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Enthousiasme religieux dans Rm 6?

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Enthousiasme religieux dans Rm 6?

DETTWILER, Andreas

Abstract

L'article fournit une analyse détaillée du "locus classicus" de la compréhension paulinienne du baptême, à savoir Rm (épître aux Romains) 6,1-14. Plus précisément, Dettwiler soumet à une analyse critique, d'une part, l'hypothèse de l'existence d'une tradition baptismale pré-paulinienne d'orientation enthousiaste (en lien avec Col 2,12-13) et, d'autre part, l'idée d'une "réserve eschatologique" qui serait présente dans Rm 6,1-14. Les outils d'analyse sont ceux émanant de la méthode historico-critique et de l'anthropologie culturelle. L'article s'exprime aussi sur la théologie paulinienne du baptême et sur la relation entre baptême et éthique (chrétienne).

DETTWILER, Andreas. Enthousiasme religieux dans Rm 6? In: Schnelle, U. The Letter to the Romans . Leuven, Paris, Walpole (MA) : Peeters, 2009. p. 279-296

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:39487

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* Je remercie vivement Emmanuelle Steffek, collaboratrice du Fonds national suisse, d’avoir eu la gentillesse de soumettre le texte à une relecture stylistique importante. Je remercie également les participants du séminaire de Leuven pour toutes leurs réactions constructives. Last but non least, j’adresse un grand merci au collègue Troels Engberg- Pedersen (Copenhague) qui m’a bien judicieusement aidé à préciser mon argumentation.

Toutes erreurs ou imprécisions restantes devront m’être exclusivement imputées!

1. En 2001, nous avons fourni une première esquisse de la problématique de l’escha- tologie colossienne (axée sur Col 2,12 et 3,1-4, en proposant une comparaison – peut-être un peu trop – synthétique avec l’eschatologie des lettres proto-pauliniennes) dans A. DETT-

WILER, La résurrection des croyants selon l’épître aux Colossiens, in O. MAINVILLE D. MARGUERAT(eds.), Résurrection: L’après-mort dans le monde ancien et le Nouveau Testament(Le Monde de la Bible, 45), Genève, Labor et Fides; Montréal, Médiaspaul, 2001, 307-320. Entre-temps, notre scepticisme à l’égard d’une prétendue tradition pré- paulinienne derrière Rm 6,3b-4 a grandi, comme le montrera la présente contribution.

Deux intérêts principaux et complémentaires ont nourri notre réflexion sur Rm 6,1-14*. Le premier intérêt s’inspire de nos recherches sur le deutéro-paulinisme, en particulier la question d’une réception soit-disant enthousiaste de la théologie baptismale de Paul dans l’épître aux Colos- siens. Comment concevoir le rapport entre Rm 6,3ss et Col 2,12? Sup- posons qu’il y ait là effectivement un phénomène de relecture: est-ce que Col 2 constitue une réactualisation d’une tradition baptismale de type enthousiaste qui se trouverait à l’arrière-plan de Rm 6,3b-4? Dans ce cas, nous devrions être en mesure d’identifier avec suffisamment de certitude une telle tradition pré-paulinienne. Ou bien est-ce que Col 2 constitue une relecture de Rm 6 dans son état actuel? Si la seconde hypo- thèse est à favoriser – et nous allons démontrer pourquoi elle est à favo- riser –, il resterait à établir comment le jeu dialectique entre reprise et recadrage, entre continuité et discontinuité qui constitue tout phénomène de relecture s’instaure ici concrètement entre Rm 6 et Col 2. Dans le cadre de cette étude, il nous suffit de rester au seuil de la probléma- tique, sans vouloir traiterin extensola question de la compréhension du baptême et de l’eschatologie de la lettre aux Colossiens1. Le second inté- rêt, étroitement lié au premier, a trait à la temporalité complexe dont témoigne Rm 6 et, au niveau anthropologique, à la conviction pauli- nienne d’une profonde transformation religieuse de l’être humain par l’acte du baptême, compris comme rite d’initiation. En termes devenus classiques depuis Ernst Käsemann: la notion de «réserve eschatologique»

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2. Pour les commentaires scientifiques, on consultera de préférence (ordre chronolo- gique): F.-J. LEENHARDT, L’Épître de Saint Paul aux Romains(Commentaire du Nouveau Testament, 6), Genève, Labor et Fides, (1957) 31995; E. KÄSEMANN, An die Römer(HNT, 8a), Tübingen, Mohr Siebeck, (1973) 41980; H. SCHLIER, Der Römerbrief(HTKNT, 6), Freiburg – Basel – Wien, Herder, 1977; U. WILCKENS, Der Brief an die Römer (Röm 6–11) (EKK, 6/2) Zürich, Benziger; Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, 1980; D. ZELLER, Der Brief an die Römer(RNT), Regensburg, F. Pustet, 1985; J.D.G. DUNN, Romans 1–8 (WBC, 38A), Dallas, TX, Word Books, 1988; J.A. FITZMYER, Romans: An New Trans- lation with Introduction and Commentary (AB, 33), New York, Doubleday, 1993;

S. LÉGASSE, L’Epître de Paul aux Romains (LD. Commentaires, 10), Paris, Cerf, 2002;

R. JEWETT, Romans: A Commentary(Hermeneia), Minneapolis, MN, Fortress, 2007. – Littérature spécifique à propos de Rm 6,1-14 (ordre chronologique): G. BORNKAMM, Taufe und neues Leben (Röm 6), in Das Ende des Gesetzes: Paulusstudien. Gesammelte Aufsätze I (BEvT, 16), München, Kaiser, 1961, 34-50; G. WAGNER, Das religionsgeschichtliche Problem von Römer 6,1-11(ATANT, 39), Zürich, TVZ Verlag, 1962; R.C. TANNEHILL, Dying and Rising with Christ: A Study in Pauline Theology(BZNW, 32), Berlin, A. Töpel- mann, 1967; H. FRANKEMÖLLE, Das Taufverständnis des Paulus: Taufe, Tod und Aufer- stehung nach Röm 6 (SBS, 47), Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 1970; F. HAHN, Das Verständnis der Taufe nach Römer 6, in J. FREY– J. SCHLEGEL(eds.), Studien zum Neuen Testament. Band II: Bekenntnisbildung und Theologie in urchristlicher Zeit(WUNT, 192), Tübingen, Mohr Siebeck, 2006, 223-239 (première publication de l’article: 1979); U. SCHNELLE, Gerechtigkeit und Christusgegenwart: Vorpaulinische und paulinische Tauftheologie (GTA, 24), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, (1983) 21986, passim;A.J.M. WEDDER-

BURN, Hellenistic Christian Traditions in Romans 6, in NTS 29 (1983) 337-355; N.R. PETER-

SEN, Pauline Baptism and ‘Secondary Burial’, in G.W.E. NICKELSBURG– G.W. MACRAE

(eds.), Christians among Jews and Gentiles: Essays in Honour of Krister Stendahl on His Sixty-fifth Birthday, Philadelphia, PA, Fortress, 1986, 217-226; A.J.M. WEDDERBURN, Bap- tism and Resurrection: Studies in Pauline Theology against Its Graeco-Roman Background (WUNT, 44), Tübingen, Mohr Siebeck, 1987; A.J.M. WEDDERBURN, The Soteriology of the Mysteries and Pauline Baptismal Theology, in NT29 (1987) 53-72; S. VOLLENWEIDER, Freiheit als neue Schöpfung: Eine Untersuchung zur Eleutheria bei Paulus und in seiner Umwelt (FRLANT, 147), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1989, pp. 323-338; S. LÉGASSE, Être baptisé dans la mort du Christ: Études de Romains 6,1-14, in Revue biblique 98 (1991) 544-559; H.D. BETZ, Transferring a Ritual: Paul’s Interpretation of Baptism in Romans 6, in Paulinische Studien: Gesammelte Aufsätze III, Tübingen, Mohr Siebeck, 1994, 240-271; D. HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul: The Case of Romans 6, in T. ENGBERG-PEDERSEN(ed.), Paul in His Hellenistic Context, Edinburgh, T&T Clark, 1994, 119-179; A. KLOSTERGAARDPETERSEN, Shedding New Light on Paul’s Understanding

est-elle pertinente pour synthétiser l’argumentation paulinienne en Rm 6?

