de la fumée, des politiques de valorisations de l’activité physique ayant pour cible tant les étudiants que les salariés de l’Institution et une auto-organisation de la vie collective autour d’activités de loisir normalisées à l’excès. Tout cela dans un contexte qui insiste sur la nécessité que tous participent, que personne n’oublie de venir «  faire la fête  », dans le même temps que le personnel technique ramasse les tracts politiques pour promouvoir un «  espace neutre  » dans les cafétérias. Ces principes s’appliqueraient certes à l’Université, mais également à la Société et à l’Entreprise dans leur ensemble, engagées dans une configuration typique du « Nouvel hygiénisme » en ce qu’un nouvel aménagement de l’espace et des corps se mettrait en place au moment où ces institutions entrent dans une phase de recomposition et de réforme de leurs structures.

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Le Corps : plastiques parfaites et

Le « Nouvel hygiénisme » est supposé œuvrer dans le façonnement des espaces urbains. De fait, il s’agit effectivement, dans les politiques urbaines, de faire des villes «  propres  », comme le souhaitent les mairies de Paris, de Berne ou de Lausanne (Wolf, 2002), c’est-à-dire sûres. Et de même que l’haussmannisation de la ville du XIXe siècle s’est accomplie en rejetant les « classes dangereuses » en marges, la réhabilitation contemporaine des centres urbains nécessite de rejeter toutes les aspérités sociales. Bruit et odeur des « quartiers populaires » relèvent des espèces en voie de disparition dans certaines capitales comme New York, Londres ou Paris. Tout y est propre, lisse, «  sympa  ». Selon le principe de la

« tolérance zéro » développé par l’ancien maire de New York Rudolph Giuliani, les drogués et les marginaux sont invités à gagner, comme à Lausanne, un espace de

« Solitude » (Russier, 2005) où leur présence ne sera plus aussi visible.

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À ce titre, le «  Nouvel hygiénisme  », à travers ses comités de quartiers et son urbanisme de communautés inspiré du monde anglo-saxon, glisse lentement vers un modèle sécuritaire. Prenant appui sur une conception de l’espace proche du

«  propre en ordre  » helvétique, il cherche à homogénéiser et à s’approprier l’espace public, sans pour autant poser de frontières de fer. En cela, il se distingue des gated communities érigées sur le modèle des forteresses privées en périphérie des villes nord et sud-américaines. À Paris, le Xe Arrondissement est ainsi le théâtre d’une lutte récente des habitants contre les incivilités  — «  urine  de prostatique, vomis d’ivrognes, crottes de chien » (Duvert, 2005) — dont la finalité semble être d’imposer un mode de vie standardisé. De la même manière, la réunification et la nouvelle centralité de la ville de Berlin conduit manifestement à la transformation avancée de certains quartiers. À l’image de Preuzlauerberg, ancien quartier ouvrier investi par les artistes au temps de la RDA et dont les boutiques, ateliers et autres galeries sont aujourd’hui investies par de jeunes

«  avant-gardistes  » (graphistes, publicistes, designers, critiques littéraires) consommateurs de lifestyle (Modoux, 2005).

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La modification des rapports que les nouveaux habitants de ces quartiers entretiennent avec l’espace public, la trace spatiale d’un «  Nouvel hygiénisme  » apparaît encore dans l’onomastique des lieux de sociabilités. La mode est au mot aérien, à l’appellation décalée, à l’abstraction. Les « Grappe d’Or », « Pressoirs » et autres « Café du Raisin » déclinent. Trop typés, trop esprit de vin. Les bars ne doivent plus ressembler à des bars. Ainsi, certains établissements proposent-ils des consommations d’oxygène ou des soirées sans fumée et sans alcool. Dans le même temps, l’aménagement mobilier de ces lieux de sociabilités se modifie.

D’une certaine manière, on est passé de la cuisine au salon. La table de bistrot, semblable à la table des cuisines ouvrières, s’est transformée en table basse. La chaise a cédé la place au canapé. Ce sont les référentiels spatiaux de certains comportements qui ont été ainsi gommés. Le salon est un espace plus policé. Et le mobilier propre et cossu des nouveaux espaces de sociabilités est un moyen très efficace de filtrer certaines populations qui se sentiraient trop en discordance avec

« l’esprit du lieu ». Une façon comme une autre de dire, à voix basse, mais avec une grande violence symbolique, «  allez boire ailleurs  !  ». Une approche géo- sémiotique de la mise en signes de ces lieux permettrait sans doute d’expliciter la manière dont le rapport à l’espace public de la rue est filtré pour assurer une (re)production d’espaces communautaires.

