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Archéologie et histoire de la terre cuite en Ajoie, Jura, Suisse (1750-1900) : les exemples de la manufacture de faïence de Cornol et du centre potier de Bonfol

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Academic year: 2021

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cahier

d’archéologie

jurassienne

CAJ 37

ISBN 978-2-88436-040-1

Archéologie et histoire de la terre cuite

en Ajoie, Jura, Suisse (1750-1900)

Les exemples de la manufacture de

faïence de Cornol et du centre potier de Bonfol

Ursule Babey

(2)
(3)

Ursule Babey

Office de la culture

Société jurassienne d’Émulation

Porrentruy, 2016

CAJ 37

Cahier d’archéologie jurassienne

Université de Neuchâtel

Faculté des lettres et sciences humaines

Instituts d’archéologie et d’histoire

Thèse de doctorat en sciences humaines présentée

le 30 octobre 2015 sous la direction des professeurs

Michel Egloff (archéologie) et Laurent Tissot (histoire)

Experts : Pr HDR Denis Morin (Université de Lorraine, Nancy) et

PD Dr phil. Adriano Boschetti-Maradi (archéologue cantonal, Berne)

Archéologie et histoire de la terre cuite en Ajoie,

Jura, Suisse (1750-1900)

Les exemples de la manufacture de faïence de Cornol

et du centre potier de Bonfol

(4)

Je suis hors de leur souvenance ainsi qu’un trépassé, Je suis un pot cassé.

Psaumes 31.12

Recherches et rédaction

Ursule Babey Route des Rangiers 27 2952 Cornol

ursule.babey@bluewin.ch

Édition et diffusion

Office de la culture

Section d’archéologie et paléontologie Hôtel des Halles

Case postale 64 CH-2900 Porrentruy 2 Tél. 032 420 84 51 sap@jura.ch www.jura.ch/occ/sap

Société jurassienne d’Émulation Cercle d’archéologie Rue du Gravier 8 Case postale 149 CH-2900 Porrentruy 2 Tél. 032 466 92 57 sje@bluewin.ch www.sje.ch (commandes d’ouvrages)

Code de citation préconisé

Babey Ursule, Archéologie et histoire de la terre cuite en Ajoie, Jura, Suisse (1750-1900). Les exemples de la manufacture de faïence de Cornol et du centre potier de Bonfol. Office de la culture et Société jurassienne d’Émulation, Porrentruy, 2016, 480 p., 170 fig., 67 pl. (Cahier d’archéologie jurassienne 37).

Mots clefs

Archéologie, histoire, Époque moderne, xviiie siècle, xixe siècle, faïence, poterie, poêlerie, tuilerie,

manufacture, ateliers de potiers, Cornol, Bonfol, Porrentruy. Keywords

Archaeology, history, Modern Times, 18th century, 19th century, tin-glazed earthenware, pottery, tile-stove, tile-works, manufactory, potters’ workshops, Cornol, Bonfol, Porrentruy.

ISBN 978-2-88436-040-1 ISSN 1422-5190

2016

Office de la culture et

Société jurassienne d’Émulation CH-2900 Porrentruy

Illustrations de la couverture

Paisanne de Cornol, aquarelle de François Joseph Band, dit Bandinelli (vers 1790).

(Musée de l’Hôtel-Dieu, Porrentruy, Fonds Gustave Amweg, inv. 00.1601 ; photographie Jacques Bélat).

Tableau d’Albert Merguin (1902) représentant le potier Jean-Baptiste Baillif, sa femme et leur petite fille, en activité dans leur atelier domestique à Bonfol.

(Musée jurassien d’art et d’histoire, Delémont, Fonds Daucourt, MJ 1960.283, inv. 9.0 ; photographie Bernard Migy). La Collection des Cahiers d’archéologie jurassienne est publiée sous les auspices de l’Office de la culture de la République et Canton du Jura et de la Société jurassienne d’Émulation.

La Collection est née de la collaboration de la Section d’archéologie et paléontologie de l’Office de la culture et du Cercle d’archéologie de la Société jurassienne d’Émulation.

Révision, maquette et mise en pages

(5)

Cette étude n’aurait jamais été menée à chef sans l’aide et les conseils de toutes les personnes qui ont bien voulu s’intéresser à notre travail. Nos remerciements vont donc :

– à mes professeurs à l’Université de Neuchâtel, Michel Egloff et Laurent Tissot ; – aux membres du jury de thèse, Adriano Boschetti-Maradi et Denis Morin ;

– aux actuels propriétaires de l’ancienne faïencerie, Hélène et Yves Rondez, restaurateurs au Lion d’Or à Cornol, sans l’accord de qui aucune fouille n’aurait pu être engagée, et qui n’ont en outre jamais lésiné sur les moyens pour entretenir l’enthousiasme des fouilleurs en garnissant estomacs et gosiers ;

– au premier parrain du projet dont l’intérêt pour l’art céramique jurassien n’est plus à démontrer, le professeur † Rudolf Schnyder, premier conseil et soutien scientifique ;

– à la République et Canton du Jura, Office de la culture, Section d’archéologie et paléontologie, François Schifferdecker et Robert Fellner, ancien et actuel archéologues cantonaux, ainsi que Céline Robert-Charrue Linder pour le suivi et le soutien dans les diverses démarches administratives ; – aux institutions suivantes, pour leur contribution financière décisive :

Délégation jurassienne à la Loterie Romande ; Office fédéral de la culture, Berne ;

Ceramica-Stiftung, Bâle ;

Société d’histoire de la Suisse romande (SHSR), par son Fonds Butticaz ; Commune de Cornol ;

Fondation Anne et Robert Bloch pour la promotion de la création culturelle dans le Jura (FARB) Fondation-Loisirs Casino ;

Fondation Paul et Marcelle Blondin, Sion ; Société jurassienne d’Émulation ;

– aux techniciens de fouille, grâce aux compétences desquels la fouille s’est passée dans des condi-tions optimales : Brice Cattin, Patrick Comment, Sylvain Gaignat, Simon Gogniat, Mathias a Marca, Christian Meyer (topographie), Richard Otth, Aurélie Paillier, Aude-Laurence Pfister, † Emile Ruetsch, Fanny Sallin, Thibault Sanglard, Lucette Stalder (topographie), Joseph Thierrin ;

– aux conservateurs des divers fonds d’archives et leurs adjoints :

Archives de l’ancien Évêché de Bâle, Porrentruy, Jean-Claude Rebetez, † Philippe Froidevaux et Damien Bregnard ;

Archives cantonales jurassiennes, Porrentruy, François Noirjean et Antoine Glaenzer ; Archives de l’État de Berne, Berne, Nicolas Barras ;

Archives communales, Bonfol ; Archives communales, Cornol ;

Archives de la Bourgeoisie de Porrentruy ; Archives départementales du Haut-Rhin, Colmar ;

– aux membres du comité du Cercle d’archéologie de la Société jurassienne d’Émulation, pour le traitement des aspects financiers du projet, Martin Choffat, Michel Hof, Claude Juillerat et Lucette Stalder ;

– aux musées :

Musée de la poterie, Bonfol, Felicitas Holzgang ;

Musée jurassien d’art et d’histoire, Delémont, Nathalie Fleury ; Musée de l’Hôtel-Dieu, Porrentruy, Jeannine Jacquat et Anne Schild ; Musée historique, Mulhouse, Lionel Pinero ;

Museum der Kulturen, Bâle, Dominik Wunderlin ; Musée historique, Berne, Christoph Messerli ;

Historisches Museum Blumenstein, Soleure, Brigitta Berndt ; Musée Ariana, Genève, Roland Blaettler et Anne-Claire Schumacher ; Thaler Keramik Museum, Matzendorf, Roland Müller et Markus Egli ; Musée national suisse, Zurich, Hanspeter Lanz ;

– à mes guides slovaques, Vladimir Petrovic et sa fille Nina (interprète allemande) ;

– aux chercheurs et chercheuses qui m’ont fait part de leurs propres découvertes : Gaël Comment, Ludwig Eschenlohr, Vincent Friedli, Robert Girard, René Koelliker, Marie-Angèle Lovis, Guy Marin, Denis Moine, Jean-Paul Prongué, Gisela Thierrin-Michael, Luce Tissot, Marie-Thérèse Torche-Julmy, René Vermot-Desroches ;

