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Texte intégral

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NUMÉRO

63

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Mai 2016 | Gratuit

SOCIÉTÉ

Les élites ne sont plus ce qu’elles étaient 16

ÉCOLOGIE

La nature à la conquête de la ville 28

CULTURE

Le jeu vidéo est devenu un spectacle

40

!

MÉDECINE

MÉMOIRE NOS SENS AMÉLIORENT NOTRE

(2)

Réseau ALUMNIL

Diplômées et diplômés de l’UNIL

développez votre réseau et maintenez votre savoir vivant avec le

www.unil.ch/alumnil

ALUMNIL : le réseau des diplômé·e·s

UNIL | Université de Lausanne – Bureau des alumni contact.alumnil@unil.ch – tél. : +41 21 692 20 88

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(3)

Allez savoir ! N° 63 Mai 2016 UNIL | Université de Lausanne 3

ÉDITO

ISSN 1422-5220

IMPRESSUM

Magazine de l’Université de Lausanne

No 63, mai 2016 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel

Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Création de la maquette Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Mélanie Affentranger Sonia Arnal Mireille Descombes Saskia Galitch Elisabeth Gordon Alberto Montesissa Nadine Richon Anne-Sylvie Sprenger David Trotta Correcteurs Albert Grun Fabienne Trivier Direction artistique Secteur B Sàrl www.secteurb.ch Photographie Nicole Chuard Illustration

Eric Pitteloud (pp. 3, 21, 57) Couverture

Virginie Lanz.

Image : © Thinkstock Impression

Genoud Entreprise d’arts graphiques SA

Tirage

17 000 exemplaires Parution

Trois fois par an, en janvier, mai et septembre Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 4)

LE CHANGEMENT , C’EST MAINTENANT

N

otre pays est en train de muter. Cela va bien plus vite que nous l’ima- ginions. Et les changements sont bien plus significatifs que nous le pensions. C’est, du moins, le sen- timent qui domine, quand on découvre les conclusions des chercheurs de l’UNIL qui observent les décideurs suisses, et notam- ment les élites économiques «qui ont été les premières à évoluer».

Les analyses que vous découvrirez dans ce numéro viennent en effet corriger une impression trompeuse. On se souvient que les mouvements xénophobes ont toujours cité quelques métiers manuels quand ils voulaient dénoncer ce boulanger étranger qui venait «manger le pain des Français»

dans le célèbre sketch de Fernand Raynaud.

Ou ce fameux «plombier polonais» qui est devenu, bien malgré lui, l’anti-héros du dé- bat français sur le traité européen de 2005.

Les données récoltées par les cher- cheurs de l’UNIL montrent en effet que la Suisse change de manière moins anec- dotique et plus qualitative qu’on l’imagi- nait. Ainsi, «quand on ne comptait que 3,7%

d’étrangers parmi les top managers des 110 plus grandes entreprises suisses en 1980, ce pourcentage est passé à 34,5% en 2010», note le chercheur André Mach (c’est en page 19), avant d’observer que la mue est tout aussi «impressionnante» parmi les enseignants des hautes écoles du pays.

Notre monde change donc, rapidement, et à tous les niveaux de la société. Bonne nouvelle ? Les libéraux se réjouiront de vé- rifier que la porte est ouverte pour les meil- leurs, d’où qu’ils viennent, ce qui est un atout pour un pays qui vend ses produits

à la planète. Et ceux qui voient encore la Suisse comme un pâturage entouré de bar- belés seront rassurés d’apprendre qu’il «n’y a pas au monde, à part peut-être le Luxem- bourg, de pays où la proportion de travail- leurs étrangers est comparable».

Restent tous ceux que ces chiffres peuvent inquiéter. Car cette mue extraor- dinairement rapide des élites économiques ne fait pas que des gagnants. Tout le monde ou presque se retrouve «précarisé» par les effets de cette mondialisation du pays. Pour les ouvriers et les petites mains, on le sa- vait. On apprend en revanche dans ce nu- méro que c’est également le cas des élites.

Cette nouvelle insécurité profession- nelle généralisée explique évidemment les fortes tensions que l’on a pu ressentir ces dernières années dans les débats poli- tiques entre les tenants d’une Suisse hyper- ouverte, et ceux qui prônent le retour aux frontières. A ce sujet, il y a sans doute une leçon à tirer des analyses menées à l’UNIL.

L’importance des changements en cours de- vrait nous inciter à sortir du débat stérile qui oppose trop souvent les «racistes» et les

«bobos», dès qu’un sujet sensible provoque un débat animé. Nous pourrions, pour com- mencer, nous mettre d’accord pour regar- der la Suisse telle qu’elle est vraiment : un territoire très ouvert, en pleine mutation, et qui se retrouve avec des problèmes de pays mondialisé à régler. Ce n’est pas in- surmontable. Encore faudrait-il pouvoir dé- battre sans tabous ni œillères des change- ments en cours. Parce que l’incertitude est toujours anxiogène. Et parce que bien nom- mer les choses, c’est diminuer la confusion du monde. 

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

LA SUISSE EST UN

TERRITOIRE TRÈS

OUVERT, EN PLEINE

MUTATION, QUI SE

RETROUVE AVEC

DES PROBLÈMES DE

PAYS MONDIALISÉ

À RÉGLER.

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NOM / PRÉNOM ADRESSE

CODE POSTAL / LOCALITÉ

TÉLÉPHONE E-MAIL

DATE ET SIGNATURE

JE M’ABONNE À « ALLEZ SAVOIR ! »

Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université   de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par fax au 021 692 22 05. Ou par courrier électronique à allezsavoir@unil.ch

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Allez savoir ! N° 63 Mai 2016 UNIL | Université de Lausanne 5 UNIVERSITÉ

Sous les pavés, le plagiat.

SOMMAIRE

BRÈVES L’actualité de l’UNIL : formation, international, publications, distinctions.

PORTFOLIO Parcours de vie, Equateur, imagerie.

SPORT Les Suisses ne sont pas des joueurs pros, ce sont des champions.

ÉCOLOGIE Les nouvelles villes vertes.

De l’agriculture au cœur de nos cités.

ÉCONOMIE Et si la croissance

ne revenait pas ?

MOT COMPTE TRIPLE Thanatologie.

Avec Isaac Pante.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL André Locher, collectionneur d’images.

LIVRES

Benjamin Constant, Cameroun, sport, histoire vaudoise, tourisme, climat, Houellebecq.

RÉFLEXION

La transition écologique est davantage qu’un défi technologique. Par Benoît Frund.

25 ANS D’HISTOIRE Regards croisés

sur la formation continue.

«Internet of Things».

LIVRE Le trésor de l’or rouge.

Avec Jean-Daniel Tissot.

RENDEZ-VOUS Evènements, conférences, sorties et expositions.

CAFÉ GOURMAND Ajouter un brin de fiction.

Avec Marc Escola.

46 52 57 58 61 62 64 66

SOCIÉTÉ Les élites suisses

ne sont plus ce qu’elles étaient.

6 12 16 21 22 28 34 39 40 45

CULTURE Le jeu vidéo est devenu un spectacle. Entretien avec Olivier Glassey.

RÉFLEXION Scientifiques, faites-vous entendre ! Par Frédéric Schütz.

MÉDECINE Utiliser plusieurs

de ses sens pour améliorer sa mémoire.

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Mai 2016 | Gratuit

!

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DES VIES EN IMAGES

Fruit d’une collaboration entre le Pôle de recherche national LIVES et les Journées photographiques de Bienne, l’ouvrage Downs and Ups présente le travail de trois photographes suisses. En images, elles ont exploré la vulnérabilité et la résilience dans les parcours de vie, soit les points forts traités par les chercheurs de LIVES.

Avec Bois des Frères (en haut à g. et dr.), Delphine Schacher s’est intéressée aux habitants des cabanes du Lignon (Genève).

