TRAVAUX DE LA STATION DE RECHERCHES APICOLES DE BURES-SUR-YVETTE EN 1957
R. CHAUVIN
Au cours de l’année Iq,57, les chercheurs de Bures ont continué à
préciser,
chacun dans son
domaine,
lesproblèmes
étudiés à la stationdepuis
9 ans.Pollen et Gelée
royale.
CHAUVIN a travaillé sur l’action
pharmacologique
dupollen
et de lagelée royale
sur les mammifères. L’action dupollen
a été étudiée sur la sourisdepuis plusieurs
annéesdéjà,
àBures-sur-Yvette,
mais c’est seulement maintenantqu’une publication
est devenuepossible.
Lepollen mélangé
à la nourriture provoque une accélération très nette de lacroissance,
maisqui
diffère suivant lesespèces.
Lespollens
lesplus
actifs sont parexemple
ceux d’arbresfruitiers,
les moins actifs ceux de trèfle. Le
principe
accélérateur se trouve dans la fraction desalbumines,
soitqu’il appartienne
à ce groupe, soitqu’il
soit adsorbé surl’une d’elles. Son action
spécifique
s’exerce sur le coefficient d’utilisationdigestive, qu’il augmente beaucoup,
ainsi que sur lepoids
des organes ; sur ce dernierpoint
l’action dupollen paraît
serapprocher
de celle descorticoïdes,
car les organes
lymphogènes, thymus
et rate, se réduisent assezfortement;
les
phosphatases
de la surrénaledisparaissent.
Les taux duglycogène hépatique
et du sucre
sanguin
sont en forte hausse. Cesphénomènes
ne s’observentqu’avec
de fortes concentrations de
pollen.
Chezl’hontme,
des essaiscliniques
ont mon-tré l’action sur le métabolisme intestinal et la formule
sanguine.
En ce
qui
concerne lagelée royale
des étudesbiologiques
avaientdéjà
montré
(CHAUVIN, 195 6)
le vieillissementrapide
des solutions. Parinjection intramusculaire,
elles n’étaientcapables
de déclencherl’hyperglycémie
chez lasouris
qu’après
unséjour
dequelque
durée à laglacière.
(lomt.oT arepris
l’étude du vieillissement du
point
de vuephysique,
par mesure de la conducti- bilité des solutions. Il a constaté ainsiqu’elle
variaitrpaidement,
vers E 30-1-4 ° ;
1mais même vers o°, la
conservation,
nonplus
dessolutions,
mais de lagelée Pure,
est loin d’être
parfaite.
Elle ne reste stable quependant
unepériode
d’environ20 heures
après
larécolte ; après quoi
survient unepériode
de vieillissementrapide,
de l’ordre de 400heures,
où la conductibilité croîtrapidement ; ensuite,
ses modifications sont
beaucoup plus
lentes. Lagelée n’agit
sur laglycémie
quependant
lapériode
de vieillissementrapide.
CHAUVIN donne
aussi,
dans une revuegénérale,
une idée des effetscliniques
de la
gelée
telsqu’ils
ont étépubliés
par les médecinsfrançais
et italiens. Trois directions surtout ont été suivies avec succès : lagelée
esteuphorisante
et forti-fiante chez les sénescents et les
convalescents ;
ellejouit
d’une action «tranquilli-
sante o curieuse et constante chez les anxieux et les
déprimés ; enfin,
elle auraitles meilleurs effets sur certaines
hypotrophies
graves du nourrisson.Dans un autre ordre
d’idées,
VUILLAUME apublié
sespremiers
résultatsin extenso, sur la
psychophysiologie
del’élevage
des reines chez les abeilles. Ilse sert
toujours
de la mêmetechnique,
introduction decupules
artificielles gar- nies d’unejeune larve,
dans une rucheorpheline.