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On pourrait donc parler ici de « Nouvel hygiénisme » en ce que la réhabilitation, la propreté de la forme urbaine, vise à l’ordre, à la normalisation et au contrôle d’une frange de la population.

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plaisirs non toxiques

Big Brother ajoutait quelques remarques sur la pureté et la recherche de la vie du camarade Ogilvy. Il avait renoncé à tout alcool, même au vin et à la bière. Il ne fumait pas. Il ne prenait aucune heure de récréation, sauf celle qu’il passait chaque jour au gymnase.

George Orwell, 1950 (1997), 1984 : 72.

En ce qui concerne les corps, le «  Nouvel hygiénisme  » semble promouvoir l’époque des plastiques parfaites et des plaisirs non toxiques. D’une part, à travers la chirurgie, le sport et les régimes alimentaires, il tend à maintenir une ligne qui s’apparente à un ensemble de courbes stéréotypées. Seins, ventres, lèvres, fesses, nez : le corps entier serait à re-créer, et singulièrement celui de la femme. D’autre part, il militerait pour le risque-zéro en matière de santé, ou plus exactement pour le «  droit  à  être  à  l’abri  du  risque  » (Sagnard, 2005). Cette obsession de la sécurité marquerait profondément les corps, à mesure que les substances et les comportements «  à risques  » sont prohibés de la scène publique et privée.

Mauvaises graisses, sucre et alcools seraient accusés de pervertir un corps sain.

Mais c’est la cigarette qui prendrait le plus de coups.

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En menant sa croisade contre la fumée dans les lieux publics, le «  Nouvel hygiénisme  » aurait presque réussi à faire oublier qu’il y a peu, tout le monde fumait. La fumée, ce «  mélange plus ou moins dense et de couleur variable  » hautement toxique, était auparavant considérée comme un ingrédient indispensable de la vie sociale (Santé, 2005). Les gens fumaient avec panache, comme des sapeurs jaunissant les murs. Le «  Nouvel hygiénisme  » aurait aboli cela, dans un nombre croissant de lieux publiques  : universités, avions, halls en tous genres, bientôt les trains suisses. Il entreprendrait de combattre la fumée au nom de valeurs sanitaires et selon une technique en trois temps  : d’abord en décrétant une séparation provisoire à l’intérieur d’un lieu public, dans l’illusion d’une cohabitation possible («  université sans fumée mais pas sans fumeurs  »), ensuite en décidant brutalement de la supprimer («  université sans fumée  » et sans fumeurs), finalement en conviant tout le monde pour en discuter. Dans cette chasse au fumeur, la «  politique du bien-être  » se révèlerait imparable.

Progressivement classés dans le registre des ennemis d’une société « humaniste, critique et responsable, autonome et solidaire » (Université de Lausanne, sd), les adeptes du goudron vivraient cette entreprise de nettoyage social avec résignation.

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Mais le « Nouvel hygiénisme » ne se contenterait pas d’aménager le présent. Il aurait encore la prétention de réviser l’image passée de certaines personnalités publiques (Malraux, De Gaulle, Gainsbourg), fumeurs invétérés. Ainsi de Sartre, que l’on a pu apercevoir, sur une affiche promotionnelle de la Bibliothèque nationale de France, privé de son mégot (Rivoire, 2005). Certains trouveront que ce gommage n’a pas l’ampleur totalitaire des pratiques de révisionnisme historique de l’ancienne URSS et ils auront probablement raison. Il n’en reste pas moins que ce type de pratiques est dérangeant, pour deux raisons. Premièrement, considérer Sartre sans sa cigarette, c’est postuler que l’on peut isoler, à l’intérieur de la figure historique d’un philosophe, ce qui est utile pour notre époque et ce qu’il convient de cacher. C’est une forme de couper-coller courante dans la société post-moderne, qui s’intéresserait davantage aux contours historiques qu’aux contenus idéologiques du passé. Deuxièmement, on ne peut s’empêcher de penser que cette entreprise revient à façonner le passé à l’image du présent. À l’heure où Photoshop ® devient un instrument incisif des politiques néohygiénistes, il y a lieu de s’interroger  : le «  Nouvel hygiénisme  » serait-il en voie de construire un nouvel ordre social basé sur l’injonction de l’auteur de 1984 selon laquelle : « pour diviser  et  continuer  de  diriger,  il  faut  être  capable  de  modifier  le  sens  de  la

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Consommation ostentatoire : marquer une différence en canalisant le désir

réalité » (Orwell, 1950 : 305) ?

