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Article pp.91-95 du Vol.36 n°205 (2010)

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Texte intégral

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D O S S I E R

Management des achats

sous la direction de

Richard Calvi

Gilles Paché

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D

ans l’éditorial du Monde de l’Éco- nomiedu 22 février 2010, Armand Hatchuel stigmatise avec véhé- mence l’importance inconsidérée prise par les acheteurs dans l’évolution des filières industrielles. Les déboires récents de Toyota, devant rappeler à grands frais des millions de véhicules à cause de la défaillance d’une pédale d’accélérateur, lui donnent l’occasion de souligner l’in- croyable responsabilité pesant à l’heure actuelle sur cette fonction en charge d’opti- miser et sécuriser les ressources externes de l’entreprise. Ainsi, pour lui, « avec la mon- dialisation, le travail des acheteurs va bien au-delà de l’achat… Pris entre les exi- gences de la production et la nécessité de

maintenir de bons prestataires en concur- rence, ils sont devenus les architectes des échanges industriels, avec les risques que comporte un tel rôle stratégique ». Les coordonnateurs du présent dossier parta- gent ce constat et invitent le lecteur à réflé- chir aux cadres théoriques capables de sous-tendre la nécessaire mutation des pra- tiques managériales pour une fonction somme toute peu connue des sciences de gestion, mais pourtant clé dans la dyna- mique de croissance des entreprises.

Le management des achats tient en effet désormais une place importante dans les organisations pour satisfaire aux objectifs de compétitivité des entreprises industrielles, commerciales et de services. L’attention que RICHARD CALVI

IAE, université PMF Grenoble 2 GILLES PACHÉ

Aix-Marseille Université,

BEM Bordeaux Management School

Management des achats

Renouvellements managériaux et théoriques

DOI:10.3166/RFG.205.91-95 © 2010 Lavoisier, Paris

I N T R O D U C T I O N

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les dirigeants portent à la fonction achats et approvisionnements depuis quelques années résulte de plusieurs facteurs convergents parmi lesquels l’externalisation, les proces- sus de globalisation et de délocalisation, mais aussi les contraintes émergentes liées au développement durable, le tout dans un contexte toujours plus tendu de concurrence par les prix et/ou l’innovation.

La professionnalisation des achats pro- gresse à grands pas et tend à se généraliser rapidement. Dans les banques, les compa- gnies d’assurance ou encore les administra- tions publiques, des départements d’achat ont été constitués en l’espace de quelques années et dotés de moyens importants. Dans les secteurs industriels les plus variés, de l’automobile à la micro-informatique, en passant par l’électroménager, la contribu- tion que les services achats peuvent appor- ter à l’innovation, à la productivité et à la qualité est devenue incontestable. Dès lors, il était naturel que les dimensions straté- giques de la fonction soient mises en exergue dans le monde professionnel.

Or, il faut admettre qu’au regard de cette mutation, les problématiques de manage- ment des achats demeurent encore relative- ment méconnues du monde académique. Par rapport aux autres disciplines de la gestion, rares sont les universitaires français qui ont contribué à faire connaître la fonction achats par leurs recherches, par leurs écrits ou par leurs enseignements, depuis la contribution séminale de Barreyre (1976). Alors même que se réunit chaque année une conférence mondiale portant sur le « supply manage-

ment » (il s’agit de la conférence IPSERA1), force est de constater la remarquable vitalité du champ dans le monde anglo-saxon… et la bien faible participation de la commu- nauté française (moins d’une dizaine de congressistes français, sur un total de 250, lors de la dernière édition de la conférence de l’IPSERA en 2009 à Wiesbaden).

Longtemps considérée comme une fonction

« support », souvent rattachée à la fonction production et mobilisant un savoir-faire administratif, la fonction achats a tardé à prendre une importance majeure dans le management des entreprises industrielles.

En corollaire, la recherche en gestion a tardé à considérer l’achat2 comme un champ d’étude à part entière. Il apparaît discrètement comme tel aux États-Unis, au milieu des années 1960, avec la première thèse soutenue sur ce thème à Harvard (Leenders, 1965), puis de manière plus offi- cielle avec la création de la première revue scientifique spécialisée en 1966 (le Journal of Purchasing & Materials Management, rebaptiséJournal of Supply Chain Manage- ment en 1999). Sous l’impulsion de la puis- sante National Association of Purchasing Managers (NAPM), devenue récemment l’Institute of Supply Management (ISM), la recherche américaine s’est structurée autour de centres d’excellence tels que le Center for Advanced Purchasing Studies (CAPS) de l’université d’Arizona dès 1986, ou encore de personnalités charismatiques comme Robert Monczka, de la Michigan State University3, initiant chemin faisantun véritable courant autonome d’études por- 92 Revue française de gestion – N° 205/2010

1. International Purchasing and Supply Education Research Association (http://www.ipsera.com/).

2. Nous parlons ici d’achat dit « industriel » par opposition à l’achat des ménages.

3. Pour une analyse de la structuration de la recherche américaine dans le domaine, le lecteur pourra se référer à Carter et al.(2007).

