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Notre technique nouvelle de dessin à l’Ecole Primaire

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L'IMPRIMERIE A L'ECOLE

Notre technique nouvelle de dessin à l'Ecole Primaire

Nous nous prépar:ons à rendre compte d'un livre récemment reçu : Le dessin dwz les Petits, pa-r Robert Landry (1) lorsque s'est imposée à nou·s la nécessité de faire précéder cette cri li que d'une mise au point intégrale de notre propre technique de dessin.

l\ouR disons bien : Notre techntique de dessin.

Non pas que les princ:pes qui en constitue les fondements nous soient str!ctement personnels ou aient tons été découverts par nous : ce sont tout simplement les pr!ncipcs des grands théoriciens de l'école nouvelle.

Mais nous avons ~té les premiers à en régler, en systématiser l'application à l't'co'le primaire en établissant une technique d'éducat'on qui a aujourd'hui fait ~es preuves et dont nous pouvons indiquer pratiquement les buts et les movens.

Comine pour la rédaction, nous avons, par cette technique, réalisé effec- tiYemenl, clans nos classes populaires, quelques-uns au moins des rêves des pédagogues contemporains.

Nous ne tomberons pas, d'abord, ôans le travers des professeurs de dessin qui, après avoir pendant des années, prat!qué leur spécialilé sans se soucier de l'ambiance éducative, prétendent inclure dans un manuel la technique qu'ils ont pratiquée. L'éducation, nous l'avons dit bien des fois, ne peut être ainsi morcelée en enseignement du français, du calcul, du dj:!ssin, de la musique. Elle est avant tout un effort synlhét' que pour l'accroissement vila! des enfants, une stimulation de toat leur être pour le progrès physique in:ellc':tuel et moral. Notre technique nouvelle de dessin ne peut pas être séparé(' de notre technique nouveïe d'éducation par l'!mprimerie, dont elle esl d'a'lleurs un des principaux éléments géné:·aleurs d'act vit~ et de viri- lisation.

(1) Editions du Cerf, à Juvisy.

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236 L'EnucATE'UR l'aolJ:TARIEN

Nous pratiquons pour le dessin exactement comme pour la rédaction. Et là la Yérité de nos théories se révèle encore plus éc.alante : l'essent,el pour nous, ;-oe n'est point de munir l'enfant, tôt ou tard, d'une technique adulte de des·sin, pour l'obtention de buls adultes, ma:s bien d'aider l'enfant à s'ex- primer, puis à se réaliser. El, après Je langage, à certains points de vue, plus pror'ondément que le langage, le dessin esl le mode d'express_on le plus natt11el, le plus souple, le plus comple~ dont l'enfant p<.tisse d.sposer. C'est un 1,node d'expression te.lement naturel et complet qu'on se demande par quelle aberration la pédagogie traditi annelle l'a si totalement négligé.

L'enfant s'exprimera donc concuremment par le langage et le dessin d'a- bord, par la rédaction el le dessin ensuite. Il perfectionnera sans cesse cette

expres~ion ·en la comparant insLncttvement aux modes d'expression plus évolués qu'il peut avoir sous les yeux comme il perfectionne son langage et son ('eriture au contact des exemples adultes- sorte de prise de possess on par des moyens que nous qualifions parfois encore d'empiriques faute d'en avo:r découvert les règles, mais dont l'é émeut essentiel est la uie toujours plus lorte que les systèmes morts des hommes de science.

Le grand point pour nous esl de montrer aujourd'hui d'une part que l'<'nfnnt peut parven.r à la perfection littéraire par la pratique de notre lech- ntque de rédaction libre - et nous nous emp-oyons en toutes occasions à fniré cette. démonstration ; - d'autre part que le mème processus cloil mrner l'enfant à une pratique parfa:te et originale du dessin en tant qu'ex- pression artistique et humaine.

Il y n d:x ans seulement, il aurait été

***

facile aux inspecteurs et aux p~da-

gogues conformistes de ridiculiser celte utopie.

