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Ostéoporose chez le sujet très âgé : comment hiérarchiser les risques ?

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Academic year: 2022

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La Lettre du Gynécologue • N° 412 - janvier-février 2018 |

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GRIO

Coordonné par T. Thomas

(Saint-Étienne)

www.grio.org

Ostéoporose chez le sujet très âgé : comment hiérarchiser les risques ? Le point de vue du clinicien

H. Blain

(Pôle gérontologie, CHRU de Montpellier ; MACVIA (contre les MAladies Chroniques pour un VIeillissement Actif) France ; Euromov, université de Montpellier ; Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses [GRIO]) ;

Centre de prévention et de traitement des maladies du vieillissement Antonin-Balmes)

Espérance de vie en France

L’espérance de vie à la naissance n’a cessé d’augmenter en France pour atteindre un âge de 79 ans chez l’homme et de 85 ans chez la femme. L’espérance de vie résiduelle moyenne des hommes et des femmes à 80 ans est de 8,6 et 10,7 ans, et elle est de 4,1 et 5,0 ans, respectivement, après 90 ans. Ces données montrent que des mesures de prévention pour favoriser un vieillissement actif et en bonne santé peuvent être mises en place à des âges tardifs, en particulier après 80 ans.

Les interventions visant à augmenter l’espérance de vie en bonne santé de la population fran- çaise doivent tenir compte des causes de mor- talité qui sont différentes d’une tranche d’âge à l’autre. Ainsi, des mesures de prévention du suicide, des accidents de la route, du VIH, des homicides et des addictions sont prioritaires chez les adolescents et les adultes jeunes, tandis que la prévention des cancers et des pathologies vasculaires sont prioritaires chez l’adulte d’âge moyen. Chez les sujets âgés, la iatrogénie médi- camenteuse et les chutes graves, en particu- lier compliquées de fractures, sont parmi les principales causes de morbimortalité évitables, leur prévention étant reconnue depuis peu en France (programme PAERPA [Personnes Âgées En Risque de Perte d’Autonomie]) et en Europe (programme EIP on AHA [European Inno vation Partnership on Active and Healthy Ageing]) comme une priorité dans cette population.

Des priorités thérapeutiques modifi ées avec l’avancée en âge et en présence d’une fragilité : 5 exemples

La prise en charge de l’hypertension artérielle illustre bien la modification de hiérarchie des

risques en fonction de l’âge. S’il est bien établi que le traitement de l’hypertension artérielle réduit significativement le risque d’accident vasculaire cérébral et d’infarctus du myocarde chez des sujets robustes, même après 80 ans, le bénéfice d’un traitement anti hyper tenseur chez les sujets de plus de 80 ans poly- médicamentés et fragiles est remis en ques- tion. En effet, chez les sujets âgés fragiles, la prévention de l’hypo tension orthostatique et des autres effets indésirables des anti hyper- tenseurs devient une priorité, conduisant à réduire la posologie, voire à arrêter ces traite- ments en cas de tension artérielle systolique inférieure à 130 mmHg.

Il en va de même pour les statines, qui ont montré un bénéfice en prévention primaire et secondaire avant 80 ans, mais qui ne devront pas être proposées en prévention primaire après 80 ans.

Les recommandations thérapeutiques vont dans le sens d’une optimisation de l’équilibre glycé mique (HbA1c) chez les sujets robustes de moins de 80 ans. À l’inverse, la priorité va être de prévenir les hypoglycémies et les grandes hyperglycémies chez les patients diabétiques de plus de 80 ans, ce d’autant qu’ils sont fragiles.

Le rapport bénéfice/risque des médicaments psychotropes, et en particulier des benzo- diazépines, va progressivement s’inverser chez les sujets âgés du fait du risque de chute qu’ils induisent.

