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Étude électronique de la sensibilisation du bromure
d’argent par les cyanines
J.-J. Trillat, R. Mérigoux
To cite this version:
ÉTUDE
ÉLECTRONIQUE
DE LA SENSIBILISATION DU BROMURE D’ARGENT PAR LES CYANINESPar J.-J. TRILLAT et R. MÉRIGOUX.
Sommaire. 2014 Les auteurs
reprennent et complètent des expériences anciennes qu’ils avaient effec-tuées sur l’action des électrons sur le bromure d’argent. Ils montrent que la méthode de réflexion d’électrons sur des surfaces d’AgBr (obtenues par bromuration d’une plaque d’argent) permet de mettre en évidence, d’une façon particulièrement nette, la transformation de l’halosel en argent
microcristallisé.
Étudiant ensuite la structure des couches de colorants sensibilisateurs (cyanines) déposés à la surface du bromure d’argent, ils montrent que ces colorants peuvent, suivant l’épaisseur de la couche déposée, se présenter sous une forme microcristalline confuse (anneaux de diffraction) ou sous une
forme extraordinairement bien orientée et stratifiée, ressemblant à la structure des coips gras près és
ou fondus sur un support (J.-J. TRILLAT). C’est ce dernier asp et, correspondant à des couches d’adsorption, qui présente le plus d’intérêt au point de vue de la théorie de l’action des sensibili-sateurs. La longueur de la molécule de cyanine peut être déduite de ces essais.
Toutes ces expériences donnent lieu à de brillants diagrammes électroniques, visibles sur un écran
au sulfure de zinc.
1. Introduction. Action des électrons sur le
bromure
d’argent.
- Nousnous sommes
proposé
de rechercher
quels
renseignements
nouveaux ladiffraction des électrons
pouvait
fournir surl’adsorp-tion par le bromure
d’argent
des sensibilisateursphotographiques
tels que lescyanines,
utiliséesaujourd’hui
dans le domaine del’infrarouge.
Nous avons utilisé la méthode dite « de réflexion »
et nous avons été conduits tout d’abord à
reprendre,
par cette
méthode,
l’étude de l’action d’un faisceauélectronique
sur le bromured’argent.
Une
première
étude de cette action avait été tentée par nous, au moyen del’analyse électronique,
en utilisant la méthode dite de « transmission »[i] :
Un film très mince d’émulsion au
gélatino-bromure
d’argent
étaitpréparé;
il étaitconstitués
par une mincepellicule
degélatine
(épaisseur
d’environ
i oo mp-) parsemée
degrains d’AgBr.
Onpouvait
facilement constater que cesgrains
étaient en
général impropres
à fournir lediagramme
correspondant
àAgBr,
mais que, par contre, ledia-gramme
d’Ag apparaissait rapidement
sous l’influencedes électrons
qui
décelaient ainsi eux-mêmes laréduction
qu’ils
avaientopérée.
Ce n’est que rarement que les
grains
de bromuredonnaient un
diagramme correspondant
àAgBr;
lorsque
ce dernierdiagramme apparaissait
au coursde
l’exploration
électronique
du filmmince,
onn’observait pas
l’apparition d’Ag.
Nous avionsinterprété
ces faits en reliant la stabilité ducristal
d’AgBr
à laplus
ou moinsgrande perfection
de sa structure réticulaire.
En
opérant
par réflexion(tension
d’accéléra-tion
!EO
kV)
sur unequantité
de bromure infinimentplus
grande
que cellequi
se trouvait ensuspension
dans les films minces
d’émulsion,
on devait s’attendre(le
faisceau rencontrant simultanément unegrande
quantité
decristaux)
à ce que l’on ait à la foisapparition
d’undiagramme d’Ag
etpersistance
d’un faible
diagramme d’AgBr.
Nous avons pu, en
général,
vérifier ce fait autantqu’il
nous en a étépossible
en raison des dinicultés que l’onéprouve
àpréparer
une surfaced’AgBr
propice
à une bonne diffraction par réflexion.Le bromure en
poudre (recouvrant
unesurface-support)
oucomprimé
enpetites
galettes
ne donneque de faibles
diagrammes d’AgBr
effectivementpersistants
et une faibleapparition d’Ag.
Nousn’avons obtenu de cette manière aucun cliché
suscep-tible d’être
reproduit.
Au
contraire,
ie bromure fondu à l’obscurité donne lieu d’abord à un faiblediagramme
d’AgBr puis
àl’apparition rapide
d’undiagramme électronique d’Ag
visible sur l’écranfluorescent;
nous aurons à revenirplus
loin sur lapréparation
des surfaces de bromurefondu propres à la diffraction.
Nous avons examiné ensuite le cas d’une
plaque
d’argent
bromurée par unrapide
séjour
dans l’eaude brome concentrée ou le brome pur; le résultat
est, en
général, analogue
à celui du bromure enpoudre,
car l’on se trouve enprésence
d’uneépaisse
couche de bromure. Par contre, le résultat de l’action des électrons estparticulièrement
net dans le casd’une surface
parfaitement
polie d’argent
maintenueune ou deux secondes dans une
atmosphère
de vapeurde brome.
