La tentation de I'extrême droite
ties) rend difficile, dans la pratique, leur distinction.
Ce que I'on dit sur le politique a
inévitablement des répercussions et des irnplications dans I'ordre de la
politique.
Nos déclarations ecclé- siales, aussi peséeset
réfléchies soient-elles, n'échappent jarnais à I'ambiguïté.Il
nousfaut le
recon- naître, et éviter de leur donner uneallure trop
péremptoireet
défini-tive, tout en
disant nettement ce que l'on croit et ce que I'on estime juste. La tâche n'est pas aisée, on le constate chaque jour (surtout quaudon
cherche, commeil
sedoit,
às'exprimer dans une langue que les mêdia et nos interlocuteurs puissent comprendre).
On peut se demander si la briè-
veté de nos synodes
Permetd'atteindre et
même d'aPProcher cet objectif. En tout cas, comme l'a fait le synode de Nantes, n'hésitonspas à reconnaître la fragilité,
I'imperfection
et
l'inachèvement denos paroles. Nous
ne
les rendons pas ainsi moins efficaceset
perti- nentes, bien au contraire.études qui leur permettent d'appro-
fondir les
questionsà I'ordre
dujour.
C'estce
qu'entendfaire
cet ouvrage. Mêmes'il contient
des pages contestables(ce que
per- sonne ne nie), notre Eglise ne sortpas de sa mission, bien
alt contraire. Elle contribue au sérieuxde
I'engagementet
desplises
de position de ses membres.Souvent,
je l'ai
signalé au début de cet article, le débat politique estplus
passionnel que réfléchi, Plus spectaculaire que profond. Des pul- sions instinctivesy
prennentle
passur des analyses lucides
et
appro-fondies, ce
qui fait
queI'on
glissevite vers des fanatismes, des extré- mismes
et
des intégrismes de tout bord.II y
a quelques années,j'ai
êcriïqu'une
des tâchesdu
Protestan- tismeétait de
favoriserla
penséedans tous les domaines("),
y
com-pris le
politique,où il
importe aupremier chef d'introduire et
de développerla réflexion, si on
neveut pas qu'elle dégénère.
La présente
publication,
Pourune paft que nous savons
très modeste, entend y contribuer.L'Ancien Testament
légitime-t-il un <droit du sol, ou un <droit du sang> ?
Thomas Rômer
@ @
3.
L'institution
ecclêsialen'a
pasà donner des consignes aux fidèles qui en font partie,
maiselle peut et doit aider leur réflexion.
Elle
le fait en publiant
des docu-ments qui les informent, et
desAndré Gounelle professeur en
retraite
deI'lnstitut
protestant de théologieI
a question de I'identité d'.IsraëI,I fait partie
desenjeux
fonda-f
nrentaux de la Bible hébraïque.Qui
fait
partie d'Israël ? Malgrê lasimplicité de la question,
les réponses que nolls fournit l'Ancien Testament s'avèrentd'une
grande complexité. Déjàle nom
d'Israël n'est pas univoque.Il
peut désigner des entités fort différentes.tante en Canaan-, non pas celui de Yahvé(') que la Bible confesse pour- tant comme
le Dieu
d'IsraëI. Celasignifie que le nom d'Israël
est antérieurà la
vênêration de Yahvé par ce groupe. Sous Saùl et sltrtout sousDavid (vers
1000 av. J.-C.)Israël devient le nom d'un
royaume. Après la mort de Salomon (vers 926 av. J.-C.),le nom
Israël désignele
Royaumedu
Nord dontla
capitale sera finalement Samarie,tandis que le royaume du
Sudl4) A. Gounellr, Les gronds principes du protestontisme,
p.4l-42 (1"- édition) ou 56-57 (2" édition), Les Bergers et les Mages.
L'identité d'lsraël
:plusieurs définitions
Israë1,
c'est d'abord le
nom d'une confédération tribale attestée en Palestine dèsle XIII.
siècle av.J.-C. Ce terme inclut
le
nom divinEl-qui
est alors une divinité impor-l) Le nom de Yahvé (ou de Yahou) que le judaisme ne prononce plus, est habituellement traduit dans les Bibles en français par <le SEIGNEUR>
ou par ( I'Eternel>. Ces traductions peuvent faire oublier qu'il s'agit bel et bien d'un nom ProPre.
