E. BOUTITIE Minist!re de l’Economie et des Finances
Direction de la Prévision
Les enjeux de la réforme de la politique agricole
dans le secteur de la viande bovine
L’offre communautaire de la viande bovine
a
toujours pose
de grosprobl6mes
derégula- tion, passant
depériodes
dequasi pénurie
àdes situations tr6s excédentaires comme celles que 1’on a connues ces deux dernières ann6es.
Les instruments mis en
place
par la Communauté n’ont pas été réellement effi-caces pour les raisons suivantes :
- il coexiste dans le secteur de la viande bovine des
systèmes
deproduction
très diffé- rents, avec des couts deproduction
trèsdispa-
rates : les
systèmes
extensifs du Massif Central et lessystèmes
intensifs de 1’Ouest et du Nord del’Europe.
Un instrumentrégulant
1’offre d’un
système
deproduction
nepermet
par forcement de
reguler
celle d’un autre.- le
developpement
des viandes de porc et de volailles apesé
sur 1’evolution de la consom-mation de viande rouge rendant encore
plus précaire 1’equilibre
offre-demande.- ce secteur est étroitement
dependant
dusecteur laitier. En France sur 100 vaches en
1991,
57 étaient laitières et 43 de race à vian- de. Lamajeure partie
de laproduction
de vian-de est done issue du
troupeau
laitier. Cetteproportion
est encoresupérieure
en moyennedans la CEE.
- les accords d’association notamment avec
les pays de 1’Est conduisent à
importer
desquantités
de viande et d’animauximportantes chaque
année.- même s’il existe certains marches à 1’ex-
portation
vers les paystiers,
ils sontlimites,
cloisonnés et le
prix
des6changes
est souventun
prix
dedumping
lie à 1’ecoulement de stocks de viandescongel6es.
Dans le cas d’un pays comme la
France,
ladefinition d’une
politique agricole
coh6rente àla fois sur les céréales et la viande bovine est delicate.
Alors que nos avantages
comparatifs
nouspoussent
a demander uneregulation
de 1’offrepar les
prix
dans le secteur descéréales,
lapresence
desystèmes
deproductions extensifs,
moins
compétitifs
en matière de coûts derevient que les
élevages
intensifs du Nord oude 1’Ouest nous
oblige
à nuancer le discours enmatière de viande bovine. La
negociation
surla réforme de
1’organisation
communautaire des marches (OCM) viande bovine a bien mon-tré les difficultés que la Communaute avait à pousser
trop
loin unelogique
d’extensificationqui pourtant permettrait
de maintenir nos sys- tèmes deproductions
du Massif Central. Tout1’enjeu
des futuresadaptations qui
serontnécessaires sera soit de choisir
explicitement
1’un ou 1’autre des
systèmes
deproduction,
soitde trouver des instruments
qui puissent
êtreefficaces pour les deux
systèmes
sans remettreen cause 1’existence du
système
extensifqui joue
un roleimportant
en termesd’occupation
du territoire.
Pourquoi
uneréforme de la PAC ?
Si les modalités de la réforme ont donné lieu à delongs debats,
sa nécessité n’était pas contestee.Indépendamment
des contraintes externesqui pesaient
sur la Communaute dont les resti- tutions àl’exportation
faisaientl’objet
de cri-tiques
deplus
enplus vives,
ledispositif
desoutien interne par les
prix
devait être modifiécar :
- il conduisait à une
augmentation reguliere
de la
production
que les baisses deprix
gra- duelles nepermettaient
pasd’endiguer.
Cetteprogression
excédait trèslargement
celle de la consommationqui
était affectée par des pro- duits concurrents a desprix
moins élevés.- le solde
exportable s’accroissait, pesant
lourdement sur le
budget communautaire,
non seulement en cequi
concerne les restitutions mais aussi par 1’intervention sur les marches.- l’accroissement considerable des
depenses
ne
permettait
pas pour autant d’améliorersignificativement
le revenu desagriculteurs.
- les
prix
élevés constituaient une incitation a lapoursuite
de 1’intensificationpouvant
àterme poser des
problèmes
d’environnement.Tous ces
arguments
ont été essentiellementdéveloppés
dans le secteur des céréalesqui
constituent le coeur de la réforme. Ce secteur a
particulièrement
été mis en avant parcequ’il s’agissait
d’une revolution pour lesproduc-
teurs
qui
ne connaissaient pas encore leconcept
de soutien par des aides directes sesubstituant
partiellement
au soutien desprix,
contrairement aux éleveurs bovins. Mais les motivations
profondes
de la réforme del’orga-
nisation commune du marché des céréales sont aussi valables pour le secteur bovin.