A l’origine, ces pavillons en bois abritaient les travailleurs saisonniers italiens. Ils sont toujours occupés aujourd’hui, par une population mélangée.

Annick Ramp a suivi Sandra, née homme. Après une vie compliquée, menée sous le signe du combat pour son identité, elle a été opérée pour devenir une femme. Sandra accorde une grande importance à sa féminité, un thème que la photographe a placé au centre de son travail (en bas à g.).

En noir-blanc, Simone Haug a suivi des acrobates à la retraite. Ces derniers se sont mis en scène dans une série d’images qui mettent l’accent sur le mouvement. DS

Downs and Ups. Ed. par Hélène Joye-Cagnard et Emmanuelle Marendaz Colle. Ouvrage trilingue FR/DE/EN. Snoeck (2016), 108 p.

www.lives-nccr.ch

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¡ BIENVENIDO A LA FIESTA !

Peguche (nord de l’Equateur), le 9 février 2016. Ce jour de Mardi- Gras, de nombreux habitants de la province se retrouvent à proximité d’une cascade pour se livrer à une gigantesque bataille d’eau. En parallèle, cette communauté andine située à plus de 2500 mètres d’altitude accueille le «Pawkar Raymi Peguche Tío», un festival annuel très couru. La tête d’affiche de cette édition était Alpha Blondy.

De nombreux affluents se rejoignent au sein de cet évènement : catholicisme et animisme, volonté de revaloriser les traditions indigènes et intégration de la culture internationale. Si l’on ajoute un tournoi de football, un concours de ñustas (princesses) en costume traditionnel et des aspects économiques, le résultat constitue un mélange aussi vivant que fascinant à observer.

Dans le cadre de sa thèse en Sciences sociales, Jérémie Voirol étudie justement les fêtes qui se déroulent dans la région d’Otavalo, la ville la plus proche. Il s’intéresse aussi bien aux réjouissances privées (comme les mariages) qu’aux célébrations publiques annuelles. L’anthropologue, qui parle le kichwa (une langue autochtone, qui était celle des Incas), arpente son terrain de recherche depuis une dizaine d’années.

Début 2016, Jérémie Voirol s’est à nouveau rendu dans la région avec Francis Mobio, chargé de cours à l’Institut religions, culture et modernité. Ce dernier a documenté la recherche, par la photographie et la vidéo. DS

Entretien complet avec Jérémie Voirol et reportage photo sur

www.unil.ch/allezsavoir

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LE MONDE SECRET DE L’INTESTIN

Ces deux images montrent des villosités intestinales comme on ne les a encore jamais vues. Présentes par millions dans l’intestin grêle (ici, chez la souris), elles sont responsables de l’absorption des nutriments.

En rouge, le lactifère. Mesurant ici un peu plus d’un dixième de millimètre, ce capillaire lymphatique est chargé de transporter certains acides gras (dits à longue chaîne) et des vitamines vers la circulation systémique. Les autres acides gras ainsi que les sucres et les acides aminés sont véhiculés par des capillaires sanguins (en vert, la structure en forme de cage).

Les filaments colorés en bleu sont des cellules musculaires. Il faut encore imaginer que ces structures complexes sont recouvertes par une monocouche de cellules épithéliales.

Ces documents ont été obtenus grâce à une technique d’imagerie en 3D créée par Jeremiah Bernier-Latmani, post-doctorant au laboratoire dirigé par Tatiana Petrova (Département d’oncologie fondamentale UNIL-CHUV). Ses travaux, publiés notamment dans Journal of Clinical Investigation, ont de nombreuses implications.

Ainsi, contrairement à ce que l’on pensait auparavant, les lactifères croissent et se renouvellent même chez l’adulte. Or, de nou veaux anticancéreux en cours de développement pourraient affecter cette régénération, et donc provo- quer des effets secondaires. DS

Le site du Vascular and Tumor Biology Laboratory : www.unil.ch/deo/home.html Article complet et images supplémentaires sur www.unil.ch/allezsavoir

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BRÈVES

Une nouvelle «Maîtrise en cultures, sociétés et humanités numériques» va voir le jour en sep- tembre 2016. Elle est proposée conjointement par trois facultés (Lettres, Sciences sociales et politiques, Théologie et sciences des religions).

Ce cursus contient un volet pratique (informa- tique et programmation, notamment dans une perspective d’application aux Sciences humaines et sociales). Au-delà, la place prise par le numé- rique comporte des enjeux sociaux, politiques et culturels (autour de l’industrie du divertisse-

ment par exemple). Les corpus étudiés dans ce cadre vont des textes aux sons, en passant bien sûr par les productions cinématographiques, télévisuelles ou vidéoludiques (lire également en p. 40).

La moitié de ce cursus de 120 crédits se déroule dans l’une des trois facultés organisatrices, l’autre étant un programme commun. Un mé- moire qui problématise des questions relatives au numérique conclut la formation. (RÉD.) www.unil.ch/masters

UNE FORMATION POUR LE MONDE NUMÉRIQUE

LE SITE

SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES CULTURE

CRITIQUE THÉÂTRALE AUX CHANDELLES

Comment les spectateurs et les lecteurs du XVIIe siècle recevaient- il les pièces de théâtre qui leur étaient présentées ? Cette question originale trouve une réponse sur le site «Naissance de la critique dramatique». Mené par Lise Michel, professeure assistante à la Section de français de l’UNIL, et Claude Bourqui, professeur associé à l’Université de Fribourg, ce projet propose plus de 1500 extraits de textes de l’époque. L’occasion de plonger dans les sensibilités, les goûts et les débats d’alors. (RÉD.) www.unil.ch/ncd17

La proportion d’étudiants qui a un projet profes- sionnel précis.

Le nombre d’heures de cours, de séminaires et d’étude par semaine.

39,5 43,3 %

Une majorité s’adapte sans aucune difficulté à la vie universitaire.

65,7 %

ENQUÊTE

LES ÉTUDIANTS ONT DES IDÉES SUR LEUR AVENIR

L’enquête «Comment allez-vous ?» est menée chaque année auprès des étudiants qui viennent de débu- ter leur parcours à l’UNIL. Elle est organisée par le Service d’orientation et carrières et la Fédéra- tion des associations d’étudiant-e-s. En novembre 2015, 1162 personnes ont été atteintes par télé- phone, soit un taux de réponse de 48 %. Les entre- tiens durent une vingtaine de minutes et sont l’oc- casion de rappeler les services que l’institution propose en cas de besoin.

Pour cette édition, un accent a été placé sur le thème de l’avenir professionnel. Si l’intérêt pour la branche choisie est la raison principale du choix de leurs études pour un peu plus de la moi- tié des débutants, les débouchés ont été un fac- teur déterminant pour 67.5 % d’entre eux. 43,3 % des répondants déclarent même avoir un projet professionnel précis. Par exemple, la majorité des

étudiants en Lettres et en Sciences du sport visent l’enseignement.

«Comment allez-vous ?», dont les résultats sont publics, livre bien d’autres informations. Ainsi, en moyenne, les débutants consacrent 22,5 h par semaine aux cours, travaux pratiques et séminaires, plus 17 h au travail personnel. Soit un total de 39,5 h. Ce chiffre monte à 53 h en médecine. Si plus de la moitié des répondants n’a pas d’activité professionnelle rémunérée, cette dernière prend 7,5 h par semaine en moyenne aux autres. Les varia- tions entre les cursus sont importantes.