(6)

– à Bernard Migy, photographe ;

– à la Société jurassienne d’Émulation, Porrentruy, par sa secrétaire, Natalia Da Campo, pour sa collaboration en matière comptable ;

– aux personnes grâce auxquelles le lavage de l’abondant mobilier récolté a pu commencer pendant la fouille déjà. Merci pour leur temps, offert dans la bonne humeur et la curiosité, à Anthony Babey, Anne, Cécile et Marij Babey, Claude et Juliette Canard, Micheline Clerc, Carine Deslex, Clément Gaignat, Robert Girard, Philippe Gode, Elodie Granet, Marie-Angèle Lovis, Laetitia Macler, Thérèse Marmier, Christine Meyer, Denis Morin, † Jean-Pierre Renard, Patrick Rondez, Sophie Rondez, Émile Sanglard, Luce Tissot ;

– à Yvette Girard, soutien logistique durant les fouilles ; – au bureau de géomètre Vital Lachat, Alle ;

– à l’entreprise Francis Beuchat à Cornol pour le délicat travail que le machiniste Fernando Manuel a su réaliser ;

– à Claude Ramseier, ancien chimiste cantonal jurassien (législation sur le plomb) ; – à Jean Parrat, hygiéniste cantonal du travail (législation sur l’usage du plomb) ;

– au Bureau d’édition de la Section d’archéologie et paléontologie, Marie-Claude Farine, Vincent Friedli et Simon Maître, pour leur professionnalisme.

Et bien sûr un grand merci à ma famille, en particulier à mes parents et à ma sœur, pour les innom-brables heures passées en relecture ; au sabotier André Gaignat, doué d’une grande patience pour avoir toléré chez lui pendant des années plus d’une centaine de caisses de mobilier céramique…

(7)

Remerciements ... 3

Table des matières ... 5

1 Introduction ... 11

1.1 État de la recherche et travaux personnels préliminaires ... 11

1.2 Problématique ... 12

1.3 Choix du cadre chronologique et géographique ... 14

1.4 Méthode et plan ... 14

1.5 Sources et documentation ... 15

1.5.1 Sources archéologiques ... 15

1.5.1.1 Le site de Cornol - Lion d’Or ... 15

1.5.1.1.1 Localisation ... 15

1.5.1.1.2 Circonstances de la découverte ... 16

1.5.1.1.3 Emprise, calendrier des fouilles archéologiques et méthode d’intervention ... 17

1.5.1.1.4 Nature du gisement et stratigraphie ... 17

1.5.1.1.5 Structures archéologiques ... 22

1.5.1.1.6 Nature, prélèvement et traitement du mobilier archéologique ... 23

1.5.1.2 Autres sources archéologiques ... 24

1.5.2 Sources historiques ... 25

1.5.2.1 Fonds d’archives consultés ... 25

1.5.2.2 Catégories d’archives utilisées ... 26

1.5.2.3 Fiabilité des sources ... 26

1.5.2.4 Un rendez-vous manqué : l’Enquête des Préfets ... 28

1.6 Limites et contraintes ... 29

2 La poterie et ses artisans ... 31

2.1 Producteurs de poterie : potiers de terre et poêliers ... 31

2.1.1 De la difficulté d’appréhender le métier par son nom ...31

2.1.2 Origine de la profession : les plus anciennes mentions ... 31

2.1.3 Lieux d’origine et statut politique ... 32

2.1.4 L’atelier du potier : hiérarchie et partage des tâches ... 33

2.1.5 Formation et transmission du savoir-faire ... 34

2.1.6 Localisation, taille et durée de vie des ateliers ... 38

2.1.7 Dénombrement des potiers et modes de production ... 40

2.1.8 Rôle de la corporation et du prince ... 42

2.1.9 La confrérie de Saint-Barthélemy ... 42

2.1.10 Le renouvellement du rôle de 1778 ... 43

2.1.11 Les organes dirigeants ... 43

2.1.12 Une exception au sein de la corporation : les potiers de Bonfol ... 43

2.1.13 Époque française : l’abolition des corporations et le système des patentes ... 45

2.1.14 Statut de la profession ... 45

2.1.15 Concurrence... 45

2.1.16 Conditions de vie et pluriactivité ... 47

2.1.17 Migration et itinérance ... 49

2.1.18 Endogamie professionnelle et dynasties ... 50

2.1.18.1 Généalogie des familles potières de Bonfol ... 50

2.1.18.1.1 Origine des familles ... 51

2.1.18.1.2 Les familles potières ... 52

2.1.18.2 Les potiers de Cornol ... 56

2.1.18.3 Les Reiser : une dynastie de potiers, de Rouffach à Charmoille et Porrentruy ... 56

2.2 Matières premières, moyens de production et chaîne opératoire de la poterie ... 57

2.2.1 Matières premières ... 57

2.2.1.1 L’argile ... 57

2.2.1.1.1 Ressources géologiques potentielles et localisation des gisements exploités ... 57

2.2.1.1.2 Propriété de la terre et accessibilité ... 59

2.2.1.1.3 Modalités d’extraction, de traitement et de préparation ... 59

2.2.1.1.4 Stockage et réserves ... 60

2.2.1.1.5 Exportation ... 60

2.2.1.2 L’eau ... 60

2.2.1.3 Les glaçures ... 60

2.2.2 Un combustible rare : le bois ... 63

2.2.3 Moyens de production : outils et fours ... 64

2.2.3.1 Outils du potier de terre d’après les sources écrites... 64

2.2.3.2 Les fours ... 66 2.2.3.2.1 Localisation ... 67 2.2.3.2.2 Dimensions ... 68 2.2.3.2.3 Architecture ... 68 2.2.3.2.4 Propriété ... 68 2.2.3.2.5 Nombre ... 68 2.2.3.2.6 Partage ... 69

(8)

2.2.5 Autres productions en céramique ... 75

2.2.6 Volume et qualité des productions ... 75

2.3 Aspects commerciaux de la poterie... 75

2.3.1 Sources ... 75 2.3.2 Clientèle ... 76 2.3.3 Renommée ... 76 2.3.4 Vendeurs ... 77 2.3.5 Lieux de chalandise ... 78 2.3.6 Marchandises vendues... 79 2.3.7 Modalités de vente ... 80 2.3.7.1 Commandes ... 80 2.3.7.2 Foires et marchés ... 80

2.3.7.3 Dates de départ et fréquence des voyages ... 80

2.3.7.4 Moyens de transport et voiturage ... 80

2.3.7.5 Colportage ... 81

2.3.7.6 Vente en magasin ... 82

2.3.7.7 Grossistes ... 82

2.3.8 Voies de communication et entraves au commerce ... 82

2.3.9 Prix de vente ... 83

2.3.10 Concurrence... 83

3 La terre cuite architecturale et ses artisans ... 85

3.1 Introduction ... 85

3.1.1 La tuile, un produit banal ? ... 85

3.1.2 État de la recherche ... 85 3.1.3 Les sources ... 85 3.2 Les hommes ... 86 3.2.1 Le statut du tuilier ... 86 3.2.2 Lieux d’origine ... 86 3.2.3 Formation et apprentissage ... 86

3.2.4 Gain et niveau de vie ... 86

3.2.5 Main-d’œuvre : ouvriers, compagnons, valets et aides ... 87

3.2.6 Rôle des épouses ... 87

3.2.7 Activités parallèles ... 87

3.2.8 Itinérance et migration ... 88

3.3 Les tuileries ... 88

3.3.1 Choix du lieu d’implantation ... 88

3.3.2 Infrastructures de production ... 89

3.4 Les matières premières et l’outillage ... 89

3.4.1 L’argile ... 89

3.4.2 Le sable ... 90

3.4.3 Le calcaire à chaux ... 90

3.4.4 L’outillage ... 90

3.5 Combustible : provenance, prix et volume de bois consumé ... 91

3.6 Fours et cuites ... 92

3.6.1 Fours ... 92

3.6.2 Cuites ... 92

3.6.3 Rendement ... 93

3.7 Productions : typologie et usages ... 94

3.7.1 Tuiles plates (ou plaines), simples ou doubles, à crochet ... 94

3.7.2 Méthodes de production ... 94

3.7.3 Autres tuiles ... 94

3.7.4 Dimensions des tuiles ... 95

3.7.5 Carrons et tablettes ...95 3.7.6 Chaux ... 95 3.7.7 Qualité de la production ... 96 3.8 Demande et concurrence ... 97 3.9 Vente ... 99 3.9.1 Prix et diffusion ... 99 3.9.2 Marchands ... 99