<' Quiconque a ense!gné le dessin, dit encore tout récemment un profes- seur ~~.isse (1) a pu constater combien la jeunesse est pauvre d'imagina- tiDn. Hien peu d'élèves sonl capables de créer quelque chose d'orig nal. Ce qu'ils trouvent par eux-mêmes, à parl d'honorables exceptions, esL d'une ba- nuiité désespérante ».

Lc·s instructions ministérielles de 1923 recommandaient pourtant timide- men! Je dessin libre comme elles précon:saient la rédaction libre. Des pTo- messes de libert6 dans la prison intellectuelle et parfois ph;:s que. Qu'on ne s'étonne pas si les résultats de cetle largesse ont déçu nuntres et é èves. Il serail trop simple pourtant de conclure comme le fait L'Enseignement Pu- blic (~) : « Dire aux petits, comme on le fait Lrop souvenl, sous prétexte de dessin libre, " fai~es ce que vous voudrez », c'est faire du dessin an expé-

diént, un moyen d'occuper sans grand prof.l les heures creuses de la juurn{·e. Les résulta~s obtenus, du témoignage même des maîtresses de nos dasses enfantines et maternelles, sont plutôl décevants ... >>

El ious ces pédagogues qui invoquent sans cesse la science expérimentale, ne s'arrêtent pas à rechercher d'oü peul venir celte d.!ccption. Ils se hâtent de conclure : « Le dessin, comme tout enseignement, suppose des direc- t: ons, !a soumission de l'espr·t à une certaine discipline ... >>

C'rsl, victime du même aveuglem-ent scolastique, l'erreur monstrueuse du pr11J es seur suisse affirmant :

« Pour être juste, il faut ajouter que ce manque d'imagination est beau- coup moins marqué chez les enfants de la ville que chez ceux de la cam- pagne >> ...

Légèreté, et rouline surtout. Ains: pense depuis des générations, la majo- rité des instiluleurs ; a:nsi continueront de penser tous ceux qui se rcfuse- run< dPspotiquement à :aisscr le milieu scolaire évoluer vers la liberté el la

yeritahle express·on libre. -

Nous en convenons : dire à des enfanls à qui les pratiques trad if annelles ont enlevé tout.e vigueur et toute personnalité : « Fa;tes ce que vous voulez »

(1) L'Eclncnteur rlc Ln11sanne. - (2) Enseignement Public,

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L'EDUCATEUR PROLÉTARIEN 237

ne réussit pas mieux en dessin qu'en rédaction pour la bonne raison que, si vous les laiss'ez vraiment !:bres, ces enfants ne feraient rien du tout ou

lrouw~·aient des occupations d'fférenles répondant à leurs besoins, mais non JHQ!vues aux programmes ! Prendre ce geste au sérieux c'est s'illusion- ner sur la p'us fausse, la plus hypocrite et la plus dangereuse aussi des con- ceptions de la liberlé.

Il ne suf[t pas de jeter dédaigneusement << Fa'les ce que vous voulez ». JI faut, par un mode de v:e spécial, par des techniques appropriées, faire en sc~·te que les élèves veuillent, qu'ils désirent J'aire que'que chose à l'école.

Cr vremier élan réservé, il fau L généreusement, loyalement, préparer un milleu et du matériel adaptés aux nécess'tés des enfants et qui leur per- ml'llront de 1 éaliser, pratiquem1ent, ce que vous leur avez perm.is de désirer.

Tant que ces deux conditions essentielles ne sont pas remplies on ne peut tJUe parler de liberté aux élèves comme Hitler en parle à ses prison-

nier~ iles camps de concentration. Ne nous étonnons pas s: les résultats sont négatifs. Le contraire nous surprendrait et seuls peuvent être déçus crux qui n'ont pas encore dévoilé l'hypocr!s'e d'un pareil langage.

Unr jeunesse pauvre d'imagination ! Lorsque l'école l'a châtrée, neutra- lisée, sans doute. L'imaginat'on n'est-elle pas au contraire une des quali- tés ll<ttives de l'esprit enfantin dont les dessins !:bres sont la merve:lleuse et ori~inale floraison ? N'avez-vous donc jamais regardé jouer des enfants, et pourquoi alors ne vous êtes-vous pas demandés comment ct pourquoi leur f~rtile ach>ité créatrice s'annihqa't devant un professeur de dessin '?

