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PRIX DE CONFÉRENCE ACIO/CANO EN PRATIQUE CLINIQUE 2014 : Données préliminaires sur l’expérience vécue de diagnostics successifs de cancer primitif

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FEA TUR ES /R U bR iq UE S PriX De conFérence Acio/cAno en PrAtique clinique 2014

Données préliminaires sur l’expérience vécue de diagnostics successifs de cancer primitif

par Krista L. Wilkins

AbréGé

Environ un Canadien sur deux dévelop- pera une forme ou une autre de cancer, et certains des individus ainsi atteints vivront suffisamment longtemps pour être diagnos- tiquées de plusieurs cancers primitifs. Il semblerait que des diagnostics successifs de cancer primitif aient une incidence néga- tive sur l’état mental et physique des survi- vants ainsi que sur leur qualité de vie. Les études de recherche existantes ne saisissent pas complètement la réalité complexe de ce que cela signifie d’avoir des diagnostics successifs de cancer primitif. Par consé- quent, une étude qualitative a été menée dans le but d’obtenir des descriptions détail- lées des expériences vécues liées aux dia- gnostics successifs de cancer primitif. Les participants comprenaient 10 personnes du Canada Atlantique ayant des anté- cédents d’au moins deux diagnostics de cancer. Les données ont été obtenues par le biais d’interviews semi-structurées et de photographies prises par les participants.

Les interviews ont été transcrites et exa- minées afin d’en dégager les significations communes. Les analyses des données pré- liminaires laissent à penser que la signifi- cation essentielle du fait d’avoir le cancer à plusieurs reprises est que le cancer est un

« rappel importun ». Cette étude donne des résultats pouvant fournir aux presta- taires de soins une orientation à fondement empirique leur permettant d’offrir aux sur- vivants du cancer un soutien plus holis- tique tout au long du continuum de soins

prolongé et, en bout de ligne, d’améliorer la santé des personnes ayant eu plusieurs can- cers primitifs de suite.

L

e cancer est passé d’une maladie presque toujours mortelle à une maladie fréquemment guérissable de nos jours. Alors que la survie au cancer était une exception il y a quarante ans, le taux de survie relative à cinq ans s’est constamment accru, de 1992–1994 à 2000–2004, pour atteindre 63 % pour l’ensemble des cancers (Comité direc- teur des statistiques sur le cancer de la Société canadienne du cancer, 2014).

La survie au cancer est une question existentielle fondamentale. Elle nous amène à nous interroger sur la vie et la mort et suscite une réflexion des- criptive et ontologique sur la nature de l’existence humaine (Pascal, Endacott &

Lehmann, 2009).

cAncers PrimitiFs multiPles

La croissance du nombre de sur- vivants du cancer s’est accompagnée d’une augmentation parallèle du nombre de personnes diagnostiquées de cancers primitifs multiples. Ces der- niers sont définis comme étant « deux cancers primitifs ou plus survenant chez une personne et qui prennent nais- sance dans un site ou tissu primaire et qui ne sont ni un prolongement, ni une récurrence ni une métastase » (Soerjomataram & Coebergh, 2009, p. 86) [traduction libre]. Il est prévu qu’au moins une personne sur 9 déve- loppe deux types de cancers ou plus au cours de sa vie (Mariotto, Rowland, Ries, Scoppa & Feuer, 2007). En outre, quand on considère toutes les catégo- ries d’âge, les survivants du cancer ont 14-20 % plus de risque de développer un nouveau cancer primitif par rapport à l’ensemble de la population (Curtis et al., 2006; Soerjomataram & Coebergh, 2009).

inciDence Des cAncers PrimitiFs multiPles

Les diagnostics de cancers primitifs multiples prédisposent les survivants du cancer à la morbidité et à une mor- talité précoce du fait de leurs effets sur la santé globale, sur la qualité de vie et sur la survie à long terme. En com- paraison avec les survivants à un seul cancer et avec les personnes n’ayant pas d’antécédent en matière de cancer, les survivants à des cancers primitifs mul- tiples indiquaient avoir une moindre qualité de vie globale, un plus haut stress lié au cancer, une plus forte pré- valence, au cours de la vie, de troubles médicaux et une plus grande incapa- cité liée à la santé (Andrykowski, 2011;

Gotya, Ransom & Pagano, 2007). À une seule exception près (l’inactivité phy- sique), les survivants à des cancers pri- mitifs multiples participaient davantage à des comportements malsains que les survivants à un cancer unique, mais leurs comportements étaient plus sains que ceux du groupe contrôle (Burris &

Andrykowski, 2011). Tous les effets d’un diagnostic de cancer sur le bien-être psychosocial étaient encore apparents plusieurs années plus tard, ce qui laisse à penser que le temps n’atténue pas ces effets (Thong et al., 2011).