(capitale : Jérusalem) porte
le
nomde Juda. A cette époque
Israël désigne doncune
entité politique assez préciseet on
retrouve cette utilisationdu mot
en dehors de laBible, notamment dans des doctt- ments assyriens. Pendant la période de coexistence des deux royaumes, le petit Juda se trouve fréquemment sous
la
dominationdu
grand frèredu Nord. Lorsque celui-ci
estdémantelé par I'armée assyrienne et transformé
en
province assyrienne (722 av. J.-C.),le
petit royaume de Juda prend son essor.Il
revendiqueet
récupèrealors le titre
d'Israëlpour signifier que le lieu de
la vénération légitime de Yahvé a tou- jours été Jérusalem et non Samarie.Un phénomène comparable s'est d'ailleurs
produit
Iorsque les rois germaniques, suite à l'effondrement de l'empire romain, se sont déclarés empereurs de cet emPire tout en le .spiritualisant " (le saint
empireromain).
Mais revenons à Israë1.
Leroyallme
deJuda,
revendiquant l'héritage d'IsraëI, va à son tour suc-comber aux
assauts des Babylo- niens. Dès 597 av. J.-C., une partie dela
population dela
capitale est exiléeà
Babylone,en
587, Jérusa-Iem est
raséeet une
deuxième vague de déportation a lieu.Ces événements impliquent
l'éclatement
du
judaïsme.5 à
\0o/odes Judéens, notamment l'establish- ment, sont exilés à Babylone, tandis que d'autres s'enfuient
en
Egyptepar
crainte des représailles babylo- niennes.La
majoritê,sllrtout
despaysans, reste en Palestine.
LaLa tentation de I'extrême droite
question de I'identité d'Israël
sepose
à
nouveau puisquele
critèrede l'unité
géographiquene
fonc-tionne plus. Qui
est alorsle
vrai Israël ? Les exilés, parce que Dieu les accompagne en exil et leur pro- met un retolu'? Ou les .autochtolles'(les
non-exilés) puisque Dieu les aexemptés de sa colère
en
les lais- sant dansle
pays ? Comme nous allons le voir, cette qttestion va être une sollrce permanente de conflits.;
En 539 av. J.-C., les Perses pren-nent la succession de l'empire
babylonien et accordent aux poPu- lations déportées
la
possibilité de retourner dans leurs pays respectifs.Une partie de la Golah (nom donné aux anciens exilés) retourne à Jéru- salem
et tente de construire
ttnjtrdaïsme orthodoxe autour
del'observance
de la
Torah (c'est-à-dire
les prescriptionset
les récits contenus dansles cinq
premiers livresde
Ia Bible). Certains repré- sentantsde
cettenouvelle
ortho- doxie considèrent que la Golah fait seule partie d'Israël. Les judéens quiétaient
restés dansle pays
sontalors traités de .peuple du
pays'ou encore assimilés à des
nations étrangères. La rupture se manifesteà
l'intérieurd'un
groupeqtti
aupa- ravarrt avait êtêuni par la
même histoire et les mêmes croyances.Face à cette conception exclusi- viste, d'autres proposent des visions plus ouvefies de l'identité d'Israël et de son rapport avec les autres.
La Bible hébraique tr'a
pas retenu une seuledéfinition pour
@
Approche théologique
dfte qui est IsraëI, voire le
Ioeuple de Yahvé, elle nous
a iransmis les tracesd'un difficile
i1 . La question de l'identité à l'époque de la monarchie
débat. C'est ce débat que nous aimerions présenter mainte-
nant.