El les pe~its paysans en seraient plus dépourvus encore que les citadins.

Tls sont moins excités certes, moins extériorisés parfois, mo;ns fat'gu~s et surmenés aussi. Mais que la richesse de vie naît de leur contact avec la na- ture, de la solilude a<t fond des vallons chantants, des jeux dans les granges

<iébbr<'·es, des lravaux dans les grands bo!s où hullulent, comme dans les contes, les oiseaux mystérieux. Apprenez à connaître ces petits paysans comme nous le révèle la pratique de la rédact;on libre et de l'Imprimerie cl ,.,ms verrez ce que valent les jugements superficiels dictés par la péda- gog'e iraditionnaliste.

Oui : il est bien exact que, dans l'état actuel de notre enseignement, l'nppel à la libertû et à l'imaginalion de l'enfant n'est qu'un va;n sacr:fice verbal aux concept'ons pédagogiques nouvel'es. Mais il ·est abusif el anti- scient:fiqae d'en déduire une sorte d'inc;uffisance chronique des enfants alors

qu'il sllffit d'accuser les concentions inhumaines d'une école tueuse d'éner-

!fe créatrice, et qui, sous de fallacieuses formules de liberté démocratique, ne sait que niveler les esprits pour les asservir.

Nous ne faisons pas aux éducateurs de vaines

***

promesses ; nous ne pré- sen·tons pas de peli's remèdes à telle ou telle faib1esse pédagol:(ique de notre école. Nous commençons hardimenl par le commencement; à ceux qui ne veulent point nous suivre nous dirons seulement : continuez vos pratiques l!·adil ionnelles, mais ne vous plaignez pas si vous ne parvenez ni à toucher

l'inl~rêt ni à susciter la vie.

Grflce à notre technique d''mprimerie à l'Ecole, tout jeune enfant trouve un hul à son expression graph~que, tout comme il avait un but à ses efforts opiniâtres lorsque, à travers tanl d'essais et de balbutiements, il apprenait à pm·ler. Lorsque l'enfant dessine, il se préoccupe peu de copier, il raconte les péripét'es naissantes de sa vie ; et, clans certaines classes LravaiPant à l'imprimerie, les textes choisis sont souvent de simples explications ver- hale-; des dessins l'hrement réalisés.

Quand, p'us tard, il illustre sa rédaction spontanée, c'est pour y ajouter ce je nr sais quo' de mystérieux que sa plume n'a pas su totalement préciser.

S'il grave son dessin sur du linoléum ou s'il le polycopie afin de le joindre ft l'imprimé, c'est rarce cpt'il ap?ortera an texte un complément sùbcons-

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238 L'EDUCATEUR PROLÉTARiEN

cient souvent, psychique dans une large mesure, susceptib'e d'enr:ch:r et d'emhell r la rédaction originale. Et les enfants, êtres si largement intuiiifs, soi!t henucoup plus sensib.es qu'on ne croit à l'atLra:t subject.f de ces des- sins. Même quand il réaL se un beau panneau décoré, ou un véritable ta- bleau, c'est .que l'élève se propose un but : non pas gagner un ou deux points au classement mensuel, non plus pour affronter timidement l'im-

pitoyab~e et souvent légère cri Li que du maître. Ce qui l'an: me, c'est ce be- soin de s'exlér"oriser, de s'expr.mer, de créer un peu de beauté, pour lui- m[·rue tout à la fois et pour ses camarades proches ou lointains, stimulants débarrassés de toute seo· astique el chargés des puissants éléments qui don- nent leur prix aux grandes œuvres des artistes adulles.

Nous tournons le dos aux habit:Iellcs prescriptions scolaires pou.r recher- cher les normes de la vie. Nous avons ainsi pleinement « motivé » le des- sin enfantin.