Enfin, il est intéressant de noter que la proportion d’étudiants qui prend part à la vie sociale de l’UNIL (sports, loisirs) grimpe sans cesse pour atteindre 51,4 %. Un signe que Dorigny devient petit à petit un campus. DS

www.unil.ch/soc/comment-allez-vous

MIEUX COMPRENDRE LA SUISSE

La plateforme DeFacto est desti- née à rendre davantage visible la recherche en Sciences politiques et en Sciences sociales. Financée par le FNS, elle est animée par des auteurs de plusieurs hautes écoles suisses, dont l’UNIL. Les articles, assez courts, sont rédigés à l’in- tention d’un public large. Ils sont issus de la plume de scientifiques ou d’étudiants et couvrent de nom- breux sujets. Par exemple, le droit de vote des étrangers ou la démo- cratie directe. Même si de nom- breuses contributions sont en alle- mand, il s’agit d’un moyen simple de suivre les recherches en cours sur des sujets d’actualité. (RÉD.) www.defacto.expert.

Sur Twitter : @defactoexpert

© DR

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Allez savoir ! N° 63 Mai 2016 UNIL | Université de Lausanne 13 La future direction de l’UNIL, qui entrera en

fonction le 1er août 2016, est connue. François Bussy, professeur à l’Institut des Sciences de la Terre, prendra en charge les questions liées à la recherche. Marc de Perrot, secrétaire géné- ral, continuera d’assumer cette fonction. Gior- gio Zanetti, professeur spécialisé en Médecine interne et en Infectiologie, prendra en charge les questions liées à l’enseignement. Nouria Hernandez, en tant que rectrice assurera la di- rection générale, ainsi que les questions liées à la gestion de la qualité et au soutien informa-

tique. Benoît Frund, actuel vice-recteur «Du- rabilité et Campus» prendra en charge la po- litique de durabilité de l’UNIL, ainsi que la gestion et le développement du campus. Mar- tial Pasquier, professeur en Management pu- blic, prendra en charge les Finances et les Ressources humaines. Déborah Philippe, pro- fesseure spécialisée dans les questions de res- ponsabilité sociale des entreprises, prendra en charge les questions liées à l’égalité des chances et les interactions entre l’Université et la société. (RÉD.)

LA NOUVELLE ÉQUIPE EST FORMÉE

DIRECTION MÉDECINE

AVANCÉE EN PÉDIATRIE

Le 28 janvier dernier, la Fondation du Prix Pfizer de la Recherche a récompensé Marie-Hélène Perez (médecin associée au Service de pédiatrie du CHUV, à dr.), ainsi que Corinne Jotterand Chaparro (à g.) et David Longchamp, doctorants à la Faculté de biologie et de médecine. Ces trois chercheurs se sont vus remettre le Prix Pfizer pour leur travail intitulé «Sauver la vie des enfants en Soins intensifs». Les récipiendaires ont élaboré une méthode pour définir précisément la quantité de protéines et de calories qui convient aux enfants malades. En effet, les recommandations actuelles n’étaient jusqu’ici basées que sur un nombre très limité d’études. Ils ont pu tirer des conclusions concrètes des 402 mesures qu’ils ont réalisées sur 74 enfants. Ces derniers ont besoin de 1,5 g de protéine et de 58 calories par kg de poids corporel par jour jusqu’à l’âge de 4 ans. Cette découverte permet aux médecins de mieux alimenter les enfants en Soins intensifs pour qu’ils se rétablissent. (RÉD.)

lix Imhof © UNIL© 24h / Marius Affolter

Gratuit et ouvert à tous, un cours en ligne propose de mieux comprendre les dimensions psycholo- giques, sociologiques, juridiques et biologiques du dopage. Piloté par Fabien Ohl, professeur de Sociologie du sport à l'ISSUL, ce MOOC (pour Massive Open Online Course) mobilise – en vidéo – plusieurs chercheurs de l'UNIL et des experts de l'UEFA, de l'Agence mondiale antido-

page, du Tribunal arbitral du sport et du Labora- toire suisse d'analyse du dopage. Une manière de croiser les regards et de décoller des jugements et des débats stériles «Pour/Contre» le dopage.

Le cours en français a rassemblé 523 inscrits et la version anglaise 942. (RÉD.)

Le cours en français : www.coursera.org/learn/dopage Le groupe Facebook : www.facebook.com/groups/MOOCdoping

LE DOPAGE SOUS L’ŒIL DE LA RECHERCHE

FORMATION

NOTRE MODERNITÉ A OUVERT L’ÈRE DES CAMPS. AUSCHWITZ N'EST PAS DERRIÈRE NOUS. L'IDÉOLOGIE DU CAMP EST DEVANT NOUS. C’EST UN MOYEN DE RÉGLEMENTER LES MOUVEMENTS DE POPULATION, DE RÉGLER LES PROBLÈMES DE PAUVRETÉ, DE TRAITER DE LA DISSIDENCE.

Mondher Kilani, anthropologue et professeur honoraire, dans Le Temps du 14 mars 2016.

UN COURS EN LIGNE GRATUIT ET OUVERT À TOUS.

© Fondation du Prix Pfizer de la Recherche

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571

Le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques cette année (d’après Ser- val, au 11 avril 2016).

La mobilité sociale a-t-elle progressé en Suisse au cours du XXe siècle ? Grâce à leur formation, les enfants d’ouvriers ac- cèdent-ils plus facilement qu’auparavant aux classes supé- rieures ? La «méritocratie» fonctionne-t-elle ? C’est à ces ques- tions (et à bien d’autres) que répond Julie Falcon, première assistante au LINES – Life Course and Inequality Research Center, à l’UNIL. Sur le site de Social change in Switzerland 1), la chercheuse a publié un bref et accessible article à ce su- jet. Il s’agit d’un condensé de sa thèse, soutenue en 2013.

Nourries de données issues de 21 enquêtes, ses conclusions battent en brèche les idées reçues. Ainsi, pour les personnes nées entre 1935 et 1978, l’ascension sociale, c’est-à-dire l’accès à une position plus élevée que celle du père, reste à environ 40 % de la population concernée. La stabilité (ou reproduction sociale), également à 40 %. Enfin, le déclasse- ment touche les 20 % restants. Un mouvement vers le bas qui affecte davantage les femmes. Cette stagnation persiste malgré la tertiarisation de l’économie et le développement des hautes écoles (dont la classe moyenne supérieure est la principale bénéficiaire).

Au cours du siècle dernier, les bonnes situations profession- nelles sont même devenues de moins en moins accessibles aux personnes peu diplômées. Avoir un diplôme de l’ensei- gnement supérieur est devenu la clé de l’accès au sommet, mais il n’est pas suffisant. «A niveau d’études égal, l’ori- gine sociale continue d’avoir une influence importante sur les chances d’accéder aux meilleures positions», résume Julie Falcon.

Cette stabilité de la mobilité sociale s’observe dans d’autres pays industrialisés. La scientifique travaille d’ailleurs à des projets de recherches comparatives avec la France et l’An- gleterre. DS

1) www.socialchangeswitzerland.ch

La thèse est accessible sur www.unil.ch/unisciences. Chercher sous  Julie Falcon puis Publications > Mémoires et thèses

1531

Le nombre de références faites à l’Université de Lausanne et au CHUV dans les médias en 2016, selon la revue de presse Argus au 11 avril 2016. Début février, une étude sur les effets néga- tifs de la consommation de cannabis sur la mémoire a fait le tour du monde et suscité de très nombreux tweets, prin- cipalement à l’étranger.

Les manifestations organisées par l’Institut Benjamin Constant autour des 200 ans d’Adolphe, ont vivement inté- ressé la presse (lire également en p. 62). Plusieurs articles ont traité de l’héritage et de l’actualité de ce texte.

Le recteur de l’UNIL Dominique Arlettaz a été interrogé par la RTS deux ans après la votation du 9 février 2014. Il a indiqué que la Suisse dirige beaucoup moins de projets de recherche en collaboration avec des partenaires euro- péens. Ces derniers ne nous font plus assez confiance. En parallèle, le nombre d’étudiants qui viennent en mobilité dans notre pays a diminué d’environ 20 %.