Le test consiste à mesurerle
pourcentage d’acceptation
de cescupules
par lesabeilles, qui
tient àl’équi-
libre entre deux
substances,
l’une inhibitricede l’acceptation, qu’on
trouve notam-ment, mais
peut-être
pasuniquement,
dans lapropolis ;
l’ectohormone brute la renfermeaussi ;
l’autre substance estfacilitatrice,
et sécrétéepeut-être
par les ouvrières. Parmi les stimuliqui poussent
les nourrices àaccepter
unejeune
larve
qui
leur estprésentée
dans unecupule
decire, comptent :
la forme du fond(fond
arrondipréféré
à fondplat),
la forme des bords(forme cylindrique pré-
férée à
hexagonale),
laposition
descupules (ouverture
inférieurepréférée
à ou-verture latérale ou
supérieure),
leur écartement(optimum
2cm).
Mais lamatière dont est construite la
cupule paraît
au contraire de peud’importance, puisque
les ouvrièresacceptent
laparaffine,
toutes sortes de cires minérales ouvégétales,
et même( et surtout ! )
le verre et lesplastiques.
Pour quela j eune
larveintroduite dans une
cupule
fassel’objet
d’unélevage royal,
elle doit être vivanteet
appartenir
au genreApis ;
sonâge
doit être inférieur à troisjours ;
le sexen’est pas un facteur très
important,
et des larves mâlespeuvent
êtreacceptées.
Les
jeunes
larvesétrangères
à la colonie éleveuse sontacceptées
sansdifficulté ;
la
présence
de la reine ne suffit pas à inhiberl’élevage royal,
ni dans les condi- tionsartificielles,
ni même dans les naturelles(pourvu qu’il
ait débuté dans uneautre ruchette
orpheline,
ou colonied’acceptation).
Si bien que les théories de Butlers’appliquent
seulement au cas de la construction des cellulesroyales
naturelles par les
abeilles ;
c’est le stade initial de la constructionqui
est leplus
sensible à l’ectohormone inhibitrice. Mais les stimuli
provenant
de lacupule
artificielle contenant une
jeune
larve sont sipuissants qu’ils
excèdent en toutou
partie
l’action inhibitrice de la reine.Le développement ovarien des abeilles.
Ce
sujet
de recherches a été attribuédepuis
des années à Mlte PAIN, et, si elle n’a rienpublié
en 1957, il n’en est pas moins vrai que ses recherches ontbeaucoup progressé.
Le fractionnement de l’ectohormone inhibitrice a étépoursuivi
avec l’aide de M.L EDERER ,
surquelques
milliers de reines en prove-nance
d’Amérique.
Il ne semble pas du toutqu’il s’agisse,
comme on l’adit,
de dérivés de la testostérone. D’autre
part,
les facteurstrophiques
dupollen
etde la
gelée royale
se localisent engrande partie
dans la fractionprotéique ; mais,
fait très étonnant
qui
avait étésoupçonné
par différents auteurs, lepollen emmagasiné
par les abeilles dans les ruches n’a pas du tout les mêmespropriétés
sur le
développement
ovarien que lepollen
récolté dans lestrappes
àpollen :
ilest
beaucoup plus
actif que ce dernier.L’agressivité
des abeilles.L
ECOMTEa continué la rédaction de sa thèse sur
l’agressivité
et les facteursde
butinage
chez les abeilles. Une substancespéciale (qu’on peut
extraire des nourrisseursqu’elles
ontfréquenté depuis longtemps)
leur sert à familiariser les solidesprès desquels
elles s’abattent. Cette substance est attractive pour lesabeilles de la même colonie et
répulsive
pour celles des autres colonies. Nous ne savons pas encore si elle se confond avec les substances de familiarisation que VUILLAUM
E caractérise dans les cellules
royales.
La construction chez les abeilles.
D:!RCH!n a soutenu ave succès sa thèse d’Université sur les constructions cirières chez
A Pis melli fica.
Il a insistéparticulièrement
sur deuxpoints : a)
lesabeilles ne semblent pas
parvenir
d’emblée à ces constructionsparfaites qu’ad-
miraient les auteurs anciens : mais elles leur font subir de laborieuses
retouches,
surtout
lorsque l’expérimentateur
pose unproblème insoluble ; b)
lesrégula-
tions de la construction
prouvent
une transmission à travers la grappe ; trans- mission sans doute d’une traction musculairepassant
par lespattes
des ou- vrières accrochées les unes aux autres. Et ce «langage
tactile modulé » suivantl’expression
de DARCHENpeut
êtreperturbé
parl’interposition
de diversobstacles. La reine est nécessaire pour entretenir
l’impulsion constructrice,
mais il y faut aussi un « nombre limite » d’abeilles au-dessousduquel
on ne voitpoint
deconstruction ;
ce nombre limite est très élevélorsqu’on
ne met pas dereine. Il baisse avec l’introduction d’une reine morte, d’une reine
vierge,
etplus
encore d’une reine féconde.