Mises ensemble, ces études de recherche suggèrent que le fardeau de la maladie lié aux diagnostics de cancers primitifs multiples est cumulatif et qu’il dépasse celui qui pèse sur les survivants d’un diagnostic unique. Quoiqu’elles soient importantes, elles ne saisissent pas pleinement la multidimensionalité d’avoir le cancer à plusieurs reprises. Il est nécessaire d’élaborer des approches de recherche permettant d’accéder aux pensées des survivants du cancer et de leur donner la parole dans le but de comprendre ce que cela signifie, pour eux, d’avoir des diagnostics de cancers primitifs multiples.

Au suJet De l’Auteure

Krista L. Wilkins, inf., Ph.D., Professeure adjointe, Faculté des sciences infirmières, Room 155, MacLaggan Hall, 33 Dineen Drive, Université du Nouveau-Brunswick, Fredericton, N.-B.  E3B 5A3 Tél. : (506) 447-3077 ; Téléc. : Fax: (506) 453-4519 ; Courriel : kwilkins@unb.ca

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FEA TUR ES /R U bR iq UE S question De recHercHe

Parce qu’elle s’attache à révéler la nature des expériences humaines dans le monde, la recherche phénoméno- logique peut être employée en toute efficacité pour étudier en profondeur les expériences vécues des survivants du cancer (van Manen, 1990). Une approche phénoménologique a ainsi été utilisée dans le cadre de cette étude de recherche s’étalant sur deux ans afin d’acquérir une riche compréhen- sion de ce que les personnes éprouvent lorsqu’elles ont le cancer à plusieurs reprises et la signification de ce fait pour

les personnes atteintes dans le contexte de leur vie quotidienne. La question de recherche de l’étude était : Quelles signi- fications les individus attribuent-ils à l’expérience vécue d’avoir reçu plusieurs diagnostics de cancer primitif?

eXPériences Vécues sAisies À l’AiDe De PHotoGrAPHies

Saisir les expériences vécues dans les données dégagées au moyen de photographies permet de « voir » d’une manière différente une expé- rience vécue, de révéler ce qu’elle a

« d’indicible » (Pain, 2012). Ceci inclut une compréhension commune de : (1) le corps vécu (la présence corporelle dans le monde), (2) le temps vécu (la perception subjective du temps dans le monde), (3) l’espace vécu (la façon dont l’espace a une incidence sur ce que la personne éprouve), et (4) les relations vécues (établies dans l’espace partagé avec les autres) [van Manen, 1990].

Lors de cette étude, on invitait les individus ayant eu deux cancers ou plus (voir les critères d’inclusion au tableau 1 et les stratégies de recrutement au tableau 2) à :

1. Fournir des renseignements démo- graphiques (p. ex. âge, scolarité) et leurs antécédents en matière de cancer

2. Parler de ce qu’ils ont vécu du fait d’avoir eu le cancer à plusieurs reprises (environ 60 minutes, entre- vue faisant l’objet d’un enregistre- ment numérique);

3. Réaliser une activité photographique qui exigeait :

• La prise de photographies au moyen d’un appareil photo numé- rique de tout ce qui pouvait repré- senter leurs expériences (p. ex.

changements corporels, expé- rience du temps d’un cancer à l’autre);

• Privilégier les objets inanimés dans la mesure du possible et obtenir le consentement écrit des personnes figurant dans leurs photographies; et

• Rédiger des notes sur les photo- graphies qu’ils ont prises; et 4. Parler des photographies ainsi prises

(environ 90 minutes, entrevue fai- sant l’objet d’un enregistrement numérique).

Nous organiserons, en 2015, une séance de partage de photos et une exposition publique de photos des parti- cipants. Ces derniers décideront quelles photographies ils souhaitent partager, la façon de le faire et avec qui ils veulent les partager.