De ces quelques exemples à l’appui de la thèse du «  Nouvel hygiénisme  », il ressort surtout une propension au recyclage et à l’assimilation généralisée des autres cultures à des rites de consommation. Par conséquent, à mesure que le

« Nouvel hygiénisme » s’imposerait comme une manière d’être, il commanderait également des modes de consommation nouveaux et stimulerait la croissance d’une économie de désirs illimités. On sait en effet que l’envie, née de l’insatisfaction, elle-même générée par la publicité, accroît la consommation ostentatoire (Veblen, 1899 [1978]) et qu’elle permet, à ceux qui ont « bon goût », de reconnaître ce qui est branché et de marquer leur distinction (Bourdieu, 1979).

Il semble d’ailleurs que cette logique ne connaisse pas de limites. Comme l’affirme Veblen (1899 [1978]  : 23) «  jamais  aucun  accroissement  de  la  richesse  sociale n’approche  du  point  de  rassasiement  tant  il  est  vrai  que  le  désir  de  tout  un chacun  est  de  l’emporter  sur  tous  les  autres  par  l’accumulation  des  biens.  Si l’aiguillon  de  l’accumulation  était  le  besoin  de  moyens  de  subsistance  ou  de confort  physique,  alors  on  pourrait  concevoir  que  les  progrès  de  l’industrie satisfassent peu ou prou les besoins économiques collectifs ; mais du fait que la lutte est en réalité une course à l’estime, à la comparaison provocante, il n’est pas d’aboutissement possible ».

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Dans une société où la subsistance passe nécessairement par la consommation de symboles marchands, le « Nouvel hygiénisme » apparaît comme un « guide du consommateur  » bienveillant pour ceux qui décryptent son «  code  » et impitoyable pour les autres. Il canalise les désirs — et d’abord celui de transcender la mort —, soumet les esprits à l’illusion du libre-arbitre et, par ce biais, parvient à conjuguer l’idéal d’une société libertaire avec des principes directeurs en réalité très conservateurs. Le «  Nouvel hygiénisme  » possède des yeux qui voient les

«  marques  » de la consommation et de la norme sociale, un nez qui sent la

« fumée qui pue » et des oreilles qui écoutent le bruit des déviances socialement inacceptables. En cela, il s’éloigne peu de la morale bourgeoise.

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Mais la fonction de ce qu’on appelle le «  Nouvel hygiénisme  » n’est pas exactement celle de l’hygiénisme dix-neuvièmiste. Ce qui est aisément compréhensible dès lors que la structure sociale n’est plus la même. Ce qu’on regroupe sous l’appellation de « Nouvel hygiénisme » relève en fait de stratégies de consommation ostentatoire, de différenciation sociologique, par lesquelles une nouvelle bourgeoisie est en train de se cristalliser, de prendre corps comme classe.

Ce qu’on observe présentement, et que l’on nomme de manière impropre « Nouvel hygiénisme  » est en fait la forme que prend dans l’espace et dans les corps, l’émergence d’une conscience de classe de la new  middle  class des chercheurs anglo-saxons (voir Ley, 1996). Une conscience de classe qui passe par la consommation de signes dans un processus d’inflation sémiotique, susceptible de rendre visible, lisible, identifiable, une différence.

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L’émergence de cette new middle class est à mettre en lien avec une nouvelle forme d’accumulation et de régulation dans la longue histoire du capitalisme. Le capitalisme est, on le sait, divers et en mutations incessantes. À un système d’accumulation fordiste, progressivement mis en place dans les pays occidentaux à partir de la crise des années 1930, caractérisé notamment par la consommation de masse de biens standardisés et l’importance des régulations macro-économiques, s’est substitué un mode d’accumulation flexible marqué par une

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L’Espace ou comment transformer les centres­villes en produits de lifestyle

L’urbanisme est cette prise de possession de l’environnement naturel et humain par le capitalisme qui, se développant logiquement en domination absolue, peut et doit maintenant refaire la totalité de l’espace comme son propre décor.