3.9.3 Politique d’encouragement des autorités ... 100

3.10 Tuileries et tuiliers d’Ajoie : histoire et dynasties ... 100

3.10.1 Ville de Porrentruy ... 101

3.10.1.1 Mode de gestion ... 101

3.10.1.2 Localisation ... 101

3.10.1.3 Infrastructure de production ... 102

3.10.1.4 Tuiliers de la ville de Porrentruy ... 102

3.10.2 Château de Porrentruy ... 104

3.10.2.1 Localisation ... 104

3.10.2.2 Exploitants ... 105

3.10.2.3 Statut du tuilier de la cour... 105

3.10.2.4 Brevet pour le nouveau tuilier (Jean Georges Bischoff) du 20 février 1788 ... 105

(9)

3.10.5 Charmoille ... 108

3.10.6 Première tuilerie de Boncourt ... 110

3.10.7 Chevenez ... 110

3.10.7.1 Tuilerie Laville ... 111

3.10.7.2 Tuilerie Dannecker ... 111

3.10.7.3 Tuilerie Gigon ... 111

3.10.8 Rocourt ... 112

3.10.9 Autres tuileries de Boncourt ... 113

3.10.9.1 Tuileries Plomb et Dupré... 113

3.10.9.2 Tuilerie Bée ... 113

3.10.10 Fontenais et Montignez : deux tentatives avortées ... 114

3.10.11 Cornol ... 114

3.10.11.1 Tuilerie de l’ancienne faïencerie ... 114

3.10.11.2 Tuilerie de la route de Courgenay ... 115

3.10.11.3 Tuilerie du Haut du Village ... 116

3.10.12 Bonfol ... 116

3.10.12.1 Tuilerie Laurent Macquat, lieu-dit La Place ... 116

3.10.12.2 Tuilerie Jean Baptiste Macquat, lieu-dit Rière la Rangier au maire ... 117

3.10.12.3 Tuilerie Fattet ... 117 3.10.13 Courgenay ... 119 3.10.14 Damvant ... 119 3.10.14.1 Tuilerie Beuclair ... 119 3.10.14.2 Tuilerie de Billefolle ... 119 3.10.14.3 Tuilerie du Lomont ... 119 3.10.15 Asuel ... 120 3.10.16 Damphreux ... 120 3.10.17 Bressaucourt... 120 3.10.18 Bure ... 120 3.10.19 Alle ... 120

3.11 Action des autorités et influence de la législation ... 121

3.12 Une mécanisation tardive ... 121

4 La faïencerie de Cornol (1760-1824) : histoire et productions... 123

4.1 Contexte général de la faïence en Suisse et en France de l’Est au xviiie siècle ... 123

4.2 Histoire de la faïencerie ... 124

4.2.1 La faïencerie pendant l’Ancien Régime ... 124

4.2.1.1 Contexte économique de l’Évêché de Bâle vers 1760 ... 124

4.2.1.2 Le fondateur : Georges Humbert Triponez, un avocat entreprenant ... 125

4.2.1.3 Choix de l’emplacement et argile ... 126

4.2.1.4 Rôle du prince et enjeu énergétique ... 126

4.2.1.5 Première phase de production ... 129

4.2.1.6 L’association avec Exchaquet ... 129

4.2.1.7 Succession Triponez : un épisode mouvementé ... 129

4.2.1.8 La période Cattin ... 131

4.2.1.9 Le consortium Rengguer - Delphis - de Rosé - Béchaux ... 132

4.2.1.10 Accueil et perception de la nouvelle manufacture ... 135

4.2.1.11 Conclusion ... 137

4.2.2 Les périodes révolutionnaire et française ... 138

4.2.2.1 Le rôle de l’État ... 138

4.2.2.2 Première phase de diversification et de lutte pour la survie : la tuilerie ... 138

4.2.3 La Période bernoise ... 139

4.2.3.1 Delphis Fils ... 139

4.2.3.2 Seconde phase de diversification : le projet de teinturerie ... 139

4.2.3.3 La fin de la période Delphis avec la réduction en tuilerie ... 140

4.2.3.4 Vautherin : un marchand de vin converti à la tuile... 141

4.2.3.5 Les frères Schaad et la fin de la tuilerie ... 141

4.2.3.6 La poterie de la faïencerie ... 142

4.2.3.7 De nouvelles affectations pour la faïencerie ... 142

4.2.3.8 Les limites de l’autofinancement ... 143

4.3 Aspects technologiques ... 143

4.3.1 Fabrication de la faïence : généralités ... 143

4.3.2 L’argile ... 144

4.3.2.1 Géologie des gisements potentiels ... 144

4.3.2.2 Localisation des gisements exploités ... 145

4.3.2.3 Accessibilité de la terre et politique communale ... 145

4.3.2.4 Volumes excavés et conséquences sur l’environnement ... 145

4.3.2.5 Traitement et préparation... 146

4.3.2.6 Argile locale, importations de terres réfractaire, mélanges, sable ... 146

4.3.2.7 Mise en forme et outillage ... 147

4.3.2.8 Séchage ... 148

4.3.3 Émail ... 148

4.3.4 Colorants et décors ... 151

(10)

4.3.6.1.2 Histoire des bâtiments ... 155

4.3.6.1.3 Agencement intérieur ... 157

4.3.6.1.4 Affectations des bâtiments ... 157

4.3.6.2 Fours ... 157

4.3.6.3 Infrastructures liées à l’eau ... 159

4.3.6.4 Moulins ... 159 4.3.6.5 Fosses à argile ... 160 4.3.6.6 Lieux de stockage ... 160 4.3.7 Céramique technique ... 160 4.3.7.1 Bols à argile ... 160 4.3.7.2 Godets de peintre ... 160 4.3.7.3 Matériel d’enfournement ... 160

4.3.7.3.1 Auxiliaires pour l’enfournement en échappade ... 161

4.3.7.3.2 Auxiliaires pour l’encastage ... 162

4.3.7.3.3 Auxiliaires de calage ... 165 4.3.7.4 Creuset ... 166 4.3.8 Main-d’œuvre ... 167 4.3.8.1 Nombre et fonction ... 167 4.3.8.2 Origine ... 167 4.3.8.3 Mobilité ... 168 4.3.8.4 Salaire ... 168

4.3.9 Rythme de travail et nombre de cuites ... 169

4.3.10 Secrets de fabrication ... 169

4.4 Productions ... 169

4.4.1 Palette des différents types de céramique produits à Cornol ... 169

4.4.1.1 Biscuit ...169

4.4.1.2 Faïence stannifère blanche ...170

4.4.1.3 Terre de pipe ... 170

4.4.1.4 Faïence culinaire ... 172

4.4.1.4.1 Faïence à cul noir ... 172

4.4.1.4.2 Faïence mouchetée ... 173

4.4.1.5 Faïence vert-de-mer ... 173

4.4.1.6 Faïence manganèse... 173

4.4.1.7 Faïence gris bleuté ... 174

4.4.1.8 Poterie ... 174

4.4.2 Biscuit : formes attestées par la fouille et les archives, comparaisons ... 175

4.4.2.1 Coupelles circulaires ... 175

4.4.2.2 Assiettes calottes circulaires ... 175

4.4.2.3 Assiettes circulaires à aile droite ... 175

4.4.2.4 Assiettes circulaires à aile contournée ... 176

4.4.2.5 Plats ... 176

4.4.2.6 Saladiers et plats creux ... 177

4.4.2.7 Jardinière ou cuvette ... 177

4.4.2.8 Bols et écuelles ... 177

4.4.2.9 Terrines ovales couvertes ... 177

4.4.2.10 Terrines rondes ... 178

4.4.2.11 Plats creux octogonaux ... 178

4.4.2.12 Couvercles circulaires et prises... 179

4.4.2.13 Tasses ... 179 4.4.2.14 Anses isolées ... 179 4.4.2.15 Pots divers ... 179 4.4.2.16 Pots verseurs ... 180 4.4.2.17 Théières ... 180 4.4.2.18 Biberon de malade ... 180 4.4.2.19 Verseuses ... 180 4.4.2.20 Saucière ... 180 4.4.2.21 Faisselle ... 182 4.4.2.22 Sucrier ... 182 4.4.2.23 Seaux d’aisance ... 182 4.4.2.24 Plats à barbe ... 182 4.4.2.25 Bourdaloue ... 183 4.4.2.26 Vases à fleurs ... 183