Dans le domaine de la Santé, les pansements biologiques destinés à éviter des infections aux grands brûlés ont fait l’objet de nombreux sujets. Lee Ann Laurent-Applegate, professeure et responsable de l’Unité de thérapie régéné- rative du CHUV, a été mise à contribution (lire également Allez savoir ! 59).

Le premier Printemps de la poésie romand, né à la Faculté des lettres, a permis de mettre en valeur un genre très pra- tiqué. L’UNIL a notamment organisé un concours de haï- kus sur Twitter (@haiku130).

Le 1er mars, le vice-recteur Philippe Moreillon a témoigné devant la House of Lords britannique. Il a exposé la situa- tion des chercheurs suisses suite à la votation du 9 février.

Son audition a suscité des débats, sur Twitter, entre pro- et anti-Brexit. DS

L’ASCENSEUR SOCIAL NE

MARCHE PAS MIEUX QU’AVANT

CANNABIS, CONSTANT

ET BREXIT

HISTOIRE

BRÈVES

L’UNIL DANS LES MÉDIAS PASSAGE EN REVUE

MIEUX REGARDER LE PATRIMOINE

Editée au sein de la Sec- tion d’histoire de l’art, la belle revue Monuments vaudois consacre une grande partie de son der- nier numéro à certains aspects du patrimoine bâti de Vevey. Au fil d’une longue étude, Paul Bis- segger présente l’Hôtel de Ville en détails. L’ar- chitecture, la construc- tion, les aménagements intérieurs et les objets mobiliers de cet édifice inauguré en 1710 sont détaillés. Une «visite»

du bâtiment, illustrée de nombreuses photogra- phies, est proposée.

Dans un autre article, Eloi Contesse nous plonge dans les débats et les conflits qui ont entouré la destruction du temple de Peney (VD), puis sa re- construction, au début du XXe siècle. La revue propose plusieurs autres textes, par exemple sur l’ancienne Ecole de com- merce, devenue le Gym- nase de Beaulieu.

Un séminaire en Histoire de l’art a également dé- bouché sur une contribu- tion. Sous la plume d’étu- diantes de bachelor, des éléments peu connus de peinture médiévale dans plusieurs églises vau- doises, ainsi qu’une sta- tue payernoise sont pré- sentés. Agréable à lire, Monuments vaudois in- cite à regarder de plus près le patrimoine ro- mand. DS

www.unil.ch/

monumentsvaudois

© Fotolia

© DR

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Allez savoir ! N° 63 Mai 2016 UNIL | Université de Lausanne 15

ENQUÊTES, MÉDECINE LÉGALE, PRODUCTIVITÉ ET CONFLITS

À L’HONNEUR

Pour une phase initiale de trois ans, le FNS soutient un projet mené par Jürgen Maurer, profes- seur à l’Institut d'économie et de management de la santé (Faculté des HEC). Il s’agit de comprendre la relation entre maladies chro- niques et pauvreté dans les pays en voie de développement et émer- gents. Quel est l’impact de ces af- fections sur l'utilisation du système de soins et les dépenses liées à la santé ? Sur la capacité à travailler et la productivité, ainsi que sur des aspects socio-économiques, la santé et la mortalité ? La recherche implique des équipes au Malawi, au Sri Lanka, aux Philippines et en Inde, ainsi qu’aux Etats-Unis et au Pays-Bas. (RÉD.)

Professeur à la Faculté des HEC, Dominic Rohner a décroché l’un des «Starting Grants 2015». Dé- cerné par l’European Research Council (ERC), ce subside de re- cherche d’un montant de 1,1 mil- lion de francs financera un projet de recherche de 5 ans. Ce der- nier vise à étudier quelles insti- tutions principales et politiques sont plus aptes à réduire les inci- tations à se livrer aux conflits ar- més et aux appropriations ter- ritoriales. L’un des sous-projets mettra l’accent sur les politiques à court terme pour faire cesser les combats, en asséchant le finance- ment des groupes rebelles. (RÉD.) www.unil.ch/hecimpact/people/

dominic-rohner CULTURE

MA THÈSE EN 180 SECONDES

LES CHERCHEURS SUR SCÈNE

Comment résumer plusieurs années de travail en trois minutes, de manière simple et ludique ? Quatorze doctorants ont relevé ce défi lors de la finale UNIL de "Ma thèse en 180 secondes". Cette compétition est un acrobatique exercice de vulgarisation scientifique. Le premier prix a été attribué à Elsa Juan (Prédire la récupération après arrêt cardio-respiratoire grâce à l’électroencéphalogramme durant le coma). Avec deux collègues, cette chercheuse va participer à la finale suisse, le 9 juin à l’UNIL.

Une finale francophone aura lieu au Maroc le 29 septembre. (RÉD.) www.unil.ch/doctoriales

Dans le cadre du premier Printemps de la poésie romand, né au sein de la Faculté des Lettres, l’UNIL a organisé un concours de haïkus sur Twitter. 596 poèmes ont été en- voyés à cette occasion. Un jury a décerné plusieurs prix.

Il était composé du journaliste et poète Jean-Noël Cuénod, du maître d’enseignement et de recherche et écrivain Isaac Pante (à dr.), du doctorant et spécialiste de la poésie Mathieu Depeursinge, ainsi que du journaliste David Spring. Le 1er Prix a été remis à Marie Sautier (à g.). Le 2e Prix à Olivier Sillig. Le 3e Prix à Jean Prod’hom. Un Prix de l’humour a été décerné à Anaïs Reichard et Jean Cornu. (RÉD.) Découvrez les poèmes sur https://twitter.com/haiku130

Depuis début 2016, la professeure Silke Grabherr dirige le Centre universitaire romand de méde- cine légale (CURML). Reconnue au niveau international, cette cher- cheuse a développé un système d’angiographie post-mortem qui consiste à visualiser la circulation sanguine en utilisant une machine à perfusion spécialement dévelop- pée pour cette méthode. Elle a dé- veloppé deux autres applications : l’une constitue une base de don- nées anthropologique permettant de mieux estimer l’âge, la taille, le sexe et l’ethnie d’un cadavre très altéré ou d’ossements; l’autre vise à détecter des substances telles que la cocaïne dans les liquides. (RÉD.) www.curml.ch

lix Imhof © UNIL lix Imhof © UNIL lix Imhof © UNIL

Dès le 1er septembre, le profes- seur Georg Lutz dirigera FORS, Centre de compétences national en Sciences sociales installé dans le bâtiment Géopolis. Les collabo- rateurs de FORS sont des spécia- listes de la production de données dans le cadre d’enquêtes natio- nales et internationales (comme le «Panel suisse de ménages» ou les «Etudes électorales suisses – Selects»). Financé par la Confé- dération, le FNS, l’UNIL et des fonds tiers, le centre collabore avec de nombreux chercheurs en Suisse et à l’étranger. Il propose également les compétences de spécialistes des délicates ques- tions de méthodologie. (RÉD.) http://forscenter.ch/fr

lix Imhof © UNIL

596 POÈMES DE POCHE

lix Imhof © UNIL

lix Imhof © UNIL

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TIDJANE THIAM

Franco-Ivoirien, le CEO de Credit Suisse fait partie des nouveaux top managers au profil globalisé. Donc moins insérés dans les réseaux nationaux suisses.

© Dominic Steinmann / Keystone

SOCIÉTÉ

PATRONS, ÉLUS, PROFS, ACTIVISTES…

SUISSES NE SONT PLUS

CE QU’ELLES ÉTAIENT

LES ELITES

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JOHANN SCHNEIDER- AMMANN

Diplômé de l’EPFZ, colonel et PLR, le président de la Confédération est représentatif des élites qui ont marqué la Suisse au XXe siècle.

© Peter Klaunzer / Keystone

A

vant, les choses étaient simples comme une carica- ture. Quand on vous demandait de dessiner les élites du pays, vous esquissiez rapidement le portrait d’un homme de nationalité suisse, officier à l’armée, actif en politique, élu du Parti radical et probablement juriste. Ce décideur ne cessait de rencontrer ses semblables dans des associations très masculines, d’abord dans des socié- tés d’étudiants, puis au Rotary et dans les conseils d’admi- nistration des entreprises du pays.