Guy Debord, 1967 (1992), La Société du Spectacle : 165.

Moi, je croyais à la politique travailliste, mais le parti travailliste en tant que tel n’existe plus de nos jours, il n’y a plus qu’une bande de yuppies qui se pavanent dans Islington et Notting Hill, le genre de quartiers qui avaient une identité, une authenticité quand on était ados, et sont aujourd’hui dévitalisés, dévastés par ces bourges de merde qui se nourrissent comme des vampires de la culture des autres.

John King, 2003, Human Punk : 338.

« démassification » de l’économie et une « customisation » de la production alors que les machines-outils programmables permettent une variation supposée sans fin de la marchandise. Une bourgeoisie succède à une autre. La vieille bourgeoisie industrielle cède la place à la masse d’une classe moyenne adaptée aux nouveaux modes de production  : plus «  souple  », diplômée des hautes écoles et des universités, consommatrice d’authenticité, d’«  ouverture d’esprit  », d’« adaptabilité » et de formes pudiques de pouvoir.

Il s’agit pour cette nouvelle classe moyenne en ascension de se donner à voir en tant que classe sociale légitime dans des modalités spécifiques de consommation, dans un genre de sociabilités festives corrélatif à une idéologie du temps libéré, dans un rapport à soi source de classement qui emprunte à la « caisse à outils » des autres cultures, dans un narcissisme de la «  petite différence personnelle  », pour affirmer sa puissance ou sa volonté de puissance.

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La section suivante, consacrée à la manière dont la consommation ostentatoire s’inscrit dans l’espace et dans les corps, sert à illustrer la thèse selon laquelle le fait de consommer selon une logique ostentatoire n’est pas une garantie d’innovation sociale et que, consécutivement, les formes de prodigalité ostentatoires observées se conforment à des impératifs de classe et s’apparentent à des mécanismes conservateurs. Cela devrait suffire à montrer que l’émergence d’une nouvelle classe moyenne, malgré ses apparences, ne signifie pas l’émergence de rapports sociaux plus égalitaires.

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Avec le développement du secteur des services et la croissance de l’industrie culturelle, une nouvelle classe moyenne, le plus souvent théorisée comme créative, s’est constituée. Cette nouvelle classe moyenne, attirée par les attributs sociaux et spatiaux des centres anciens, tend à les réinvestir, puis à les subvertir, à les transformer dans un sens qui correspond à son ethos et à son eïdos. La gentrification a ainsi modifié l’aspect social et physique des centres-villes. Ce phénomène a commencé au milieu des années 1980 avec l’arrivée des DINKS (Double  Income  No  Kids) dans les quartiers ouvriers des grandes villes états- uniennes. «  Les  vieux  logements  ont  été  rénovés,  de  petits  immeubles  ont  été convertis  en  maison  individuelle  à  destination  de  la  classe  moyenne,  dans  le même temps que bâtiments industriels et entrepôts étaient transformés, par des promoteurs immobiliers, en appartements de luxe » (Valentine, 2001 : 216). Cette réhabilitation est un visage de la gentrification, c’est-à-dire un remaniement urbanistique et social occasionné par le retour en ville des trentenaires salariés des industries de la culture, de l’information ou de l’amusement, par l’arrivée dans

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des quartiers anciens de populations dotées de forts capitaux économiques et/ou culturels. La gentrification s’exerce dans les formes, mais également dans le rapport que les habitants branchés des quartiers gentrifiés entretiennent avec l’espace public.

Très schématiquement, deux grands types d’explications sont privilégiés pour expliquer la gentrification  : la thèse du rent  gap (Smith, 1982)  ; la thèse du lifestyle  choice (Ley, 1980  ; Mills 1988). Selon la thèse du rent  gap, la gentrification n’est pas « un retour des gens en ville, mais un retour en ville du capital » (Valentine, 2001 : 216). C’est parce qu’on a investi dans la reconversion des centres, que la nouvelle classe moyenne y est retournée. Or, l’investissement dans la reconversion de ces centres s’explique par l’existence d’un différentiel défavorable (un gap) entre la valeur marchande et la valeur potentielle des biens immobiliers situés dans le centre-ville. On se situe ici dans une logique qui est celle de l’accumulation du capital.