Iatrogénie médicamenteuse : éviter la surutilisation

et le mésusage des médicaments chez les sujets âgés

Les données de l’Institut de recherche et docu- mentation en économie de la santé de 2015

montrent que 40 % des patients de plus de 75 ans prennent plus de 5 médicaments et que 10 % en prennent 10 ou plus, ces chiffres étant probablement sous-estimés puisque cette étude porte uniquement sur la pres- cription de médicaments remboursés. Or, la iatrogénie médica menteuse est à l’origine de 25 à 30 % des admissions hospitalières chez les patients de 80 ans et plus et de 10 % des admissions dans les services d’accueil des urgences. Un certain nombre de listes de médi- caments inappropriés chez les sujets âgés ont été publiées (Laroche, Beers, STOPP-START, PRISCUS, etc.). Certains médicaments utilisés fréquemment en rhumatologie le deviennent en effet, ou leur utili sation doit être prudente chez les patients âgés fragiles. Par exemple, l’utilisation d’anti- inflammatoires non stéroï- diens devient inadéquate en cas d’insuffi- sance cardiaque ou d’insuffisance rénale, et le tramadol expose au risque de confusion en cas de troubles cognitifs sous-jacents, à des crises comitiales, ou à un syndrome séro- toninergique en association aux antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la séro- tonine. L’administration de benzodiazépines à visée myorelaxante n’est plus de mise chez les personnes âgées à risque de chute.

Pour aider les prescripteurs, quel que soit leur domaine de spécialité, nous avons récemment publié un résumé des situations médicales qui rendent certains médicaments non indiqués (“overuse”) ou inappropriés (“misuse”) [1] .

Iatrogénie : éviter la sous-utilisation de certains traitements

chez les sujets âgés

Si l’utilisation de médicaments inadéquats expose au risque de iatrogénie chez les

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personnes âgées, il en est de même de la sous- utilisation de certains médicaments (“underuse”). Des posologies insuffisantes d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et la sous-utilisation de bêta- bloquants cardiosélectifs chez les insuffi- sants cardiaques à fraction d’éjection altérée exposent ces derniers au risque de décom- pensation cardiaque. La non-utilisation d’anti- coagulants en cas de fibrillation atriale expose au risque d’accident vasculaire cérébral.

Ces listes signalent la sous-utilisation de la vita- mine D, du calcium, et des traitements anti- ostéoporotiques chez les personnes âgées à haut risque de fracture, en particulier après une fracture majeure et en cas de prise de corticostéroïdes à une posologie supérieure ou égale à 7,5 mg d’équivalent prednisone pour une durée supérieure ou égale à 3 mois (1).

Prévention de la chute et des fractures : priorité

chez les personnes âgées fragiles

Les chutes sont à l’origine de 9 300 décès par an en France. Elles concernent essentiellement les sujets de 65 ans ou plus, et leur compli- cation la plus fréquente et la plus grave est la fracture, majeure en particulier. Les chutes sont en effet responsables de 50 000 fractures annuelles de l’extrémité supérieure du fémur chez la femme et de 16 000 chez l’homme.

L’âge moyen au moment de la fracture est supérieur à 80 ans. Après une fracture de l’extrémité supérieure du fémur, 10 à 15 % des patients décèdent dans l’année, essentiel- lement en raison de comorbidités ayant favo- risé la chute, et environ 30 % des survivants perdent une partie de leur autonomie fonc- tionnelle. La chute est devenue en France l’une des principales causes d’admis sion aux services

d’accueil des urgences, en unité de soins aigus gériatriques et en établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes.

Un certain nombre de mesures préviennent les chutes chez les personnes âgées, tels la prise en charge des troubles visuels, le traite- ment d’une carence en vitamine D, la réduc- tion des risques environnementaux de chute au domicile par l’ergothérapeute, l’adap- tation du chaussage et la prise en charge des pathologies podologiques, la pratique d’activités physiques comportant un travail de l’équilibre avec un kinésithérapeute ou en groupe avec un professionnel de l’acti- vité physique adaptée, et la réduction pro- gressive des médicaments responsables de chutes, en particulier les psycho tropes et les médicaments qui induisent une hypotension orthostatique (2).

Il est dès lors discutable de ne pas prescrire d’anti coagulant à un patient ayant une fibril- lation atriale au motif qu’il existe un risque de chute et de privilégier un traitement benzodia- zépinique qui favorise la chute.