Ou dans quel sens devrait-elle être modifiée pour conserver sa valeur heuristique?

La présente contribution avait à l’origine pour but d’alimenter l’échange au sein du séminaire français lors du 56eColloquium biblicum de Lou- vain en été 2007. Nous avons décidé de garder la forme initiale de thèses.

Malgré le caractère condensé de l’argumentation, elle a l’avantage de for- muler de manière pointue notre hypothèse de lecture de Rm 6. La biblio- graphie sur Rm 6 étant particulièrement imposante, nous étions obligé – sans viser à une quelconque exhaustivité – de choisir comme partenaire de dialogue ceux qui nous ont paru les plus stimulants2, sans que les

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of Baptism: A Ritual-Theoretical Approach to Romans 6, in Studia Theologica52 (1998) 3-28; H. UMBACH,In Christus getauft – von der Sünde befreit: Die Gemeinde als sün- denfreier Raum bei Paulus (FRLANT, 181), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1999, pp. 234-257; M. THEOBALD, Der Römerbrief(EdF, 294), Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2000, pp. 230-240; H. BOERS, The Structure and Meaning of Romans 6:1-14, in CBQ63 (2001) 664-682; D. ZELLER, Die Mysterienkulte und die paulinische Soteriologie (Röm 6,1-11): Eine Fallstudie zum Synkretismus im Neuen Testament, in Neues Testament und hellenistische Umwelt(BBB, 150), Bielefeld, Philo, 2006, pp. 173- 187 [version révisée de l’article paru sous le même titre dans: H.P. SILLER(ed.), Suchbe- wegungen: Synkretismus – Kulturelle Identität und kirchliches Bekenntnis, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1991, 42-61].

3. En faveur de Rm 6,1-14: WILCKENS, Der Brief an die Römer (Röm 6–11)(n. 2), pp. 6-8; HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul(n. 2), pp. 128ss, en particulier p. 142; JEWETT, Romans(n. 2), p. 319; etc. En faveur de la délimitation alternative Rm 6,1-11: KÄSEMANN, An die Römer(n. 2), p. 155; DUNN, Romans 1–8(n. 2), pp. 305-306;

UMBACH,In Christus getauft(n. 2), pp. 235.252; etc.

4. VOLLENWEIDER, Freiheit als neue Schöpfung(n. 2), p. 324: «Thema [i.e.de Rm 6]

ist die durch eine Todesgrenze markierte Differenz zweier Herrschaften».

absents n’aient nécessairement tort … Finalement, il est inutile de dire que la présente contribution n’a aucunement la prétention de discuter tous les problèmes, complexes, de Rm 6.

I. DÉLIMITATION ET FONCTION ARGUMENTATIVE DERM6,1-14

DANS LE CADRE DERM 5–8

1. La délimitation de Rm 6,1-14 est à favoriser par rapport à la déli- mitation alternative de Rm 6,1-113, pour les raisons suivantes: (a) Rm 6,15 est parallèle à la question opposée de Rm 6,1, et recouvre en même temps l’antithèse «grâce» (xáriv) – «Loi» (nómov) évoquée en Rm 6,14;

(b) le v. 14 reprend et dédouble en quelque sorte le v. 12, et rappelle éga- lement, en forme de chiasme, le v. 1 (reprise de la thématique du péché et de la grâce du v. 1). L’antithèse xáriv – nómov de 6,14, introduite d’une façon quelque peu abrupte après 6,1-13, est néanmoins préparée par Rm 5,20-21. La problématique du nómov sera traitée in extensodès Rm 7,1ss. La délimitation proposée ne doit néanmoins pas occulter le fait que Rm 6 constitue une unité textuelle cohérente, construite en deux séquences argumentatives largement parallèles (v. 1-14; v. 15-23). Son thème principal est «la différence de deux types de seigneuries distincts, marquée par une limite de mort»4.

2. La question rhétorique initiale de Rm 6,1b – «Nous faut-il demeu- rer dans le péché (ämartía), afin que la grâce (xáriv) abonde?» – a pour but de dénoncer la conséquence, fatale semble-t-il, de la thèse paulinienne

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5. Cf. VOLLENWEIDER, Freiheit als neue Schöpfung(n. 2), p. 338, n. 258, à propos de cette expression bien connue dans l’Église ancienne. Il s’agit originairement d’une figure théologique qui souligne la portée sotériologique de la mort du Christ.

6. Bien perçu par exemple par KÄSEMANN, An die Römer(n. 2), p. 151: «Der Apos- tel steht vor der Aufgabe, die in c. 5. [i.e.Rm 5] behauptete Verwirklichung des eschato- logischen Lebens in aller Welt aus der Realität des Alltags, der Gemeinde und der Einzel- existenz heraus begreiflich zu machen»; ou encore KLOSTERGAARDPETERSEN, Shedding New Light(n. 2), p. 12: «[…] baptism as the ritual linkage incorporating the Christians into the inclusive destiny of Christ, and making it possible to apply the basic story and its universe [à savoir Rm 5,12-21 comme structure narrative fondamentale de la théologie paulinienne, cf.ibid., p. 10] to the readers of the letter».

7. THEOBALD, Der Römerbrief(n. 2), p. 237: «Nicht Thema, sondern Argumentist die Taufe in Röm 6».

concernant la dialectique asymétrique entre le péché et la grâce de Rm 5,12- 21, en particulier de l’affirmation de pointe en 5,20: «Or la loi est inter- venue pour que la faute abonde; mais là où le péché (ämartía) a abondé, la grâce (xáriv) a surabondé». L’intention centrale de Rm 6,1-14 consiste à démontrer que la nouvelle existence «sous la grâce» (üpò xárin, 6,14b) implique une rupture radicale avec le passé, qualifié par la puis- sance d’aliénation du péché (ämartía). Le croyant se trouve dans une dynamique de profonde transformation, caractérisée par la conformité au Christ crucifié et par le paradoxe de l’expérience de la vie au sein de cette mort. Dans son «corps mortel» (ên t¬ç qnjt¬ç sÉmati, 6,12) se manifeste déjàla «mort de la mort»5, à savoir le triomphe de la vie résur- rectionnelle du Christ.

3. De manière plus générale, le lien étroit entre Rm 5 (en particulier 5,12-21) et Rm 6 nous permet d’observer que Paul ne construit pas une théologie du baptême in abstracto, mais que sa réflexion théologique sur l’expérience baptismale – expérience supposée connue par les desti- nataires de la lettre – a pour but de démontrer que la thèse, générale et universelle, de la réalisation de la nouvelle vie en Christ (Rm 5) s’inscrit dans le vécu concret de la communauté et de l’individu6. L’évocation du baptême ne constitue ainsi pas l’objet principal du passage, mais il est au service du développement de l’argumentation paulinienne qui, dans Rm 5–6, se fraye un chemin entre nomisme et libertinisme. Michael Theobald l’a bien formulé: «le baptême dans Rm 6 n’est pas le thème, mais l’argument»7. D’ailleurs, même si Rm 6 est considéré comme le locus classicusde la compréhension paulinienne du baptême, il manque- rait tout simplement trop d’éléments pour pouvoir lire le passage comme une sorte de systématique exhaustive du baptême: le lien avec l’Esprit de Dieu n’est pas explicité (mais voir par ex. 1 Co 6,11; 12,13), ni celui du baptême avec la justice (mais voir par ex. 1 Co 6,11; etc.) ou avec la foi,

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8. HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul(n. 2), p. 141: «The most striking feature in the composition of Romans 6 is its dialogue structure».