Les énoncés thématiques ont été iso- lés en utilisant l’approche sélective de van Manen (1990) qui consiste à sélec- tionner et à surligner les groupes de mots ou les phrases qui ressortaient Tableau 1 : Critères d’inclusion des participants

Critères Définition

Diagnostic de cancer 2 diagnostics de cancer ou plus

Intervalle minimum de 6 mois entre diagnostics N’importe quel type de cancer

Au moins 6 mois depuis le plus récent diagnostic de cancer Âge lors de l’interview 19 ans ou plus

Lieu de résidence Canada Atlantique

Tableau 2 : Stratégies de recrutement Stratégies

Médias sociaux

facebook.com/SMCUNB

Suivez-nous sur Twitter @CancerRsrchUNB Messages d’intérêt public

Petites annonces Groupes de soutien

Sections locales de la Société canadienne du cancer Entrevues diffusées à la radio et publiées dans des journaux

Les survivants du cancer exclus d’études précédentes mais admissibles à la présente étude

Tableau 3. Caractéristiques des participants (n = 10)

Données démographiques/ caractéristiques sur la maladie Total/Moyenne (étendue) Sexe Masculin

Féminin 3

7

Âge au moment de l’interview 61 (27-75)

Nombre de diagnostics de cancer 23 (2-4 par participant)

Nombre d’années entre diagnostics 9 (2-17)

Âge au moment du diagnostic de cancer 50 (7-70)

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et semblaient thématiques de l’expé- rience vécue des participants atteints à plusieurs reprises de cancers primitifs.

En utilisant l’ensemble des groupes de mots et des phrases, les données tex- tuelles ont été réduites jusqu’à ce que les thèmes essentiels s’en dégagent. Le travail de rédaction initiale et de révi- sion des thèmes nous a aidées à déve- lopper l’interprétation. Les participants ont fourni la contextualisation initiale des données photographiques en cer- nant les questions les plus importantes qui en ressortaient pour eux. La tâche de la chercheuse était de réaliser l’in- terprétation globale de ces données (Guillemin & Drew, 2010).

constAts

Données démographiques / caractéristiques de la maladie

Il y avait 10 participants dont 7 femmes et 3 hommes (voir les carac- téristiques des participants au tableau 3), qui ont fourni des données pour l’analyse. Les efforts de recrutement vont être poursuivis afin d’atteindre 20 comme taille d’échantillon (voir les

stratégies de recrutement au tableau 2). Tous les participants actuels ont réalisé la première interview tandis que six d’entre eux ont achevé l’activité photographique ainsi que la seconde interview.

La moyenne d’âge des participants était de 61 ans (pour une étendue de 27 à 75 ans) lorsqu’ils se sont inscrits pour l’étude. La plupart des partici- pants ont eu le cancer à deux reprises.

Vingt-trois diagnostics de cancer ont été rapportés par les participants. Ce chiffre ne comprend pas les cancers qui avaient produit des métastases ou avaient récidivé dans les six mois. Les diagnostics concernaient les cancers suivants : sein, côlon / intestin, lym- phome, mélanome, col de l’utérus et prostate. La période de temps moyenne entre les diagnostics de cancer s’élevait à neuf années (pour une étendue de 2 à 27 années). Au moment du diagnostic de cancer, les participants avaient, en moyenne, 50 ans (pour une étendue de 7 à 70 ans). Une variété de traitements anticancéreux a été signalée pour cha- cun des diagnostics de cancer, notam- ment la chimiothérapie, la chirurgie,

la radiothérapie ou une combinaison quelconque de ces traitements.

L’essence : le script du rappel importun Les analyses préliminaires donnent à penser que la meilleure description de l’essence d’avoir le cancer plus d’une fois est un « rappel importun ». En termes simples, il s’agit d’un script dont les participants à l’étude se seraient bien passés. Une perspective était par- tagée par tous les participants à savoir le fait que d’avoir le cancer une autre fois n’était pas quelque chose de dési- rable ou de recherché à la manière des rappels marquant la fin de pièces de théâtre, de concerts ou de confé- rences. La réalité veut que, pour ces per- sonnes-là, le cancer ne survienne pas qu’une seule fois. Le fait d’avoir le can- cer à plusieurs reprises caractérise une partie de leur vie, en s’assortissant par- fois de fardeaux et parfois de bienfaits.