Quelles
que soient lescritiques qui pouoaient
êtrefaites
sur lespropositions
initiales de la
Commission,
sonprojet
a U
ait une réelle coherence.
La
Commission, qui
souhaitaitpouvoir
dis-poser d’outils efficaces de maitrise de
1’offre,
a résolument choisi de contraindrequantitative-
ment tous les
producteurs qui
nepourraient supporter
une baisse desprix
de 35 %. Les pro- ducteurs ne souhaitant pas réduire leur pro- duction(par
legel
des terres) devraient accep- ter de valoriserl’intégralité
de leurproduction
à un
prix
serapprochant
duprix
mondial.Ceux dont les couts de
production
étaienttrop
élevés étaient contraints degeler
15 % de leur surface pour bénéficier d’aidescompensatrices
à l’hectare sur
l’intégralité
de leur surface(gelée
et nongelee).
Cette orientation avait au moins
théorique-
ment deux autres
avantages :
- elle
permettait
uneconquête
du marché interieur des céréalespuisque
ces dernièresredevenaient
comp6titives
parrapport
auxproduits
concurrentsimportés.
- elle incitait à freiner voire arreter la ten- dance de
progression
annuelle des rendements a 1’hectare.Elle cumulait donc deux instruments de
regulation
de l’offre (sur les surfaces et sur les rendements) avec un instrument de relance de la demande.En ce
qui
concerne la viande bovine1’esprit
des
propositions
de la Commission était simi- laire.Une baisse des
prix importante
(15 %) com-pensée uniquement
pour les éleveurs respec- tant t des criteres d’extensification.L’extensification
jouait
ici le role d’outil deregulation quantitative
comme legel
desterres pour les céréales. La baisse des
prix
était dimensionnée pour
permettre
a la viande de boeuf de conserver, voire d’accroitre sa com-pétitivité
parrapport
aux viandes blanches(porc
et volaille).L’extensification enfin était
presentee
comme nécessaire pour limiter les
pollutions
dans les zones
d’élevage
intensif.Les outils mis en
place
pour laproduction
laitière étaient
plus classiques.
Laregulation
de la
production
était naturellement assur6e par le mécanisme desquotas.
La Commissionjustifiait
la baisse duprix
du lait (10 %) par les economies que réaliseraient lesproducteurs
sur les
charges
d’alimentation animale du fait de la baisse duprix
des céréales. Uneprime compensatrice
à la vache laitière venaitpre-
server les revenus des
producteurs
lesplus
extensifs.
Malgré
sacoherence,
de très nombreusescritiques
ontcependant
été formul6es à 1’en-contre des
propositions
de la Commission par les Ministres de1’Agriculture qui,
sansremettre totalement en cause
1’esprit initial,
ont
largement
modifie les modalitésd’applica-
tion.
Les
negociations
en Conseil des Ministres ont conduit a unemodification importante
des modalités
d’application
de laréforme.
Les
principaux points
de discussionqui
ontrévélé des conflits d’intérêts entre les Etat membres sont les suivants :
-
l’ampleur
de la baisse desprix
desc6r6ales. Outre la modification
importante
dela forme du
soutien, qui
a fortement faitréagir
1’ensemble des
organisations syndicales agri-
coles refusant des aides
qui
leurparaissaient
être
déresponsabilisantes,
deux clans se sont affront6s. D’unepart,
lespartisans
d’une bais-se forte
qui
assurerait une meilleurereconquê-
te du marché interieur et restituerait mieux
aux
producteurs
lessignaux
du march6. Ils’agissait
ici de mettre l’accent sur unerégula-
tion de l’offre par les
prix.
D’autrepart,
lespartisans
du maintien d’unepolitique
deprix
élevés avec une maitrise
quantitative
fortelimitant au besoin nos
exportations
subven-tionnées. Les Allemands soutenaient ce der- nier
point
de vue ainsi que les Néerlandaisqui voyaient
d’un mauvais oeil fondre leurs avan-tages comparatifs
en matièred’approvisionne-
ment en denrées à bas
prix
pour l’alimentation animale.- le
degré
de l’incitation à 1’extensificationen viande bovine. Les pays du Nord trouvaient
inacceptable
que lesproducteurs
intensifssoient
complètement
exclus du benefice desprimes
à1’61evage.
La France a aussi demande que le seuil d’exclusion en UGB par hectare soit transforme en seuil deplafonnement.