9. Nous empruntons l’image de la pièce de théâtre à THEOBALD, Der Römerbrief(n. 2), p. 74: «Wie Zuschauer im Parkett werden die Adressaten Zeugen einer Auseinandersetzung auf der Bühne des Briefes (dialogus cum Iudaeo)».

10. Pour un premier survol, cf. THEOBALD, Der Römerbrief(n. 2), pp. 67-74. Sinon, voir par ex. R. BULTMANN, Der Stil der paulinischen Predigt und die kynisch-stoische Dia- tribe. Mit einem Geleitwort von H. HÜBNER(FRLANT, 13), Göttingen, Vandenhoeck &

Ruprecht, (1910) 1984, ou encore T. SCHMELLER, Paulus und die «Diatribe»: Eine ver- gleichende Stilinterpretation(NTAbh NF, 19), Münster, Aschendorf, 1987.

11. Bien vu par HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul(n. 2), p. 143.

ni explicitement la dimension ecclésiale (voir de nouveau 1 Co 12,13: bap- tême comme acte d’incorporation au «corps du Christ») ou sociale (mais voir par ex. Ga 3,27-28).

II. STRUCTURE ET ARGUMENTATION DERM 6,1-14

1. «Le trait le plus frappant dans la composition de Rm 6 est sa struc- ture dialogique»8. Plus précisément, le passage est rédigé dans le style de la diatribe, facilitant ainsi l’implication de l’auditoire dans l’argumen- tation paulinienne. Comme dans une pièce théâtrale, la communauté des- tinataire observe attentivement le dialogue qui se joue sur la scène (de la lettre) et évalue la force des arguments des opposants9. Depuis longtemps, les chercheurs sont attentifs à l’importance de la diatribe au sein des lettres proto-pauliniennes, en particulier celle de Rm10. Par ce biais, Paul vise à préciser à plusieurs reprises son argumentation et ainsi à éviter une réception erronée de sa théologie. Se pose, entre autre, la question de la compréhension et du caractère fictif de la position adverse, se mani- festant principalement dans les questions explicites qui ont pour but de mettre radicalement en question la théologie de l’apôtre des nations (cf. Rm 3,5 [et 3,8]; 3,31; 6,1.15; 7,7; 9,14 [cf. aussi 11,1]). Nous nous limitons ici au cas de Rm 6,1: d’un point de vue sémantique, la position énoncée est celle du libertinisme. D’un point de vue pragmatique, pour- tant, l’énoncé peut être compris de deux manières différentes11: soit les opposants défendent une position libertine – position que Paul refuse;

soit les opposants accusent Paul de libertinisme – accusation que Paul réfute. Rm 3,8 où apparaît pour la première fois l’accusation libertine adressée contre Paul – que celui-ci dénonce comme «blasphématoire» – plaide clairement en faveur de la deuxième lecture. Des considérations extratextuelles vont dans le même sens: durant une bonne partie de

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12. Selon THEOBALD, Der Römerbrief(n. 2), pp. 112-114; Schnelle identifie des chan- gements substantiels («substantielle Veränderungen») entre Ga et Rm, principalement dans les domaines de la Loi / Torah, du sort d’Israël et de la justice, cf. U. SCHNELLE, Der Römerbrief und die Aporien des paulinischen Denkens, dans ce volume.

13. En particulier HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul(n. 2), passim; à sa suite JEWETT, Romans(n. 2), pp. 393-394.

14. Par exemple celle de BORNKAMM, Taufe und neues Leben(n. 2), p. 39, qui avait souligné le parallélisme entre les v. 5-7 et les v. 8-10.

son activité missionnaire indépendante, Paul semble s’être heurté à des positions théologiques judéo-chrétiennes divergentes (cf. Ga; Ph 3).

Quant à Rm, rappelons que la lettre, dans son ensemble, peut aussi être comprise comme une sorte de relecture importante de ses positions théo- logiques antérieures (voir l’hypothèse suggestive de Rm comme retrac- tatio de Ga)12, en vue de la visite à Jérusalem qui s’annonce extrême- ment délicate (cf. Rm 15,30-32). Indépendamment de l’identification historique exacte de la position adverse, il reste pourtant le fait que la

‘mise en scène’ épistolaire des opinions divergentes par le biais de la dia- tribe vise principalement la communauté romaine.

2. Les propositions de structuration les plus affinées du passage empruntent aux catégories de la rhétorique (antique et moderne) et de la linguistique moderne13. Leurs propositions rejoignent en partie celles devenues classiques14. En détail, le texte peut être structuré de la manière suivante:

– v. 1 question adverse (reductio in absurdum; style de la diatribe) – v. 2 refus emphatique et argument (ou testimonium) adverse – v. 3-4 explicitation du testimonium: référence à la compréhension (en

partie traditionnelle) du baptême chrétien – v. 5-7 premier argument:

– v. 5 la participation à la mort du Christ fonde la certitude de la résurrection des croyants dans l’avenir

– v. 6-7 explicitation anthropologique: (mort) le péché n’a plus d’emprise sur le croyant

– v. 8-10 second argument (parallèle aux v. 5-7):

– v.8 la mort avec le Christ fonde la foi de la vie résurrec- tionnelle des croyants dans l’avenir

– v. 9-10 explicitation christologique: (mort / vie) le Christ a définitivement franchi le seuil de la mort; ni la mort ni le péché n’ont plus d’emprise sur lui

– v. 11 conclusion des deux arguments – v. 12-14 exhortation conclusive

3. Selon l’analyse détaillée de Hellholm, l’argumentation paulinienne dans Rm 6 est pour une grande partie de type enthymémique, comprenant

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15. HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul(n. 2), p. 128: «[…] based on generally accepted opinions»; quant à la définition de l’enthymème dans la rhétorique antique, voir H. LAUSBERG, Elemente der literarischen Rhetorik: Eine Einführung für Stu- dierende der klassischen, romanischen, englischen und deutschen Philologie, Ismaning, Hueber, 101990, §370-376; de manière très détaillée: M. KRAUSS, Art. Enthymem, in His- torisches Wörterbuch der Rhetorik, tome 2 (1994), col. 1197-1222; définition générale de l’enthymème: «Man versteht darunter ein prägnant formuliertes Argument, das die Wah- rheit bzw. Plausibilität einer Aussage über einen bestimmten Sachverhalt durch deren Deduktion aus anderen, allgemein anerkannten oder schwer bestreitbaren Aussagen zu erhärten sucht. Das E[nthymem] gilt daher als die rhetorische Erscheinungsform des deduk- tiven Schlusses (Syllogismus)» (col. 1197).

16. HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul(n. 2), p. 128:«[…] the truth of the conclusion is dependent upon the truth of the premises as acknowledged by the inter- locutors;thus the truth-value is limited exclusively to what is accepted by both partners».