Le résultat en est inévitable : tous les enfants dessinent avec joie ; ils font tous, à quelque degré, montre de qualités imopçonnées d'imagination, de sensibil"té, de sens arlist:que. Leurs œuvres cl:ffèrent certes essentielle- meal de ces planches conventionnelles el mono~ones réalisées en séances de

do:~in - tout comme leurs rédactions ~ibres diffèrent totalement des mi-

nutieuse~ construc:ions scolastim~es. Mais elles sont l'express:on si f'dèle de :a vie des enfants, elles sont tellement à leur image qu'on les adm're com- me un admire les joues roses, les yeux neufs encore et brillants d'ingénue confi:mce, et cel air d'hésitante simpliciLé qui sonl le charme de la jeu- nesse.

Par la faute d'une techniq:1e faussée par la méfiance et l'autor"té des œm-res semb'ables n'avaient pu jusqu'ici qu'ace· den tellement voir le jour.

Les nH\thodes les plus éprouvées, même aux mains d'habiles éducateurs,

aïa;e.nt mag'stralement échoué. Forts d'une ex.pér'ence de plusieurs an-

nées. nous apportons maintenant une technique sihe, qui vaut pour tous les enfants au premier degré, que tous les éducateurs, quelles que soient d'nuire part leurs aptitudes spéciales, peuvent ut:liser, pourvu qu'ils accep- ter.l de faire dans la vie de leur classe la réforme indispensable qui seule perrJdtra l'œuvre nouvelle :

Motiver l'exp1ession libre des enfants par l'introduct;on de notre tech- n,ique d'lm.prim1erie

a

l'Ecole complétée pw1 notre Systèm.e d'échanges in- terscolnires ; m1eltre entre les m.ains des enfants des. outils à leur m.esure ct adéquats à leur utilisation ; réorganiser la discipline et la vie de la classe de façon que l'appétit de création et de travail puisse librement s'c:rprimer ; supprimer notamjment, et au mp:t1i1~11m,, les leçons scolastiques auxrz.ue'les se substituera le travail effectif, in·clividuel ou par groupes, avec la collaboration du mpîlre, par les cahiers à j'euilles mobi?es, les fichiers,

la fli!Jliothèque de travc.\il.

***

Un <inule tenace naît cependant dans l'espril même de ceux qui Tecon-

nai~sent la valeur et la portée de cette technique. La même quest'on se pose pour les œuvres graphiques que pour les tex.tes libres : on en adm're cerles ln JWÏ\>eté, le naturel ; leur expression est parfois émouvante. Mais ne s'ex- tas:e-t-on pas trop devant ces travaux spontanés -et sans direct~ves, tout

comme les visiteurs s'exclament à entendre le babil maladroit du bébé ? Le but de l'école est d'instru:re et d'éduquer. Ne pas aider l'enfant à pro- gresser, ·s'abstenir d·e lui s'gnaler les fautes et les erreurs, n'est-ce pas favo- riseJ· 1111 piétinement intellectuel dangereux ? Le rôle de l'éducateur n'est- il pas justement d'intervenir activement pour éviter ce piétinement, pour pousser sans cesse à la progression ·et à l'évolufon ?

Cette préoccupation est tout à fait caractér"stique de la pédagogie tra- c.litic:nnclle, pour laquelle l'enfant n'est qu'un ètre incomplet, qui ne saurait faire aucun progrès intellectuel sans l'intervent:on constante de l'adulte.

~-ans leçons, sans directives, sans progression, sans sanctions, Tien ne se- rait, croient .. il~. '

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1/EDUCATBUR PROI.tTARIEN

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Illusion pédantesque qui, de l'orgueilleuse université, a envahi et déformé l'enseignement primaire dès sa fondation, déifiant la science na1ssante si imparfaite et s, 1mpuissante pourtanl. Prêcher la soumission contian~e aux grandrs lois vitales, mvoquer les principes connus ou non de ce qm sera un jour la vraie science pédagogique, c'est encore, hélas ! sacrilège.