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Pour la thèse du lifestyle choice, « la consommation de biens immobiliers, tout comme la consommation d’autres types de biens, est susceptible de jouer un rôle important dans la formation des identités individuelles » (Valentine, 2001 : 216).

C’est cette quête d’identité, par l’intermédiaire d’un style de vie et par la consommation des signes d’un genre de vie, qui expliquerait le retour en ville de la nouvelle classe moyenne et qui déterminerait le fait que « les lofts et les studios sont  remplis  de  gens  qui  ont  conscience  de  jouer  leur  rôle  sur  la  scène  d’une performance urbaine » (Klein, 2000 : 14).

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En pratique, ces deux modes d’explications se combinent. Retour en ville du capital et consommation spectaculaire des signes d’un mode de vie collaborent d’un nouveau mode d’accumulation capitalistique et sont à mettre en lien avec le nouveau système socio-technique d’une classe sociale en quête de conscience de soi. Quand les lieux de sociabilités changent de nom, se tournent vers une onomastique abstraite et décalée, il faut plutôt lire un indice de la recherche de la petite différence qui distingue et permet de définir une enclave communautaire dans l’espace public, où des « gens comme nous » peuvent se retrouver, discuter, converser, « faire du lien », s’identifier, se classer et classer ceux qui n’en sont pas.

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En ce sens, il existe une typologie des espaces gentrifiés qui reflète la stratification de la nouvelle classe moyenne. Si la table et la chaise de bistrot semblent avoir cédé devant l’ambiance salon et cosy du canapé et de la table basse, ces lieux de sociabilités saturés de codes sont strictement hiérarchisés et leur population ne se mélange pas l’une à l’autre. Gentrifieurs arty, tertiaire à lunettes, tertiaire à mallette, tertiaire à talons, tertiaire ethnique se distribuent des espaces réservés par lesquels ils s’affichent dans un nouveau paysage de la consommation qui les distinguent et les classent. C’est ainsi que la gentrification apparaît, pour se couler dans le langage de A.  Clerval (2005), comme «  un processus  spatial  de  différenciation  sociale  dans  l’espace  urbain  »  ; «  [p]lus qu’une  simple  question  d’adresse,  ces  choix  sont  […]  la  pierre  angulaire  d’une stratégie de distinction sociale, voire de prise de pouvoir sur la ville ».

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Dans l’espace urbain, la gentrification se nourrit d’un rapport nouveau et festif à la cité. Les foires, comptoirs et autres comices agricoles d’antan ont vécu. Place à la « ville festive ». Cette nouvelle injonction est directement liée à l’augmentation du temps libre, dont les travailleurs imaginent qu’elle constitue une victoire assurée sur le temps consacré à l’activité professionnelle. Pour G. Debord (1967 [1992]  : 29), cependant, «  cette  inactivité  n’est  en  rien  libérée  de  l’activité productrice  :  elle  dépend  d’elle,  elle  est  soumission  inquiète  et  admirative  aux nécessités et aux résultats de la production. […] Ainsi l’actuelle "libéralisation du travail", l’augmentation des loisirs n’est aucunement libération dans le travail, ni libération d’un monde façonné par ce travail ». Sorti de la routine hebdomadaire et de l’aliénation des rapports de production, l’employé n’en consomme pas moins

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Le Corps : cariculture et exotisation du proche

durant son temps libre selon une logique inspirée par le système économique.

Pour le plus grand nombre, le temps libre est d’abord l’occasion de «  faire la fête  ». Mais la multiplication des fêtes contemporaines et l’obligation de

«  s’éclater  » ne conduisent-elles pas à banaliser les occasions de réjouissances sociales  ? Car que reste-t-il à fêter, aujourd’hui que les références religieuses et agricoles se sont estompées, que le calendrier des saisons ne règle plus la vie sociale, que le mariage n’est plus nécessairement rite de passage d’un ordre social ? Dans une société qui a banalisé le défi, l’ouverture, repoussé les tabous et les interdits, les fêtes représentent-elles toujours la possibilité de transgresser, pour un temps, l’ordre établi ? Dans une société qui a sanctifié la consommation, quelle peut encore être l’importance de la fête, anciennement conçue comme une occasion rare et ritualisée de détruire des surplus ?