4.4.2.27 Pique-fleurs (bouquetière d’applique) ... 183

4.4.2.28 Pots à fleurs ... 183

4.4.2.29 Bougeoir et corbeille à jours ... 183

4.4.2.30 Écritoire ... 183

4.4.2.31 Animaux et personnage en ronde-bosse ... 184

4.4.3 Biscuit : décors attestés par la fouille et les archives, comparaisons ... 186

4.4.3.1 Décors plastiques en bas-relief ... 186

4.4.3.1.1 Grains de riz ... 186

(11)

4.4.3.1.5 Lettres ... 188 4.4.3.1.6 Motif rayonnant ... 188 4.4.3.1.7 Agrafes ... 188 4.4.3.1.8 Godrons ... 188 4.4.3.2 Éléments gravés ... 188 4.4.3.2.1 Graffiti ... 188 4.4.3.2.2 Rosace ... 188 4.4.3.3 Chiffres estampillés ... 188

4.4.3.4 Éléments peints sur biscuit ... 188

4.4.4 Faïence stannifère blanche : formes attestées par la fouille et les archives, comparaisons ... 189

4.4.4.1 Tasses ... 189

4.4.4.2 Godets d’encrier ... 189

4.4.4.3 Salière ... 189

4.4.4.4 Bol et écuelles ... 189

4.4.4.5 Pots à lèvre éversée ... 189

4.4.4.6 Formes à rebord ... 189

4.4.4.7 Pots de chambre ... 190

4.4.4.8 Terrines ... 190

4.4.4.9 Pots verseurs ... 191

4.4.4.10 Plats à barbe ... 191

4.4.4.11 Autres formes non représentées ... 191

4.4.5 Faïence stannifère blanche : décors peints attestés par la fouille et les archives, comparaisons ... 191

4.4.5.1 Introduction ... 191

4.4.5.2 Décor de grand feu en qualité ordinaire contournée et non contournée ... 192

4.4.5.2.1 Décor au sceau de Salomon ... 192

4.4.5.2.2 Bouquet à la rose en camaïeu bleu en qualité contournée ... 192

4.4.5.2.3 Décor à la rose manganèse ... 192

4.4.5.2.4 Décor à la campanule ... 192

4.4.5.2.5 Décor à l’œillet ... 193

4.4.5.2.6 Architecture ... 197

4.4.5.2.7 Oiseau sur la barrière ... 197

4.4.5.2.8 Scarabée ... 197

4.4.5.2.9 Liserons ... 197

4.4.5.2.10 Fleurs ponctuées ... 197

4.4.5.2.11 Fleur centrale stylisée ... 197

4.4.5.2.12 Croisillons ponctués ... 197

4.4.5.2.13 Filets, cordons, frises et guirlandes ... 198

4.4.5.2.14 Décor à l’éponge ... 198

4.4.5.2.15 Décor au chablon ... 198

4.4.5.3 Inscriptions ... 198

4.4.5.4 Décor au réverbère ordinaire et en qualité fine ... 198

4.4.6 Terre de pipe : formes attestées par la fouille et par les archives ... 198

4.4.7 Terre de pipe : décors ... 199

4.4.7.1 Grain de riz ... 199

4.4.7.2 Godrons verticaux ... 199

4.4.7.3 Guirlandes de fleurs ... 199

4.4.7.4 Motifs peints ... 199

4.4.7.5 Conclusion ... 199

4.4.8 Faïence à cul noir : formes et décors ... 199

4.4.9 Faïence mouchetée : formes et décors ... 199

4.4.10 Faïence vert-de-mer : formes et décors ... 200

4.4.11 Faïence manganèse et violette surcuite : formes et décors ... 200

4.4.12 Faïence (?) gris bleuté : formes, décors et comparaisons ... 200

4.4.13 Catelles de poêles et planelles : formes et décors ... 200

4.4.14 Planelles ... 201

4.4.15 La poterie d’imitation du style Heimberg: formes et décors ... 201

4.4.16 Circulation des techniques, influences stylistiques, attributions et datation ... 203

4.4.17 Estimation du volume de la production ... 205

4.5 Mobilier exogène ... 205

4.5.1 Métal ... 205

4.5.2 Os ... 205

4.5.3 Poterie de Bonfol ... 205

4.5.4 Poterie à glaçure transparente verte ... 206

4.5.5 Poteries à glaçure transparente ocre ... 206

4.5.6 Poterie à glaçure transparente jaune mouchetée sur engobe blanc ... 206

4.5.7 Poteries à glaçure transparente jaune ... 207

4.5.8 Poterie à peinture sous glaçure ... 207

4.5.9 La poterie à glaçure manganèse ... 208

4.5.10 Squelette humain ... 208

4.6 Commercialisation ... 208

4.6.1 Introduction ... 208

4.6.2 Clientèle ... 209

(12)

4.6.4 Prix ... 213

4.6.5 Réputation et concurrence ... 213

4.6.6 Marque ... 216

5 Synthèse et discussion... 217

5.1 La poterie ajoulote : persistance d’un système artisanal en contexte rural ... 217

5.1.1 Un dispositif centre-périphérie ... 217

5.1.2 Ressources et territoire : les conditions du développement ... 218

5.1.3 Circulation des productions : aires de diffusion et réseaux commerciaux ... 219

5.1.4 Entre tradition et modernité : la renommée d’une production de vaisselle de cuisson ... 220

5.2 L’Ajoie comme centre de la terre cuite architecturale ... 222

5.3 La faïencerie de Cornol : un modèle d’économie préindustrielle ... 223

5.3.1 Difficultés constantes... 223

5.3.2 Stratégies de survie : qualité et diversification ... 224

5.3.3 Productions ... 225

5.3.3.1 Chronologie relative ... 225

5.3.3.2 Composition du gisement ... 226

5.3.3.3 Types de production ... 227

5.3.3.4 Catalogue ... 227

5.3.3.5 Styles et caractéristiques de la faïence stannifère blanche de Cornol ... 227

5.3.3.6 Styles ... 228

5.3.3.7 Fonctions ... 229

5.3.4 Place de la faïencerie de Cornol dans le contexte régional et européen ... 229

6 Conclusion ... 231

7 Perspectives ... 239

7.1. Approfondissement des questions économiques... 239

7.2 Enquête orale ... 239

7.3 Iconographie ... 239

7.4 Étude des périodes précédente et suivante ... 239

7.5 Archéologie préventive ... 240

7.6 Analyses archéométriques ... 240

7.6.1 Préalables ... 240

7.6.2 Pâtes ... 241

7.6.3 Couvertes ... 241

7.6.4 Pigments utilisés pour les décors peints ... 241

7.6.5 Conclusion ... 241

Glossaire ... 243

Abréviations ... 247

Annexe 1 – Sources ... 249

Annexe 2 – Liste alphabétique et biographique des personnes ... 267

Annexe 3 – Salaires de référence vers 1780 ... 281

Annexe 4 – Unités de mesure et monétaires ... 281

Notes ... 283

Résumés ... 323

Bibliographie ... 327

Catalogue ... 341

Crédit iconographique ... 477

(13)