Mais voilà, ce décideur-type, qui a marqué le XXe siècle de son empreinte, est entré en crise dans les années 90. A tel point qu’il serait «désormais en voie de disparition, même si on en retrouve encore ici ou là quelques illustrations, comme Johann Schneider-Ammann, un ancien de l’EPFZ, colonel à l’armée, qui a été chef d’entreprise avant de deve- nir conseiller fédéral», observe André Mach. Professeur associé à l’UNIL, ce chercheur s’intéresse aux élites suisses comme aux groupes d’intérêt, et il observe depuis quelques années la mue «rapide», et parfois «impressionnante» des décideurs de ce pays.

Les élites, c’est qui ?

Levons tout de suite une ambiguïté, car le terme est connoté.

«Positivement, on considère les élites comme des personnali- tés au-dessus de la moyenne, explique André Mach. Et l’as-

pect négatif, c’est de les regarder comme un petit groupe d’ac- teurs qui décide entre soi de l’avenir de tous, sans consulter le reste du pays.» Pour échapper à cette ambiguïté, le cher- cheur définit les élites comme «des gens qui, par la position qu’ils occupent, exercent un pouvoir, qu’il soit politique, éco- nomique, administratif ou académique».

Pour comprendre le fonctionnement de ces décideurs, les chercheurs de l’UNIL réunis dans l’Observatoire des élites suisses (Obelis) ont rassemblé des informations sur plus de 20 000 personnes qui ont occupé une fonction dirigeante dans les sphères économique, politique, administrative ou acadé- mique dans les années 1910, 1937, 1957, 1980, 2000 et 2010(1).

Avant, l’élite était masculine...

Sur la base de ces données, on vérifie que, durant l’essen- tiel du XXe siècle, les décideurs suisses se sont ressemblé comme des frères. En 1957, par exemple, on ne trouvait aucune femme parmi les élites répertoriées dans la base de l’UNIL. Ce pourcentage a heureusement (un peu) progressé puisqu’il atteignait 27,6 % de femmes parmi les élites poli- tiques en 2010, contre 17,6 % dans l’administration et 10%

dans le domaine économique.

Faut-il y voir la preuve de la féminisation des élites suisses ? «L’évolution est surtout perceptible en politique;

elle l’est moins en économie, répond André Mach. Si la

Alors que l'UNIL accueille le Forum des 100, Allez savoir ! vous invite à regarder les décideurs suisses sur une base scientifique avec des chercheurs qui les étudient et qui ont observé une mue spectaculaire.

TEXTE JOCELYN ROCHAT

DURANT L’ESSENTIEL DU XX e SIÈCLE, LES DÉCIDEURS SUISSES SE SONT RESSEMBLÉ COMME

DES FRÈRES.

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Suisse a accordé très tardivement le droit de vote aux femmes, on voit que le pays a rattrapé une partie de son retard initial, pour atteindre désormais des taux de 32 % de femmes au Parlement, sans parler de la situation excep- tionnelle de 2010, où l’on a vu quatre conseillères fédérales siéger ensemble au Conseil fédéral. Mais cette progression reste notable en comparaison internationale : si l’on trouve plus de femmes élues dans les pays scandinaves, il y en a moins au Parlement français.»

Avant, l’élite était gradée...

Durant tout le XXe siècle, les officiers à l’armée, souvent de haut rang, ont occupé une place centrale parmi les élites du pays. Ainsi, alors que seuls 2 % de la population masculine avaient obtenu le grade de lieutenant en 1980, on comptait 42 % d’officiers parmi les parlementaires, et 46,8 % parmi les principaux décideurs économiques. Une surreprésentation qui tend à diminuer au XXIe siècle, où l’on ne retrouve plus que 23,3 % d’officiers parmi les élites politiques et 21,9 % parmi les élites économiques de 2010.

Notons qu’à l’époque, la carrière militaire servait aussi d’école de management à des élites qui avaient suivi «une formation commune dans l’armée», qui leur avait encore donné «un style de pensée et de direction homogène», analyse André Mach, avec les cosignataires de l’article «Transformation des élites en Suisse», paru sur le site Social Changes in Swit- zerland (2). Ce n’est plus le cas au XXIe siècle durant lequel les élites économiques mondialisées apprennent davantage leur métier en suivant des MBA dans des Business Schools, suisses ou étrangères.

Avant, les élites étaient plus radicales et elles apprenaient le Droit...

Si le grand vieux parti a longtemps été la référence des élites suisses, le Parti radical a lui aussi souffert ces dernières décennies, puisque l’ex-dominateur incontesté des scrutins n’a cessé de baisser pour devenir le 3e parti du pays, derrière l’UDC et les socialistes. «Dans les années 90, deux figures d’outsider ont fait mal à l’establishment, en ralliant des forces et des dirigeants qui, auparavant, allaient au Parti radical, c’est Christoph Blocher en politique, et Martin Ebner pour l’économie», note André Mach.

Autre étoile pâlissante, celle des Facultés de droit des Universités de Zurich et de Berne, qui ont formé une grande partie des élites helvétiques durant le XXe siècle. Ces filières ont été privilégiées par de très nombreux hauts fonction- naires, mais aussi de futurs directeurs de banque et par un grand nombre de parlementaires. En 1957, par exemple, 22,9 % des dirigeants économiques, 30,2 % des parlemen- taires et même 36 % des hauts fonctionnaires détenaient un diplôme en Droit.

«Les formations techniques de l’EPFZ, même si elles confèrent un statut quelque peu inférieur à celui des études de Droit, constituaient également un lieu de production des élites suisses», précise le chercheur de l’UNIL. Mais, là encore, les codes ont changé. «Alors que les juristes et les ingénieurs étaient les deux profils dominants jusqu’aux années 90, on constate une augmentation des élites qui ont suivi une for- mation économique, comme la gestion d’entreprise.»

Avant, les élites cumulaient les mandats...

Non contentes de se ressembler, les élites suisses du XXe siècle avaient enfin pour caractéristiques de se croiser en permanence. «De nombreuses personnalités ont occupé plusieurs positions de pouvoir à la fois, comme officier à l’armée et parlementaire fédéral, mais encore membre de conseils d’administration de grandes entreprises», observe André Mach.

Mais cela, c’était avant. Car un changement rapide et spec- taculaire s’est produit ces deux dernières décennies. En 2010,

«il est devenu beaucoup plus rare pour un dirigeant d’entre- prise de siéger simultanément dans plusieurs conseils d’ad- ministration», expliquent les chercheurs de l’UNIL sur le site Social change in Switzerland.

Social Changes in Switzerland socialchangeswitzerland.ch

ANDRÉ MACH Professeur associé à la Faculté des SSP.

Photo Nicole Chuard © UNIL

SOCIÉTÉ

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Allez savoir ! N° 63 Mai 2016 UNIL | Université de Lausanne 19 GROUPES D’INTÉRÊT

ET POUVOIR POLITIQUE Par André Mach.

Presses polytechniques et universitaires romandes (2015), 144 p.

«en réaction à l’envie d’une majorité des élites de se rap- procher de l’Union européenne», estime le chercheur. La politique, parlons-en. Car, si les changements y sont aussi importants que dans la sphère économique, «ils ne relèvent pas de la même logique», estime André Mach, qui a notam- ment été frappé par l’évolution du Parti socialiste ces der- nières décennies.

«Au XXe siècle, le gros des parlementaires du PS était constitué de syndicalistes et des membres d’exécutifs can- tonaux ou communaux, avec quelques enseignants, se sou- vient le chercheur. C’était le parti qui, historiquement, comp- tait le moins d’universitaires. Mais la situation a changé du tout au tout en trois décennies, puisque ce sont désormais les socialistes qui comptent le plus grand nombre d’univer- sitaires, quand l’UDC est le parti qui en compte le moins.»

