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Article pp.87-92 du Vol.36 n°206 (2010)

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Texte intégral

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D O S S I E R

Les opportunités d’affaires

sous la direction de

Didier Chabaud

Karim Messeghem

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L

a littérature managériale souligne très souvent le succès d’entrepre- neurs comme Richard Branson, Steve Jobs, ou encore Vincent Bolloré, qui ont su créer des empires industriels et finan- ciers en tirant profit de nombreuses oppor- tunités d’affaires. Cependant, comment crée-t-on ou repère-t-on de nouvelles opportunités d’affaires ? Comment par- vient-on à construire un business model créateur de valeur ?

La réponse à ces questions donne lieu dans le monde anglo-saxon à de nombreux

débats depuis une dizaine d’années. Le champ de l’entrepreneuriat en est le pre- mier marqué : une nouvelle approche intégratrice du champ de l’entrepreneuriat (Shane, 2003), voire un paradigme (Verstraete et Fayolle, 2005), en a résulté depuis les articles de Venkataraman (1997) et de Shane et Venkataraman (2000) pour lesquels l’entrepreneuriat est « l’analyse académique de la façon dont sont décou- vertes, créées et exploitées les opportuni- tés de mettre sur le marché de nouveaux biens et services, par qui et avec quelles DIDIER CHABAUD

Université Cergy-Pontoise ; EM Normandie KARIM MESSEGHEM

Université Montpellier 1

Stratégie

et entrepreneuriat

Les opportunités, ruptures et nouvelles perspectives 1

DOI:10.3166/RFG.206.87-92 © 2010 Lavoisier, Paris

I N T R O D U C T I O N

1. Ce dossier découle d’une réflexion collective conduite, lors de la table ronde « Quelles “opportunités” au croi- sement de l’entrepreneuriat et de la stratégie ? » tenue lors de la XVIIeconférence de l’AIMS (2008), avec Camille Carrier, Alain Fayolle et Olivier Germain. Que tous, participants et auditeurs, soient ici remerciés pour leurs commentaires.

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conséquences » (p. 218). Cet article, qui est l’un des plus cités de ces dernières années (Sorenson et Stuart, 2008, p. 520)2, conduit – outre leur proposition pour faire de l’entrepreneuriat un « champ prometteur de recherche » – à plusieurs questions et sources de réflexion : dans quelle mesure est-il possible de créer de la valeur ? Comment créer ou repérer de nouvelles opportunités et comment stimu- ler la créativité, individuellement mais aussi collectivement ?

Cependant, l’intérêt va bien au-delà du champ de l’entrepreneuriat, dans la mesure où la stratégieet l’organisationvont elles- mêmes influencer la capacité de l’entre- prise à repérer, créer ou exploiter des opportunités. Et, naturellement, le monde anglo-saxon voit se multiplier les travaux qui cherchent à cerner la façon dont les opportunités sont créées ou repérées et la façon dont les champs de l’entrepreneuriat et de la stratégie doivent s’emparer de la question des opportunités. Les revues généralistes, comme Academy of Manage- ment Review, leJournal of Management, le Journal of Management Studies, ou les revues spécialisées, comme le Journal of Business Venturing, publient des travaux nombreux sur ce thème. Plus récemment encore, la Strategic Management Societya créé une nouvelle revue – le Strategic Entrepreneurship Journal– dans le but de marquer l’importance du recouvrement qui en résulte entre stratégie et entrepreneuriat, et a consacré deux numéros spéciaux à la question – l’un théorique et l’autre empi- rique (Alvarez et Barney, 2008a et 2008b).

Or, le domaine semble encore peu couvert en France et dans le monde francophone, mis à part quelques articles très récents qui sont l’œuvre d’auteurs hélas peu nombreux.

Ce numéro vise à proposer une mise en perspective des changements qui se sont opérés sur la question des opportunités, mais, plus encore, des nouvelles perspec- tives qui sont offertes à l’interface du mana- gement stratégique et de l’entrepreneuriat.

À cette fin, le texte de Didier Chabaud et Karim Messeghem montre combien la réflexion sur les opportunités prend appui sur une longue tradition intellectuelle – la tradition autrichienne – visant à saisir le fonctionnement des économies et sociétés.

Cette école conduit à des interprétations différentes, et ouvre la voie à un cadre inté- grateur du champ de l’entrepreneuriat, et renouvelle les relations entre le champ de l’entrepreneuriat et celui du management stratégique. Dans ce cadre, les articles de ce numéro spécial convergent pour considérer que les opportunités s’inscrivent dans des dynamiques collectives. Cependant, des différences de points de vue sont présentes.