1.1 État de la recherche et

travaux personnels préliminaires

Par nature inaltérable, la céramique* 1 est un matériau privilégié

dans l’étude des sociétés qui l’ont produite et/ou utilisée depuis le Néolithique. Elle représente souvent le seul témoignage qui subsiste parmi la culture matérielle des époques éloignées. Dans le but de pouvoir en tirer le maximum d’informations, les archéologues ont mis au point plusieurs méthodes d’explo-ration basées sur le classement par type de pâte et la typologie – notamment la chronotypologie qui vise à utiliser le tesson* comme fossile directeur, indice datant des couches archéolo-giques. L’archéométrie vient en aide à l’archéologie, en fournis-sant des éléments précifournis-sant où et comment ont été fabriquées les pièces étudiées au travers de l’analyse de la composition de leur argile. Ces informations permettent d’approfondir les questions liées à l’approvisionnement en matières premières, ainsi qu’au déplacement des céramiques entre lieu de production et lieu de consommation. Mises au point pour pallier l’absence de sources écrites comme moyen de connaissance dans l’étude des périodes anciennes du Néolithique au Haut Moyen Âge, ces méthodes sont applicables à toutes les époques, y compris les plus récentes. Dès lors, la céramique devient un vecteur de connaissances larges et apporte des indications d’ordre aussi bien technologique (mise au point et modalités d’adoption des diverses techniques de mise en œuvre des ressources en argile* et de décoration), que sociologique (organisation de la production, forme et fonction des divers objets fabriqués dans cette matière, degré d’ornementation et de raffinement, utilisation) ou économique (quantités produites et consommées, distance entre lieu de production et lieu de consommation, itinéraires commerciaux, intermédiaires). Elle contribue donc de manière significative à la connaissance de divers aspects de l’évolution de la culture maté-rielle et du comportement économique et social de l’homme. L’histoire de la recherche archéologique explique le bilan contrasté des connaissances suivant les périodes considérées. Force est de constater, en effet, que nous en savons plus sur les poteries* gallo-romaines, souvent datables à quelques années près grâce aux marques fréquentes des potiers, que sur les pro-ductions céramiques régionales d’Europe centrale entre le xvie et le xixe siècle, dépourvues de signes de producteurs. L’Époque moderne, considérée ici au sens large, entre la fin du Moyen Âge et l’Ère industrielle, bien que proche de nous dans le temps, conserve encore une bonne part de mystère dans ce domaine. Malgré tous les écrits d’ordre culturel conservés et publiés et toutes les recherches qui ont déjà donné lieu à des publications fouillées, la vie quotidienne de notre passé récent ainsi que l’économie et la technologie qu’elle sous-tend restent largement méconnues.

Les céramiques de l’Époque moderne ont d’abord fait l’objet d’études d’histoire de l’art. Pendant longtemps, l’intérêt s’est en effet focalisé sur le bel objet de collection en partant de

dérées comme telles, c’est-à-dire, nous en sommes mainte-nant conscients, sur une toute petite partie de la production réelle. Mais les méthodes mises au point pour l’archéologie en général se sont révélées non seulement applicables aux céramiques modernes, mais fort utiles afin d’en renouveler l’approche.

En Europe, l’archéologie moderne s’est développée d’abord en Angleterre 2, notamment à travers l’émergence de l’archéologie

industrielle, et aux Pays-Bas, puis en France dès les années 1960, à partir des fouilles préventives, enfin, en Suisse depuis une ving-taine d’années. Elle a entraîné la recherche historique dans son sillage pour résoudre les questions qu’elle se posait.

De nouveaux secteurs d’investigation ont ainsi été ouverts par la confrontation de tous ces questionnements, notamment au niveau de l’observation de l’évolution technologique (mise au point de nouveaux procédés et chronologie des étapes de la dif-fusion de ceux-ci) ou de l’usage des objets en céramique. Dans le domaine de la céramique, l’archéologie a étudié, dans un premier temps, l’abondant mobilier issu des fouilles sous l’angle presque exclusivement typologique. Depuis les années 1980, elle s’intéresse également à l’aspect plus technique des modes de production de ces vestiges. Or qui dit technologie dit intelligence humaine ; ainsi sont apparues naturellement des questions touchant aux artisans qui se dissimulent derrière ces objets « muets ». Les documents d’archives, bien que dif-fus et difficiles à interpréter, peuvent répondre, au moins par-tiellement, à ces questions. Néanmoins, plusieurs chercheurs ont tenté l’exercice avec acharnement et profit. En France, par exemple, plusieurs thèses se sont intéressées à la céramique médiévale ; non publiées, elles sont synthétisées dans l’article que J. et O. Chapelot 3 consacrent à l’artisanat de la poterie

et de la terre cuite architecturale comme moyen de connais-sance des sociétés rurales au Moyen Âge. De manière générale, la recherche en céramologie postmédiévale s’intéresse main-tenant à remettre les créations céramiques dans leur contexte technologique, à identifier les éventuelles innovations et, le cas échéant, à dater ces étapes, à comprendre les modes de consommation ou encore les déplacements commerciaux, afin d’en circonscrire les enjeux économiques. Ainsi, l’ordre d’im-portance hiérarchique des différentes familles de céramiques ou les critères esthétiques perdent-ils considérablement de leur importance au profit d’un questionnement où plusieurs disci-plines se confrontent et concourent à donner des réponses, et où les directions de recherches se proposent de préciser l’usage des poteries, la localisation des ateliers et le déplacement tant des produits que des producteurs.

En Suisse, du point de vue archéologique, la prise en compte du patrimoine des Temps modernes est relativement récente. Archéo-logie Suisse, association fondée en 1907 regroupant l’ensemble des personnes intéressées par l’archéologie sur le territoire helvé-tique, a intégré ce thème lors de son assemblée générale de 2005. Sans attendre cet assentiment, plusieurs publications récentes permettent un sérieux rattrapage qui va s’accélérant dans le domaine de la céramique avec des études souvent pluridiscipli-naires comme la thèse d’Adriano Boschetti-Maradi portant sur

(14)

la vaisselle et la poterie du début de l’Époque moderne dans le canton de Berne 4, les recherches sur les faïenceries de Fribourg

et Vuadens (FR) 5, ou encore la thèse d’Annamaria Matter

consa-crée aux fabriques zurichoises de Kilchberg-Schooren 6. Sous

l’angle historique, nous retiendrons les quelques rares exemples d’études monographiques de manufactures suisses : la faïencerie des Pâquis (Genève) 7 et celle de Zurich 8.

La recherche sur l’artisanat de la terre cuite, en milieu rural plus spécifiquement, a retenu l’attention de quelques auteurs, dont l’ouvrage de Lotti Frascoli traitant de la céramique de la région de Winterthur (ZH) 9, celui consacré à Matzendorf (SO) dans le

cadre des 200 ans de production céramique dans cette localité 10,

et la récente monographie d’Andreas Heege, Andreas Kistler et Walter Thut concernant les potiers de Bäriswil (BE) 11.

Dans le Jura, l’intérêt pour la céramique régionale a bénéficié d’un renouveau depuis les années 2000, grâce aux efforts conju-gués de la Section d’archéologie liée aux travaux autoroutiers de l’A16-Transjurane et du Musée et Fondation Poteries de Bonfol. En ce qui concerne le Jura historique, le tome II de l’ouvrage de Gustave Amweg Les arts dans le Jura bernois et à Bienne, paru en 1941, reste le socle de nos connaissances. Concernant la céramique, il se base à la fois sur les écrits de ses prédécesseurs Bridel, Morel et Vautrey 12, et sur les sources documentaires

dont il est le premier auteur à avoir ressenti l’intérêt concer-nant la poterie 13. Les sondages qu’il a pratiqués,

essentielle-ment dans les fonds des Archives de l’ancien Évêché de Bâle et dans ceux de la Bourgeoisie de Porrentruy, lui ont permis de rassembler une foule de renseignements précieux dont il a mal-heureusement omis d’indiquer les cotes la plupart du temps 14.

Les tuileries n’y sont absolument pas abordées, ce qui s’accorde avec la recherche en général, qui n’a jamais pensé trouver dans ce matériau un objet d’étude assez original, exception faite de l’important ouvrage consacré récemment par Isabelle Roland aux Maisons rurales du canton du Jura 15. G. Amweg a, en outre,

procédé à un inventaire des poêles de luxe encore en place à son époque.

