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Lettre de Gödel à von Neumann

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Lettre de Gödel à von Neumann Princeton, 20 Mars 1956

Cher M. von Neumann,

C’est avec la plus grande peine que j’ai appris votre maladie. Cette nouvelle était assez inattendue pour moi. Morgenstern m’avait un peu parlé l’été dernier de la fai- blesse que vous aviez ressentie un jour, mais à ce moment-là, il ne pensait pas que c’était grave. J’ai appris que vous aviez dû subir un traitement lourd et je suis heu- reux que ce traitement ait eu le succès escompté et que vous alliez maintenant mieux.

Je vous souhaite un rapide rétablissement et j’espère que les découvertes médicales les plus récentes pourront si possible vous amener une complète rémission.

Puisque vous vous sentez maintenant mieux, je souhaiterais m’autoriser à vous écrire à propos d’un problème mathématique, au sujet duquel votre opinion m’inté- resserait beaucoup : on peut facilement construire une machine de Turing qui pour toute formule F de la logique des prédicats du premier ordre et pour tout entier n nous permet de décider s’il existe une preuve deF de longueurn(longueur = nombre de symboles). Appelons ψ(F, n) le nombre d’étapes dont a besoin la machine et ap- pelons ϕ(n) = max

F ψ(F, n). La question que l’on se pose est celle de la croissance de ϕ(n) pour une machine optimale. On peut montrer queϕ(n)> kn.

S’il y avait vraiment une machine avec ϕ(n)kn (ou même ∼kn2), cela aurait des conséquences de la plus grande importance. En l’occurrence, cela voudrait clai- rement dire que malgré l’indécidabilité du Entscheidungsproblem1, le travail mental d’un mathématicien au sujet des questions fermées2pourrait complètement être effec- tué par une machine. Après tout, il suffirait de choisir le nombre entiernsuffisamment grand de telle sorte que lorsque la machine ne fournirait pas de résultat, cela n’aurait plus de sens de penser davantage au problème en question. Maintenant il me semble, pourtant, qu’il serait tout à fait possible queϕ(n) puisse grossir à ce rythme. Depuis lors, il semblerait que ϕ(n) > kn soit la seule estimation que l’on puisse obtenir en généralisant une preuve de l’indécidabilité du problème de la décision et après tout, ϕ(n)kn (ou ∼ kn2) signifie simplement que le nombre d’étapes, par opposition à une méthode par essais/erreurs peut être réduit de N à log N (ou à (log N)2).

Pourtant de telles réductions fortes apparaissent dans d’autres problèmes finis, par exemple dans le calcul du symbole de résidu quadratique en utilisant une applica- tion répétée de la loi de réciprocité quadratique. Il serait intéressant de savoir, par exemple, ce qu’il en est dans la situation concernant la détermination du caractère

1. problème de la décision

2. appelées questions Oui-ou-Non dans la lettre.

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de primalité d’un nombre et d’estimer s’il est possible que le nombre d’étapes pour les problèmes combinatoires finis soit bien diminué par rapport au nombre d’étapes d’une recherche exhaustive.

Je ne sais pas si vous avez entendu parler du “problème de Post”, dans lequel apparaissent des degrés d’insolvabilité de problèmes de la forme (∃y)ϕ(y, x), où ϕ est récursive ; c’est un problème qui a été résolu et a reçu une réponse positive par un très jeune homme du nom de Richard Friedberg. La solution est très élégante.

Malheureusement, Friedberg n’a pas l’intention d’étudier les mathématiques, mais plutôt la médecine (apparemment sous l’influence de son père). Peu importe, que pensez-vous des tentatives de construire les fondements de l’analyse sur une théo- rie de type ramifié, qui a récemment pris de l’élan ? Vous devez sûrement être au courant du fait que Paul Lorenzen a poursuivi dans cette voie vers la théorie de la mesure de Lebesgue. Pourtant, je crois que dans des parties importantes de l’analyse, on ne peut éliminer que des méthodes de preuves “non-prédictives” existent vraiment.

Je serais très heureux d’avoir de vos nouvelles personnelles. Merci de me dire s’il y a quelque chose que je puisse faire pour vous. Avec mes meilleurs vœux et salutations, ainsi qu’à votre épouse,

Sincèrement vôtre,

Kurt Gödel

PS. je vous félicite de tout cœur pour la récompense que le gouvernement améri- cain vous a attribuée.

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