niveau
.officiel',
étatique, 1'apparte- nanced'un individu
au peuple sedéfinit par
cette structure monar- chique. Aucune distinction ethnique n'interyientà
ce niveau. D'ailleurs les textes bibliques décrivant l'orga-nisation des cours israélite
etjtrdéenne font apparaître
Lrnnornbre impressionnant
de
noms non-hébraïqr"res.A côté de l'idéologie étatique de
la
cour, c'estun
modèle claniquequi
affirme l'identité des habitants, notamment dans les villageset
les campagnes. C'estune
conception généalogique. Font partie d'un clanou d'une famille (ce mot est
àprendre
dansun
sensbien
plus large qu'aujourd'hui), tous ceux quipeuvent revendiquer le
même ancêtre.Dans les milieux
plutôt
hostilesau pouvoir
centraliséde la
cour, c'est-à-dire dans I'aristocratie rurale,le
modèle généalogique est forte-ment valorisé. Et au
moment oùIsraël (le royaume du Nord,
est menacéde
disparaître),la
revendi-cation
généalogiqlle se renforce.C'est dans ce contexte que
le
cha-pitreT2 du livre d'Osée met
en placeune opposition entre
deux modèles identitaires.Les sociologues et psychologues insistent sttr Ie
fait
quela
question de f identité se pose au moment oL)celle-ci ne va plus de soi. C'est dans les moments de crise, de boulever- selrent affectant
la
situation indivi- duelleou
collective, que surgit le questionnementde
l'appartenanceà un groupe, à une ethnie, etc.
Le dossier vétérotestamentaire éaye ces obseryations.
A
l'époque des deux monarchies,la
question de l'identité ou de l'appartenance à IsraëI, voire à Juda, ne se pose pas.Fait partie
de
ces deux royaumes celui qui y habite. De toute façon la distinction entre israélites, judéens et cananéens est fallacieuse. Pour le pouvoir royal qui a besoin d'impôts, de soldats et de femmes àla
cour, la qr.iestiond'une distinction
eth- niqr-rene
se pose pas. Devant le feceveur,tous sont judéens
ou israélites.Alr niveau étatique
(on
ne peutparler de narion à cette époque là), l'identité se construit alltour du roi.
Son autorité était fondamentalement perçue comme globale, c'est-à-dire touchant tous les dornaines
de
lavie.
Danstout Ie
Proche-Orient ancien,le roi
estvicaire
entre leDieu tutélaire et le peuple.
Au@
La tentation de I'extrême droite
2 . Osée 12 et
la contestation de l'identité généalogique
Les exégètes se disputent Pour
savoir si
Osée72
estun
Poèmecomposé par le prophète lui-même,
ou s'il
s'agit d'une actualisation du message oséen due aux éditeurs dulivre.
Nous n'avons pas besoin de trancher cette question. Ce texte se situe de toute façonà un
momentoù la
revendication généalogique était mise en avant par les destina- taires pour affirrner leur identité et Ieur protection Par Dieu.Le discours prophétique d'Osée 12 se
lit
commeun
règlement decompte polémique dirigé
contre l'idée que la descendance de Jacob seule aurait pu suffire pour se perce-voir
comme appartenantà
Israël etau peuple de Yahvé. Voici les ver- sets les plus imporlants de ce texte :
3 Le SEIGNEUR
a
un Procès auec"Israë|"@,Pour
faire
rendre compteà Jacob de sa cond.uite et le réffi- buer selon ses actions. a Dans le sein maternel
il
a supplanté son frère et,arriué à l'âge mûr, il lutta'
auecDieu.
"
Cana.ana
dansla main
unebalance trornPeuse,
il
aime àfrau-
der. e Et Epbrailm('
dit :
.Je n'aifait
que m'enricbir,
j'ai
acquis unefor-
2) Selon toute probabilité le texte originel disait
<< lsraël >. Des redacteurs judéens voulant
adapter le message du prophète à leur auditoire I'ont remplacé par Juda.