Les arts dans le Jura bernois et à Bienne constitue l’origine de nos propres explorations dans le domaine céramique. Même si G. Amweg n’a pas cherché à être exhaustif et complet dans tous les domaines artistiques abordés, il a touché aux points les plus importants, produisant ainsi un précieux document qui sert toujours de base aux études actuelles. Les collections archéo-logiques, et particulièrement le grand corpus de céramiques modernes trouvé dans le cadre des travaux autoroutiers à Por-rentruy - Grand’Fin, a déjà fourni des résultats du plus haut inté-rêt. En 1995, un ensemble inédit composé de plus de 13 000 tessons d’Époque moderne a en effet été conservé, au vu de son volume. L’étude des fragments de poterie constitue notre mémoire de licence, permettant de caractériser pour la première fois les productions les plus anciennes publiées actuellement pour Bonfol, vers 1750-1830 16. Les autres catégories céramiques

de ce mobilier, faïence, porcelaine*, faïence fine*, catelles* de poêles et pipes en terre, ont pu être décrites ultérieurement, dans le cadre des travaux autoroutiers. L’ensemble a été publié en 2003 dans la série des Cahiers d’archéologie jurassienne 17.

Les objets du site de Grand’Fin ont également été présentés au public dans le cadre de la seconde exposition organisée par le

musée de la poterie à Bonfol (saison 2006/2007) à laquelle nous avons pris une part active. Un article a été consacré aux deux essais d’implantation infructueux dans l’ancien Évêché de Bâle du faïencier originaire de Lenzbourg Johann Jacob Frey ×18, sur

la base de plusieurs documents originaux glanés au hasard des explorations d’archives. Lors de la Deuxième Table ronde franco-suisse consacrée aux faïences et faïenceries de l’Arc jurassien et de ses marges, nous avons apporté notre contribution en donnant quelques exemples de ce que les archives peuvent fournir dans la connaissance des artisans de la céramique 19. Enfin, dans le

cadre de la fête organisée par les Amis suisses de la céramique pour les 80 ans de son rédacteur et ancien président, Rudolf Schnyder, ancien conservateur au Musée national suisse, nous avons été conviée à donner une contribution sur nos recherches en cours 20.

1.2 Problématique

La céramique n’est pas seulement inaltérable. Une autre de ses qualités est qu’elle se trouve à la frontière de la technique et de l’utilitaire, au carrefour entre la matière et les hommes, à l’inter-face entre un territoire, ses ressources et la société qui y vit. C’est un matériau privilégié, un marqueur chronologique et culturel, non seulement pour l’étude des sociétés passées, mais également pour les sociétés subactuelles, voire actuelles.

La présente étude trouve son origine dans la volonté d’approfon-dir la question des acteurs jurassiens de la céramique, suite à nos premières recherches concernant la fin du xviiie et le début du xixe siècle, conduites principalement sur des tessons.

Les époques historiques offrent une particularité de taille, avec la présence de documents écrits. Nous avons cherché à savoir d’abord qui sont les personnes qui ont conçu, fabriqué et dis-tribué les céramiques produites localement. Logiquement, la problématique s’est élargie d’elle-même, grâce à tous les autres indices apparaissant dans les actes d’archives, à la localisation et à la durée de vie des ateliers, aux techniques de fabrication, au vocabulaire utilisé à l’époque pour désigner aussi bien les outils que les produits finis, aux relations de travail, aux com-manditaires des ouvrages, aux différents types de marchandises produites, aux produits concurrents, et surtout aux matières pre-mières utilisées. Plusieurs enjeux sont en effet liés à l’acquisition et à l’exploitation des matériaux de base, notamment la ques-tion énergétique autour de la gesques-tion forestière. Au travers de cette multitude de renseignements de divers ordres est apparu tout un monde artisanal en relation étroite avec la société de son temps.

L’objet d’étude s’est cristallisé autour d’un véritable anthropo-système constitué d’un ensemble d’éléments complexes en rela-tion de dépendance réciproque, liant les ressources du territoire aux connaissances techniques et au cadre politico-économique. Ce dernier évolue de façon conséquente et rapide au cours de la période considérée, celle-ci étant à cheval sur trois principaux régimes politiques qui se succèdent dans l’espace d’une généra-tion : l’Ancien Régime représenté par la Principauté de Bâle, la Période française au cours de laquelle le territoire est intégré à la France sous plusieurs formes, enfin, le régime bernois marquant l’incorporation à la Suisse.

(15)

Comment le monde artisanal céramique intègre-t-il ces chan-gements rapides ? Les différents secteurs réagissent-ils tous de la même manière ? Mises en relation avec la diversité des ressources du territoire, ces informations posent la question de la mise en œuvre des ressources disponibles. En d’autres termes, quels sont les types de céramiques produits à ce moment de l’histoire moderne régionale ; qui sont les acteurs, quelles sont leurs moti-vations, comment réussissent-ils à mettre en œuvre des connais-sances techniques spécifiques et à s’adapter au contexte général ? En un mot comment ces entreprises arrivent-elles à subsister à travers les vicissitudes temporelles ?

Le but est donc de comprendre la relation entre l’homme et son milieu davantage que de mettre l’accent sur des objets excep-tionnels. Nos travaux personnels de recherches antérieurs nous ont en effet permis de constater que, sur les deux sites archéo-logiques de l’Époque moderne étudiés dans la région juras-sienne, on assiste à une diversification croissante des produits céramiques utilisés entre le troisième quart du xviiie et le début du xixe siècle (Porrentruy - Grand’Fin), phénomène qui se ren-force au fil du xixe siècle (Rebeuvelier - La Verrerie, 1797-1867). L’accroissement de la diversité de l’offre céramique, réguliè-rement observé dans le mobilier de fouilles d’habitat ou de décharges de l’Époque moderne dans la région, est-il alimenté en tout ou partie par les céramistes régionaux ? Les acteurs de la céramique régionale ont-ils participé à ce dynamisme général et si oui, de quelle manière ? Les ressources locales ont-elles été exploitées sans exclusive dans toute l’étendue de leurs poten-tialités ?

Dans une perspective diachronique, il nous a paru important de nous poser la question de l’évolution des types de céramique par rapport au contexte général : ainsi, qu’est-ce qui détermine la qualité, les quantités produites, les lieux de chalandise et les gammes de produits ? Si des différences de comportement entre les grandes catégories que sont la tuile, la poterie, la faïence, sont observées, quels sont les facteurs déterminants ? Y a-t-il un phé-nomène latent de mode ?

Existe-t-il des liens privilégié entre le secteur particulier de la tuilerie et les productions de poterie, de poêles ou de faïence ? Correspond-il à une phase technologique préalable incontour-nable ou s’agit-il d’une activité distincte, par ses acteurs autant que par sa technologie simple ? De manière générale, les céra-mistes à l’œuvre dans les divers secteurs d’activité cultivent-ils des relations particulières entre eux ? Existe-t-il des liens entre les trois principaux secteurs décrits au niveau des acteurs de ces diverses productions ? La hiérarchie sociale établie entre les dif-férents corps de métier de la céramique allant du plus simple (le tuilier) au plus complexe (le porcelainier) a-t-elle un sens dans le contexte considéré ?