Deux
arguments
ont été avances : le carac-tere
insupportable
des baisses de revenuinduites chez les
producteurs
de taurillons tout d’abord. Les difficultés administrativesgénérées
par un seuil d’exclusion ensuite : onrisquait
en effet d’inciter les éleveurs à&dquo;omettre&dquo; de declarer des animaux avec toutes les
consequences
sanitairesqui pourraient
endécouler.
C’est
pourquoi
un seuil deplafonnement
afinalement été retenu. Il diminuera
progressi-
vement de
3,5
UGB/ha en 1993 à 2 UGB/ha en1996. 11 est à noter que ce seuil est
beaucoup
moins
pénalisant qu’en
apparencepuisque
ladefinition du
chargement
retenu, necomptabi-
lisant que les animaux
primables (brebis,
bovins males et vaches allaitantes) et les vacheslaitières,
conduit à des nombres d’UGB/hasignificativement
inférieurs au taux dechargement généralement
utiliseenglobant
l’ensemble des animaux
presents
sur1’exploi- tation,
notamment les animaux de moins d’unan et les
génisses.
Enfin,
lespropositions
initialesgénéreuses
de la Commission
quant
au niveau de laprime
bovin male ont conduit certains pays dont la France à
revendiquer
des montantplus
élevésde
compensation
pour les éleveurs extensifs(augmentation
de laprime
à la vache allaitan- te de 75 à 120Ecus,
creation d’uneprime
pourles
élevages
extensifs de 30 Ecus/tête pour les moins de1,4 UGB/ha ;
voir 1’encart 1 pour le detail des mesures arrêtées). Finalement il aaussi été accordé au mais
ensilage
la mêmeprime qu’aux
c6r6ales. Cette aidesupplémen-
taire viendra compenser le
plafonnement
desprimes
pour lesproducteurs
intensifs.Cette
negociation
en &dquo;échelle deperroquet&dquo;
peut
conduire às’interroger
à la fois sur laréelle incitation à 1’extensification incluse dans la nouvelle
politique
et, surtout, sur 1’efficacite de la maitrise de laproduction
mise enplace.
En
effet,
le SCEES a démontré que seulement 7 % des vaches allaitantes et 18 % des bovins males seront exclus du benefice desprimes
enFrance en 1996. En
1993,
le seuil de3,5
UGBpar hectare ne sera
quasiment
paspénalisant (0,3
% des vaches allaitantes et 4,3 % des bovins males). Parailleurs,
83 % des vaches allaitantes et 60 % des bovins males b6n6ficie- ront de laprime
&dquo;extensification&dquo;.Toutefois, compte
tenu desrisques
de d6ra-page de la
production,
le nombre total deprimes
distribu6es a étécontingent6
au niveauregional
ou national pour les bovinsmales,
ledépassement
dutroupeau
de reference condui- sant à une diminution du nombre deprimes.
IIsemble que la France s’oriente vers le choix d’un
troupeau
de reference nationale pour obtenir laplus grande souplesse compte
tenudes mouvements
interrégionaux
de ces ani-maux. En ce
qui
concerne les vaches allai- tantes, lecontingentement
sera au niveauindividuel,
cequi implique
unegestion
desdroits à
prime
et de leurs transferts entre pro- ducteurs.Sur ce dernier
point
lereglement
commu-nautaire
prévoit
que 15 % des transferts sansfoncier
peuvent
passer par une reserve admi-nistrée,
le restant 6tant transmis par undispo-
sitif de
gestion
marchandeplus
ou moins enca-- Baisse des prix r6glementaires de 15 % en trois ans a partir de 1993.
- Augmentation des primes a 1’6]evage
Vache allaitante : 1992 50 Ecus / vache 1995 120 Ecus / vache Bovin male : 1992 40 Ecus 12 mois
1995 90 Ecus à 10 mois 90 Ecus a 22 mois
- Plafonnement progressif des primes
3,5 UGB / ha en 1993 2 UGB / ha en 1996 - Prime supplémentaire aux 6levages extensifs
Pour les chargements inférieurs a 1,4 UGB / ha : 30 Ecus / vache allaitante / an 30 Ecus / bovin mdle / an - Instauration de quotas de primes individuels en vache allaitante et d’un troupeau de
reference pour les bovins males (reference : meilleure des années 1990, 1991 et 1992).
- Attribution de la prime c6r6ales (2 132 F / ha) au mais ensilage.
- Plafond a l’intervention degressif : 350 000 t en 1996.
- Octroi de la prime a la vache allaitante aux troupeaux mixtes (moins de 120 000 kg de quota laitier).