En parallèle, une ostéoporose doit être recherchée chez les patients âgés “chuteurs”

(recommandations du GRIO). Les traitements anti- ostéoporotiques sont à tort trop souvent considérés comme non prioritaires chez les patients âgés fragiles à haut risque de fracture au motif qu’ils prennent beaucoup de médi- caments. Or, l’effet sur le métabolisme osseux et le risque de fracture des médicaments anti- ostéoporotiques est conservé après 75 ans.

Ils gardent un effet antifracturaire démontré, et donc un rapport bénéfice/risque positif chez les sujets âgés fragiles, contrairement à beaucoup de médicaments de l’ordon- nance considérés à tort comme prioritaires (cf. supra) [1, 3-5].

Conclusion

Avec l’avancée en âge et l’apparition de polypathologies et de fragilité, dont la chute est l’un des marqueurs, la hiérarchie des priorités de soins se trouve modifiée. Si les patients âgés robustes doivent faire l’objet de la même attention médicale que les patients robustes plus jeunes, le rapport bénéfice/

risque de certains médicaments (hypo - cholestéro lémiants, benzo diazépines, etc.) s’inverse chez les sujets âgés fragiles, chu- teurs en particulier, et les objectifs théra- peutiques doivent être révisés (tension artérielle, HbA1c), la priorité devenant la prévention des effets indésirables des médi- caments. Celle des chutes et de leurs compli- cations fracturaires est à privilégier chez les sujets âgés fragiles. Un dépistage des patients âgés à risque de chute (anté cédent de chute au cours de la dernière année, peur de tomber, diffi culté à se lever d’une chaise sans les mains, temps d’appui unipodal inférieur à 5 secondes, timed up and go supérieur à 14 secondes, en particulier) parmi les patients ostéo porotiques et la recherche d’une ostéo- porose chez les patients à risque de chute doivent être mieux organisés en France. La mise en place de mesures de prévention des chutes guidées par l’évaluation géronto- logique et l’instauration d’un traitement anti- ostéoporotique nécessitent une meil- leure collaboration entre médecins prenant en charge des patients âgés fragiles à risque de fracture (médecin généraliste, rhumato- logue, gériatre, orthopédiste, médecin réédu- cateur, etc.) et les diffé rents professionnels de soins auprès des personnes âgées fragiles (ergothérapeutes, kinési thérapeutes, spécia- listes de l’activité physique adaptée, podo-

logues, etc.) [6, 7]. ■

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts concernant cet article.

Remerciements à Sofia Ben Hammou et à Catherine Touy pour leur aide dactylographique.

© La Lettre du Rhumatologue 2017;435:33-4.

Références bibliographiques

1. Blain H, Rambourg P, Le Quellec A et al. ; Groupe de travail CHU de Montpellier – MACVIA-LR. Bon usage des médicaments chez le sujet âgé. Rev Med Interne 2015;36:677-89.

2. Gillespie LD, Robertson MC, Gillespie WJ et al. Inter ventions for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev 2012;(9):CD007146.

3. Briot K, Cortet B, Thomas T et al. 2012 update of French guidelines for the pharmaco- logical treatment of postmenopausal osteoporosis. Joint Bone Spine 2012;79(3):304-13.

4. Blain H, Rolland Y, Beauchet O et al. ; Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses et la Société française de gérontologie et gériatrie. Usefulness of bone density measurement in fallers. Joint Bone Spine 2014;81:403-8.

5. www.grio.org/documents/page/ recommandations-opm-grio-2016-2017.pdf

6. Blain H, Léglise MS, Bernard PL et al. Living Lab MACVIA-LR. Équilibre et prévention des chutes. Presse Med 2015;44(Suppl. 1):S23-30.

7. Blain H, Masud T, Dargent-Molina P et al. EUGMS Falls and Fracture Interest Group ; the EUGMS Falls and Fracture Interest Group, the International Association of Gerontology and Geriatrics for the European Region (IAGG-ER), the European Union of Medical Spe- cialists (EUMS), the Fragility Fracture Network (FFN), the European Society for Clinical and Economic Aspects of Osteoporosis and Osteoarthritis (ESCEO), and the International Osteoporosis Foundation (IOF). A comprehensive fracture prevention strategy in older adults: The European Union Geriatric Medicine Society (EUGMS) Statement. J Nutr Health Aging 2016;20:647-52.

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