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Nos fêtes nous ressemblent. « Parodies du dialogue et du don » (Debord, 1967 : 154) pour certains, elles réunissent des individus plutôt qu’elles unissent des sociétés, fidèles en cela à la conception libérale d’un espace social constitué d’atomes indépendants, rapprochés, comme dans les after  works, par l’échange marchand. Selon cette conception, « la coexistence harmonieuse des hommes naît de l’échange marchand qui est tout à la fois un moyen de satisfaire leurs besoins et un mode d’agrégation du tout social » (Lochak, 1986 : 51). Pour d’autres, la fête continuelle résulte d’un certain fatalisme lié au caractère inéluctable du capitalisme, après la faillite des idéologies libertaires et révolutionnaires des années 60. Puisqu’il est impossible d’échapper au capitalisme, alors autant essayer de profiter de l’industrie ludique pour s’y éclater. Cette posture revient alors à accepter les contradictions du système  — être poussé à la productivité, mais s’amuser de plus en plus.

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Mais c’est aussi par l’intermédiaire d’un certain rapport au corps que cette new middle class se construit une conscience d’elle-même. De même qu’elle réinvestit les quartiers centraux en transition, la nouvelle classe moyenne se réapproprie la culture de l’autre dans un processus qui est celui de la cariculture, à savoir l’emprunt d’attributs à des cultures «  exotiques  » (tresses rasta, piercings et tatouages ethno, etc.) sans souci de cohérence mais dans une stratégie de signification d’une différence et d’une ouverture à l’autre supposée être le propre des gens «  évolués  ». Elle fait mine d’ignorer de ce fait qu’une culture ne s’approche pas par échantillons, mais comme un tout structuré et signifiant, producteur d’ordre et de sens. Oubliant que la vraie ouverture consiste dans la compréhension de ce «  tout  » radicalement «  étranger  », dans le même temps qu’il nous est proche parce qu’humain, le genre ethnique souple affirme une différence. Il donne à voir l’émergence d’un groupe social qui a un pouvoir de transformation par l’intermédiaire de ses modes de consommation. Un groupe social qui dans son rapport au corps, dans ses régimes, dans ses modes culinaires, affiche une différence et organise la société autour de ses pratiques de distinction (Bourdieu, 1979).

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Cette cariculture et cette exotisation du proche sont des formes particulières de

« consommation culturelle » (Raulin, 2000 : 25). Elles sont des consommations de biens et symboles ethniques qui dépaysent et enracinent dans un même mouvement, et permettent de répondre à l’exigence faite à la new  middle  class d’être à la fois flexible et authentique.

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C’est ainsi que l’on entre dans ce que les géographes du «  deuxième tournant

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Gentrifieurs de toutes les partys, unissez­vous !

culturel  » (Werlen, 2003  : 17) appellent le new  consumerism, alors que le

« nous » qui fonde un groupe renvoie « au partage d’éléments de styles de vie ».

« We are where we eat », affirmait le sous-titre d’une étude des nouveaux lieux de consommation (Bell et Valentine, 1997). Le rapport au corps, le rapport à la nourriture, la spatialisation de ce rapport, dans une temporalité spécifique, est source d’une conscience de groupe, qui en l’occurrence est une conscience de classe.

Le « Nouvel hygiénisme » est un processus d’émergence d’une conscience de la new middle class qui passe par la consommation de signes susceptibles de rendre identifiable une différence. Dans cette optique, on pourrait proposer un programme empirique qui s’attacherait à répondre aux questions suivantes :

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Comment la new  middle  class s’approprie-t-elle l’espace  ? Comment organise-t-elle la communication entre les différents sous-espaces (lieux de sociabilités, autres quartiers gentrifiés, etc.) de son territoire ? Quels sont les liens de hiérarchie entre les espaces de sociabilités de la new  middle class  ? Comment ces espaces fonctionnent-ils en tant que lieux symboliques de différentiation/reproduction sociale  ? Quelle est la structure sociale de ces espaces de sociabilité  ? Les relations entretenues entre les différents lieux de sociabilités qui composent l’espace de sociabilités de la new middle class peuvent-elles être analysées en termes de rivalité mimétique comme des équivalents des salons mondains du XXe siècle ?

Quelles sont les modalités d’investissement des anciens quartiers populaires par les agents de la new middle class ? Quel est le rôle joué par les avant-gardes culturelles dans la définition d’une nouvelle identité de quartier qui rend les anciens espaces ouvriers symboliquement attractifs ? Comment la new  middle  class se réapproprie-t-elle et subvertit-elle les signes de cette ancienne identité ? Quels sont les indicateurs de ce nouvel investissement  ? Quelles sont les causes de la multiplication des fêtes urbaines contemporaines ? Quelles sont les valeurs véhiculées par les villes qui se réclament « festives » ?