Mesures d’accompagnement communautaires - aides à I’extensification
- aides 6 la reconversion de terres arables en p5turages extensifs
Mesures d’accompagnement nationales
- exoneration des parts d6partementales et r6gionales de la taxe sur le foncier non bati
- augmentation de I’indemnite spbciale montagne de 11 %
- prime à I’herbe pour les chargements inf6rieurs a 1 UGB / ha : 300 F / ha de surface
fourragère en 1995. Extension a 1,4 UGB / ha sous certaines conditions de part de surface en herbe dans la SAU.
- mesures de prise en charge d’int6r6ts
dree. Le
dispositif français
n’a pas encore 6t6arrêté,
mais il fait1’objet
de vifs débats entreles tenants d’une
gestion purement
adminis-tree et ceux
qui
souhaitent unegestion plus
marchande. Dans tous les cas, il est vital de
disposer
d’unsystème
suffisammentsouple qui
ne freine pas les restructurations dont ce sec-
teur aura besoin. Il
faut,
parailleurs,
toutfaire pour
permettre
aux éleveursqui
le sou-haitent d’extensifier et donc de céder ou de bénéficier de droits à
prime
hors foncier. Il est claircependant
que des transfertsinterrégio-
naux
trop
massifs de droits àprime
doiventêtre évités.
En ce
qui
concerne laproduction laitière,
labaisse des
prix
de 10 %compensée
par uneprime
à la vache pour les extensifs a étéreje-
tee par une
majorité
d’Etats membres. Eneffet,
cetteprime
étaitparticulièrement
one-reuse (1400 MEcus/an) alors même que l’int6- ret d’extensifier la
production
laitière est trèsdiscutable.
Quelles
évolutions au-dela de laréforme
pour
satisfaire
les contraintes internes et externes (GATT) ?Faute d’une maitrise suffisante de la pro-
duction,
uneadaptation
de la réforme de l’or-ganisation
commune du marché de la viande bovine sera avant tout nécessaire pour des rai-sons internes. Des simulations réalisées avec le modèle MAGALI en France ont montre
qu’après
une diminution de laproduction
dansles années 1993 à 1995 du fait d’un effet de
cycle,
le niveau de laproduction
en 1997 seraau moins
egal
a celui de ces deux dernières années de crise. Cette simulationn’intègre
pas laprime
à 1’herbe décidée par le Gouvernementfrançais
et laprime
à la vacheallaitante aux
troupeaux
mixtesqui
devraientnécessairement avoir un effet de relance sup-
plémentaire
dans ce secteur.Ainsi,
ilapparait
clairement que la réforme de Mai 1992 ne per- mettra pas de
régler
leproblème
desurproduc-
tion intra-communautaire.
Cette situation difficile au
plan
internerisque
d’êtreaggravée
par une contrainte sur nosexportations
subventionnées de viande bovine sur pays tiers. Contrairement au sec-teur des c6r6ales ou il
pourrait
etreimagine
debaisser
davantage
lesprix
interieurs pourpouvoir
exporter sansrestitution,
la differenceentre le
prix
communautaire et leprix
mondialde la viande bovine ne laisse aucun
espoir
decontourner ainsi une éventuelle contrainte
quantitative impos6e
par le GATT. Eneffet,
même une baisse des
prix
de la viande bovine coh6rente avec celle des céréalespermettant
demaintenir sa
compétitivité
parrapport
auxviandes blanches ne serait pas suffisante.
Les autres contraintes
impos6es
par le com-promis
deWashington
(acces minimum aumarché
communautaire,
tarification et réduc- tion de 36 % des elements tarifaires d’ici à1999,
reduction du soutien interne de 20 %) ne devraient pas poser deproblème
pour le sec-teur de la viande bovine d’ici à la fin du siècle.
Les aides à
1’elevage
seraient en effet inclusesdans la boite &dquo;bleue&dquo; c’est-a-dire dans la cate-
gorie
des aidesqui
seraient pour untemps exemptées
de reduction.Les contraintes internes et externes seront par ailleurs d’autant
plus
difficiles àsupporter
que le revenu des éleveurs
specialises
en vian-de bovine est très inférieur à celui de la moyenne des
exploitations
(-60 % environ).La maitrise de la
production
passera pour- tant foreement par une diminution du soutienaux
produits
dans ce secteur. 11 semble que lacomparaison
de 1’effet de la diminution desprix payés
auxproducteurs
sur 1’evolution de 1’offre pour les céréales et la viande bovine montre que lephénomène
de fuite en avant(augmentation
de 1’offre pour compenser lespertes
de recettes dues à la baisse desprix)
estmoins
prononce
dans le secteur de la viande bovine(figure
1). On retombecependant
surun
problème qui
n’a pujusqu’a present
etre résolu. Unepolitique
de reduction du niveau de soutien nepermet
pas auxproducteurs
extensifs de survivre. De
plus,
les conflits d’in- teret entre les Etats membres sont telsqu’il
sera difficile d’obtenir une
politique rigoureuse
pour une
categoric
deproducteurs
tout enpre-
servant d’autres
categories.