Ct: ne sont pourlant pas les éducateurs qui apprennent à parler aux en- fants ; ce ne sont pas même les parents puisque taule inlervent.on techn:- quc de ceux-ci esl plus souven~ nocive qu'utile. Et pourtant lous les en- fants nonnpux apprenn·ent à paJj.er com~~e on parle autour d'eux., sans qu'on doive les slim1uler pour cel apprentissage.

Pourquoi, comment se produil ce miracle de vie ? La vieille pédagogie slat.que, conçue et r~glée selon le dogme de la passivaé des enfants, sait

qu'elle n'obtient rien sans st.mulant extérieur. 11 est nalure1 qu'elle se mon,re profond~ment sceptique devant ceux qui parlent d'aclivué et de créalion. Mais nous qui avons appris à viv.re intimement avec nos élèves, nous snvons que, si on respec~c leurs asp rations fonct.onnelles, ils n'ac- ceplent jam,ais un piétinem,ent qui es L com,me un peu de mort. La loi vila le

à laquel.e obéit si lo,alement l'cnfanl, veut que l'être marche, qu'.l pro- gresse, qu'il mon~e. Seuls les individus très déf.cients, donl la force v tale esl grav~menl comprom.se, risquent ainsi de piétiner ou même de s'arrêlcr dans icur anormal.té. Le remède, loin d'être exclush emen, scolast que, csl avant tout physio.og que et social. Tl ne ser~ à rien de bousculer, de sEcouer, de punir ces anormaux : qu'on leur redonne de l'énergie, de la vie et leur inlrlligence reprendra son essor, J'ascension naturelle conlinuera tr.om- phalement.

Pour un enfant normal, il n'y a jama's pié;inement. La v'e le pousse : il suffit de donner un a .. men~ à celte vie, uu but et des moyens.

Ne croyez pas que l'enfant travaillant librement se complaise :ndéfini- mcr..l à accrocher les bras à la lête de ses bonshommes, ci, plus lard, à dres- ser des maisons branlantes sans aucune perspective. ~i cela était, cc serait un s·gne certain d'anormalité comme l'est pour le ;angage l'.mpuissance à franchir certaines étapes - el nous avons elit ce que cleva.l être alors l'ac-

tion curative.

Dans son dessin, comme dans son langage, l'enfant cherche sans cesse à perfectionner sa technique.

Mai, et c'est là que nous nous séparons de cerla'ns pédagogues anarchi- sants : nous ne sommes pas partisans de laisser l'enfant faire a nsi lolale- ment, sans aucun secours adulte, ses propres expér.ences. II y a un for- midable acquis de la civilisation don: l'enfant doit nécessairement se saisir

le plus rapidement poss:ble pour monter plus haut encore que ses prédé- ces-;enrs. Nous ne d:rons pas comme Cousinct : '' Laissez les enfants 1 bres clans leur classe, partez, fermez la porte à clef et revenez voir dans elix

ans ce qu'ils sont devenus >>.

La première tâche de l'école, ln besogne essentielle lrop longtemps négli- gée semble en effet, à première vue, supposer une aaitude passive, négati- ve de l'éducateur. Erreur profonde qui a justifié aux yeux dés t!morés la condamnation des tentatives d:verses de libération scolaire.

Mais il ne suffit pas de proclamer la liberté, ni même de l'inscrire, com- me nos trois premières républiques au fronton des lirnen~s ou sur les couwrtures des protège-cahiers. Seu~c une organisation acléqnnle de la classe, une techn!que nouvelle de la v:e et du travail sont suscept"b'es

de rés't'n~er pratiquem,ent aux enfanLs, à un momenl donné, le maximum d'activité et de liberté. C'esl pour celte organisation que nous lul!ons quanci nous mettons au po'nt des modes nouveaux d'expression permettant réelle- ment à l'enfant de Cl'écr, dans une large mesure, sn '' · e scola re, quand nous supp:-imons !es manuels ,que nous cr~ons des fichiers, des Bibliothèques de Travail, des outils d'expérimentation susceptibles d'être vraiment mis entre 3

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!40 L'EDUCATEUR PROÜTARIEN

les mains des enfants ; quand nous dénonçons l'asservissement ma~ér:eJ

qu1 naît des v._eux bancs et de la chaire monumentale cl que nous préconi- son!> un maténel plus souple, permellant d'autres Util!salions pédagogiques que eelles de re]:Jorter .e cahier d'écri .. ure, de racher livres el cah,èrs, en empr.sonnant le corps de l'enfant dans un vér.Lable carcan donl il ne san- rail se dégager sans scandale.