17. Cf. VOLLENWEIDER, Freiheit als neue Schöpfung(n. 2), p. 328.

ainsi des syllogismes rhétoriques abrégés, «basés sur des opinions géné- ralement acceptées»15. Si cette lecture est juste, il s’ensuit que la plausi- bilité de l’argumentation paulinienne ne vaut que pour l’auditoire qui par- tage les mêmes présuppositions16. Dans ce sens, la référence paulinienne à un savoir partagé entre lui et la communauté destinataire (3a: «ou bien ignorez-vous que»,Æ âgnoe⁄te ºti ktl.), semble être centrale d’un point de vue argumentatif. Autrement dit: Paul ne peut, au début de son argu- mentation, se référer à la pratique du baptême et son interprétation reli- gieuse qu’à condition que ce savoir soit partagé par les destinataires – ou au moins: Paul présupposeque ce savoir est partagé entre lui et ses des- tinataires romains. Mais d’un point de vue exégétique, la reconstruction de ce savoir traditionnel pose de considérables problèmes. Ce qui nous amène à traiter de cette problématique plus en détail sous le point suivant.

III. EXISTENCE DUNE TRADITION PRÉ-PAULINIENNE ENTHOUSIASTE DE TYPE BAPTISMAL?

1. Problèmes d’ordre méthodologique. Peu de textes pauliniens contiennent autant de références à un savoir partagé avec les destinataires (Rm 6,3; 6,16; 7,1; éventuellement aussi 6,6.8b.9.11), comme si Paul, sensibilisé par le malentendu libertin de sa théologie – pecca fortiter!–, s’efforcerait constamment de chercher l’accord avec la communauté des- tinataire17. Si donc la pragmatique générale de ces affirmations semble relativement claire, il est beaucoup plus difficile d’arriver à des recons- tructions pertinentes des traditions pré-pauliniennes sous-jacentes à Rm 6.

Pour des raisons évidentes, on s’est souvent concentré sur Rm 6,3-4.

À part le fait que les reconstructions proposées divergent largement entre

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18. Voir par ex. HAHN, Das Verständnis der Taufe nach Römer 6(n. 2), p. 230:

«V. 3-5 enthalten nun aber eine derart spezifisch paulinische Interpretation [du baptême], dass man mit Recht immer wieder gezögert hat, an dieser Stelle den Wortlaut einer vor- gegebenen Überlieferung anzunehmen».

19. Ainsi à juste titre HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul(n. 2), pp. 153- 154.

20. À ce sujet, voir A. DETTWILER, Das Verständnis des Kreuzes Jesu im Kolosserbrief, in A. DETTWILER– J. ZUMSTEIN (eds.), Kreuzestheologie im Neuen Testament (WUNT, 151), Tübingen, Mohr Siebeck, 2002, 83-86.

elles, les problèmes d’ordre méthodologique sont considérables. Nous ne mentionnerons que les trois suivants: (a) à part la formule introductive au v. 3a, le texte, contrairement par exemple à 1 Co 15,3a, n’indique pas explicitement qu’il reprend une tradition préfigurée. Les indices méta- textuels sont donc faibles. (b) Du point de vue du vocabulaire et du style, le passage en question – à l’exception peut-être de l’expression préposi- tionnelle au v. 4b («par la gloire du père», dià t±v dózjv toÕ patróv) – semble être d’un bout à l’autre paulinien. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que les défenseurs de l’hypothèse d’une tradition pré-paulinienne claire- ment définissable n’aient pratiquement jamais mis en avant des argu- ments de type lexicologique – à juste titre! (c) Rm 6,3-4, en particulier l’articulation explicite entre le baptême et la mort du Christ, semble conte- nir plutôt des réflexions théologiques spécifiquement pauliniennes, ce qui affaiblit considérablement l’hypothèse du prétendu caractère traditionnel du passage18. L’idée du baptême «dans la mort du Christ», par exemple, n’apparaît nulle part ailleurs dans les lettres proto-pauliniennes. Cela ne signifie certes pas encore que la communauté de Rome n’ait pas eu connaissance d’une telle compréhension du baptême ni qu’une telle com- préhension du baptême ait été une invention de Paul19.

2. Uneposition minimaleretient, en toute prudence, les éléments sui- vants:

a) de façon générale, il est raisonnable de présupposer que Paul, au début d’une nouvelle réflexion théologique, recourt à un savoir par- tagé avec la communauté destinataire pour augmenter les chances de voir son argumentation acceptée. Nous observons le même procédé dans l’intégration des traditions pré-pauliniennes au début de nouvelles séquences thématiques, comme par ex. 1 Co 15,3b-5; Rm 3,25-26 et d’autres. Au niveau macro-structurel, on se référera à Ga 1,1b.4 et Rm 1,3-4. Au niveau deutéro-paulinien, on pensera à la position introductive de ‘l’hymne au Christ’ de Col 1,15-2020.

b) La formule introductive de Rm 6,3a «Ou bien ignorez-vous que» (Æ âgnoe⁄te ºti ktl.) paraît effectivement faire allusion à une sorte de

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21. Voir HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul(n. 2), pp. 150ss.

22. Rm 7,1: «ignorez-vous, frères – je parle à des gens qui connaissent la loi – que […]», Æ âgnoe⁄te, âdelfoí, ginÉskousin gàr nómon lal¬, ºti ktl. Analyse de la for- mule Æ âgnoe⁄te ºti ktl. et des formulations équivalentes comme (≠) oûk o÷date ktl.

et d’autres chez WEDDERBURN, Baptism and Resurrection(n. 2), pp. 40-43; position assez fine par ex. à la p. 41: «[…] the Roman Christians werein possession of certain infor- mation, yet perhaps without fully realizing its significance».

23. Cf. VOLLENWEIDER, Freiheit als neue Schöpfung(n. 2), p. 328, n. 212.

24. LÉGASSE, L’Epître de Paul aux Romains(n. 2), p. 393.

25. Avec HELLHOLM, Enthymemic Argumentation in Paul(n. 2), p. 152.

26. Ainsi WEDDERBURN, Baptism and Resurrection(n. 2), p. 60. Selon l’auteur, la for- mule longue – «être baptisé au nom du Seigneur Jésus» – signifie «que le baptisé était mis sous la Seigneurie et la protection du Christ» («[…] meant that the one baptized came under Christ’s lordship and protection», ibid.).

27. Ainsi par ex. THEOBALD, Der Römerbrief(n. 2), p. 235.

28. Nous ne savons par exemple pas si la communauté romaine était au courant du lien traditionnel entre baptême, pardon des péchés et justice (cf. 1 Co 6,11; 1,30b; etc.); à juste titre VOLLENWEIDER, Freiheit als neue Schöpfung(n. 2), p. 328.

savoir partagé21; la formulation parallèle en Rm 7,1 qui qualifie les destinataires explicitement comme ceux qui «connaissent», est ins- tructive22. Une minorité de chercheurs met néanmoins cette interpré- tation en doute, en signalant que la tournure semble avoir son origine dans la diatribe23et ne pourrait donc être qu’une «formule rhétorique n’ayant d’autre but que de stimuler l’attention du lecteur»24. Il convient donc de ne pas attribuer à cette formule introductive un poids argu- mentatif trop important.

c) La tradition baptismale semble avoir eu comme contenu le rappel du baptême «dans le Christ Jésus» (v. 3a: êbaptísqjmen eîv Xristòn ˆIjsoÕn), probablement dans cette version polysémique courte25. Dans ce cas, la formule pourrait être soit une abréviation de la formule d’attribution «être baptisé au nom du Seigneur Jésus» (baptisq±nai eîv tò ∫noma toÕ kuríou ˆIjsoÕ, cf. Ac 8,16; 19,5; Did 9,5;

Herm15,9; cf. aussi 1 Co 1,15)26, soit une abréviation de la formule ecclésiologique «être baptisé dans le corps (du Christ Jésus)» (bap- tisq±nai eîv tò s¬ma [XristoÕ ˆIjsoÕ], cf. 1 Co 12,13; cf. pro- bablement aussi Ga 3,27-28).

d) À la limite, on pourrait imaginer que le baptême «dans la mort du Christ» était également connu parmi la communauté romaine, cela uniquement à cause du fait que c’est l’expression prépositionnelle antéposée «dans la mort» (eîv tòn qánaton aûtoÕ, v. 3b) qui porte l’accent syntaxique de l’ensemble du v. 3. On peut en outre imaginer que le crédo pré-paulinien 1 Co 15,3b-5 (avec sa triade «mort – ense- velissement – résurrection [– épiphanie]») constitue la matrice de Rm 6,2-427. Le reste est à notre avis complètement incertain28.