La France a choisi un outil de
type
diffé-rent en instituant la
&dquo;prime
a 1’herbe&dquo;. Ils’agit
de reconnaitre à 1’actif de laproduction
extensive de viande bovine des effets externes
positifs
sur 1’environnementqui
nepeuvent
etre
rémunérés,
en l’absence demarché,
que par des transferts directs. Ces derniers doi- ventcependant
êtredecouples
de laproduc-
tion pour éviter tout effet pervers
d’augmen-
tation
intempestive
d’une offre deproduits qui
ne trouveraient pas deplace
sur le mar-ché. Il ne convient pour autant pas de cumu- ler ce
type
d’instrument avec des niveaux deprimes
à1’61evage classiques
surdimension-nés pour ne pas créer les conditions d’une relance artificielle dans un secteur dont
1’6quilibre
offre-demandepourrait
etre dura-blement menace.
La France ne doit pas craindre de revendi- quer un
recentrage
des aides communautairessur le secteur extensif. Nous
disposons
d’uneabondante surface
fourragère
et d’un savoir faire certain dans ce domaine. Deplus,
lapart
de la France dans des
dépenses
communau-taires ainsi recentrées serait bien
supérieure
àcelle dont elle
disposait
avant la réforme de la PAC. Des estimations sommaires d6montrent que, même avec la réforme de la PAC de Mai 1992 dont 1’orientation vers 1’extensification estdouteuse,
notre taux de retour s’ameliore nettement,passant
d’un peuplus
de 20 % àprès
de 25 % (encart 2). On nepeut cependant
oublier
qu’une
telle orientation aura desconsequences importantes
sur lesélevages
intensifs
specialises
deBretagne
et desPays
de Loire. 11 faudrait de
plus
tenircompte
des différentssystèmes, naisseurs,
naisseurs-engraisseurs
etengraisseurs,
et de la localisa- tion des outils de transformation(abattoirs,
ateliers de
découpe)
existants. Mais ne faut-il pasmieux,
pourreguler
laproduction
de vian-de
bovine,
laisser 1’Ouest de la Francedevelop-
per ses
production
hors sol de porc et de volaillegrace
à la baisse duprix
de 1 alimenta- tionanimale,
et recentrer le soutien en viande bovine sur les zonesplus
extensives ?Compte
tenu de l’ensemble de ceselements, l’augmentation
de la taille desexploitations
deviande bovine est une evolution nécessaire et ineluctable pour les éleveurs de viande bovine.
Plus de 56 % d’entre eux avaient
plus
de 50ans en 1990 contre moins de 50 % pour la moyenne des
exploitations.
Cette structure dela
pyramide
desages pourrait
être un atoutdans ce secteur.
Ainsi,
àpartir
d’unehypothè-
se de maintien des flux d’entrée annuels dans la
profession,
le nombred’exploitations
pour- rait diminuer de 33 % entre 1990 et 1999(encart
3),
lesexploitations
restant enplace ayant
alors une tailleéconomique qui
leur per- mettrait de mieux faire face à leur nouvel environnement. Cetteappreciation plutôt encourageante
meritecependant
d’être nuan-cee par l’observation des évolutions de ces der- nieres années. La
politique
de cessation d’acti-vite laitière a en effet conduit a une
augmenta-
tion du nombre d’éleveurs
specialises
en vian-de bovine
depuis
1986.Plus que
jamais
1’evolution du secteur de la viande bovine sera donc difficile àgérer,
lesenjeux
des restructurations à venir pour les éleveurs 6tant semble-t-il bienplus importants
que ceux dans le domaine des céréales dont on
parle pourtant beaucoup plus.
Y. LEON, M. QUINQU
INRA Station d’Economie et
Sociologie
rurales65 rue de St-Brieuc 35042 Rennes Cedex
Effets de la réforme de la PAC
sur les régions d’élevage
1 / Tendances de 1’evolution
au
niveau communautaire
Les estimations
qui
suivent sont d6riv6es desimulations réalisées à l’aide du modèle MISS.