Il se forme alors une très mince couche
d’AgBr,
visible
grâce
aux couleursd’interférence,
etqui
donne de très beaux
diagrammes
( fig.
i).
Le résultat de l’action du faisceauélectronique
est alors latransformation total e de ce
diagramme
d’ AgBr
endiagramme d’Ag.
Cette transformations’opère
en102
une minute environ
(1)
et elle est d’autantplus rapide
que le faisceau d’électrons estplus
intense;
ellepeut
être suivie sur l’écran fluorescent etphotographiée
à ses diversesphases ( fig.
l, 2 et3);
ellepeut
êtrerépétée
à volonté endéplaçant
légèrement
laprépa-ration et en faisant tomber le faisceau
électronique
explorateur
sur unerégion vierge.
Ce résultat semble être, au
premier
abord, encontradiction avec les
phénomènes
que nous avions décrits dans notre étude antérieure(voir plus
haut),
où nous
signalions qu’un diagramme
de bromure bienapparent
paraissait inchangé
par l’actionpro-longée
des électrons.On ne
peut
cependant
pasinvoquer,
pour lever cettecontradiction,
la différence des conditions matérielles dediffraction,
car il est bien évidentqu’une particule
de bromurequi
participe
à laformation d’un
diagramme
reçoit
nécessairement unbombardement
électronique,
et rienn’explique,
pour
l’instant,
pourquoi,
dan~s certains ca.sseulement,
il y a réduction.
La difficulté résultant de cette
apparente
contra-diction se trouve écartée par les remarques
sui-vantes :
io
Lorsque
lediagramme
est formé d’anneauxcomplets
etréguliers,
c’est-à-direlorsqu’il
révèleune structure microcristalline
confuse,
il reste stableet ne se modifie pas.
2 °
Lorsque
lediagramme
est formé d’arcs decercle,
c’est-à-direlorsqu’il
révèle une orientationdes cristaux autour d’une
position
moyenne(dia-gramme de
fibres),
il se modifie et se transformerapidement
en undiagramme
d’argent
pur. C’estprécisément
le cas ici1).
2.
Étude
des couches minces decyanines
sur une surfaced’argent
polie.
- Avant d’aborder laquestion
de l’orientation descyanines
à lasurface
du bromure
d’argent,
nous avons examiné cequ’il
advenait d’une couche mince de ces substances
disposée
sur la surface d’uneplaque d’argent
purparfaitement polie.
a.
Cyanine
dissoute dans 1 eau. --- Uneplaquette
d’argent
ayant séjourné
dans une solution aqueusede
cyanine pendant
destemps
variant de i h à hne
présentait, après
rinçage
à l’eau distillée etséchage,
aucune coloration(2);
il n’existe donc pasde notables
quantités
de matièredéposée.
La surface de ces
préparations
ne donnelieu,
à
l’analyse électronique, qu’à
une diffusiongénérale
des électrons et aucun
renseignement
nepeut
être ainsi déduit de leur examen.(1) Tension 4o kV, intensité électronique 2 ~A,
collima-teur o, mm de diamètre.
(2) Certaines préparations ont été examinées, à titre de
vérification, à la lumière naturelle, mais la plupart de nos
expériences sur les cyanines ont été effectuées en lumière
Dans toutes ces
expériences,
ainsi que dans lessuivantes, la
cyanine
utilisée était unebromo-diéthylthiocarbocyanine,
de formuledéveloppée :
b.
Cyanine
dissoute dans l’alcooléfhytigue.
-Une
goutte
de la solution estdéposée
sur laplaquette
d’argent
et, parévaporation,
abandonne à sasurface une mince couche de matière colorante décelable par une
légère
couleur rosée.Il est intéressant de constater que ces
prépa-rations fournissent
toujours
un brillantdiagramme
d’AgBr analogue
à ceux que l’on observe initialement surl’argent
bromuré dans la vapeur de brome(ou
l’eau de brome
diluée);
cediagramme d’AgBr
setransforme totalement et
rapidement
en dia-grammed’Ag.
L’action de l’ion
Br,
détaché de la molécule decyanine,
semble du reste être favorisée parl’évapo-ration à l’air
libre,
car uneplaquette
d’argent
séjournant pendant
i h dans une solutionalcoolique
de
cyanine
neparaît
pas altérée.3. Orientation des
cyanines
sur le bromured’argent.
- Nousavons cherché enfin à réaliser
des
préparations
de bromured’argent
recouvertesde
cyanine,
qui
soientaptes
à montrer, parl’analyse
électronique,
à la fois lesdiagrammes d’AgBr
et decyanine
et éventuellement la transformation del’AgBr
en
argent.
Nous avons
utilisé,
dans cebut,
despréparations
exécutées
spécialement
pour nous par M.Jelley
(Laboratoires
de Recherches de la SociétéKodak,
à
Harrow);
elles consistent en uneplaque métallique
servant de
support
surlaquelle
une couche debromure fondu a été
régulièrement
étalée(prépa-ration effectuée en lumière rouge ainsi que
l’opé-ration
qui
va êtredécrite).