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29. Voir par ex. SCHNELLE, Gerechtigkeit und Christusgegenwart(n. 2), pp. 75-81.

Dans la note 389, p. 205, l’auteur cite d’autres exégètes qui plaident en faveur de l’exis- tence d’une tradition pré-paulinienne derrière Rm 6,3-4 (entre autre Heitmüller, Dibelius, Lietzmann, Bultmann, Käsemann, Cranfield et G. Barth); reprise affirmative chez UMBACH, In Christus getauft(n. 2), pp. 239-240; THEOBALD, Der Römerbrief(n. 2), pp. 234-235 et U. SCHNELLE, Paulus: Leben und Denken, Berlin, W. de Gruyter, 2003, pp. 362-364. NB:

selon Paulus, p. 362, la tradition, curieusement, aurait compris Rm 6,3-5 (!) – certainement une faute de frappe.

30. Cf. KÄSEMANN, An die Römer(n. 2), pp. 152-154 concernant la proximité de la compréhension pré-paulinienne du baptême avec les cultes à mystère (comme résultat intermédiaire: «In der vorpaulinischen Gemeinde ausserhalb Palästinas ist die Taufe tat- sächlich als Mysteriengeschehen betrachtet worden, das in das Schicksal des Kultgottes Christus einbezog», p. 154); p. 158 concernant l’accentuation anti-enthousiaste de Rm 6,3ss.

Méthodologiquement, nous devons bien sûr distinguer entre la question littéraire d’une tradition pré-paulinienne derrière Rm 6,3b-4 et celle de l’arrière-fond religionsgeschicht- lichdu baptême chrétien.

3. Une proposition de reconstruction en vogue, dont Udo Schnelle est un des représentants les plus récents, est attentive en Rm 6,4 à l’asymétrie entre le sort du Christ et celui des croyants29. La tradition pré-paulinienne baptismale – dont la communauté romaine aurait été familière – aurait postulé une symétrie parfaite entre la résurrection du Christ et celle des croyants et aurait donc contenu «nous avons été ressuscités d’entre les morts» (™me⁄v êk nekr¬n êgerq¬men). Elle aurait compris l’essentiel de Rm 6,3b-4. Paul aurait brisé la structure symétrique, en indiquant la dimension éthique de la nouvelle vie des croyants: «[…] ainsi nous aussi, nous marchions dans la nouveauté de la vie» (oÀtwv kaì ™me⁄v ên kainótjti hw±v peripatßswmen, Rm 6,4c). Malheureusement, Schnelle n’a jamais proposé une reconstruction précise de la formule. La thèse de Schnelle est d’ailleurs proche de celle, célèbre, de Käsemann, selon qui Paul, dans Rm 6, combattrait – en insistant sur la «réserve eschatolo- gique» – une compréhension enthousiaste, proche des rites d’initiation des religions à mystère, du baptême au sein de la communauté de Rome30. a) Quel argument plaide en faveur d’une telle tradition pré-paulinienne?

À part la formulation introductive au v. 3a («ou bien ignorez-vous que …») et ‘l’argument’ esthétique de la symétrie formelle, on peut se référer à la formulation parallèle (mais deutéro-paulinienne) de Col 2,12 qui aurait, selon cette hypothèse, gardé la symétrie originaire et donc défendu une sotériologie présentéiste (résurrection spirituelle des croyants déjà dans le temps présent).

b) La thèse III.3, tout en étant séduisante, ne parvient pas à nous convaincre, et cela pour au moins cinq raisons. (a) Les défenseurs de l’existence d’une tradition pré-paulinienne bien délimitée ont du mal à établir une reconstruction claire, vu l’échec du critère linguistique.

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31. La citation reprend le titre de l’ouvrage du philosophe italien G. AGAMBEN, Le temps qui reste: Un commentaire de l’Épître aux Romains, trad. de l’italien par J. Revel (Rivages Poche / Petite Bibliothèque), Paris, Payot & Rivages, 2000. Sa phénoménologie du temps messianique (par ex. pp. 110-150) nous paraît intéressante pour sortir de quelques-uns des problèmes classiques de l’eschatologie paulinienne (compréhension trop figée de la dialectique entre «déjà là» et «pas encore»; risque «d’une dilatation implicite»

[p. 123] du temps de la fin, en utilisant le concept de «temps de transition», etc.), mais demanderait une étude à part.

(b) La formulation introductive du v. 3a ne saurait être surchargée d’un point de vue argumentatif (cf. déjà III.2.b). (c) Toujours d’un point de vue argumentatif, Paul n’aurait pas été très convaincant en citant une tradition familière à la communauté destinataire, tout en la modifiant de façon substantielle. (d) En essayant de saisir l’accent principal de Rm 6,3ss, il convient d’être très prudent à l’égard de la thèse de Käsemann sur la réserve eschatologique: le texte n’a pas pour but de corriger une prétendue compréhension enthousiaste du baptême, mais au contraire d’insister sur la radicale nouveauté de l’existence croyante, rendue accessible à travers l’acte rituel du bap- tême. (e) Reste la question de l’appréciation de Col 2,12. Nous défen- dons l’idée selon laquelle Col 2,12 ne reflète pas une compréhension pré-paulinienne du baptême, mais que le passage, au contraire, peut facilement être compris comme relecture de Rm 6. Autrement dit:

Col 2 ne se situe pas en amont, mais en aval de Rm 6. Ces deux der- nières thèses doivent maintenant être développées plus en détail sous le point suivant.

IV. «LE TEMPS QUI RESTE» (GIORGIOAGAMBEN)31

BAPTEME ET TEMPORALITÉ

1. L’idée de l’asymétrie entre le Christ et les croyants – ou pour le dire avec Käsemann: l’expérience de «la réserve eschatologique» – traverse comme un fil rouge tout le passage: la formulation spécifique de le vie

«résurrectionnelle» des croyants au v. 4c («marcher», peripate⁄n ên ktl.) fait partie du vocabulaire éthique de Paul et de son école (cf. 2 Co 4,2, puis Col 2,6; 3,7; 4,5; Ep 2,2.10; 5,2; etc.; cf. aussi Rm 7,6: …

¿ste douleúein ™m¢v ên kainótjti pneúmatov kaì oû palaiótjti grámmatov); les futurs des verbes «être» (êsómeqa, v. 5) et «vivre avec» (suhßsomen, v. 8) sont très probablement à comprendre au sens eschatologique; l’exhortation conclusive des v. 12-13 montre que l’état des destinataires n’est pas considéré comme une identité religieuse abou- tie: les croyants en Christ sont toujours «dans un corps mortel», même

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32. KLOSTERGAARDPETERSEN, Shedding New Light(n. 2), pp. 16-17 (italique de AD).