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tant sur le thème du management des achats (Ellram et Carr, 1994).

En Europe, la Grande-Bretagne, avec notamment la création en 1994 du Centre for Research in Strategic Purchasing and Supply (CRISPS) de l’université de Bath, et les Pays-Bas, avec le développement d’équipes spécialisées dans les universités d’Eindhoven, Twente ou encore Groningen, participent activement à la création d’une communauté académique dans le domaine.

Sous leur impulsion naîtra en 1994 la pre- mière revue académique européenne, le Journal of Purchasing & Supply Manage- ment. En France, l’évolution reste hélas encore plus lente et timorée. Le manage- ment des achats constitue rarement un domaine de recherche en soi mais plutôt un champ d’application pour des recherches menées dans le cadre d’un strict rattache- ment à une approche disciplinaire : écono- mie industrielle, marketing industriel, management stratégique, logistique, etc.

Pourtant nos universités et nos écoles de commerce produisent en France quelque 800 diplômés de master dans cette spécia- lité chaque année, portées par des équipes reconnues, notamment à Grenoble, Bor- deaux, Lyon, Strasbourg, Paris et Aix-en- Provence. Or, peut-on réellement former des managers achats performants sans assu- rer un renouvellement régulier des connais- sances et des schémas de pensée dans le domaine ? Nous proposons d’ouvrir le débat en espérant attirer l’attention du monde académique sur cette discipline, voire de motiver et de fédérer les efforts des chercheurs. Nous nous adressons aussi aux praticiens qui trouveront ici, il faut l’espé- rer, des éléments de synthèse capables d’ac- tualiser leur connaissance et de les aider à prendre du recul sur leur fonction.

Le dossier comprend au final cinq articles et un « point de vue » en forme d’ouverture et d’invitation à pousser plus loin la réflexion. Qu’il nous soit ici donné l’occa- sion de remercier les collègues sollicités par nos soins et ayant pris de leur précieux temps pour participer au processus d’éva- luation en double aveugle. Les quatre pre- miers articles adoptent volontairement une perspective de décloisonnement en mettant en exergue les liens existant entre achats, d’un côté, marketing, stratégie, gestion des ressources humaines et logistique, de l’autre. Le cinquième et dernier article choisit, pour sa part, d’attirer l’attention des preneurs de décision sur les risques de suivre des pratiques « à la mode », notam- ment en termes d’instabilité interne ; l’ur- gence est en fait de fonder les décisions et actions sur une combinaison éclairée de principes-clés en management des achats.

Mobilisant le reverse marketing, les travaux du groupe IMP ainsi que ceux consacrés à l’émergence de nouvelles structures organi- sationnelles ou key supplier management, Philippe Portier, Catherine Pardo et Robert Salle décrivent les tentatives de rapproche- ment entre marketing et achats, et en souli- gnent les limites. Sont discutés dans leur article deux éléments sur lesquels les analo- gies opérées entre marketing et achats sont habituellement fondées : 1) le concept d’in- terface marché, considéré comme « équiva- lent » qu’il concerne le marché aval (marke- ting) ou amont (achats); et 2) les processus managériaux, décrits comme quasi simi- laires qu’ils concernent le marketing ou les achats. Le concept d’asymétrie marketing est finalement évoqué pour mettre en évi- dence les écarts entre acheteurs et fournis- seurs, rendant improductif tout rapproche- ment homothétique entre les deux fonctions.

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Les directeurs achats justifient souvent le caractère « stratégique » de leur fonction par le poids que représentent les achats dans les comptes de l’entreprise. Mais une fonc- tion « lourde » est-elle automatiquement stratégique ? C’est à cette question que s’at- tache l’article de Richard Calvi, Gilles Paché et Pierre Jarniat. Les auteurs utilisent la grille de lecture issue de la resource based viewpour identifier à quelles condi- tions une fonction achats peut en théorie se targuer d’être stratégique. Ils illustrent le propos par un cas industriel qui paraît à ce titre exemplaire : la création et la gestion sur plus de dix ans par le groupe Salomon d’un réseau de sous-traitants roumains. L’article tente de tirer de cette expérience des ensei- gnements sur ce que pourrait être le futur des fonctions achats, plus enclines à gérer un réseau de ressources externes qu’à rechercher un pouvoir de marché fondé sur la faiblesse des investissements spécifiques.