Néanmoins, les participants ont conclu qu’il y avait beaucoup de bonnes choses qui accompagnaient les diagnostics suc- cessifs de cancer primitif, notamment une perspective différente sur la vie.

Thèmes

Trois thèmes communiquent l’es- sence de cette expérience : (1) De la toile de fond au devant de la scène, (2) Familier mais différent, et (3) Se sentir privilégié… « Je tiens à remercier… »

De la toile de fond au devant de la scène Le temps écoulé entre les diagnos- tics de cancer était une période de récupération durant laquelle les par- ticipants cherchaient à se réhabiliter.

Certains se sont mariés. Certains pre- naient le temps de voir leurs enfants

grandir. Certains ont trouvé de nou- veaux emplois, d’autres ont pris leur retraite. Les participants affirmaient se sentir forts et en bonne santé. Pour quelques femmes qui avaient perdu un sein, c’était le moment de la chirurgie de reconstruction mammaire. Quand le cancer prend le devant de la scène, cela veut dire qu’il est de retour. De l’avis des participants, cela signifiait qu’ils venaient de faire un demi-tour complet et qu’avec ce nouveau diagnostic de can- cer, ils se retrouvaient à leur point de départ.

Les participants se sentaient déçus et découragés de ne pas avoir pu « esqui- ver » leurs cancers suivants et ce, pour deux raisons. D’une part, les partici- pants expliquaient que leur premier diagnostic de cancer leur semblait insignifiant ou peu important dans le contexte de leur vie; il s’agissait d’un

« accroc » dans la vie. C’était quelque chose qui s’était produit dans le passé.

Comme un participant (2 lymphomes) l’a dit :

«

Il finit par faire partie de la toile de fond. Quelqu’un prononce le mot

“cancer” et vous vous dites “Ben ça m’est arrivé, je suis passé par là”.

C’est comme la varicelle ou une autre affection qui survient seule- ment une fois. Il ne m’était jamais venu à l’esprit que cela pourrait arri- ver de nouveau. »

D’autre part, les participants accor- daient une grande confiance à l’opi- nion des prestataires de soins et étaient déçus lorsque ceux-ci se trompaient à propos de diagnostics de cancer ulté- rieurs. Par exemple, certains croyaient qu’ils n’auraient pas de nouveau le cancer parce qu’ils avaient connu en moyenne, une rémission de 9 ans. Le fait d’avoir dépassé la barre des 5 ans marquant la « guérison » lorsqu’ils ont été diagnostiqués d’un autre cancer était particulièrement bouleversant pour les participants qui estimaient avoir été induits en erreur par les prestataires de soins qui leur avaient fait croire qu’ils étaient « guéris du cancer ».

Surtout, le fait d’être atteints du cancer à plusieurs reprises a fourni aux participants la preuve que le can- cer peut survenir plus d’une fois chez Figure 1 : « Fin de la zone de

construction » de Mike (2 lymphomes).

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une même personne. Il leur semblait impossible de mettre un point final au chapitre et que l’expérience de cancer n’avait pas de fin nette. L’avenir leur paraît flou comme le reflète la photo- graphie que Mike a prise d’un panneau

« Fin de la zone de construction » (voir la figure 1). En parlant des chances qu’il avait de développer un troisième cancer, Mike s’est exclamé : « Je pense que c’est bien réel, que c’est possible, parce que les deux premiers (cancers) n’avaient pas de lien entre eux et étaient tout à fait imprévus et que je n’étais pas vieux à l’époque et que je ne suis encore pas vieux pour avoir un autre cancer ».

Un diagnostic de cancer ultérieur amenait certains à éprouver un senti- ment d’insécurité et à se sentir mena- cés. Ils se mettaient à s’inquiéter de chaque douleur, mal ou bosse et se demandaient « Est-ce une douleur nor- male ou une douleur induite par le can- cer? ». Par exemple, en parlant d’une photographie de foulards, Deborah (cancer du col de l’utérus suivi d’un can- cer du sein) a confié qu’elle gardait les foulards qu’elle avait portés quand elle avait perdu ses cheveux à cause des trai- tements de chimiothérapie parce qu’elle pourrait en avoir de nouveau besoin si elle devait avoir le cancer une troisième fois.