Il n'est pas ,out à fait exact non plus d'affirmer que, par notre lechn:que de dess.n libre, chaque individu en est réduit à fa;rc toutes les expériences, ù subir tous les tâtonnements qui ont ma1qué la longue conquête humai- ne. l\on : notre rô.e ic. non plus n'est point pass.f ; il se manifes,e seule- ment sous une autre forme que nous croyons plus compatillle avec l'.~volu­

lion personnelle des individus.

La maman ne prétend pas enseigner le laugage à son enfant ; elle l'aide seulement, consc.emment ou non, à se réaliser, à se perfectionnr. l\ous ne p1 <':tendons pas non plus enseigner .c dessin dans nos classes. Mais ces en- 1ants en qm nous avons su conserver l'instinct pu.ssant, le besoin de s'ex- pdmer par le dessin, nous allons les aider à améhorer sans cesse, et le plus raidement possible leur technique. Commcnl ·r

1\ous a\ions remarqué que, plus le mi..eu de l'enfant est linguistiquement évolué, plus l'enfant parlera rapidement une langue correcte. De même, plus !e mil eu scolaire sera r che en excellents exemples de be.les réali- sations graph1·ques, plus l'évolution enfantine sera rapide el sùre. Les abe:l- les nf! refont-elles pas .cur meilleure provision de m.cl, dans nos campa- gnes, quand les pluies d'été entretiennent les floraisons ct font à nouveau s'épanou r les serpolets ?

Les enfants dessinent l'brement, selon leurs apliludes fonctionnelles.

Inuti.e de les sermonner, de les dirlge:·, de les conseiller, de les pousser. Cela peut mrme devenir dangereux pa1 ce qu'on brùle des ~lapes, qu'on rend plus f1 r~t,iles certaines ass ses, qu'on augmente anormalement les d1fficultés d'acquisition, au risque d'user la force es sent elle don L nous altendons les progrès édur.atifs : l'élan spontané vers la satisfaction des beso_ns psychi- ques.

Mais que l'instituteur dessine librement aussi en même lemps que les élèves ; que quelques reproductions de beaux tableaux ornent la classe - ma· s pas de façon permanente pendant des années ! - que notre fichier renf<>rme des documents prée eux pour cette instruction d.ffuse dont l'en- fant bénéficiera ; qu'on laisse les élèves admirer les œuvres émouvantes de ln mil ure ; qu'on les mène ensu fe si possible dans .cs musées contempler les grandes œuvres humaines ... Mais tou~ ccci sans aucun verbiage, sans au- . cu ne explicat on non soll.cit~e : laissez les spectateurs a dm rer ou ne pas

admirer, s'émouvoi. ou non. Chacun puisera dans ces exemples selon ses dé- sirs, ses besoins, ses poss.b lités fonctionnelles : c'est comme une tab.e ser · vie d·e bons éléments parm1 lesquels chaque convive puise selon ses goüls et ses l~esoins v.laux.

!\'enseignerez-vous pas même la ppersectiYe, nous dira-t-on ?

Le but de l'enseignement du dessin est d'amener l'enfant à bien juger et à bien vo r ; à réaliser ensuite avec le plus d'expression possible ce qu'il a vu ou imaginé. Ense.gner la perspective à un enfant qui ne la voit pas encore, c'est voulo r le mouler au haut d'un escalier dont il ne peut pas ent·ore franchir les marches ; c'est vous acharner à fa re prononcer cor- rr·ctement une syllabe à un bambin qui a encore tout à acquérir en fait de langage. Le résu tat c~1 _est l'acc:den:, la déformation psychique, l'a;·rêt dans le cléH.loppement ind1v.duel.