33. Voir par ex. W.A. MEEKS, The First Urban Christians: The Social World of the Apostle Paul, New Haven, CT – London, Yale University Press, 1983, pp. 150-157; PETERSEN,

si ce même «corps» est libéré de la puissance d’aliénation du péché (l’expression ên t¬ç qnjt¬ç sÉmati du v.12a – cf. aussi Rm 8,11 – doit à notre avis être distinguée théologiquement du syntagme «le corps de péché», tò s¬ma t±v ämartíavdu v. 6b [gen. qualitatis]). La résurrec- tion (physique) des croyants est encore à attendre, contrairement au Christ, le seul à avoir déjà définitivement franchi le seuil de la mort et de la résurrection.

Malgré la pertinence de la structure asymétrique entre le Christ et la communauté des croyants, il ne saurait en aucun cas être question d’une

«correction» polémique contre une prétendue compréhension enthou- siaste du baptême. Si le langage classique de la «réserve eschatologique»

implique intrinsèquement une telle dimension polémique, il n’est pas approprié pour interpréter Rm 6. À part le fait que nous ne possédons strictement aucune information historique à ce sujet, Rm 6 lui-même n’invite pas à une telle lecture. D’une part, des affirmations au v. 11 («ainsi, considérez aussi vous-mêmes comme … vivants pour Dieu en Christ Jésus», …h¬ntav dè t¬ç qe¬ç ên Xrist¬ç ˆIjsoÕ) ou encore plus clairement au v. 13 («… comme des vivants revenus d’entre les morts, Üseì êk nekr¬n h¬ntav) ne révèlent aucune réticence par rapport au sta- tut «résurrectionnel» des croyants. D’autre part, le passage de Rm 6,1- 14 dans son ensemble – bien qu’il tienne compte de la différence quali- tative de statut entre le Christ et les croyants (comment pourrait-il en être autrement selon Paul?) – n’est pas empreint d’un souci de démarcation anti-enthousiaste, mais plutôt par lacertitude de la rupture définitive avec la puissance d’aliénation du péché et ainsi de l’inauguration du chan- gement des éons également dans la quotidienneté de la vie des baptisés.

Comme l’a bien formulé Anders Klostergaard Petersen dans une perspec- tive d’anthropologie culturelle: «The Christian is not in baptism resurrec- ted with Christ, but he is following from his incorporation by baptism into a sphere defined by Christwith an inevitable certaintyoriented towards the future resurrection with Christ. The resurrection is not completed but is partly and anticipatorily experienced in the liminal phase»32.

Les recherches néotestamentaires qui, depuis plus de vingt ans, s’inspirent des modèles socio- historiques et, en particulier, de l’anthropologie cultu- relle, ont à plusieurs reprises traité Rm 6 dans une perspective ritologique (très brièvement Wayne A. Meeks, puis de manière plus détaillée Norman R. Petersen, Hans Dieter Betz, Anders Kostergaard Petersen et Christian Strecker)33. Toutes ces approches comprennent l’acte baptismal chrétien

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Pauline Baptism (n. 2); BETZ, Transferring a Ritual(n. 2), en particulier pp. 261-270;

KLOSTERGAARDPETERSEN, Shedding New Light(1998) (n. 2); C. STRECKER, Die liminale Theologie des Paulus. Zugänge zur paulinischen Theologie aus kulturanthropologischer Perspektive (FRLANT, 185), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1999, pp. 177-189.

34. STRECKER, Die liminale Theologie des Paulus(n. 33), p. 177, n. 91: «Die rituelle Grundstruktur der Argumentation in Röm 6 erklärt wohl auch die immer wieder erörterte Verwandtschaft mit den hellenistischen Mysterienkulten, ohne dass deshalb direkter Ein- fluss postuliert werden müsste». Concernant les cultes à mystères, cf. à titre introductif H.-J. KLAUCK, Die religiöse Umwelt des Urchristentums. I:Stadt- und Hausreligion, Mys- terienkulte, Volksglaube (Studienbücher Theologie, 9/1), Stuttgart – Berlin – Köln, W. Kohlhammer, 1995, pp. 77-128 (trad. angl.: The Religious Context of Early Christia- nity: A Guide to Graeco-Roman Religions, trans. B. McNeil [Studies of the New Testa- ment an Its World]), Edinburgh, T&T Clark, 2000) ou la belle étude, devenue classique, de W. BURKERT, Antike Mysterien: Funktion und Gehalt, München, C.H. Beck, (1990)

31994 (version française: Les cultes à mystères dans l’Antiquité[Vérité des mythes, 22], nouv. trad. de l’anglais par A.-P. Segonds, Paris, Les Belles Lettres, 2003). Concernant la question, souvent débattue, de la proximité de Rm 6 avec les cultes à mystères, les posi- tions extrêmes ne semblent plus avoir la cote; ni le modèle généalogique d’une dépendance directe, ni la contestation de tout lien entre Rm 5 et les cultes à mystères ne sont favori- sés par la majorité des exégètes; voir par ex. à titre introductif THEOBALD, Der Römerbrief (n. 2), pp. 235-237 ou, de manière plus élaborée, ZELLER, Die Mysterienkulte und die pau- linische Soteriologie (n. 2).

35. Cf. A. MICHAELS, Rites de passages. I. Religionswissenschaftlich, in RGG47 (2004) col. 534-535, ou, de manière plus détaillée, STRECKER, Die liminale Theologie des Paulus (n. 33), pp. 40-82.

comme rite d’initiationet c’est précisément la «structure rituelle de l’argu- mentation de Rm 6 qui explique probablement la parenté, souvent élucidée, avec les cultes à mystères hellénistiques, sans qu’il soit nécessaire de pos- tuler une influence directe»34. L’anthropologue belge Arnold van Gennep, en travaillant sur les rites de passage, a développé le modèle ritologique bien connu en trois phases: phase de séparation; phase de «seuil» (marge);

et enfin phase d’incorporation ou d’agrégation. Victor Turner a repris le modèle, en étant particulièrement attentif à la phase intermédiaire qu’il a qualifiée par le terme de «liminalité» (du lat. limen, seuil, frontière). Cette phase liminale se caractériserait par une zone de non structuration, de l’indé- finissable, de la double exclusion (ni l’un, ni l’autre), du paradoxe et de l’ambiguïté, figurant souvent comme lieu d’une restructuration profonde des normes sociales et religieuses («antinomisme») et de l’émergence d’un fort sentiment communautaire et égalitaire (communitas)35. En appliquant ce modèle à Rm 6, il est très séduisant et à notre avis pertinent d’identifier les trois phases de Gennep aux trois phases «mort» – «ensevelissement» –

«résurrection»:

– être mort (séparation): le Christ réellement /

les croyants symboliquement («morts au péché», 6,2.7.10.11)

– être enterré (liminalité): le Christ réellement /

les croyants symboliquement (6,4a) – être ressuscité (agrégation): le Christ réellement déjà dans le temps

présent (6,4b.5b.9a) /

les croyants réellement dans l’avenir

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36. Bonne formulation chez PETERSEN, Pauline Baptism(n. 2), p. 226: «[…] Pauline baptism is a rite celebrating both the separation of believers from their former social states and their commencement of a transitional process of bodily transformation that will be completed at a given moment of time in the future»; cf. aussi STRECKER, Die liminale Theologie des Paulus(n. 33), p. 188: «Als solchermassen Begrabene treten sie in eine liminale Existenz ein, die Paulus als bleibende Gleichgestaltung mit dem Tod Christi beschreibt, die aber gleichwohl bereits einen neuen Lebenswandel inkludiert, der dereinst mit der Auferstehung […] vollendet wird».