La lecture de la littérature spécialisée à disposition montre qu’en Suisse, la production de faïence s’est considérablement déve-loppée dès le xviiie siècle, avec la création des manufactures de Lausanne (1731) 21, Vuadens (1753), Berne (1758 et 1760),

Fri-bourg (1758), LenzFri-bourg (1763 et 1775), Kilchberg - Schooren (1763), Genève (1765) et Beromünster (1771) 22. C’est l’âge

d’or de la faïence, décrit par J. Rosen pour la France entre 1715 et 1789 23. Afin de comprendre les mouvements commerciaux,

il est nécessaire d’identifier préalablement la source des dif-férents types de céramique. Dans les contextes de dépotoirs étudiés dont il est question ci-dessus, sans étude exhaustive des centres de production, il est difficile de distinguer avec cer-titude les productions indigènes et les productions exogènes. C’est la raison pour laquelle il nous a semblé judicieux non seulement de synthétiser les connaissances acquises, mais éga-lement d’en apporter de nouvelles, afin d’enrichir la vision générale des productions régionales. De façon relativement précoce, une manufacture de faïence stannifère est fondée à Cornol en 1760 ; ce sera la seule de l’ancien Évêché de Bâle durant toute la durée de son existence. Or, une importante tra-dition de production de céramique existe préalablement dans cette petite partie de l’Empire à cette époque. Le contexte arti-sanal général impliquant un savoir-faire local en céramique de construction et en poterie a-t-il eu une influence sur le choix de l’implantation de ce pôle d’excellence voué à un nouveau type de céramique à Cornol ? Et à son tour, ce centre de com-pétences va-t-il influencer les productions potières tradition-nelles ? Les destins des différents artisanats de la céramique ne suivent pas la même courbe. Par la suite, la faïencerie va s’arrêter, alors que poteries et tuileries vont poursuivre leur production. Pourquoi ? Cette première démarche, descriptive, constitue le préalable nécessaire à l’interprétation du mobilier en milieu secondaire (lieux d’utilisation, puis d’abandon ou collections publiques ou privées). Aussi intéressante soit-elle, cette phase descriptive doit cependant être dépassée pour arri-ver à écrire une histoire technologique, économique et sociale de la céramique en Ajoie, en partant de l’hypothèse que la tra-dition potière régionale n’est pas étrangère à la création d’un pôle d’excellence : la faïencerie. Un des buts de la fouille était de déterminer s’il existe un ou plusieurs styles propres à la manufacture de Cornol. Le cas échéant, à quoi se rattache ce style : au directeur technique, aux ouvriers spécialisés, voire au propriétaire, à l’influence de la mode, à la demande de la clien-tèle ou à une combinaison de ces différents facteurs ?

Notre réflexion s’étend également à la question de l’innovation. Est-il possible de repérer, au travers des actes d’archives ou des tessons, des étapes d’innovation technologique dans les divers ateliers céramiques locaux ? La faïencerie a-t-elle contribué à l’ac-quisition de nouveaux savoir-faire dans son secteur d’activité ? Le cas échéant, à qui attribuer ces innovations ? Est-il possible de repérer différents stades de progression technologique dans le cadre de sa propre histoire ? Dans le cas contraire, à quoi faut-il attribuer cette absence : au hasard de la conservation, à notre lecture des témoignages ou à un réel défaut innovatif ?

Plus généralement, les archives et la tessonnière racontent-ils la même histoire ? L’étude générale se poursuit jusqu’au tournant des xixe et xxe siècles, juste avant le basculement de la production de poterie vers l’industrialisation, afin de comprendre la résis-tance dont a fait preuve ce secteur économique jusque-là, alors que la faïencerie s’était éteinte bien avant.

À travers cette enquête à la fois historique et archéologique, il s’agit d’analyser les mécanismes à l’origine de la mise en place d’un véritable pôle techno-économique à l’échelle régionale mais aussi d’en analyser les causes prématurées de sa disparition.

(16)

1.3 Choix du cadre chronologique et géographique

Bien que les mentions les plus anciennes faisant état de produc-tion de céramique dans la région (en l’occurrence, de la poterie de poêles à Bonfol) datent du xvie siècle 24, nous avons choisi comme cadre chronologique la période qui s’étend entre 1750 et 1900 environ. Le milieu du xviiie siècle constitue en effet un moment particulier de l’artisanat céramique régional, avec l’apparition de la faïencerie.

Le cadre géographique retenu est l’Ajoie, dans ses frontières actuelles de district. Le choix d’un cadre géographique limité se justifie pleinement, car la recherche actuelle montre que cette échelle est la meilleure pour étudier la céramique de l’Époque moderne, cette dernière montrant un caractère régional fort 25

dans la ligne de la céramique du Moyen Âge, un phénomène fréquemment souligné, mais pas encore expliqué, car trop peu étudié 26. Dans la perspective de synthèses sur l’artisanat céramique

à l’échelle nationale voire européenne, il convient donc de passer par l’étape préalable des analyses à l’échelle locale ou régionale. La présente étude, qui se veut au départ une contribution au niveau régional et au-delà et prend place dans la recherche actuelle en céramique postmédiévale à l’échelle européenne, poursuit ce but. Le choix du cadre chronologique et géographique s’appuie en outre sur le fait que les archives se trouvent en quantité suffi-sante pour permettre de cerner le sujet avec assez de cohérence et au travers de plusieurs angles de vue. L’Ajoie est la région la plus dotée en actes d’archives de toute nature, alors que les fonds d’archives révèlent bien des lacunes dans ce domaine pour les autres zones de l’ancien Évêché de Bâle.

1.4 Méthode et plan

L’objectif poursuivi s’inscrit dans une démarche globale d’ar-chéologie de l’Époque moderne ou des Temps modernes ; celle-ci constitue l’une des branches de l’archéologie historique. Elle se distingue de l’archéologie médiévale par la plage chronologique à laquelle elle s’attache, mais également de l’archéologie indus-trielle, méthode interdisciplinaire qui étudie toutes les preuves (matérielles et immatérielles), les documents, l’iconographie et les textes de descriptions techniques d’époque, les artefacts, la stratigraphie et les structures, les implantations humaines et les paysages naturels et urbains créés pour ou par des processus industriels 27 et possède donc un champ d’application à la fois

limité et immense.

L’objet de l’étude se situant dans le cadre artisanal 28, il ne

répond pas, en effet, à la définition de l’industrie 29, notamment

en termes de division du travail et de financement. L’archéologie de l’Époque moderne se distingue également de l’archéologie contemporaine, attachée au domaine chronologique postérieur à la Première Guerre mondiale.

La démarche repose sur une approche pluridisciplinaire, à la fois archéologique et historique. À partir de l’examen et de la confrontation des différents types de sources, par définition incomplètes, le chercheur essaie de cerner ce que fut la réalité de l’objet dans tous ses aspects, y compris économique et humain, le tout dans une dimension diachronique.

On comprendra, dans ces conditions, la difficulté d’attribution à laquelle sont confrontés les chercheurs en ce domaine. L’iden-tification des productions des petites manufactures et des ate-liers se heurte, en effet, à trois difficultés : l’absence du sens de la propriété commerciale avant la fin du xixe siècle, particuliè-rement lisible dans l’absence de marques d’origine ; le nombre de ces établissements 30 ; enfin, les déplacements et voyages des

ouvriers, qu’ils soient tourneurs, modeleurs ou peintres qui changent de manufacture sans forcément changer de manière 31.

À ces souces de problèmes, il convient d’ajouter la copie, le res-pect de la propriété artistique étant une notion relativement récente 32. Ces remarques sont particulièrement vraies pour les

productions jurassiennes puisque, à ce jour, aucune pièce signée ou marquée n’est connue.

Pour Bonfol, autre important centre régional de production céra-mique, un premier répertoire des formes et des décors de la fin du xviiie siècle - début du xixe siècle a pu être établi sur la base d’un programme d’analyses archéométriques puisque, pour le moment, aucune fouille archéologique n’a été menée à Bonfol même 33 ; il n’en va pas de même pour les faïences de Cornol qui,

jusqu’à maintenant, n’étaient connues que par quelques sources historiques se rapportant davantage à l’histoire de l’entreprise qu’aux formes de ses productions 34.

La méthode la plus convaincante pour pallier ces trois facteurs limitants pour la recherche est la fouille archéologique qui per-met, grâce à la mise au jour de rebuts de fabrication, de présenter des témoins indiscutables de formes et décors produits à proxi-mité du lieu de découverte. En effet, en l’absence de signatures ou de marques de fabrique, l’étude d’ateliers est un préalable nécessaire.