Mis au
point
à la Station d’Economie etSociologie
rurales de 1’INRA deRennes,
MISSest un outil
d’exploration
desconsequences
deschangements
despolitiques agricoles
chez lesprincipaux
acteurs mondiaux. IIpermet
demesurer les effets de ces
changements
surdivers indicateurs :
budget,
revenuagricole,
balance
commerciale,
cout pour le consomma-teur. Le modèle MISS est mondial. Il est cen-
tré sur la CEE et les Etats-Unis
(Guyomard
etal 1992).
Trois scenarios de simulation sont compa- rés. Chacun
correspond
à la simulation des effets d’une variante depolitique agricole,
caractérisée par un ensemble
d’hypotheses
d’evolution des volumes et du
prix
desquanti-
tes offertes et demand6es
(Guyomard
et al 1992).Le scenario 1
correspond
à lapoursuite
destendances
pass6es,
avec desquantités
maxi- malesgaranties.
Troishypotheses
sont faites :les stabilisateurs sont
appliques
defaçon
stric-te de 1990 à
1996,
lesprix
institutionnels évo- luent selon la tendance observée de 1988 à1992,
lequota
laitier est réduit de 2 % de 1990à 1993
puis
de 2 % de 1993 à 1996.Le scenario 2
correspond
à la réforme de la PAC. Dans cescenario,
les aides sont assimi- lees à descomplements
deprix
pour la viandebovine et les
grandes cultures,
et on fait1’hy- pothèse
que les tendances autonomes de crois-sance des rendements des céréales et des oleo-
protéagineux
diminuent.Dans le scenario
3,
scenario du GATT(pro- position
Dunkel de décembre 1991) leshypo-
theses sont les suivantes :
- en
1996,
la mesureglobale
du soutien estde 90 (indice 100 en
1986-88) ;
- les
quotas
1993 pour lesproduits
laitierset le sucre sont maintenus en
1996 ;
- les taux nominaux de
protection
à lademande baissent pour les céréales et la vian- de bovine.
Les
principaux
résultats des trois scenarios de simulationfigurent
au tableau 1.2 / Les effets
surles regions
!__
d’elevage françaises
__Les
regions
6tudi6es sont celles dont la valeur totale des livraisons animalesdépasse,
pour
chacune,
la moitié du total des livraisonsagricoles
(tableau2),
c’est-a-dire : Basse-Normandie, Lorraine, Franche-Comté, Pays
dela
Loire, Bretagne,
Limousin etAuvergne.
2.
1 / Méthodologie
Pour étudier les effets de la
réforme,
oncompare 1’evolution du compte de
production
de
l’agriculture
entre l’année de base et uneprojection
à un horizon de trois ans 111(tableau 3). La
projection prend
encompte
lesmesures d6cid6es en mai 1992. Les effets sur
l’offre et la demande d6riv6e sont relies par des coefficients
techniques
fixes.On fait
1’hypothese
que les aides accordéescompensent
exactement lespertes
des recettessubies du fait de la baisse des
prix (céréales,
oléoprotéagineux,
viande bovine) : elles sonttraitées comme des
complements
deprix.
Parsuite,
1’effet sur 1’offre devrait être limite à1’impact
dugel
des terres et d’unepossible
extensification.
Les données utilisées pour les calculs sont les
comptes régionaux
del’agriculture 1990,
leRICA 1990 et
1’enquete
structure 1990. Lesvariations de
prix
et dequantités
utilisées sontd6riv6es des decisions de la Commission ou
issues des simulations de MISS. Le taux d’in- flation retenu est de 3 % par an. On suppose que le
progrès technique
s’exerce sur les pro- ductions et les consommations intermédiaires.Les aides sont calculées par
grand
secteur :céréales et
ol6oprot6agineux,
maisfourrage, gel
des terres, vachesallaitantes,
bovinsmales,
transformation des veaux, brebis.2.
2 / Resultats
Les
projections
montrent que les effets de la réforme sur les valeursajoutées (figure
2) sontnettement défavorables en l’absence de com-
pensations
(de -16,2
% enBretagne à - 35,8
% dans leLimousin,
pour -22,4
% pour 1’en- semble de laFrance),
celles-ci permettant d’es-compter,
dans laplupart
desregions 6tudi6es,
une baisse
plus
modérée des valeursajoutées :
de
-5,0
% en Lorraine à -1,3
% en Franche- Comte. Dans leLimousin,
lacompensation
permetd’envisager
une croissance de la valeurajoutée
(+5,0
%)compte
tenu del’importance
des gros bovins
plus
fortementprimes.