Quelles sont les formes de sociabilités que la new middle class entretient avec les « indigènes » ? Quels sont les modes d’exotisation du proche qu’y développe la new middle class  ? Comment la new  middle  class acquiert- elle une légitimité à son appropriation  ? Comment cherche-t-elle à se différencier par ses consommations culturelles  ? Comment le capitalisme parvient-il à conjuguer l’exigence de la customisation culturelle avec l’impératif de la production de masse  ? Comment le «  marquage  » publicitaire (branding) s’impose-t-il progressivement à l’individu et aux espaces publics ?

Le traitement empirique et monographique de ces questions devrait permettre de répondre à une interrogation plus générale, qui est celle de savoir comment une classe sociale en ascension prend conscience d’elle-même.

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Le détour par le concept de « Nouvel hygiénisme », certes impropre à saisir la complexité des mécanismes producteurs d’identité de la new middle class, n’aura pas été inutile. En montrant que la bourgeoisie renouvelée s’exprime aujourd’hui

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Bibliography

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par des signes urbains et corporels distinctifs, le «  Nouvel hygiénisme  » met le doigt sur certaines transformations sociales. Il échoue cependant à montrer le véritable ressort de ces transformations qui est plutôt à chercher du côté d’une économie du signe ostentatoire à laquelle sont soumis les individus de la société post-moderne. Léger, lisse et ethno  : l’individu d’aujourd’hui est travaillé par le désir de consommation distinctive, subtilement distillé en lui par la publicité et l’envie mimétique (Girard, 1961 [2003]).

Dans l’espace urbain, cette distillation s’exprime par le recours à de nouvelles sociabilités aux vertus supposément ouvertes sur le monde, mais aux effets véritablement ségrégatifs. La gentrification, c’est son nom avoué, investit et subvertit les quartiers délaissés par l’ancienne bourgeoisie (espaces ouvriers, lieux industriels, etc.) ; elle marque l’espace par la rénovation de bâtiments lourdement signifiants et la mise en place de ce qu’il faut bien appeler des dispositifs sémiotiques de (re)production d’un groupe social.

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Dans les corps, cette distillation forge un homme et une femme nouveaux, qui vont chercher sans fin à donner à leur matière première corporelle les formes stéréotypées de la performance, du désir facile, du maintien de soi, en même temps qu’ils s’inspirent d’une culture-monde raccourcie à sa caricature.

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Ce mouvement, qui porte l’élite d’aujourd’hui à « s’éclater » et à « chausser des tongs » est très fondamentalement un mouvement qui s’éloigne de l’égalitarisme et se rapproche du conservatisme bourgeois. Il résulte d’un nouveau conformisme qui se donne l’illusion de la vogue. Mais Bourdieu écrivait déjà en 1979 (183)  :

« par un paradoxe apparent, le maintien de l’ordre, c’est­à­dire de l’ensemble des écarts, des différences, des rangs, des préséances, des priorités, des exclusivités, des  distinctions,  des  propriétés  ordinales  et,  par  là,  des  relations  d’ordre  qui confèrent  à  une  formation  sociale  sa  structure,  est  assuré  par  un  changement incessant des propriétés substantielles (c’est­à­dire non relationnelles) ».

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About the authors

Laurent Matthey

Laurent Matthey is director of the Fondation Braillard Architectes in Geneva. He also is Head of Research at the Centre for Urban Studies and Sustainable Development (OUVDD) of the University of Lausanne and Research Associate at the Institute of Environmental Sciences of the University of Geneva. Email: Laurent.matthey@braillard.ch

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Olivier Walther

Olivier Walther is a Researcher at the Department of Geography, Centre for Population, Poverty and Public Policy Studies in Luxembourg, and a Research Associate at the Department of Geography, University of Bordeaux III in France. He holds a PhD from the University of Lausanne and the University of Rouen. His major research interests lie in informal economic networks and cross­border integration in West Africa. Aside from West African studies, Olivier Walther is involved in several research projects dedicated to cross­

border metropolitan integration in Europe. Email: olivier.walther@ceps.lu

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