37. Concédé de manière lapidaire par PETERSEN, Pauline Baptism(n. 2), p. 226: «the strongest argument against my thesis is that in Paul there is no mention of secondary burial!».

38. Cf. STRECKER, Die liminale Theologie des Paulus(n. 33), pp. 230-244; pour l’ensemble de l’eschatologie paulinienne d’un point de vue de sa temporalité, cf. pp. 212- 247.

39. SCHNELLE, Gerechtigkeit und Christusgegenwart(n. 2), p. 80 (Col 2,12; 3,1-4 et Ep 2,6 ne sont «keinesfalls nur Weiterentwicklungen von Röm 6 […], sondern in inter- schiedlicher Weise Repräsentanten jener in Korinth konzipierten nebenpaulinischen Tauf- theologie»); THEOBALD, Der Römerbrief(n. 2), p. 235 («Die Symmetrie zwischen der Todes- und Auferstehungsaussage, die Röm 6,4 um der ethischen Akzentuierung willen aufgegeben hat, ist hier [i.e.dans Col 2,12] noch in Reinform erhalten»); U. LUZ, Der Brief an die Kolosser, in J. BECKER– U. LUZ, Die Briefe an die Galater, Epheser und Kolosser(NTD, 8/1), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1998, p. 213 (jugement prudent); etc.

Ainsi perçu, le baptême, en tant que rite d’initiation, symbolise les deux dimensions centrales suivantes: d’une part laséparationpar rapport à la puissance d’aliénation du péché (théologiquement) et au statut social anté- rieur (sociologiquement) et, d’autre part, ledébutd’un processus de trans- formation profonde, marquée par la conformité des croyants avec le Cru- cifié (cf. Ph 3,10; 2 Co 4,10; Ga 6,17), qui trouvera son accomplissement lors de la résurrection ‘réelle’ des croyants (cf. Rm 6,5b.8b; 1 Co 15,12- 58; etc.)36. Petersen et, à sa suite, Strecker, ont voulu préciser le cadre de compréhension culturel de Rm 6, en suggérant d’y voir implicitement la tradition du «double enterrement» (enterrement du cadavre d’abord, des ossements ensuite – ce serait la phase liminale proprement dite), qui reflè- terait la compréhension antique de la mort non pas comme acte ponctuel, mais comme processus. À notre avis, le recours à cette tradition, qui n’est indiquée par aucun élément textuel en Rm 637, n’apporte rien à une meilleure compréhension du passage paulinien. Vuad bonam partem, il peut à la limite nous sensibiliser à comprendre «l’ensevelissement» sym- bolique des croyants au Christ non pas comme un acte ponctuel, mais comme une phase étendue. Par contre, ce qui nous paraît très pertinent, ce sont les réflexions de Strecker sur la temporalité de la théologie pauli- nienne dans une perspective d’anthropologie culturelle, plus précisément la compréhension complexe du temps présent comme espace étendu (dans sa

«qualité liminale»)38.

2. La compréhension du baptême comme résurrection spirituelle dans Col 2: actualisation d’une tradition pré-paulinienne ou relecture actuali- sante de Rm 6?Udo Schnelle, Michael Theobald, Ulrich Luz et d’autres39

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40. Avec WEDDERBURN, Baptism and Resurrection (n. 2), pp. 74-75; même posi- tion dans A.J.M. WEDDERBURN, The Theology of Colossians, in A.J.M. WEDDERBURN A.T. LINCOLN, The Theology of the Later Pauline Letters(New Testament Theology), Cambridge, University Press, 1993, pp. 50-51: «It is preferable to see this [i.e.la com- préhension du baptême dans Col 2,12] as a logical development of Paul’s thought to meet this specific pastoral need, rather than [une correction de Rm 6 ou bien ] as a reversion to an earlier enthusiastic view of baptism, formulated under the influence of a supposed sote- riology of the pagan mysteries, a view which Paul had corrected and qualified in Rom 6»;

aussi M. WOLTER, Der Brief an die Kolosser. Der Brief an Philemon(ÖTBK, 12), Güters- loh, Gütersloher Verlagshaus; Würzburg, Echter, 1993, pp. 131-132; DETTWILER, La résur- rection des croyants(n. 1), p. 315; etc.

41. Cf. WOLTER, Der Brief an die Kolosser(n. 40), p. 132.

42. SCHNELLE, Gerechtigkeit und Christusgegenwart(n. 2), p. 80, concède: «Freilich finden sich auch in der gegen eine gegnerische Kosmologie gerichteten Argumentation in Kol 2,12 Kautelen gegen ein gänzlich enthusiastisches Überspringen der Wirklichkeit, indem das sunjgérqjtedurch dià t±v pístewverläutert wird».

ont émis l’hypothèse selon laquelle Col 2,12 (symétrie entre «être ense- velis avec [le Christ] / suntaféntev aût¬ç ên t¬ç baptism¬ç» et «être ressuscité avec [le Christ] par le biais de la foi» / ên ˜ç kaì sunjgérq- jte dià t±v pístewv») constituerait en quelque sorte la forme pure de la tradition pré-paulinienne sous-jacente à Rm 6,3-4. Cependant, cette hypothèse ne nous paraît guère convaincante40. Évidemment, tout est pos- sible, mais est-ce probable? Tout d’abord, l’interprétation colossienne du baptême contient d’autres éléments de Rm 6 qui, indépendamment des deux textes, ne sont pas attestés dans le christianisme primitif («le vieil homme», Rm 6,6/Col 3,9; «mourir avec le Christ», Rm 6,8/Col 2,20;

etc.)41. En outre, la solution la plus facile consiste à comprendre Col 2,12 comme une relecture de Rm 6,4 dans son état actuel, et non pas la reprise d’une prétendue tradition pré-paulinienne. La relecture deutéro-pauli- nienne qui parle de la résurrection (spirituelle) des croyants par l’acte de la foi (Col 2,12-13, repris dans Ep 2,5-6) ne constitue, à notre avis, pas une trahison de la théologie du maître, mais au contraire l’actualisation d’un potentiel de sens déjà inscrit en Rm 6, comme nous avons essayé de montrer dans la thèse précédente! Elle est, pour Col en tout cas, d’autant plus pertinente, si l’on tient compte du contexte de communica- tion spécifique de Col (voir la problématique de la «philosophie» colos- sienne, en particulier Col 2,6-23). – Notre hypothèse a l’avantage de la simplicité et évite d’autres hypothèses de deuxième degré. Une hypothèse de deuxième degré – qui, du coup, fragilise considérablement sa plau- sibilité – est par exemple l’idée selon laquelle l’auteur de Col aurait proposé une lecture anti-enthousiaste de cette tradition pré-paulinienne ou «nebenpaulinisch», en ayant ajouté le syntagme prépositionnel «à tra- vers la foi» (dià t±v pístewv, Col 2,12b)42.

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43. Cf. BORNKAMM, Taufe und neues Leben bei Paulus(n. 2), p. 37, qui propose de ne pas oublier «le simple fait que la victoire de la grâce sur le péché n’inaugure précisément pas un état d’indécision dialectique, mais fonde une réalité derrière laquelle nous ne pou- vons plus y aller» («[…] die einfache Tatsache, dass der Sieg der Gnade über die Sünde gerade nicht einen dialektischen Schwebezustand inauguriert, sondern eine Wirklichkeit begründet, hinter die wir nicht mehr zurück können»; reprise chez KÄSEMANN, An die Römer(n. 2), p. 157.