3) Canaan et Ephraïm sont des noms (péioratifs) pour signifier qu'aux yeux des destinataires, I'ancêtre représente le peuple.
tune
;
d.ans tout nxon trauûil, on ne n|.e trouuera pas un motif de pécbé,.'o Mais moi
je
suis le SEIGNEUR tonDieu
depuis le pays d'Egypte. Je teferai
de nouueau babiter sous d.es tentes comme ûuxjours
oùie
uousrencontrais. '1 Je
pailerai
aux pro- phètes etje
multiplierai les uisions, etpar
les propbètesie dirai
desparaboles.
t,..1
13
Jacob s'enfuit aux plaines d'Aram
etIsraël
seruitPour
une.femme,et
pour
une femmeil
sefit
gardien rle troupeaux. 1a Mais Par
un propbète le
SEIGNEUR afait
monter Israël hors d"EgYPte,et Par
un propbète Israël a
été Sardé.(trad. TOB).
On
trouve dansce
poème une récapitulation extrêmement néga- tive de l'histoire de I'ancêtre Jacob, dêclarê fraudeuret
tricheur dès sa naissance. Sil'on
compare ce texte avecles récits
sur Jacob dans la Genèse,on
serend vite
compte que les exploits de Jacob célébrés aux chapitres 25-36 sont critiqués et condamnés en Osée 12.Mais ce texte ne s'arrête Pas à la
simple critique. A la
rêfêtence à Jacob,il
opposela
médiation Pro-phétique et le fait que le
.vrai' Dieu
d'Israël n'est pasle Dieu
deJacob, mais celui qui fait sortir
d'Egypte. En effet, lorsque ce texte
parle de Dieu en relation
avecJacob,
il
utiliseun
nom générique@
Approche théologique
oour
Diett et c'est
seulement eniuppon
avec I'EgYPteet les
Pro-ohètes qu apparalt
le
nom propre àu Dieu d'lsraë|, Yahvé. Les ieux demorc à la
fin du
poème sont parti- culièrement révélateurs'Jrcob/Israël se fait
esclaue àcatrse
d'une femme, et à
cause d,une femmeil
devient gardien de ffoupeall. Dieu, Par contre, a Iibêrê son penplede
l'esclauage égyptien et |'a gardé par Lln prophète, c'est- à-dheMoïse. La rêfêrence à
la femmen'est
Pas seulement une allusion à la faiblesse de Jacob qui fait toutet
n'importequoi à
causede
son attirance pour
-le
sexenn 6ZZ av. J.-C.,le roi Josias de jud4 à la fois sur
la
suggestion de ses conseillerset en raison
d'un certain affaiblissementde
l'empire assyrien, entreprend une réorgani- sation politique et religieuse de son royaume. Jérusalem devientle
seul centre légitimedu
culte yahviste et certainespratiques et
croyances populaires sont proscrites.Selon
le récit de 2
Rois 22-23, cette .réforme" a êtê provoquée par la découverte d'un livre lors de tra- vauxde rêparation effectués
au temple.Il
est en effet fort probable que la première édition du Deutéro- nome a été destinée à accompagner les mesures relatées en 2 Rois 22-23.En centralisant
le
culte de yahvé àJérusalem, Josias
et
ses fonction-naires affirment l'unité et l'indivisibi- lité du Dieu d'Israël (cf. l'ouverture
3 . L'identité vocationnelle selon le Deutéronome
faible ", I'enjeu est plus profond. Le
renvoi à
I'histoire des épouses de Jacob viseici le
modèle identitaire qui passe par Ia descendance, donc par la généalogie. Ce qui fait Israël pour I'auteur d'Osée 12, ce n'est pasun
. droitdn
sang,, ce n'est pas la" femme,, c'est-à-dire I'appartenance
à un
système généalogique, mais c'estla
parole de Yahvé, transmise et acceptée par une médiation pro- phético-mosaïque.Ce modèle-ci est développé
dansle
livredu
Deutéronome puis dans les livres historiques influen- cés par le style et la théologie deu- téronomienne.du
Deutéronome primitif, Deutéro- nome6,4 :