Ultérieurement,
DnxcHEx, ViziER et VUILLAUME étudient le déteyminisme de la construction des cellules de mâle. Les ouvrièrespeuvent
transformer les cellules de mâle en cellulesd’ouvrières,
en en rétrécissant l’entrée avec un bourre- let de cire et en en diminuantquelque
peu lahauteur ;
celle-ci devient alorstrop
faible pour lanymphe
et les abeilles obvient à cet inconvénient par la construction d’unpetit opercule bombé,
différent de celui des mâles. Cette modi- fication survient dans les rucheslongtemps orphelines,
ougarnies
artificielle- ment de rayons demâles,
même avant que la nouvelle reine aitpondu ;
cen’est donc
point
le sexe de lalarve,
mais laprésence
de la reine fécondequi
déclenche la transformation.
BOTANIQUE APICOLE
I,ouvEnux a soutenu sa thèse sur les facteurs de la récolte du
pollen
par les abeilles et on pourra la lire par ailleurs dans ces mêmes Annales. Ce travail considérableporte
surplusieurs
années et des récoltes deplusieurs
tonnes depollen (je
dis bien des tonnes, car lepollen
est utilisé maintenant endiététique
et I,ouv!nux a été amené à en faire l’identification
botanique).
Il est difficilede résumer un travail aussi
étendu,
mais notons unpoint
très curieux.I,’accli-
matation des
ruches,
vieille idée trèsrépandue
dans lapratique apicole,semble correspondre
à une réalité : c’est-à-direqu’une
ruchetransplantée
dans unerégion
toute différente ne récolte pas du tout les mêmespollens
que des ruchesindigènes placées juste
à côté d’elle. Par groupes deruches,
les différences sontsignificatives,
etparaissent régler
enpartie
ledéveloppement
ultérieur de la reinetransplantée. Enfin, l’approvisionnement
en azote de la ruche varie beau- coup suivant les saisons et lesrégions ;
le tauxqu’en
contiennent lespollens
est lui-même très variable. Ne serait-ce
point
la raison de certaines anomalies saisonnières dans ledéveloppement
des ruches?Antibiotique des abeilles.
Au cours de recherches sur la
propagation
de Kloeckevaapiculata apis,
levure
qui
nous sert de moyen de luttebiologique
contre l’Acarien del’abeille,
LAVIEa été amené à constater la
pauvreté
de la flore microbienne dutégument
des ouvrières. Il a
dû,
pourexpliquer
unphénomène
aussiparadoxal,
supposer l’existence d’une substanceantibiotique, qui
a été extraite effectivement dutégument
par l’alcool. Cette substance varie enquantité
suivantl’âge
desouvrières : seules celles d’un
âge
moyen en renferment unequantité notable,
au contraire des très
jeunes
et des trèsvieilles ;
suivant l’état dedéveloppement:
les larves n’en contiennent pas ; suivant la caste : la reine en
possède,
mais lesmâles en sont
privés. Enfin, l’antibiotique
se rencontre chez lesFourmis,
comme l’avait vuPnvnv,
mais aussi chez les termites(tout
au moinsReticulitermes)
chez
Vespa
crabvo etXyloco!a
violacea. On n’en trouve pas chez Bombus horto-vum et terres tris ou
Vespa gevmanica.
L’actionantibiotique
de l’extrait d’abeilles est différente de l’action duvenin ;
elle s’exerce surSalmonelLa,
Escherichiacoli, Proteus,
Bacillus!yocyaneus
et Bacillus subtilis Caron.L’eau dans la ruche
Vumr,nu!iE a
publié
les derniers résultats de ses recherches sur la claustra- tion des ruches. On sait que cetteopération, pratiquée
au moment despulvéri-
sations
insecticides,
a souvent pourconséquence
une certaine mortalité. Or les suites en sontbeaucoup
moins fâcheuses si l’on fournit un abondantsupplé-
ment d’eau. La montée
thermique
considérable que l’on observeaprès
la claustra- tion sembleprovenir
del’agitation
desbutineuses,
et cetteagitation
serait encorrélation directe avec le besoin d’eau
(beaucoup plus impérieux
sans doutequ’on
ne lecroyait).