44. En accord avec VOLLENWEIDER, Freiheit als neue Schöpfung(n. 2), p. 332.

V. NOVA OBOEDIENTIABAPTEME, CHANGEMENT DE SEIGNEURIE ET NOUVEL ÉTHOS

La compréhension paulinienne du baptême comme rite, symbolisant la démarcation par rapport au passé et initiant le novice à la dynamique d’une profonde transformation, exclut toute lecture qui aimerait voir en Rm 6 (ou ailleurs chez Paul) un état d’indécision dialectique. Déjà Born- kamm et, à sa suite, Käsemann l’avaient bien souligné43. Le croyant est pris, de manière irréversible selon Rm 6, dans une dynamique vers l’ave- nir qui témoigne du changement des éons dans l’existence individuelle et communautaire déjà dans le temps présent. Cette perception paulinienne de l’existence croyante – peut-être typique d’un homo religiosuset théo- logien de la première heure du christianisme primitif – pose une série de questions; nous en mentionnerons simplement deux d’entre elles pour conclure.

1. Baptême, changement de seigneurie et liberté. Le langage habituel du changement de seigneurie (Herrschaftswechsel) pour désigner l’inter- prétation paulinienne du baptême devrait être utilisé avec beaucoup de prudence44. Il est certes vrai que l’anthropologie sous-jacente en Rm 6 – et dominant probablement l’anthropologie paulinienne dans son ensem- ble – n’est pas à confondre avec une anthropologie de l’autonomie du sujet rationnel. Avant de pouvoir vivre et agir librement et de façon res- ponsable, l’être humain est censé être libéré de la puissance d’aliénation du péché. À la place de la puissance destructrice de la Hamartia, avec pour conséquence inévitable le Thanatos, s’installe le Kyrios Christ.

Néanmoins le langage du changement de seigneurie a ceci de gênant qu’il présuppose au moins formellement une conformité entre ces deux types de seigneurie, en suggérant ainsi, entre autres, une vision statique au niveau anthropologique. Or, la vie sous la seigneurie du Christ est, selon Paul, d’une tout autre nature que celle sous la domination du péché, car la nouvelle vie du croyant est essentiellement qualifiée par la liberté. Et la nouvelle obéissance dont parle principalement Rm 6,15-23 n’est pas à comprendre comme une restriction ou une relativisation de cette liberté,

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45. En termes dogmatiques classiques: dans la liberté du posse non peccare. Ainsi – trop – fortement accentué par WILCKENS, Der Brief an die Römer (Röm 6–11)(n. 2),p. 21, à propos de Rm 6,12-13: «Das Christsein ist nicht wie das Sündersein ein Zwang eines aliter non posse. Dass für den Christen der Abfall zur Sünde sehr wohl möglich ist, gibt seiner Entscheidung für Gott den Charakter der Freiheit – einer Freiheit, die er umgekehrt unter der Herrschaft der Sünde nie hatte» (non posse non peccare).

46. Rm 6,16 présuppose éventuellement comme arrière-fond culturel la pratique des hommes appauvris et démunis de se vendre librement comme esclave pour pouvoir sur- vivre; ainsi LOHSE, Der Brief an die Römer(n. 2), p. 199, selon K.R. BRADLEY, Slaves and Masters in the Roman Empire: A Study in Social Control(Latomus, 185), Bruxelles, Latomus, 1985.

47. Bien vu par VOLLENWEIDER, Freiheit als neue Schöpfung(n. 2), p. 334, en tenant compte de Rm 6,18b.22b: «Zugleich mit dem Aufbrechen alternativer Möglichkeiten ist diese Entscheidungssituation auch schon verabschiedet, sind die Optionen bereits wieder obsolet geworden […]».

48. Nous reprenons une idée de W. SCHRAGE, Ethik des Neuen Testaments (Grundrisse zum Neuen Testament, 4), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 21989, p. 180: «Diese Mahnungen [i.e. Rm 6,12ss] ermuntern, wie Luther es formuliert, zur Rückkehr zur Taufe (reditus ad baptismum). Gerade dadurch ist gesichert, dass die paulinische Ethik nicht dazu aufruft, das Heil zu beschaffen, zu steigern oder zu ergänzen und nichts gefordert wird, was nicht zuvor geschenkt worden wäre. Der Imperativ appelliert nicht an den guten

mais comme l’expression authentique de celle-ci.C’est d’ailleurs seule- ment dans cette sphère de la liberté reçue que l’être humain se trouve dans une situation de liberté de décision à l’égard des deux seigneuries alternatives45. Pourtant, cette liberté de choix – en l’occurrence la décision anachronique de retourner à l’ancienne existence et de se laisser dominer par la Hamartia(cf. Rm 6,16)46– n’est qu’une potentialité purement théo- rique et fugace qui ne sera pas développée dans la suite de l’argumentation paulinienne47.

2. Baptême et «éthique». Si, à la suite de la thèse précédente, il paraît juste d’insister sur la dimension éthique de l’existence croyante – et Rm 6,12-13.15-23 a souvent été accentué de cette manière –, il convient néan- moins de préciser quel est le statut du croyant qui se redécouvre en tant que véritable sujet éthique. Le langage classique de l’articulation entre

«indicatif» (sotériologique) et «impératif» (éthique) nous paraît ici inadé- quat pour comprendre l’argumentation de Rm 6. Un premier élément sus- cite notre scepticisme à l’égard de ce langage. La formulation impérative en Rm 6,11 – la première dans Rm 6 – ne vise pas un comportement éthique, mais invite les destinataires à se rendre comptede leur nouvel état («ainsi, considérez aussi vous-mêmes – logíhesqe ëautoúv – comme des morts au péché, mais vivants pour Dieu en Christ Jésus»). Il n’y va donc pas «d’éthique», mais de «compréhension». Ensuite, l’être humain qui, par le baptême, se voit initié dans la transformation de son être tout entier, n’est pas appelé à re-créer, compléter ou intensifier cette expérience de salut par son agir48. Au contraire, son agir est complètement

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Willen oder die Kraft der Menschen, sondern redet sie auf das an, was ihnen als Getauf- ten schon gegeben ist: die Freiheit und ein neuer Herr».

49. Cf. T. ENGBERG-PEDERSEN, Paul and the Stoics, Edinburgh, T&T Clark, p. 232 – le passage dans son ensemble: «Paul’s claim is that baptized Christ-believers are sinless – in principle, that is, in such a way that there may still be a need for parenesis in the form of reminding them of what they, in a manner of speaking, already are». L’idée de la paré- nèse (ou de l’impératif) paulinienne comme a «reminder» se trouve encore p. 233; p. 239;

etc. – Proche de cette position est celle de VOLLENWEIDER, Freiheit als neue Schöpfung (n. 2), qui donne pourtant un accent plus fortement théologique: Paul inviterait, de par le langage de l’obéissance (Rm 6,15ss), de comprendre l’agir humaincomme «Gestaltwer- dung göttlicher Kreativität» («comme l’expression de la créativité divine», p. 333). C’est ainsi que Paul, selon Vollenweider, intègre totalement l’éthique dans le message de la justification (ibid.).

libéré de toute tentative, aussi sublime soit-elle, d’auto-légitimation ou d’auto-fondation. Dit positivement, l’exhortation éthique de Paul dans Rm 6,12-13.19 est entièrement rendue possible par l’expérience préalable du nouvel être du croyant en Christ. L’appel à l’agir éthique serait ainsi à comprendre, selon une idée suggestive de Troels Engberg-Pedersen, comme un rappel ou une re-présentation du nouvel être de la communauté des croyants, un rappel «de ce qu’ils, d’une certaine manière, sont déjà»49.

Faculté autonome de Andreas DETTWILER

théologie protestante Université de Genève Rue De-Candolle 5 CH-1205 Genève Suisse

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