.Ecoute IsraëL, Yabué, notre Dieu est le dieu Unù.Mais
en
mêmetemps il
s'agit d'une réactionà
l'effondrement du royaume d'Israël en 722 av. J.-C. età
l'installation en Juda de réfugiés venusdu
Nord.Il
leur fallait mon-trer que le
seulculte
légitime de Yahvé se trouvait à Jérusalem. Maisil fallait également intégrer
les anciens nordistes dansle
nouvel IsraëI,à
savoir Juda. Pource
fafte, les auteursdu
Deutéronome déve- loppent I'option vocationnelle pro- posée par Osée 12 (et à cet égard, le nom de "père spirituel du mouve- ment deutéronomiste' dont les exé- gètes ont baptisé Osée est légitime).La composition du Deutéronome
à
l'époque de Josias est fortement influencée par les traités de vassa-@
La tentation de I'extrême droite
lité
que les Assyriens imposaient à leurs vassaux. En appliquant I'idéed'un traité sur la relation
entreYal-rvé et JudallsraëI, les auteurs du Deutéronome élirninent en quelqr:e sorte
la
rnédiation généalogiqtte.D'ailleurs
le
Der:téronome appelle ses destinataires .totlt
Israël'
sansfaire grand cas des différenciations tribales
et
claniques.On
ne trouveAprès
la
destruction de Jérusa- lem par les Babyloniens, ce Proietsemblait avoir échoué. Il lallait
adapler
le
Deutélonomeà la
nou- velle situation. Parmi les exilés, tlne partie des anciens fonctionnaires ou leuls descendants vont éditer "l'his- toriographie deuiéronomiste", quiinclut les livres Deutéronome,
Josué, Juges, Samuel et Rois et dont I'intention est d'expliqller
et
inter-préter la chute du
roYaume deJuda.
Pour les rédacteurs de cette his-
toire, la catastrophe de I'exil
s'explique par le fait que le peuple et ses chefs ne se sont Pas colnPor-
tés selon la loi codifiée
dans le Deutéronome. Le DeutéronoffIe est maintenant conçu commele
testa- ment de MoÏse qui, avant sa mort ettandis que le peuPle n'est
Pasencore entré dans
le
PaYs Protnis,lui
adresseun
grand discours Pro- grammatique.Or
c'est 1à unefiction
littéraire.En rêalltê
le
Deutéronome, dans sa forme actuelle, présuppose la situa-tion
historique deI'exil
et joue sur4 . Le conflit des identités à l'époque de l'exil babYlonien
allcune liste généalogique dans le Deutéronome. Ce qui importe, c'est
d'entrer
dansI'alliance de
Dieu, c'est-à-dire accepterun projet
clesociété dont la Torah (la
loi
deuté- ronomiqueen
Deutéronome 12ss) est la médiation. Fait partie d'Israël,celui qui
observeet met en
Pra- tique les règles de société définies dans le Deutéronorne.l'équivalence entre
la
situation dr.l peuple au désert et celle des exilés.C'est dans ce contexte-là
qu'il
faut comprendre les mentions très fré- quentes des "pères, dans le Deuté-ronome et
dansles livres
histo- riques.Dans
le
cadrede
l'historiogra- phie deutéronomiste, ces pères sont des .anti-ancêtres,. Ils ne désignent nullement les patriarches Abraham, Isaac et Jacob commeon l'a
sott-vent
pensé, maisils renvoient
à I'Egypte, à l'exode et à la conquête du pays. En Deutéronome 26,75 Par exemple,il
est questiondu
PaYs queDieu a
octroyé aux Pères;
ilest décrit comme ruisselant de lait et de miel. Or, cette exPression ne
se
trouve
jamaisen lien
avec les Patriarches mais renvoieà
la voca- tion de Moïse (Ex 3) : elle est attes- tée là pour la première fois dans la Bible.Dans
la théologie
deutérono- miste, les pèresne
fonctionnaient pas comme ancêtrescar