Pour leur part, Arnaud Bichon, Nathalie Merminod et Dirk-Jan Kamann choisissent un angle d’attaque orienté gestion des res- sources humaines. La fonction achats, de par l’évolution des stratégies d’entreprise (externalisation, internationalisation, etc.) et du marché des fournisseurs (apparition de nouvelles zones de compétitivité, com- plexification de l’offre, etc.), exige un renouvellement des rôles de l’acheteur.

Leur article décrit et essaie de comprendre quels sont ces nouveaux rôles et en quoi ils impliquent de nouvelles pratiques managé- riales. L’objectif est de dresser une typolo- gie des divers rôles que l’acheteur est appelé à endosser, tant dans ses relations avec les partenaires externes de l’entreprise que dans ses relations avec les clients internes. Il en résulte des situations de ten- sion liées aux ambiguïtés et conflits de rôles

pour l’acheteur, qui questionnent les pra- tiques de management.

Dans un contexte marqué par la montée en puissance des préoccupations de « manage- ment durable », malgré des difficultés que connaît en France le Grenelle 2, l’article de Blandine Ageron et Alain Spalanzani arrive à point nommé en adoptant une perspective originale, à l’articulation entre achats et logistique (ou supply chain management).

En effet, les auteurs souhaitent évaluer et mesurer l’impact de la green supply chain sur le choix des fournisseurs. Ils s’attachent tout particulièrement à mettre en perspec- tive l’émergence du critère environnemen- tal dans le processus de sélection des four- nisseurs. L’article discute ainsi de l’importance relative de ce critère eu égard aux autres critères dits plus « tradition- nels ». L’enjeu est d’expliciter les nouvelles pratiques induites et mises en œuvre dans la relation acheteur-fournisseur, en s’ap- puyant pour cela sur une enquête conduite auprès de 170 acheteurs.

Enfin, dans un article adoptant une vision prospective et quelque peu iconoclaste, Jean Nollet et André Tchokogué invitent les praticiens à prendre du recul quant à leur prise de décision et aux principes-clés qui sous-tendent le management des achats.

Les auteurs discutent de ces principes, qu’il s’agit de savoir doser de façon appropriée selon les contextes, tout en apprenant sans cesse du passé. Pour cela, ils s’appuient sur deux tendances particulièrement significa- tives à leurs yeux : la centralisation progres- sive des achats et le processus d’imparti- tion. En bref, une salutaire ouverture sur l’apprentissage managérial et la capacité de résilience dont fait preuve cette fonction, soumise trop souvent au diktat du court terme.

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Le dossier se termine (provisoirement) par un « point de vue » ô combien stimulant de Pierre-Yves Barreyre, le précurseur de l’ana- lyse stratégique des achats en France, il y a près de quarante ans de cela. Il s’agit d’un plaidoyer pro domopour une professionnali- sation de la fonction achats et, plus large- ment, pour la reconnaissance d’un champ d’analyse qui peine encore à se voir attribuer ses lettres de noblesse. Ceci passera néces- sairement par un travail de dissémination de

la connaissance et des « best practices », au niveau des associations professionnelles, mais aussi et surtout au niveau du système académique. Vaste chantier que de convertir des étudiants de master aux mille vertus d’une riche carrière en management des achats, alors que d’autres fonctions attirent encore les meilleurs éléments. Sans doute une « nouvelle frontière » à conquérir pour des entreprises à la recherche de nouveaux espaces de compétitivité.

BIBLIOGRAPHIE

Barreyre P.-Y., « La fonction achat dans la stratégie de l’entreprise », Revue française de gestion, n° 6, 1976, p. 61-74.

Carter C., Leuschner R., Rogers D., “A social network analysis of the Journal of Supply Chain Management: knowledge generation, knowledge diffusion and thought leadership”, Journal of Supply Chain Management, vol. 43, n° 2, 2007, p. 15-28.

Ellram L., Carr A., “Strategic purchasing: a history and review of the literature”, International Journal of Purchasing & Supply Management, vol. 30, n° 2, 1994, p. 10-18.

Leenders M., Improving purchasing effectiveness through supplier development, PhD thesis, Harvard University, 1965.

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