Si la représentation du PS s’est fortement académisée, elle s’est aussi féminisée et professionnalisée. Une évolution que le chercheur de l’UNIL attribue notamment à deux réformes du système politique. «Dans les années 90, on a amélioré les indemnités des parlementaires fédéraux et on a créé des Commissions permanentes. Ce qui a permis au Parlement de devenir un acteur plus important dans la vie politique, avec une plus grande médiatisation, des débats plus polari- sés et une professionnalisation des élus. Aujourd’hui, un par- lementaire moyen touche environ 140 000 francs par année, ce qui permet de vivre de la politique, et qui a transformé nos élus de milice en quasi-professionnels.»

Les syndicalistes s’académisent

Cette mutation des personnalités qui «font le pays», comme l’écrit L’Hebdo à l’époque de son Forum des 100 (qui a eu lieu le 19 mai à Dorigny), ne se limite pas aux patrons et aux politiciens. Elle a aussi touché les syndicalistes et des activistes en tous genres qu’André Mach a étudiés dans son livre Groupes d’intérêt et pouvoir politique.

Comme les élus du PS, les représentants des salariés ont considérablement évolué ces dernières décennies, après une réorganisation sans précédent du mouvement syndical.

«Alors que, historiquement, les principaux dirigeants se dis- tinguaient par un parcours professionnel au sein de l’orga- nisation (délégué syndical, secrétaire régional puis secré- taire central), on a vu apparaître des dirigeants d’un nouveau genre. Ils sont moins directement liés aux métiers de base du syndicat, ont un plus haut niveau de formation, souvent universitaire, ils ont une forte présence médiatique et ils occupent souvent un mandat politique, en général au sein du Parti socialiste», note le chercheur de l’UNIL.

Les nouvelles élites de gauche

André Mach consacre encore quelques pages de son livre à l’évolution des groupes d’intérêt, qui ont permis l’appa- rition de ce qu’on appellera les nouvelles élites de gauche.

«Les principaux mouvements sociaux des années 60-70 qui se sont mobilisés pour l’environnement, les droits de Alors qu’un réseau dense unissait les décideurs du pays au

siècle passé, ce n’est plus le cas après l’an 2000. «Les membres du Parlement helvétique se consacrent plutôt à plein-temps à leur mandat politique, les directeurs d’entreprise se défi- nissent surtout comme des managers et le fait d’entretenir des liens avec d’autres sphères ne fait plus partie de leurs priorités», ajoutent les chercheurs.

Désormais, les élites économiques se mondialisent Tout indique que la Suisse et ses élites sont entrées dans une période de transition. «Les anciennes structures dispa- raissent», observe André Mach. Si elles n’ont pas encore été remplacées par de nouvelles, clairement identifiables, on voit se dégager quelques tendances intéressantes. Notamment chez les élites économiques, qui ont été les premières à muter.

Avec la financiarisation croissante de l’économie, le phé- nomène de mondialisation et l’intégration progressive de la Suisse dans l’Europe, «les dirigeants des plus grandes entre- prises, directions générales, conseils d’administration, se sont internationalisés très rapidement. D’abord à l’échelon européen, et puis au niveau planétaire. Désormais, on ren- contre des Asiatiques dans les conseils d’administration, et des Qataris ou des Africains au Credit Suisse, ce qui était impensable il y a 15-20 ans», relève André Mach.

Les nouveaux top managers ont un profil globalisé, en particulier dans les multinationales, avec des exemples tels que Joseph Jimenez (le CEO américain de Novartis), et autres Tidjane Thiam (le directeur général franco-ivoirien du Credit Suisse qui a remplacé l’Américain Dougan), qui sont moins directement insérés dans les réseaux de pouvoir nationaux.

La Suisse, ce pays plus ouvert qu’on l’imagine Les chiffres traduisent l’importance de cette mue, puisque, quand on ne comptait que 3,7 % d’étrangers parmi les top managers des 110 plus grandes entreprises suisses en 1980, ce pourcentage est passé à 34,5 % en 2010 ! «Il n’y a pas de pays où l’internationalisation a été aussi forte dans les direc- tions générales des grandes entreprises. Même si les petits pays européens étaient prédisposés à subir ce type de change- ment, parce qu’ils hébergent souvent des multinationales, la rapidité et l’ampleur du changement sont impressionnantes», estime André Mach.

La mue est aussi nette chez les élites académiques. «Là encore, il n’y a pas de pays en Europe où la proportion d’en- seignants étrangers dans les hautes écoles est aussi impor- tante», ajoute le chercheur. Des chiffres qui viennent contre- dire le cliché montrant la Suisse comme un pays fermé. «Il n’y a pas de pays au monde, à part peut-être le Luxembourg, où la proportion de travailleurs étrangers est comparable», assure André Mach.

La mue du Parti socialiste

Cette ouverture du pays a eu des conséquences importantes, en permettant notamment à l’UDC de progresser fortement,

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l’homme ou de groupes minoritaires, les causes huma- nitaires, la défense des consommateurs, les migrants, se sont transformés pour devenir des groupes de plus en plus influents sur le plan politique. Des organisations comme WWF et Greenpeace comptent désormais un nombre impor- tant de membres et disposent de ressources financières qui en font des acteurs politiques incontournables dans le domaine de la protection de l’environnement. C’est aussi vrai pour des associations de consommateurs, des groupes caritatifs et humanitaires (Amnesty), ou des organisations féministes et de défense des homosexuels, des handicapés, des personnes âgées ou des migrants...»

Autant de groupes qui sont désormais représentés par des figures bénéficiant d’une «importante présence média- tique, qui leur a permis d’avoir des relais dans les commis- sions parlementaires qui étaient jusqu’alors dominées par les associations économiques, patronales et syndicales», observe André Mach.

Le nouveau monde

On l’aura compris, le réseau des élites suisses qui a carac- térisé le XXe siècle a vécu. Ceux qui l’appréciaient regret- teront ce modèle de coordination et d’efficacité, et ceux qui l’ont critiqué s’en féliciteront. Reste à comprendre à quoi ressemblera le nouveau modèle. Et comment il s’imposera, car, dans ces phases de transition, «il n’est pas rare que des

conflits éclatent entre les élites en place et les élites émer- gentes», rappellent les chercheurs de l’UNIL sur le site Social Change in Switzerland.

Parmi ces tensions, on pense aussi aux critiques sévères des élites, venues du peuple et des partis populistes. «Le ras- le-bol des élites économiques et de leurs salaires astrono- miques s’est exprimé quand les citoyens ont accepté l’initia- tive Minder, répond André Mach. Et c’est vrai qu’on entend aussi des critiques du monde politique, mais il faut un peu les relativiser, parce qu’elles sont moins fortes en Suisse que dans d’autres pays. Si la confiance dans les institutions ou le Conseil fédéral a baissé, elle reste importante».

Cela dit, «dans ce nouvel univers mondialisé où la com- pétition économique et politique est plus intense, tout le monde est désormais fragilisé, estime le chercheur. C’est vrai pour les ouvriers, et, phénomène nouveau, c’est aussi le cas pour les élites qui sont bien plus vite remplacées que par le passé quand les résultats sont jugés décevants.» Une précarisation généralisée qui est certainement la différence la plus saillante entre le XXIe siècle et le monde d’avant. 

(1) Une partie de la base de données élaborée dans le cadre de l’Obser- vatoire des élites suisses est accessible à l’adresse : www.unil.ch/obelis

(2) Felix Bühlmann, Marion Beetschen, Thomas David, Stéphanie Ginalski &

André Mach (2015), «Transformation des élites en Suisse», Social Change in Switzerland N° 1.