Vulgarisation et divers.
Ont paru
quelques
articles devulgarisation
de VUILLAUME surl’élevage
des
reines,
de LOUVEAUX sur labotanique apicole,
de l’abbé DARCHEN sur letravail de construction chez les
abeilles ;
unrapport
de LOUVEAUX et MnuRrziosur les travaux de la Commission Internationale de
Botanique apicole
de l’UnionInternationale des Sciences
Biologiques
pour les années195 6.
Le cours habituel de
Biologie
des abeilles a été donné cette année à i5élèves,
Enfin la stationexpérimentale d’Apiculture d’Avignon,
annexe de la Sta-tion de Recherches
Apicoles,
a commencé àfonctionner ;
son activité feral’objet
d’un
rapport spécial
de LAVIE,chargé
de ladiriger.
PUBLICATIONS
( 1
)
CHAUVIN(R.).
- Lagelée royale.
III. Action sur les Mammifères et surl’homme.
L’APiculteur,
avril 1957, m p.(2) CHAUVIN (R.).
- Sur les effetsphysiologiques
de divers extraits depol-
lens. Rev.
Pathol.
Gén.Physiol. clin.,
687,6II- 23 ,
1957.( 3
)
CHAUVIN(R.)
et LENORMAND(E.).
-Composition
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dupollen
récolté par les abeilles. Bull. Acad.
Médecine,
1-2, 35, 1957.( 4
)
CHAUVIN(R.).
- Sur lespropriétés physiques
de certainspollens
etspé-
cialement sur un
principe hyperglycémiant.
C. R. Acad.Sc., 244,
120- 2, 1957.(5) D ARCHEN (R.).
- La reined’Apis mettifica
et les constructions cirières.C. R. Acad.
Sc., 439,41, 1956.
(6)
DARCHEN(R.),
ViziER(C.)
et VUILLAUME(M.).
- Sur le déterminisme de la construction des cellules de mâles chez les Abeilles. C. R. Acad.Sc.,
244, 391-4, 1957.( 7
)
DARCHEN(R.).
- Le travail de construction de l’abeille est-il un travail social?L’APiculteur,
avril 1957.(8)
DARCHEN(R.).
- La reined’Apis melti fica,
les ouvrièrespondeuses
etles constructions cirières. Ins.
Soc.,
IV, 4, 1957.( 9
)
GOILLOT(C.).
-Étude physique
de la conservation de lagelée royale
brute. C. R.
Acad. ,Sc, 245, 10 8 2 - 4 ,
1957.(io)
LAVIE(P.).
-Étude
des substancesantibiotiques
chezAfiis mellifica
etchez
quelques
insectes sociaux. C. R. Acad.Sc.,
244,2653-55,
1957.( II
)
LECOMTE(J.).
- Sur le marquage olfactif des sources de nourriture par les abeilles butineuses. C. R. Acad.Sc.,
245,2385-7,
1957.( 12
)
I,ouv!aux(J.).
-Botanique apicole. L’APiculteur,
avril 1957, 6 p.(i 3
)
LouvEAux(J.).
- Sur les facteurs de la récolte dupollen
par les abeilles(Thèse Paris).
Annales del’Abeille
1, 1957.( 14
)
MAUPIZIO(A.),
LOUVEAUX(J.).
-Rapport
d’activité de la CommissionInternationale
deBotanique Apicole
de l’UISB pour les années1955 - 5 6.
L’Apiculteur,
février 1957, 5 p.( 15
)
VUILLAUME(M.).
- Contribution à lapsychophysiologie
del’élevage
desreines chez les abeilles. Ins.
Soc.,
IV,113-56,
1957.( Z
6)
VUILLAUME(M.).
-L’importance
del’approvisionnement
en eau dans laruche. Ins.