C’est familier mais différent

Il existe une idée reçue omnipré- sente à la fois chez les survivants du cancer et les prestataires de soins, celle selon laquelle le fait d’avoir eu le cancer prépare automatiquement les survivants à la survenue de cancers ulté- rieurs. Dans cette optique, la personne qui a le cancer à plusieurs reprises est perçue comme un « ancien combat- tant », un patient déjà atteint par le cancer qui sait à quoi s’attendre sur le plan du diagnostic, du traitement, et des effets à court et à long terme parce qu’il a déjà traversé l’épreuve du cancer.

Le problème est que le fait d’avoir eu le cancer une fois ne prépare pas nécessai- rement les patients aguerris à des dia- gnostics de cancer ultérieurs. D’ailleurs, il se peut que cette idée reçue puisse nuire aux soins dispensés à ces patients lorsqu’ils sont atteints d’un nouveau cancer tel que l’illustre la citation

suivante de Sarah à propos de son deu- xième cancer du sein :

« Je n’arrêtais pas de faire de mau- vaises suppositions parce que je les basais sur la façon dont les choses s’étaient déroulées quatorze ans plus tôt. Et tout a tant changé. Cela aurait été beaucoup mieux pour moi si cela avait été ma première fois. Je ne cessais de me dire que ça allait se passer de cette façon... et de cette façon et ainsi de suite. Je finis- sais par ne pas poser la question qui me vaudrait de recevoir certains ren- seignements. Les gens (prestataires de soins) supposaient que je connais- sais la réponse parce que j’étais déjà passée par là, tout cela fait que diverses petites choses n’ont pas été abordées. »

Lorsque les participants comparaient leur première expérience du cancer à leurs expériences ultérieures, ils par- laient des similitudes et des différences qu’ils remarquaient au niveau des carac- téristiques du cancer, du traitement du cancer, des tâches liées aux étapes de la vie et des perspectives d’avenir. La carac- téristique du cancer qui préoccupait le plus les participants était l’étendue de l’envahissement tumoral. La plupart des participants avaient été diagnostiqués, lors de leur première épreuve cancé- reuse, de cancers localisés non invasifs, tandis que leurs cancers ultérieurs étaient souvent de nature plus invasive avec présence de métastases.

Les participants étaient stupéfaits des progrès réalisés à ce jour concer- nant les traitements anticancéreux. Ils constataient que les traitements de radiothérapie ciblaient beaucoup mieux les cellules cancéreuses et endomma- geaient bien moins les organes et tis- sus sains environnants (p. ex. faisceaux de photons par rapport au cobalt-60).

Les participants soulignaient égale- ment l’importance, pour eux, de rece- voir leurs traitements contre le cancer dans le même établissement pour cha- cun de leur diagnostic de cancer. Ceci a beaucoup aidé une participante dont les soins ont été assignés à son ancienne équipe médicale lorsqu’elle a développé son deuxième cancer du sein parce qu’elle était « encore dans le système ».

Les participants décrivaient l’impact de leurs traitements anticancéreux sur leur organisme, en contrastant leurs expériences au fil du temps. Pour cer- tains, les traitements les touchaient de la même façon — « en ravageant les émotions et le corps ». D’autres décelaient des différences dans leur préparation en vue du traitement anti- cancéreux. En se référant à la photogra- phie d’un kayak, Deborah (cancer du col de l’utérus suivi d’un cancer du sein) a déclaré :

« La différence est mon premier can- cer (en comparaison avec mon deu- xième)… Je n’avais pas une aussi bonne forme physique au moment de l’affronter. Je n’étais pas aussi stable du point de vue émotionnel.

Spirituellement parlant, je n’étais pas prête… J’ai donc mis bien plus de temps à traverser l’épreuve, la pre- mière fois. »

Les participants en étaient à des étapes de vie différentes lorsqu’ils ont été diagnostiqués de leurs cancers suc- cessifs. Ceux qui étaient célibataires lors de leur premier cancer étaient fré- quemment mariés lors de leur seconde atteinte. Certains avaient de jeunes enfants à la maison lorsque le can- cer les a frappés pour la première fois.