Plus précisément, deux perspectives ont été privilégiées : la formation des opportunités et la place des opportunités au cœur du couple stratégie et organisation.

1. La formation des opportunités

La définition proposée par Shane et Venkataraman (2000) conduit à distinguer trois phases dans le processus entrepreneu- rial : la découverte, l’évaluation et l’exploi- tation d’opportunités. Cette première série d’articles se concentre sur les phases amont.

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2. Sorenson et Stuart indiquent que l’article a été cité 250 fois, et est le premier article cité des revues de l’Academy of Managementen 1980, avec deux fois plus de citations que le second article. Dans Google Scholar, cet article est cité 2 127 fois au 11 décembre 2009, 2 649 fois au 1eraoût 2010, ce qui témoigne d’un intérêt certain.

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Le texte de Camille Carrier, Louise Cadieux et Maripier Tremblay va se focali- ser sur l’intérêt des techniques d’idéation dans les démarches d’identification d’op- portunités. S’appuyant sur une expérimen- tation conduite avec trois groupes d’étu- diants expérimentés de MBA, elles montrent les mérites respectifs de trois techniques : carte mentale, objet fétiche, et wishful thinking.Ces techniques d’idéation reposent sur des principes de fonctionne- ment différents, qui vont d’une simple asso- ciation libre d’idées (carte mentale), à des réflexions hors de toute contrainte de réalité (wishful thinking), en passant par une tech- nique dans laquelle les réflexions sont orientées autour d’un point d’ancrage (objet fétiche). Chaque technique conduit à une mise en situation différente des partici- pants, et permet d’obtenir des idées plus ou moins nombreuses, mais aussi plus ou moins originales. Au-delà de cet apport, qui met en exergue l’intérêt de telles techniques pour soutenir des démarches collectives d’identification d’opportunité (250 idées ayant été générées, dont 21 jugées particu- lièrement prometteuses dans la région concernée), Camille Carrier, Louise Cadieux et Maripier Tremblay soulignent l’intérêt – pour les entrepreneurs, les mana- gers, mais aussi pour les collectivités locales – de mettre en place de telles démarches pour soutenir leur dynamisme économique.

Le texte de Didier Chabaud et Joseph Ngijol s’intéresse, quant à lui, à la façon dont l’en- trepreneur mobilise ses réseaux sociaux dans la poursuite d’opportunités. Si le thème est récurrent depuis Aldrich et Zimmer (1986), ayant généré près d’une centaine d’études depuis cette date, les auteurs se proposent de préciser la façon dont les réseaux sont mobi-

lisés dans la formation de l’opportunité.

Alors que la plupart des études existantes proposent des analyses en coupe instantanée, ils s’appuient sur six cas d’entreprises inno- vantes du secteur des services pour circons- crire le rôle des réseaux. Leur étude montre le rôle crucial des liens forts dans la forma- tion de l’opportunité – qu’il s’agisse de l’identification, de l’évaluation de l’opportu- nité ou de la mobilisation des ressources. Ce rôle, souvent minoré dans la littérature, apparaît central tant de manière directe, que de manière indirecte comme un moyen de mobiliser et d’approcher d’autres acteurs. Ce faisant, leur travail conduit à souligner l’inté- rêt d’études plus approfondies sur les pro- cessus de formation d’opportunité mais aussi les apports possibles en matière d’ac- compagnement des entrepreneurs.

Ainsi, la découverte ou l’exploitation des opportunités bénéficient-ils des collectifs, qu’il s’agisse de la mobilisation de réseaux sociaux ou de techniques d’idéation. À côté de ces approches focalisées autour de col- lectifs mobilisant des techniques d’idéation, ou étudiant la façon dont un entrepreneur s’appuie sur une dynamique collective pour déboucher sur une opportunité, les autres textes vont nous proposer d’ancrer la réflexion dans un cadre organisationnel.

2. L’opportunité au cœur du couple stratégie et organisation

La notion d’opportunité a toujours été très présente dans le champ du management stratégique depuis le modèle LCAG. Au cours des années 1980, nombreux ont été les auteurs qui l’ont placée au cœur de l’or- ganisation entrepreneuriale et de la straté- gie entrepreneuriale.