Pour rendre cette surfacede bromure
apte
à biendiffracter,
il suffit de presser lapréparation,
au moyen d’un étau, contre laparoi
lisse etplane
d’un bloc de verre bien propre.Sur des surfaces
d’AgBr
ainsipréparées,
nous avons effectué les essais suivants :,
a.
Cyanines
en solution dansl’eau.
--Après
plusieurs
heures deséjour
dans lasolution,
lesplaquettes
de bromureprésentent
une colorationrose
irrégulière.
Il y a donc nettementadsorption
locale du
colorant;
cependant, l’analyse
électro-nique
de cespréparations
ne révèle rien d’autreCy. r. -
Ag-Br; point au début
de l’exposition
Fig. 2. - filème
point après i min.
d’exposition ( Ag-Br -~- Ag).
3. -lBlême point après min. d’exposition ( Ag seul).
Fig. 4. - Couche mince de
cyanine sur Ag-Br.
Structure confuse ( 3 ~ kV. ).
Fig. 5. - Couche très mince de cyanine sur Ag-Br. Structure orientée (35kV.),
104
b.
Cyanines
en solufionalcoolique.
-Par
évapo-ration et
dépôt
d’une mince couche de colorant,nous avons pu obtenir ainsi deux sorfes de
dia-grammes, selon que la couche
déposée
étaitépaisse
ou mince.
La
fi 9 ure représente
undiagramme
decyanine
en couche relativement
épaisse (de
l’ordre de ila formation d’anneaux
correspond
à une structureconfuse,
àlaquelle
onpouvait
s’attendre du faitde
l’épaisseur
de la couche de colorant..La
figure
5représente
undiagramme
de la mêmecyanine
en couche extrêmement mince(la
couleurrose étant à
peine
visible sur la surfacedu bromure).
Il
correspond
à une orientationprivilégiée
et très intense des molécules ducolorant,
groupées
demanière à former des
plans
réticulairesparallèles
à la surface du bromure.
L’aspect
du cliché 5rappelle
tout à fait celui desdiagrammes
de rayons X obtenus par la méthodede la «
goutte tangente
»imaginée
par l’un denous
[2~;
eneffet,
iln’y
apparaît
que les différents ordres d’une mêmeéquidistance
fondamentale. L’ondistingue,
en outre, deux faibles halos circu-laires de diamètreplus grand.
En se
rapportant
aux travaux antérieurs de J.-J. Trillat[2],
on est amené à conclure que l’onse trouve, dans ce cas, devant une structure stratifiée
(analogue
à celle décrite par cet auteur pour l’oléate deplomb).
Lapériodicité
de9,6
Àcorrespond,
soità la
longueur
de lamolécule,
soit à samoitié;
l’étude du cliché4
permet
cependant
de supposerqu’il
s’agit plutôt
du deuxième cas.En
effet,
lediagramme
4
est celui d’une substance microcristalline dont les cristaux sontdéposés
auhasard. Par
conséquent,
ungrand
nombre d’anneauxy
figurent, qui
n’apparaissent
pas dans la mêmesubstance
orientée;
leséquidistances
principales
sont de3,7
A(deux
ordrescorrespondant
aux deuxanneaux les
plus intenses)
et de18,5
À(anneaux
depetit
diamètrerégulièrement
espacés).
L’équi-distance fondamentale
précédente
de9,6
À ne seretrouve donc pas dans cet état
correspondant
à unecouche
épaisse
decyanine; cependant,
ils’agit
bientoujours
de la même substance, la seule différence consistant dans laplus
ou moinsgrande
épaisseur
de la couche de
cyanine.
On est donc conduit à penser, ou bien que la
cyanine
présente
à l’étatsimplement
adsorbé unestructure différente de celle
qu’elle
montre à l’état cristallin - en ce sensqu’à
l’état orienté ses moléculessont décalées d’une
demi-longueur
- ou bienqu’à
concentration élevée
(cas
des couchesépaisses)
l’étatd’agrégation
bien connu modifie lediagramme.
Il est à remarquercependant
que lapériode
de18, 5 ~
(cliché 4)
de lacyanine
en coucheépaisse
estsensi-blement le double de la
période
de de lacyanine
orientée en couchemince;
laprécision
des mesureseffectuées sur les
diagrammes
pour des distances aussi faibles nepermet
pas,toutefois,
d’en donner unecertitude absolue.
Il serait évidemment du
plus
grand
intérêt de trancher entre ces deuxhypothèses,
ce que l’onpourrait
faire enprenant
desdiagrammes
électro-niques
destypes 4
et 5 avec descyanines
delongueur
de chaîne
méthylénique progressivement
croissante.Malheureusement,
ces recherches se sont trouvéesinterrompues
enseptembre
Ig3g
et nous ne pouvonsdonc ici
qu’apporter
des conclusionsprovisoires
quenous nous proposons de vérifier dès que les circons-tances le
permettront,
BIBLIOGRAPHIE.
[1] J.-J. TRILLAT et R. MÉRIGOUX, Journ. de Physique, 1936, 7, p. 497. 2014 Voir aussi J.-J. TRILLAT et H.
MOTZ, Journ. de Physique, février 1936, p. 89.