Lorsqu’il est apparu une autre fois, ils avaient des enfants adultes et des petits-enfants. Lillian en a fait l’illus- tration avec une photographie de sa famille :

« Lorsque mon second cancer du sein est survenu, j’étais parvenue à une étape différente de ma vie ... Je savais que mes enfants ne dépen- daient plus de moi comme avant … nous étions rendus au moment où nous pouvions vivre de nouveau

« notre vie de couple » parce que nos gamins étaient partis. »

Les besoins des participants variaient en fonction de leurs étapes de vie. Nelda, qui était chef de famille monoparentale quand elle a reçu son premier diagnos- tic de cancer du sein à l’âge de 30 ans, avait les besoins suivants : logement, soins aux enfants, carrière/emploi et revenus. Ses besoins avaient changé deux ans plus tard lorsqu’elle a été dia- gnostiquée d’un second cancer du sein

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à 32 ans. Cette fois-ci, ses besoins por- taient sur l’assurance-vie, la réduction de son volume de travail professionnel et la capacité de donner un enfant à son mari.

La conception de la vie chez les par- ticipants s’est modifiée au fil du temps.

La majorité d’entre eux rapportaient qu’ils avaient eu peur de mourir quand ils avaient reçu leur premier diagnostic de cancer. Cette peur de mourir a été saisie dans la photographie de Nelda intitulée « Terrorisée jusqu’aux os » (voir la figure 2). Lors du premier dia- gnostic de cancer, la peur de mourir était tellement intense que deux par- ticipants se sont sentis obligés de faire préparer une entente de tutelle parce qu’ils croyaient ne pas s’en sortir et être là pour prendre soin de leurs enfants.

Lors de leurs cancers ultérieurs, la plu- part des participants ne semblaient pas s’inquiéter autant de leur propre mort puisque le fait d’avoir « battu » le cancer une fois voulait dire qu’ils pourraient le « battre » de nouveau.

Seulement une participante, Sheila, qui a survécu au cancer à quatre reprises, exprimait un sentiment de peur persis- tant qui se transférait d’un diagnostic de cancer à l’autre. À ses dires, « C’était toujours le même sentiment (la peur).

D’après moi, peu importe le nombre de fois qu’on vous le dit (que vous avez le cancer), c’est la même chose. »

Se sentir privilégié… « Je tiens à remercier… »

Avoir le cancer à plusieurs reprises est un élément de la vie des partici- pants qui ne changera pas. Cela ne veut pas dire qu’ils sont les victimes de leurs circonstances. L’attitude et la per- ception des participants relevaient de leur propre création. Ils n’étaient pas dictés par leurs circonstances. Les par- ticipants choisissaient de rechercher des bénédictions au sein de leurs expé- riences face au cancer. Ces bénédictions étaient les choses qui les aidaient ou leur apportaient bonheur et prospérité.

Pour certains participants, les bénédic- tions étaient évidentes. Pour d’autres, il s’agissait de bénédictions déguisées, qui leur semblaient être des mauvais coups du sort au départ mais qui se révélaient bénéfiques, en fin de compte.

D’abord et avant tout, les partici- pants étaient reconnaissants du don de la vie. Ils étaient vivants. Ils avaient sur- vécu au cancer à plusieurs reprises. Ils étaient en train de retrouver leur santé et leur force. Une bénédiction particu- lièrement importante faite à une par- ticipante fut une deuxième fille. En examinant la photographie d’une pou- pée, Nelda a confié qu’elle avait conçu et élevé une deuxième fille malgré qu’on lui ait dit qu’elle ne pouvait pas et ne devrait pas avoir de bébé. On lui avait expliqué qu’ayant été atteinte du cancer du sein à deux reprises, il était probable qu’elle en développe un autre et qu’elle ne vive pas assez longtemps pour voir grandir un nouvel enfant.

Les diagnostics successifs de cancer donnaient aux participants l’occasion de discuter du cancer avec leurs proches et de les encourager à suivre des pratiques de dépistage. Quoique la transmission de gènes du cancer à leurs enfants leur paraisse préoccupante, les participants soulignaient les bienfaits qui allaient de pair avec ce que les participants appelaient « le cancer à titre de legs familial ». Lillian (2 cancers du sein) le formulait ainsi :

« C’est un legs horrible que je laisse à mes filles parce qu’elles devront, toute leur vie durant, rester vigilantes en tout temps. Mais ça pourrait les mettre dans une position plus favo- rable que celle d’autres personnes.