aucune gênêalogie n'est proposée qui auraitpu
permettre alrx destinataires de@
Approche théologique
tt.orlver trn lien par le slng avec ces oèr.es. Les pèr'es derrtér'onomistes àuoqr.'"nt t'EgYPte
et
Permettentainsi aux exilés de tracer
un
paral- lèie entre leur situation actuelle et la siiladon en Egypte. En s'adressant àune partie des exilés, les Deutéro- nolnistes leur proposent
un
mythe cl'origine exodique.La population non-exilée essaye Dîr colltre de reconstrtrire son iden- ii,é ,r.',o,.,t
de la
ligure d'Abt'altarn.C'est ce
qui
est attesté par Lln pas- sage du livre d'Ezéchiel33.24 : "Filsd'bomme, les babitants de
ces rtt,inesqui
setrouuent sur
le sol d'lsraël disent:
"Abrabamqui
étaitseu,l à posséd.er le pays
;
nousqui
sotl't,mes nombreux, c'est à nous que le pays est
donné
en possessictn, (trad. TOB).Selon
ce texte, la population
non-exiléejustifie son droit à
la possessiondu pays contre
les revendicationsdes déportés
(cf.égalenent Ez 17,75) en
ayant recollrs, viala
figure d'Abraham, àun rnélange
de droit
clusol et
de droit du sang. Abraham est invoqué à la fois comme ancêtre mais aussicomme
celui qui
I'rabitele
paysdepuis toujours (cf. aussi Es 51,2 où Abraham est cornparé
à
une sorte de rocher primordial).L'auteur d'Ezéciriel 33,24ss qui, à
l'instar des auteurs de l'historiogra- phie deutéronomiste, représente les
intérêts des exilés à
Babylone, condamne violemment cette reven- dication dansla
suitede
l'oracle.Au
"don du pays' que les non-exi- lés réclament,il
oppose,en
ironi-sant, sllr le thème du
" don "l'annonce suivante : Yahvé les don- nera aux bêtes sauvages,
il
donnera le paysàla
dêvastation (cf. 33,27s).La contestation des revenclica- tions territoriale
et
identitaire de la population non-exilée par les repré- sentants dela
Golah fait apparaître Lrne sorte de contradiction chez lesdétenteurs du modèle
généalo-giqr-re. Ils s'adressent théoriquement à tout Israël mais en réalité le .tout
Israël'
estlimité
aux Juifs exilés à Babylone. Cette tension entre Llndiscours a
priori
ouvert et des pré- tentions partisanes s'est perpétuée à travers les siècles.5 . Des cartes brouillées
Chez
les
tenantsde l'identité
vocationnelle-pour
lesquels l'iden- tité cl'Israël lace à son Dieu se cléfi-nit
dansl'adhésion au projet
de Dieu (l'alliance)-, on trouve cepen- dant destextes d'une
fermeture inquiétante à l'êgard des autres.Ainsi, Deutéronome 7,7-6 inter- dit tout contact entre .IsraëI" et les autres peuples, prônant même des
actes de violence
pour
arriverà
Iaséparation totale.
Or,
ày
regarderde près, les
. autres nations"
enDeutéronome 7 font historiquement
et
sociologiquement partie d'Israël.En Deutéronome 7,2 on trollve une liste stéréotypée des peuples dont Israël doit se séparer (Hittites, Arno- rites, Cananéens,...). On trouve une liste de peuples comparable à celle de Deutéronome 7 dans le chapitre
@
La tentation de I'extftme droite
9 du livre d'Esdras.
Comme en Deutéronotne 7, ily
est qllestion de l'interdiction des .mariages mixtes,.Il
s'agiten
réalitéde
l'interdiction des mariagesentre les
(anciens) exiléset la
population restée dans le pays. C'est cette dernièrequi
est identifiée en Esaïe9,I2
aux peuplesétrangers. C'est Llne tentative
d'exclure d'Israëlune
partiede
lapopulation qui en fait
Pourtantsociologiquement partie.