Dans1’ensemble,
la situation desregions d’élevage
évolue moins défavorablement que celle de la France.
Toutefois,
ces résultats sont sensiblesaux
hypotheses faites,
il ne faut donc pas trop s’attacher à leurs valeurs absolues.Dans les
regions d’élevage,
les compensa- tionsjouent
donc le rolequi
leur estassigne
enamortissant sensiblement la
perte
de valeurajoutée
en termes reels à l’issue de laperiode
de transition. La
grande majorité
desregions françaises
connait une evolutionanalogue.
Les facteurs de variation d’une
region
à1’autre sont les suivants :
- la structure des livraisons et des consom-
mations intermédiaires : lait et viande bovine pour la
Basse-Normandie,
laitpuis
viandebovine pour la Franche-Comté et la
Lorraine,
porcs,
volailles,
oeufspuis
lait et viande bovine pour laBretagne,
viandebovine, lait,
porcs,volaille,
oeufs pour lesPays
de laLoire,
viande bovine pour leLimousin,
viande bovine et lait pour1’Auvergne.
EnLorraine,
lepoids
desgrandes
cultures estimportant.
- le
rythme
duprogrès technique
sur lesproduits
et les intrants- la structure des
exploitations,
laposition
par rapport au seuil définissant la nature et le montant des
compensations.
2.
3
/ Effets
surles comptes régionaux
Les effets de la réforme sur les
productions
animales
peuvent
êtreanalyses
par le biais de la combinaison de 1’effet volume (variation desquantités
livrées sous 1’effet des mesuresprises)
et de 1’effetprix.
Les variations deprix
6tant
suppos6es identiques
dans les diversesregions,
1’effetprix
résulte d’unesimple pond6-
ration par les volumes
produits.
Enrevanche,
1’effet volume
depend,
pour lesproductions vegetales,
du taux degel
des terres etd’hypo-
theses d’extensification
régionalisées,
et, pour 1’ensemble desproductions,
deshypotheses régionalisées
deprogrès technique
ainsi que dela
pondération
des effets volume sur les diversesproductions.
L’effet volume sur les
productions
animales (tableau 4) estpositif:
de + 1 % à + 10%, parti-
culièrement
marqué
enBretagne
(+ 10 %) etPays
de la Loire (+ 7%),
cequi
semble conforme à laspecialisation
relative de ces deuxregions
en
production
hors-sol. L’effetprix
estnegatif partout
(de - 14 % à - 6 %). D’uneregion
à1’autre,
1’effet valeur est peu different pour lesproductions
animales (de - 4 % à - 7 %).Enfin,
les livraisonsperdent
de 11 %(Bretagne)
a 15% (Limousin) en valeur
réelle,
une fois introduit1’effet de l’inflation (tableau 4).
L’effet valeur sur 1’ensemble des livraisons (animales et
vegetales)
est ensuiterapproche
de celui sur les consommations intermédiaires
pour donner 1’effet sur la valeur
ajoutée :
lesdisparites
sont alorsbeaucoup plus fortes,
en fonction de 1’evolution de la valeur des consom-mations
intermédiaires,
enparticulier
des ali-ments du bétail (tableau 5).
Alors que le
prix
des aliments du betail diminuesensiblement,
entraine par celui desingredients
de laration,
leprix
des autresconsommations intermédiaires baisse beau- coup moins voire
augmente,
cequi
a une inci-dence forte sur la variation de valeur du total de celles-ci.
La
perte
de valeurajoutée
estparticulière-
ment forte dans le Limousin (hausse de la valeur des consommations intermédiaires) et
en Lorraine (forte baisse des livraisons). En
revanche,
enBretagne,
elle est réduite car lavaleur des livraisons baisse peu (- 4 %) tandis
que celle des consommations intermédiaires ne
varie pas.
2.
4 / Detail des compensations
L’estimation des
compensations (figure
3)tient
compte
desdispositions
de la réforme concernant les divers seuils (taille des trou- peaux,chargement
àl’hectare, petits produc-
teurs).La
majeure partie
desprimes vient,
dans laplupart
desregions d’élevage,
du secteurgrandes
cultures avec le maisfourrage :
de 66% à 80 %. Mais les
compensations
animales sont lesplus importantes
enAuvergne
(52 %)et dans le Limousin (79 %).
Enfin,
pour desregions
comme laBretagne,
lesPays
de laLoire et la
Basse-Normandie,
le maisfourrage apporte
entre unquart
et un tiers desprimes.
3 / Conclusi_on __
Les
projections
descomptes
desregions d’élevage
montrent que la réforme de la PAC les affecte defaçon différenciée, compte
tenu de leurs structures et de leurs orientations deproduction.
