L’ACCLIMATATION DES TRIGONES AFRICAINES
(APIDAE, TRIGONINI) EN FRANCE
Die Akklimatisation der afrikanischen Hypotrigonen (Apidae, Trigonini) in Frankreich
R. DARCHEN Station biologique,
IJniversité P. et M. Curie, Paris VI 24620 Les Eyzies
SUMMARY
THE ACCLIMATIZATION OF
Hypotrigona (Apidae, Trigonini!
IN THE SOUTH-WEST OF FRANCE
A population of Hypotrigona, captured in the Ivory Coast, begins its fourth year of life in France. It has overwintered 4 times.
Breeding techniques are described. This should help specialists to select, for future research, those species which are best adapted to our climate.
RÉSUMÉ
Une population d’Hypotrigona entame sa quatrième année de vie dans le Sud-Ouest de la France. Elle a cependant déjà hiverné 4 fois. La colonie a été ramenée de la Côte d’Ivoire et
installée dans une serre climatisée avec son orifice de sortie en communication permanente
avec l’extérieur. Elle arrive donc à amasser suffisamment de réserves pour survivre
pendant
les périodes froides de l’année.
HISTORIQUE
L’introduction et
l’élevage
desMélipones (Trigones
etMélipones
sensustricto)
en France remonte àplus
d’un siècle! Lespremières
tentativessigna-
lées par BLArrCmARn en
1849,
reviennent à une femmequi
amena avecelle,
en
bateau,
deux colonies de Rio deJaneiro
àParis,
rue Saint-Lazare. Les abeilles ne vécurent quequelques
semaines. D’autres colonies arrivèrent ensuite en Francerégulièrement :
laplupart
d’entre elles furent installéesau
Jardin
des Plantes. Devant l’échec de tous les essaisd’acclimatation,
le7
juin 1872,
sousl’impulsion
de RAVExETWnTTEL,
la SociétéImpériale
<l’Acclimatation de Paris proposa un
prix
de 500 francs or à la personnecapable
de maintenir en vie
pendant
deux annéescomplètes
une colonie d’abeillesaméricaines,
dites sans dard. L’offre était tentante et bien des amateurs oudes
professionnels
se mirent au travail. Tous échouèrent encore. En1875,
E. DRORY
importa
unequarantaine
de coloniesenvoyées
par L.BRUNET,
Administrateur Général del’École Agricole
de San Bento auBrésil,
et établitses colonies dans le midi de la France.
RA
VERET WaTTEL
s’appuya
sur ses nombreuses observations pourpublier
sonrapport
sur lesMélipones.
Devant leséchecs,
dûs surtout aux diffi- cultés del’hivernage,
la société futobligée
de renouvelerplusieurs
fois sonconcours et d’inclure dans la
compétition
des abeilles venuesd’Afrique.
Ce n’est
qu’en 1895, vingt
ansplus tard,
que PEREZ vit ses efforts couronnés de succès en maintenant desTrigones (Trigona clavipes F.)
envie,
trois années consécutives. Cela montre combienl’entreprise
était difficile àl’époque.
Malheureusement pour nous, cet éleveur chanceux n’a pas
indiqué
ses conditionsd’élevage.
Essais d’acclimatation et condition
d’élevage
d’une colonie deTrigona ( Hypotrigona)
Au mois de
juillet 1972,
nous avons récolté une colonied’Hypotrigones.
Elle était installée dans une branche creuse de
Crossopterix febrifuga
dansune savane à rôniers
(Borassus aethiopum!
de Côte d’Ivoire. Cette colonie ramenée en France à cetteépoque
vit encore en ce mois deseptembre
1976.Elle a donc survécu à
quatre
hiverspérigourdins.
La colonie a été installée dans une serre climatisée dont la
température
moyenne a oscillé autour de 25° en 1972 et
1973,
et autour de 20° les hiverssuivants;
l’humidité relative est de 75%
environ. Une vitre de la serre a étéremplacée
par uneplanche
au travers delaquelle
passe un tube de verrequi
relie la ruche à l’extérieur. Le morceau de bois contenant la ruche bénéficie du climat de la serre, mais les abeilles ne
peuvent
y voler vu que leur sortieest
obligatoirement dirigée
vers l’extérieur.Le laboratoire où est conduit cet
élevage
est situé dans le Sud-Ouest de laFrance,
auxEyzies.
Ses coordonnées sont les suivantes 0° delongitude,
45° de latitude N. L’altitude est de 67 mètres.
Ajoutons
que cette StationBiologique
est à environ 130 km de Bordeaux. Cette remarque a sonimportance
car la
plupart
desélevages
deMélipones
ont été tentés dans le bordelais dès 1873. DRORY n’avait pas moins de 21 colonies deMéliponides
de 11espèces
différentes! Il en reçut d’autres les années suivantes.
Toutes,
saufdeux,
moururent durant l’hiver
qui
suivit. Les survivantesdépérirent
trèsrapidement.
Bref,
ce fut un échec.Cependant,
dans le Sud-Ouest de laFrance,
latechnique
d’acclimatation semble assez
simple,
du moins pour lesespèces qui
ont unminimum de
capacités thermorégulatrices. Or,
nous savons parexpérience,
que toutes ne sont pas
également
douées à cetégard.
LesHypotrigones
quenous élevons se rencontrent dans la
plus grande partie
del’Afrique tropicale
et
équatoriale :
on les trouve à la fois dans les forêtsprofondes
et humides etdans les savanes
beaucoup plus
chaudes etplus
sèches. Leurs ancêtres ontété retrouvés dans l’ambre de la
Baltique.