REBECCA RUIZ

Universitaire, la conseil- lère nationale vaudoise incarne la mue du Parti socialiste, dont la repré- sentation à Berne s’est académisée et féminisée.

© Jean-Christophe Bott/Keystone

SOCIÉTÉ

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Allez savoir ! N° 63 Mai 2016 UNIL | Université de Lausanne 21

RÉFLEXION

LES MÉDIAS ACCUEILLERAIENT AVEC INTÉRÊT CETTE OPPORTU- NITÉ D’ENTENDRE DES OPINIONS PLUS DIVERSES.

SCIENTIFIQUES ,

FAITES-VOUS ENTENDRE !

Mais parmi ces commentateurs, com- bien ont été plus loin qu’un avis infor- mel, prenant leur plume ou leur clavier pour faire part de leur avis au journal ? Aucun. La seule réponse publiée par le quotidien est un texte d’une start- up vaudoise médiatique, qui, sans cri- tiquer frontalement l’entreprise valai- sanne ni se mettre vraiment en avant, arrive quand même subtilement à faire les deux.

L’influence de l’article original ne doit pas être sous-estimée ; il a été lu et a attiré l’attention de politiciens et de l’administration fédérale, jusqu’à son sommet. L’absence de réaction des scientifiques n’est pas anodine : sans contrepoids, ces lecteurs penseront que l’article original fait l’unanimité.

Prendre l’initiative

Autre exemple, au niveau politique cette fois. Depuis le 9 février 2014, des membres de la communauté universitaire suisse travaillent avec des parlementaires fédéraux au su- jet des repercussions de l’initiative

«Contre l’immigration de masse» sur le monde académique. Le premier commentaire qu’on leur a fait est élo- quent : «Les scientifiques, vous étiez où lors de la campagne ?» Le message est clair : les scientifiques doivent prendre l’initiative.

Les médias, en tout cas, accueille- raient avec intérêt cette opportunité d’entendre des opinions plus diverses.

Par exemple, les pages des quotidiens consacrées aux lettres de lecteurs, aux

avis d’experts ou aux textes d’opinion sont souvent occupées par des politi- ciens qui se prononcent sur tout et n’importe quoi, alors que les scienti- fiques, «on doit les tirer par le col pour qu’ils contribuent », comme l’a décrit un journaliste scientifique romand.

Le tableau n’est pas totalement sombre, et les scientifiques savent sor- tir de leur «tour d’ivoire» quand cela est nécessaire. En 1998, au moment du vote sur la première initiative pour la protection génétique, les biologistes avaient organisé des visites de labora- toire, préparé des conférences, et de façon générale participé au débat poli- tique – l’importance des enjeux l’avait emporté sur les obstacles, à commen- cer par le manque de temps. Depuis, la situation s’est encore améliorée, et cer- taines de ces activités de communica- tion sont devenues habituelles, en bio- logie comme dans d’autres branches.

Mais on voit aussi qu’il faudrait certai- nement en faire plus – et le faire de façon préventive plutôt que réactive.

Les scientifiques ne doivent bien sûr pas se transformer en lobbyistes pur sucre. Mais s’ils ne font pas en- tendre leur point de vue au bon mo- ment, personne ne le fera pour eux. 

FRÉDÉRIC SCHÜTZ Maître d’enseignement

et de recherche au Centre Intégratif de Génomique (Faculté de biologie et de médecine)

L

es chercheurs de l’UNIL ré- pondent souvent présents quand ils sont sollicités pour fournir un éclairage lié à leur domaine d’ex- pertise. Il est par contre plus rare qu’ils prennent l’initiative de s’adres- ser directement aux médias pour par- ticiper à un débat. Avec le risque, s’ils ne prennent pas la parole, que leur voix soit absente de la discussion.

Exemple concret. En août 2015, un quotidien suisse romand de référence publie un article au sujet d’une start- up valaisanne qui propose des tests de personnalité basés sur l’ADN – en paraphrasant, c’est un peu «donne-moi tes gènes et je te dirai si tu es optimiste, bon vivant ou extraverti». Paru dans la rubrique Economie du journal, le texte décrit les applications potentielles du produit et ses perspectives commer- ciales, mais malheureusement pas ses mérites scientifiques, comme ça aurait été le cas si l’information avait été traitée par un journaliste spécia- lisé en sciences.

Dans les couloirs de l’UNIL, la ré- action des biologistes est unanime, et elle n’est pas tendre – que ce soit en- vers l’invention elle-même ou la façon dont le journal a traité l’information.

Pour Alexandre Reymond, directeur du Centre Intégratif de Génomique,

«ces tests n’ont aucune base scienti- fique»; les autres commentaires ne sont pas plus charitables – et cer- tains sont exprimés en des termes qu’il serait malvenu de reproduire sur cette page.

(22)

SPORT

LES SUISSES NE SONT PAS

CE SONT DES CHAMPIONS

DES JOUEURS PROS

Que ce soit en football ou en tennis, les sportifs suisses se sont frayés un chemin vers les sommets. Comment fait

un si petit pays pour former autant de vedettes ? Les réponses des experts de l’UNIL.

TEXTE ALBERTO MONTESISSA

(23)

FED CUP

Martina Hingis, Belinda Bencic, Viktorija Golubic et Timea Bacsinszky fêtent leur victoire contre l’Allemagne, le 7 février 2016 à Leipzig.

Elles ont été éliminées ensuite par la République tchèque.

© Walter Bieri / Keystone

Allez savoir ! N° 63 Mai 2016 UNIL | Université de Lausanne 23

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L’Institut des sciences du sport www.unil.ch/issul

SPORT

L

e fan suisse de sport qui s’apprête à vibrer devant l’Euro de football en France et les Jeux olympiques de Rio ne réalise pas toujours la chance qu’il a. Alors que de nombreux pays ne peuvent rêver d’une médaille ou d’un titre dans l’un de ces sports majeurs que sont le tennis et le football, les athlètes helvètes ont une chance de briller sur tous les tableaux. Dans les derniers grands tournois internationaux de football, la Nati n’a raté qu’une seule phase finale d’un Euro ou d’un Mondial depuis 2004.

A titre de comparaison, cette régularité au plus haut niveau fait de la Suisse une sélection comparable à l’Angleterre, et plus régulière que la Turquie ou les Pays-Bas, deux grandes nations de football.

Et en tennis, la Suisse peut tout simplement rêver de remporter trois médailles d’or qui seront mises en jeu à Rio, sous réserve, évidemment, de blessures éventuelles ou de calendrier surchargé. Car les Helvètes peuvent théorique- ment inscrire Martina Hingis et Belinda Bencic en double dames. Ils devraient encore voir évoluer le très mythique couple Hingis-Federer en double mixte. S’y ajoutent Roger Federer et Stan Wawrinka, qui devraient compter parmi les

favoris du simple messieurs, sans oublier que Stan et Roger ont déjà en poche la médaille d’or du double messieurs décro- chée aux JO de Pékin.

Les recettes du succès

Reste à comprendre comment un petit pays comme la Suisse peut aligner autant de champions dans des sports quasi planétaires ? Si la réussite de l’équipe suisse de foot doit beaucoup au travail de la fédération (lire en page 26 l’entre- tien avec Yves Debonnaire), «le cas du tennis est un peu dif- férent», analyse Emmanuel Bayle, professeur de gestion à l’Institut des sciences du sport (ISSUL).

En France, depuis la victoire de Yannick Noah en 1983 à Roland-Garros, quasiment tous les joueurs pros sont des

«produits» issus de la Fédération française de tennis (FFT).

En Suisse, ce n’est pas vraiment le cas. Stan Wawrinka, Belinda Bencic, Timea Bacsinszky et Martina Hingis ont tracé leur voie soit grâce à leur famille, soit grâce à des structures privées. Et le seul qui a bénéficié de l’aide de la Fédération suisse (Swiss Tennis), c’est Roger Federer.