Cesregions
subissent une baissemodérée de leur valeur
ajoutée. Toutefois,
cesrésultats
n’intègrent
quepartiellement
lesreactions des
producteurs
à la baisse desprix
et devraient donc etre
completes part
l’étude des effets induits sur les facteurs fixes(travail,
terre,equipeents)
pourpermettre
une évalua-tion
plus complete
desconsequences
de la réforme.Concernant les
regions d’élevage,
les com-pensations
contribuent à réduire lesdisparites
constatées au niveau de la valeur
ajoutée
pro-jetée. L’avantage
relatif d’uneregion
comme laBretagne,
tire de ses orientations deproduc - tion,
s’affaiblit à cause de laproportion
de pro- ductions nonprimables,
du caractère intensif de saproduction
animale et de la dimension deses
exploitations.
Le même raisonnementpourrait
être tenu pour lesPays
de la Loire. LaLorraine, quant
àelle,
b6n6ficie desprimes grandes
cultures etgel
des terresqui
compen- sent la forte baisse de valeurajoutée
subie(provenant
d’ailleurs de ces memesproduc-
tions).Enfm,
le Limousin et1’Auvergne
bénéfi-cient du fort
pourcentage
desproductions pri- mables,
de 1’etroitesse de leurs structures et d’une faible intensite de leurproduction.
References bibliographiques
Guyomard
H., Leon Y.,Mahe L., 1992. La réforme dela PAC et les négociations du GATT : un pas nécessaire pour un compromis minimal ? Economie et Statistique, 254-255, 41-61.
Leon Y., Quinqu M., 1993. Perspectives d’evolution de la valeur ajoutée des regions françaises et
réforme de la PAC. Communication à la session SFER "Les revenus agricoles", 13-14 mai 1993,
Montpellier.
J. CAVAILHES INRA-ESR 26 bd Dr
Petitjeart
21000
Dijon
Entre réforme de la PAC et entretien du territoire :
Quelles perspectives économiques pour les systèmes d’élevage bovin extensifs ?
Les
exploitations spécialisées
dansl’élevage
et la
production
de viande bovine ouovine, parfois
associés au lait (OTEX42,
43 et 44 de la nomenclaturestatistique
Communautaire)représentent près
duquart
desexploitations agricoles françaises
et mettent en valeurplus
de
6,5
millions d’hectares. Leurssystèmes
pro-ductifs sont, le
plus
souvent, extensifs et ellessont situées en zones de
piémonts
ou de mon-tagnes
humides et sèches. Peut-onprévoir
lesconséquences
des réformes despolitiques
éco-nomiques, politique agricole
communautaire (PAC) ou accordgénéral
sur le commerce et lestarifs douaniers
(GATT),
sur cessystèmes d’élevage
bovin extensifsfrançais ?
Cela estdifficile. Tout d’abord parce que rien n’est arrê- té au moment où est écrit cet article : les
négo-
ciations du GATT sont en cours, et chacun sait que la PAC va être réformée à
partir
de1996,
sans que l’on
puisse anticiper
les nouvellesmesures
qui
serontprises, puisque
les discus- sions sur cette "réforme de la réforme" débu- tent àpeine.
C’estpourquoi,
pour éclairer uneréflexion
prospective,
il convient de ne pas res- ter le nez collé auxconséquences
de la réforme décidée en mai 1992. Celles-ci seront exami-nées à
partir
de modèles de simulation élabo- rés audépartement
Economie etsociologie
rurales (ESR) de l’INRA (deuxième
partie).
Mais, auparavant,
onévoquera quelques
ten-dances lourdes des évolutions des
systèmes
deproduction régionaux (première partie), qui
sont le cadre dans
lequel
s’inscrit toutprojet
de réforme. On
élargira
ensuite le propos, enprenant
encompte
des élémentsplus qualita- tifs,
résultant de demandes oud’aspirations
nouvelles (fonctions
récréatives,
résidentiellesou environnementales du
rural,
bien-être ani-mal, etc.), qui
contribuent à déterminer le devenir àlong
terme dessystèmes d’élevage
extensifs
français
(troisièmepartie).
Les réflexions
proposées
se situent auniveau
macro-régional,
une réflexionprospecti-
ve
pouvant
difficilement être menée à des échelonsplus fins ;
larégion
charolaise est souventprivilégiée
dansl’analyse,
pour avoir étéplus particulièrement
étudiée par l’auteur mais aussi parcequ’elle représente
une frac-tion