~-.j Yous impo'e7. votre le7on de dessin, l'enfant dessinera désOI:ma·s non

pit" «vcc ses y2u--:, mas avec le souvenir de votre leçon. Vous obt:endrez , cvo·rs , conformes peu>être aux règles qu'on vous a ensc:gn~es 3 vous m~me, mais dépounues, hélas ! de tou~e personnalité e~ de Loule v:e.

Ces <• devoirs »,lorsqu'ils sont faits par l·es adultes - et les professeurs de

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L'EDUCATEUR PROŒTARIEN 24-t

dess:n y excellent - sont sans aucune valeur artistique, alors que les œu- vres ù<.>s grands peintres - qui défient bien souvent vos lo.s scolastiques de la perspecti.ve- sont et. restent ce qu'on reconnaît approcher le !Jlll.S de la perfectwn.

Par notre technique nous élèves approcheront le p. us possible de cette per- fection. Vous aurez toujours le temps, à treize ans, s'il le faul, de leur cton- nei' en quelques m1nutes le secret du dessin de perspective et de leur fa.re comprendre le mystère ùe votle <· ligne ct'hor.zon 11.

Pou!· nous résumer, nous dirons à nos camarades : Par nos techniques, entretenez d'abord la vic, le besoin d'activité ét de créa~ion. Organ sez en- suite le milieu : réservez .a poss bilité pour les enfants de dess.ner 1 brc- nwnl ; préparez-leur le matériel : papter, couleurs, crayons, etc ... Off.ez ensuite de bons modèles art.sjques que chacun verra sous l'angle qui lui plaira. Et puis, laissez les enfants se sa.s.r du monde qui les environne : ceux ~Jl!. ont une personna.it~ forte, prédisposée pour cel a.t, ne seront du moins ni découragés ni déformés ; ils prendront autour d'eux, avec une puissance et une sûre~é qui vous étonnera, le suc dont .ls feront leur miel.

Qnani aux autres, ils auront du moins la saLsfacl.on de s exprimer dans la joie en réalisant des œuvres sign.lïcatives qui les passionneront ·et les

virdiseroht.

* **

Formation artistique, exercice de l'œil et de la main ; tout y est certes.

L'enfant ainsi éduqué parviendra sùrement, vers 12-13 ans, à une com- préhension art.stique originale. Ses dessins, avec ou sans modèles, seront peul-èlre class:quement moins parfaits, mais ils seront toujours arL.stique- ment supérieurs parce qu'on y sentira l'émotion et la vie sans lesquelles il ne saurait y avoir œuvre d'art.

Cc faisant, et parce qu'.ls auront spontan.!ment beaucoup dessiné, nos élèves auront :a compréhension graph.que très développée cl la ma.n sùre.

Il sera facile alors, et profitable, d'aborder le d·essin l.néairc pour lequel la technique doit nécessairement être communiquôe.

Mais ce n'est que vers 12-13 ans que nous pourrons donner, objective- ment quelques no~ions de perspect:ves, qui ne feront alors que préc.ser ce que l'enfant comprend et réal.sé depuis longtemps, toul comme nous ne donnons .es notions grammat:cales formelles que lorsque l'élève s'est saisi pratiquement de la langue. Ces leçons de dessin, linéaire ou à vue, d~pa

seronl en quelques minutes le rendement scolaire des mornes séances de dessin qui, de 5 à 13 ans, ont dilué tout effort et usé les vcllé tés les plus opiniâtres d':ntérêt.

* * *

On a trop longtemps, au nom d'une science embryonnaire, ei. hé:as ! b:en inhumaine, violenté les jeunes volontés avides d'activité et de création.

Nous revenons à la v·e d'abord ; nous l'aidons au maximum à s'affirmer et se viriliser. Nous allons synchr~t:quement le plus loin possible et nous ne faisons intervenir no~re science rudimentaire que là où nous craignons de trébucher, heureux que nous ser:ons, si les programmes nous laissaient le lo:sir de reporter au deuxième degré toutes ces acqu:sitions scolasl'ques, nous réservant le soin inestimable de veiller à l'harmonie constructive des

jeu nes personnalités. c. FREINET.

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