Elles verront ainsi de nombreux médecins et on ne manquera pas de leur rappeler de passer leurs mam- mographies. Si elles ne sont pas sui- vies de près, il se peut que quelque chose passe inaperçu. »

Une autre bénédiction dont parlaient les participants était l’opportunité qu’ils avaient d’être des ambassadeurs char- gés de sensibiliser les gens à la lutte continue contre le cancer. Ils sont pas- sionnés, tenaces, axés sur l’action et des acteurs de changement. Ils agissaient au niveau de la prévention du cancer et du soutien aux personnes atteintes et participaient à des activités de collecte de fonds comme le Relais pour la vie de la Société canadienne du cancer.

La recherche de réconfort/consola- tion était une bénédiction qui s’avérait importante aux yeux des participants.

Ces derniers trouvaient souvent du réconfort dans leur foi en une puis- sance supérieure (Dieu). Comme Lillian (2 cancers du sein) l’a exprimé : « Je crois tout simplement qu’Il est aux com- mandes et que ce qui arrive, arrive. De toute façon, il n’y a rien que nous puis- sions changer ». Comme elle l’a saisi dans sa photographie intitulée « Soins spirituels », Deborah (cancer du col de l’utérus suivi d’un cancer du sein) a confié qu’elle était reconnaissante de ces deux expériences du cancer. Elle était prête à « les traverser de nouveau » parce qu’elles l’avaient amenée à tis- ser une relation avec son Créateur. Elle a parlé des batailles qu’elle a menées en vue de Le connaître quand elle a eu son premier cancer parce qu’elle « était religieuse, mais n’avait aucune rela- tion avec Lui ». Quand le cancer est venu la frapper une seconde fois, elle avait établi sa relation sacrée avec Dieu.

C’est cette relation qui l’aidait à trouver paix et joie au beau milieu de ses expé- riences de cancer.

Des lieux de sanctuaire s’avéraient importants pour leur procurer des moments de méditation et de réflexion tranquilles. Pour Deborah (cancer du col de l’utérus suivi du cancer du sein), tout endroit situé sur l’eau ou à sa proximité avait un effet apaisant sur son corps. En regardant sa photogra- phie intitulée « Tranquilles moments Figure 2 : « Terrorisée jusqu’aux os » de

Nelda (2 cancers du sein).

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de méditation » (voir la figure 3), elle a commenté : « Il y a un son particulier quand on est près de l’eau … il y a des oiseaux qui volent, il y a des oiseaux qui pépient, il y a les bruits que font les voi- liers. Tous ces bruits forment un lieu apaisant dans mon corps ».

imPlicAtions Pour lA PrAtique inFirmiere en oncoloGie

L’une des choses les plus impor- tantes que les infirmières et infirmiers en oncologie peuvent faire lorsqu’ils dispensent des soins à une personne ayant eu le cancer à plusieurs reprises est de ne pas supposer que d’avoir le cancer une fois est exactement pareil que d’avoir le cancer plusieurs fois. Il importe de reconnaître qu’il peut y avoir des différences dans la présentation des cancers et dans la façon dont ils sont traités. Ne supposez pas non plus que les patients qui ne posent pas de ques- tions savent ce qui se passe au niveau de leur traitement contre le cancer. Les infirmières et infirmiers en oncologie doivent dissiper les mythes entourant le cancer et son traitement en fonction de ce que les patients savent et ne savent pas. Il est particulièrement utile de pas- ser en revue les effets secondaires du traitement anticancéreux et de ce qu’il y a lieu de faire à leur sujet parce qu’il

arrive fréquemment que cette informa- tion leur soit donnée à des moments où ils sont incapables de l’assimiler. Il se peut que les patients en soient à diffé- rentes étapes de vie d’une expérience de cancer à l’autre. Cela signifie que leurs besoins en matière de soins de soutien peuvent avoir changé, eux aussi. Les infirmières et infirmiers en oncolo- gie doivent fournir les soins de soutien qui conviennent à l’étape de vie que tra- versent leurs patients.

remerciements

Cette étude a reçu l’appui d’une bourse Nouveau chercheur décernée par le Beatrice Hunter Cancer Research Institute et La Fondation de la recherche en santé du Nouveau-Brunswick. Mille mercis aux participants d’avoir partagé leurs histoires et leurs photographies. Mille mercis également aux membres de l’équipe de recherche, Megan Williams, inf., et Kim Smith Desrosiers qui ont contribué au recrutement pour l’étude ainsi qu’à la réalisation et à la transcription des interviews.

reFerences

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