Le seul qui, peut-être, vu son talent, n’en avait pas vrai- ment besoin... «Si bien qu’en Suisse, il est difficile de corré- ler les résultats d’un sportif à la politique de la Fédération», constate Emmanuel Bayle.

Le modèle français

Dans le tennis, depuis des années, trois modèles de forma- tion prennent le dessus. Le modèle fédéral, avec la France comme exemple. Ancien joueur, entraîneur et dirigeant, le professeur Bayle est un observateur avisé du milieu. «Dans l’Hexagone, la Fédération place beaucoup d’argent sur des enfants qui ont entre 8 et 9 ans, même avant, parfois. Envi- ron 20 000 francs pour l’entraînement de base par an pour les plus talentueux. Concrètement, la Fédération subven- tionne l’entraîneur et la participation aux tournois. Les meilleurs rentrent dans le Pôle France vers 12-13 ans. S’ils confirment ces prédispositions, ils passent par l’Institut national du sport (15-17 ans) et le Centre national d’entraî- nement à Roland-Garros avec de toutes nouvelles installa- tions (entre 18 et 22 ans). Là encore, la Fédération débour- sera entre 100 000 et 200 000 francs pour financer une saison, sachant que les joueurs ne gagnent pratiquement rien et qu’ils n’ont pas encore de sponsors.»

Les académies et le modèle suisse

Les académies privées sont un deuxième modèle de forma- tion. Il y en a partout en Europe et aux Etats-Unis : l’une des plus connues, la Nick Bollettieri Tennis Academy, a formé ou formaté depuis 1978 plusieurs champions comme Agassi, les sœurs Williams, Courier, Capriati, Sampras, Seles ou encore Hingis. Dans ce cas, il faut un mécène pour finan- cer le joueur, que ce soit la famille, ou alors l’académie qui joue les mécènes et qui se rattrape ensuite sur les gains de ses poulains...

EMMANUEL BAYLE Professeur associé à l’Institut des sciences du sport (ISSUL).

Nicole Chuard © UNIL

POUR QU’UN

JEUNE ATTEIGNE

LES PORTES DU

PROFESSION-

NALISME, IL

FAUT COMPTER

ENVIRON DIX ANS

DE FORMATION.

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Allez savoir ! N° 63 Mai 2016 UNIL | Université de Lausanne 25 qu’il y a très peu d’élus et que la concurrence internationale est forte, les familles, les enfants et les ados doivent rapide- ment calculer leurs risques.

Une petite entreprise pour devenir un champion La précarité est plus grande au tennis. «En Suisse, les jeunes qui se lancent dans ce sport sont dans l’initiative privée. Ini- tiative qui fait partie intégrante de la culture nationale, libé- rale et entrepreneuriale. Ce sont des gens qui ont pris en main leur vie et leur destin afin de créer les conditions pour devenir champion. Trouver les conditions, c’est trouver l’en- traîneur, le préparateur physique, mental, la personne qui va s’occuper du marketing... créer une petite entreprise pour devenir champion. Federer comme Wawrinka répètent tou- jours qu’ils doivent beaucoup à leur entourage. Tous ces points pourraient expliquer la réussite suisse sur cet aspect “cham- pion”, car c’est bien ça la particularité ! Il y a peu de profes- sionnels, mais les joueuses et les joueurs suisses deviennent des champions !»

En Suisse, il y a environ 165 000 membres actifs qui sont adhérents à Swiss Tennis. Seuls la gymnastique et le football font mieux en termes de membres. L’image que véhiculent les Federer, Wawrinka ou Hingis aide à l’essor du tennis dans notre pays, mais avant eux les Günthardt, Hlasek, Rosset et Hingis avaient déjà décomplexé ce sport grâce à leurs nom- breux titres. «Ensuite, c’est à la capacité de Swiss Tennis et de ses clubs de fidéliser des gens qui vont jouer au tennis, des parents qui vont pousser leurs enfants à entrer dans la filière de la Fédération. Bien sûr que la politique de Swiss Tennis joue un rôle. Elle amène un vivier, elle fait émerger des jeunes qui ont envie de jouer à un bon niveau et ensuite les meilleurs devront faire des choix. Donc, on ne peut pas affirmer que les joueurs sont des “produits” de Swiss Tennis.»

«Il y a une bonne base en Suisse»

Tous les joueurs, de Bacsinszky à Wawrinka, ont tapé leurs premières balles dans un club de tennis, près de chez eux.

Ils ont disputé des interclubs ou des tournois nationaux.

«Il y a donc une bonne base et la Suisse ne va pas s’effon- drer quand Federer et Wawrinka vont s’arrêter», poursuit Emmanuel Bayle. Pour le professeur de gestion à l’Institut des sciences du sport, cette base est suffisante pour «faire éclore» plusieurs joueurs professionnels. Mais, compte tenu de la taille de la population, ce ne sera pas 10 joueurs que la Suisse pourra placer dans le Top 100, mais plutôt deux ou trois dans le Top 200 ou Top 300 de l’ATP. «Et je parle de pro- fessionnels et non pas de champions !»

Depuis que Federer s’est mis à briller, il y a eu une forte émulation parmi toutes les étoiles. Le roi suisse a métamor- phosé la pensée du tennis helvétique. «Désormais en Suisse, on ne se dit plus qu’on espère le faire, on ne se donne pas le droit de ne pas y arriver !», conclut Emmanuel Bayle. Une nuance sémantique qui permet toujours à la Suisse de rêver en grand cet été sous le soleil de Rio. 

Swiss Tennis est le troisième modèle, «hybride», analyse Emmanuel Bayle. «Swiss Tennis accompagne les joueurs, mais ne peut pas mettre autant d’argent que la Fédération française. C’est un modèle qui laisse beaucoup de place à l’initiative privée. Cela signifie que, à côté il faut aussi des mécènes ou des parents qui financent.» Swiss Tennis n’a pas les moyens de soutenir les joueurs jusqu’à leur éclosion professionnelle. La Fédération offre une structure solide, peu d’argent, mais une filière, un centre d’entraînement national à Bienne, de nombreux entraîneurs et des prépa- rateurs physiques.

«Les Suisses ne sont pas des joueurs mais des champions»

Pour qu’un jeune atteigne les portes du professionnalisme, il faut compter environ dix ans de formation. Dix ans pour acquérir et atteindre de bons niveaux techniques, phy- siques, tactiques et psychologiques. La suite est une ques- tion d’alchimie. «La particularité des joueurs suisses, c’est que ce ne sont pas des joueurs professionnels mais ce sont des champions», observe Emmanuel Bayle. «Même si l’ana- lyse est plus subtile, les experts estiment que l’entrée dans le professionnalisme commence lorsqu’un jeune entre dans le classement des 300 meilleurs joueurs mondiaux de l’As- sociation des joueurs de tennis professionnels (ATP). Mais pour gagner leur vie, ils doivent se classer dans le Top 100.»

Ensuite, il faut bien faire la différence entre un profession- nel et un champion. Un champion est celui qui goûte au céleste et qui fait partie des dix meilleurs joueurs du monde et gagne des titres majeurs.

La prise de risque financière pour les joueurs qui veulent atteindre le sommet de la pyramide ATP est beaucoup plus grande en tennis que dans des sports collectifs comme le football ou le hockey. Compte tenu du fait que les joueurs de tennis sont des travailleurs indépendants et non salariés,

«LA SUISSE NE VA PAS S’EFFONDRER QUAND FEDERER ET WAWRINKA VONT S’ARRÊTER»

EMMANUEL BAYLE

ROGER FEDERER

Tout comme Stan Wawrinka, le Bâlois répète qu’il doit tout à son entourage.

Ici, lors des Swiss Indoors 2015.

© Georgios Kefalas / Keystone

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Fraîches au four c’est plus goûteux bien sûr mais cuites vous pourrez les confire tout à l’heure “sous la graisse” et accompagnées à leur sortie du pot graissier de