Grâce à sonubiquité naturelle,
ce genre
Hypotrigona présente
donc desprédispositions
à l’acclimatation.D RORY
, malgré
seséchecs,
nous a montréqu’il
avait eu l’intuition que lesMélipones
trouveraient dans le Sud-Ouest de la France un climat favorable à leurprospérité.
Malheureusement cet auteur,n’ayant
pas étudié deprès l’écologie
et labiologie
de cesinsectes,
nepouvait
savoirqu’il
fallaitrespecter
certainesrègles, indispensables
à la réussite del’élevage.
DISCUSSION
Puisque
ma colonie est arrivée en 1972 etqu’elle
vit encore en1976,
j’ai
établi unpremier
tableaurécapitulatif
des moyennes detempérature
maximum et minimum de ces 5 années
(tabl. 1)
et un autrequi indique
lesminimum des
températures
absolues durant la mêmepériode (tabl. 2).
A titre
indicatif,
et afin decomprendre
le succès de monélevage, je présente
deux tableaux(3
et4)
à peuprès
semblables auxprécédents
en uti-lisant les données de LECORDIER sur le climat de la
région
de Lamto(Côte d’Ivoire)
d’oùproviennent
les abeilles.L’étude
comparative
des tableaux 1 et 3 et des tableaux 2 et 4 nous per-met de définir les
premières règles d’élevage
de certainesespèces
deTrigones,
dans nos
régions tempérées d’Europe.
1)
Il est clair que lesHypotrigones
des savanes de Côte d’Ivoire s’accom- modent detempératures
extérieures élevées(autour
de35°) qui
sont souventatteintes aux
Eyzies
car, durant les mois lesplus chauds,
latempérature
moyenne maximum se tient autour de 25°. Il
n’y
a donc pas pour les coloniesimportées
deproblèmes
derégulation thermique
insurmontables durant les fortes chaleurs de l’étépérigourdin.
2)
Nous avons observé enAfrique
que les coloniesd’Hypotrigones
pros-péraient pendant
les mois defévrier,
août et décembre bienqu’à
cetteépoque
la
température
moyenne oscille autour de 19° et même 17° durant le mois dejanvier (tabl. 4);
auxEyzies
au cours de lajournée, pendant
6 mois de l’an-née,
de mai à octobrecompris,
latempérature
moyenne ne descend pas au-dessous de cette moyenne africaine des mois les
plus
froids(tabl. 1).
3)
CesHypotrigones supportent
même un climat dont latempérature
peut
descendre au-dessous de 12° sans que meure lejeune couvain,
comme letémoignent
nosanalyses
depopulation
surplace.
Nous savons, en outre, que les adultes surviventpendant plusieurs heures,
sinonplusieurs jours
à destempératures
situées au-dessous de 10°mais,
dans ce cas, lesplus jeunes
larvesmeurent dans les cellules. Il faudrait d’ailleurs effectuer des
expériences systé- matiques
pour déterminer lestempératures
léthales pour lespopulations
enéquilibre.
Il est donc clair maintenant que les colonies
d’Hypotrigones peuvent
survivre facilement dans le Sud-Ouest de la France à condition d’assurer à
ces abeilles au moins un minimum de sécurité de 17°
pendant
l’hiver et lesnuits froides des autres saisons. Dans ces
conditions,
ces abeilles ont letemps
nécessaire pour constituer leurs réserves de nourriture et faire face àl’hivernage qui
ne dure que 3 à 4mois,
auxEyzies.
CONCLUSION
La réussite de notre
élevage d’Hypotrigones
en France nous incite àtenter l’introduction d’autres
espèces
africaines ou américaines.Depuis plus
de 10 ans nous avonsl’expérience
del’élevage
des abeillestropicales.
Les essais d.’acclimatation enEurope,
que nousespérons
tenterdorénavant, porteront
depréférence
sur des insectes vivant soit dans les savanes,soit,
pourl’Amérique,
dans desrégions montagneuses.
Eneffet,
les animaux issus de cesrégions
sont soumis à des variationsclimatiques
sou-vent très
importantes
et sont mieuxaptes
à résister sous nos climats. Aucontraire,
les insectes habitant lesrégions
côtières ou les forêts humides ontdes
capacités thermorégulatrices
moindres et leur maintien en France estbeaucoup plus
aléatoire. La réussite de cesélevages permet d’envisager
desexpériences qui, jusqu’ici,
m’ont étéimpossibles
à tentcr dans les pays d’ori-gine
de cesinsectes,
faute d’unéquipement technique adéquat,
enparticulier
une
analyse
affinée du dét2rminisme des castes chez lesTrigones.
Reçu pour publication
en février
1977.Eingegangen im Februar 1977.
ZUSAMMENFASSUNG
Ein Volk von Hypotrigona sp. beginnt nunmehr sein viertes Lebensjahr im Südwesten
Frankreichs und hat inzwischen viermal hier überwintert. Das Volk wurde von der Elfen- beinküste hierhergebracht und in einem klimatisierten Gewächshaus so
aufgestellt,
dass esdurch das
Flugloch ständig
mit der Aussenwelt in Berührung kam. Demnach ist es ihm gelun-gen, genügend Vorräte zu sammeln, um die
hiesige
kalte Jahreszeit zu überleben.Vier Tabellen, die das Klima der Savanne, der Heimat der Bienen und das von Eyzies, Frankreich, in der Umgebung des Laboratoriums aufzeigen, ermöglichen es 1. unseren Auf-
zuchterfolg
zu verstehen; 2. dieAufzuchtbedingungen
dieser Insekten im Südwesten Frank- reichsfestzulegen
und 3. die Bienenforscher bei der Wahl der in Europa aufzuziehenden Arten zu beraten.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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