Le texte d’Alain Fayolle se propose, ainsi, de revenir sur la connexion entre opportuni- Stratégie et entrepreneuriat 89

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tés et organisation entrepreneuriale. Il sou- ligne combien les travaux sur l’orientation entrepreneuriale ont connu des développe- ments importants mais sans connexion, et rejoignent ainsi le constat de Ireland et al.

(2009) sur le besoin d’un cadre intégrateur permettant une capitalisation des connais- sances. Ils vont, cependant, choisir une voie différente de ces auteurs, en montrant – à la suite des travaux de Miller (1983) et Stevenson et Jarillo (1990) – combien la configuration organisationnelle influence le contenu des processus entrepreneuriaux, et l’attitude vis-à-vis des opportunités. Au- delà de cette proposition, ils montrent, sur la base d’une étude du cas L’Oréal, combien leur modèle met l’accent sur la cohérence des mécanismes organisationnels, et sur le rôle crucial de la culture d’entreprise pour stimuler les processus entrepreneuriaux.

Leur travail ouvre, enfin, la voie à des mul- tiples approfondissements tant théoriques qu’empiriques.

Le texte d’Olivier Germain présente le destin ambigu de l’opportunité en straté- gie. Si celle-ci a pu apparaître comme

« une notion au mieux triviale, sinon clan- destine, dans le vocabulaire de la stratégie », il souligne la diversité des pos- tures de l’opportunité dans ce champ : potentiel à repérer dans les approches tra- ditionnelles, l’opportunité doit être créée, voire est émergente, dans les approches modernes. Ce faisant, Olivier Germain montre comment la question des opportu- nités/occasions peut prendre une place centrale dans le champ de la stratégie et conduire à repenser « la » stratégie comme le management d’un flot continu d’oppor- tunités. Ce retournement conduit alors, grâce à des cas illustratifs, à mettre en évi- dence les ambiguïtés et les risques de rela-

tions entre « opportunité » et « stratégie ».

Au-delà, cela débouche sur une conception immanente de la stratégie.

CONCLUSION : VERS UNE ÉCOLOGIE DES OPPORTUNITÉS ?

L’interview de Robert Burgelman fournit, enfin, un éclairage stimulant de la part de l’un des fondateurs des approches focali- sées sur l’entrepreneuriat organisationnel.

Ses travaux – particulièrement l’étude approfondie conduite sur Intel – ont permis de prendre conscience de l’importance de la décentralisation de la réflexion stratégique, et des processus stratégiques autonomes (comprendre ceux conduits en marge de la politique officielle par les cadres intermé- diaires de l’entreprise).

Son échange avec Olivier Germain et Jean-Louis Lacolley sur une « écologie des opportunités » apparaît à la fois comme un contrepoint et une caisse de résonance aux articles présents dans ce numéro. Caisse de résonance, car sa discussion permet d’insis- ter sur la façon dont « les opportunités d’af- faires basées sur la technologie jaillissent souvent des capacités d’une organisation ».

Robert Burgelman nous invite alors à une étude approfondie de la façon dont les orga- nisations – et leurs processus de variation- sélection-rétention – inventent ou décou- vrent des opportunités, mais surtout parviennent à « transformer ces explora- tions en nouvelles opportunités d’exploita- tion ». Son interview est alors particulière- ment intéressante à rapprocher des articles d’Alain Fayolle et de Olivier Germain.

Mais contrepoint également, car Robert Burgelman va ouvrir des débats et avec des chercheurs intéressés par les opportunités, 90 Revue française de gestion – N° 206/2010

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en soulignant à la fois combien – pour lui – la distinction entre création et découverte d’opportunités lui semble superficielle, tout en donnant des éléments qui soulignent la façon dont les types d’opportunités influen- cent les modalités et processus de décou- verte/invention.

Ainsi, la question des opportunités, qui sus- citent maintes réflexions et débats aujour- d’hui, semble-t-elle en mesure de stimuler les recherches, mais aussi les pratiques. Sur le plan des recherches, les questions sont ouvertes, en matière de nature des opportu-

nités, de modalités de découverte ou de création, voire plus largement de connexion entre nature (des mécanismes) de l’organi- sation et opportunités. Mais, sur le plan pra- tique, la réflexion sur la façon de trouver des idées ou des opportunités, de convertir les idées en opportunités d’affaires, sur les mécanismes et culture organisationnels – voire institutionnels – favorables à la découverte et à l’exploitation des opportu- nités sont essentielles, car elles condition- nent le dynamisme économique des entre- preneurs et des territoires.

BIBLIOGRAPHIE

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Références

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