Du
coup, l'identité vocationnelle deutérono- miste court le risque de se peruertir en un .clroit dr: sang, qui a un goût d'inceste.De l'autre côté, le
modèle généalogique, qtt'on attraitptl
st-ts-pecter de véhiculer un
modèleidentitaire fertné, se
transforme, avecla
mise par écritde
l'histoire d'Abraham pendantet
aPrès l'exil,en
Lrn modèle d'ouvertttre exeilI- plaire. Abraham est certes devenu(a) l'ancêtre d'Israël via lsaac et Jacob,Les éditeurs de Ia Bible
hébraïque
n'ont
pas tranché entre le modèle vocaiionnel et le modèle généalogique. Ils lesont
plutôt fait cohabiter, mêmes'il
s'agit souvent d'une cohabitation conflictuelle. Le Pentateuque s'ouvre avec le modèle généalogique (Genèse)et
se ter-mine
avecle
modèle Yocationnel (Deutéronome).Il faut
essayer de penser les deux concepts ensemble.Comme illustration de
cette nécessité, les derniers rédacteurs du4) Historiquement, il ne I'a Pas touiours été'
6 . Attention aux dérives
mais
il
est en même temps l'ancêtre des Arabes via Ismaël, et des Moa- bites et Ammonites via Lot (les Jor- daniens d'aujourd'hui). Ce n'est Pas par hasard si dans le dialogue inter- confessionnel entre jr-rifs, chrétienset
musulmans, Abrahamjoue
un rôle de rassembleur.Il
exerce cettefonction déjà dans bon nombre de récits de la Genèse.
Certes,
via
Abraham, Israël ditson droit all
pays, maisce droit
n'est jamais accompagné dans Ia Genèse par l'expulsion des âtltres.D'ailleurs
quandDieu
annonce àAbraharn
la
possessiondu
pays pour sa descendance,il
n'est jamaisdit
qu'Isrnaël serait exclude
cette descendance.D'une manière plus générale, le
livre de la
Genèseconstruit
un grand système généalogique qui fait de quasiment tous les peuples de la terre Lrne même famille. Le droit du sang est subverti.Pentateuque
ont
identifié les pères du Deutéronome aux Patriarches de la Genèse (cf. surtout DeutéronomeL,8 et
34,4';. Lesdeux
modèles d'identité possèdent lettrs chances et leurs dangers.Le rnodèle Yocationnel qui Pour- rait partiellement être assimilé à un
droit du sol permet en théorie
d'intégrer tous ceux qtti souscrivent
à un projet
communde
société ;mais le danger existe qu'un tel Pro- jet se transforme
tollt
à couP en un concept autoritaire et fermé.De I'autre côté, le
modèle@
Approche théologique
oénéalogique, une sorTe de droit drr
'*ng,
^pput'aît
a priori
potentielle-nent raciste. Mais tout
dépend conrlrenton
compl'endles
" liens du sang,. En insistant sur les liens clr,riunissent les habitants d'trn rê,r't"
pnyt,d'ttn
même continent, dela
terre entière, I'idée généalo- giquepeut
aussidevenir
facteur d'intégrationtout
en respectant les clifférences des uns et des autres.PeLrt-on actualiser ces constats
vétêrotestatnentaires
?Il
serait conrl'aireà la
traditionbiblique
et rêformêe de donner l'illusion d'une immêdiatetêdu
texte biblique. On peut néanmoins fortement affirmer qr,rei'utilisation du droit du
sang prônée, par les tenants de I'extrême droite,n'a aucun appui
dans lestextes bibliques. Abraham
est ancêtre à la fois des juifs, des chré- tiens et des musulmans.Ceci nous amène peut-être aussi à abandonner quelques idées trop
simplistes dans
le
débat entre droitdu
solet droit du
sang. Seul celuiqui
saitqtri il
est,peut
accueillir1'autre.
Mais
celui qui
penseqlle
son identité se définit par une formule crellse (du sryle .La France aux Fran- çais,) restera toujours enfermé sur lui:
ce n'est pas par hasard que Jean Baptiste, dansle
Nouveau Testa- ment, reprendla critique
prophé-tique en
s'adressantà ceux
qui saventtrop bien qui ils sont
:"Ay'euous auisez
pas
d.edire en
uous-mêmes : "rxouS auons pourpère Abra- bam". Car je uotæ dis, des pieres que uoici, Dieu peut susciter des enfants à Abrabam, (Matthier"r 3,9).
Thomas Rômer professeur à la faculté de théologie de I'Université
de Lausanne
Indicatlons bibliographiques
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