La première démarche est donc de récolter les données propres à former un corpus de référence sur lequel pourront prendre appui les comparaisons ultérieures. Une telle opportunité s’est présentée pour la faïencerie de Cornol, où une fouille de tesson-nière a pu être menée. L’analyse de chaque objet comprend une description de ses caractéristiques morphologiques et technolo-giques. Celle-ci vise à comprendre sa place dans l’évolution chro-nologique. L’ensemble des données est présenté au sein d’un catalogue présentant les formes associées à chacun des groupes techniques, eux-mêmes caractérisés par une analyse descriptive (technique de fabrication, couleur de la pâte*, inclusions* éven-tuelles). Des comparaisons stylistiques sont ensuite envisagées avec les productions similaires à l’échelle locale (mobilier de fouilles archéologiques jurassiennes publiées), régionale (même processus pour la Suisse occidentale, la Franche-Comté et l’Alsace) et internationale (France de l’Est, Allemagne, Suisse orientale, Empire austro-hongrois) : comparaisons autorisées par une évolution commune en France, en Allemagne et en Suisse. De nouvelles attributions (ou réattributions), basées sur ces cri-tères objectifs, montrent également la nécessité de commencer par la fouille d’ateliers.

Pour les périodes médiévales et postérieures, il convient d’ajou-ter aux données archéologiques l’exploitation de la documen-tation de la façon la plus large et la plus variée possible par l’examen de grandes séries d’archives. Les données fournies par les sources écrites et les données de terrain se complètent ainsi

(17)

mutuellement, dans une confrontation dialectique permettant d’établir le plus précisément possible un pan socio-économique de la société régionale dans un cadre évolutif sur le moyen terme. La démarche interdisciplinaire retenue suppose donc une forma-tion, voire une maîtrise des techniques de compréhension et de traitement documentaire dans les deux domaines complémen-taires que sont l’histoire et l’archéologie 35.

L’articulation générale de l’exposé reprend et développe par cha-pitre les grandes catégories céramiques observées. En effet, les ressources à disposition (argiles, bois, eau) conditionnent les types de céramiques réalisables – en l’occurrence, la poterie gla-çurée, la poêlerie, la terre cuite architecturale et la faïence stanni-fère*, ainsi que les technologies relatives à chacune d’elles. Bien que reliées par la matière première et la chaîne opératoire que l’argile impose dans sa transformation en matériau inerte, ces activités restent distinctes au niveau de l’organisation du mode de fonctionnement économique et (à de très rares exceptions près) des acteurs de la production, ainsi que de la répartition dans le territoire 36. De même, leur clientèle, leurs débouchés

économiques et leurs canaux de vente sont différents, tout comme leurs déterminants : par exemple, les lois sur les construc-tions pour les tuiliers, le cadre corporatif sous l’Ancien Régime, plus ou moins contraignant selon que l’on soit potier, tuilier ou faïencier, l’influence de courant artistiques européen pour la faïence et l’utilité quotidienne immédiate pour la poterie. Pour ces raisons, ces thèmes seront traités séparément.

Le plan que nous proposons dans le cadre de la présente étude est le suivant.

Après avoir fait le point sur l’état des connaissances servant de socle à notre étude, la problématique propre à notre approche est esquissée. Puis les cadres géographiques et chronologiques sont fixés. L’introduction se poursuit par la présentation des méthodes utilisées et l’articulation générale de l’ouvrage. Les sources et la documentations sur lesquelles s’appuient l’argu-mentaire sont détaillées et les limites de la démarches sont for-mulées.

Le contexte général de la production de céramique dans lequel vient s’inscrire la fondation de la faïencerie comprend deux volets. Le chapitre 2 est consacré aux potiers et à leurs produc-tions de poteries réfractaires, de service et de poêles. Nous y décrivons les acteurs et les lieux de cette production, ainsi que les différents types de production réelle (et non supposée ou excep-tionnelle) des ateliers régionaux, tant dans leurs aspects typo-logiques que technotypo-logiques. Comme nous gardons à l’esprit que toute production répond à une demande, il n’est pas vain d’essayer de répondre aux questions de commerce et de concur-rence entre les divers types de produits céramiques, ainsi qu’entre productions régionales et importées.

Le chapitre 3 se préoccupe des céramiques architecturales et de ses acteurs, un sujet distinct du premier chapitre tant par ses acteurs que par sa technologie et les produits finis qui en sont issus. La faïencerie de Cornol est ensuite étudiée de façon appro-fondie, tout d’abord au niveau de l’histoire de l’entreprise et de ses protagonistes, investisseurs, artisans ou politiques ; leur statut social, leurs autres activités, leurs enthousiasmes, leurs intuitions,

leurs inimitiés et leurs failles éventuelles sont examinés de la façon la plus complète possible. La production de cette manu-facture est abordée dans ses aspects technologiques, eux-mêmes conditionnés par les matières premières et le combustible à dis-position, ainsi que par la main-d’œuvre porteuse du savoir-faire utile à son fonctionnement. Les productions sont caractérisées au niveau technique, qualitatif et quantitatif sur la base d’un échantillon conséquent et représentatif de mobilier inédit prove-nant des fouilles de la tessonnière* de la manufacture. Leur pré-sentation utilise comme base de classement les différents types de céramiques, puis les formes et les décors. Mais il est tout aussi important de les situer dans leur évolution chronologique. Une esquisse du volet commercial clôt la séquence consacrée à la faïencerie. La clientèle à qui ces faïences sont destinées et qui détermine la finalité de ces objets, est, à son tour, exami-née, notamment en considérant la mise en place de la mode de consommation de la faïence dans la région. Cette clientèle étant sensible au prix d’achat, nous examinons ce qui en détermine la hauteur. En d’autres termes, quels sont les atouts et les faiblesses spécifiques de ce produit d’un point de vue marchand ? Ainsi, les formes et les décors que l’on peut reconstituer à partir des tessons acquièrent, par cette mise en contexte, une dimension captivante, enracinés qu’ils sont dans une dimension humaine (producteurs, politiques, clients) et économique (accès aux matériaux indigènes et importés, ainsi qu’aux énergies, moda-lités de vente). Leur place au sein du processus de caractérisa-tion de la produccaractérisa-tion, pour capitale qu’elle soit par les données intrinsèques que ces tessons fournissent, est en effet insuffisante à elle seule pour comprendre les raisons de leur existence et leurs particularités.

Les éléments de la problématique sont repris, développés et dis-cutés dans le cadre du chapitre 5 et aboutissent à une conclusion. Cet état de la recherche est complété par des pistes de recherche qui constituent autant de perspectives de travaux ultérieurs.

1.5 Sources et documentation

1.5.1 Sources archéologiques

Le site de la faïencerie, appelé « Cornol - Lion d’Or » dans l’inven-taire cantonal, constitue le point central des sources archéolo-giques utilisées dans le cadre de la présente étude. Grâce à la fouille d’une tessonnière de cette manufacture de faïence, il devient en effet possible, pour la première fois, de caractériser les productions de Cornol, restées jusque-là totalement inconnues. 1.5.1.1 Le site de Cornol - Lion d’Or

1.5.1.1.1 Localisation

Le village de Cornol se situe au nord-ouest de la Suisse, dans la partie la plus septentrionale du canton du Jura, l’Ajoie (fig. 1). La localité s’est développée au pied nord du col des Rangiers, le long de la route reliant le Pays de Porrentruy à la vallée de Delémont. Elle est baignée par un ruisseau doté d’un nom moderne : la Cornoline. Le sud de son territoire borde la cluse formée par ce cours d’eau à travers les derniers contreforts du Jura plissé, alors que sa partie nord, plus plate, regarde vers la plaine d’Alsace.

(18)

Le site de Cornol - Lion d’Or est situé au pied du dernier pli du Jura, sur la rive gauche du ruisseau, le long de la route principale, au centre du village (fig. 2). La propriété compte un bâtiment principal, l’ancienne manufacture proprement dite, actuelle-ment restaurant éponyme, ainsi qu’une grange au sud-ouest, de l’autre côté de la cour. La zone explorée a touché la parcelle non construite située au nord du bâtiment principal qui borde la rivière.

1.5.1.1.2 Circonstances de la découverte

En février 2003, l’éboulement accidentel d’une structure portante recouvrant la rivière en bordure du jardin est survenu devant l’ancienne manufacture de faïence, entre le bâtiment et la Cor-noline, obstruant le lit de la rivière et empêchant l’eau de circu-ler librement. Dans l’urgence, une pelle mécanique a désengorgé le cours d’eau qui inondait déjà la cave. En attendant une déci-sion quant à l’aménagement futur de cette parcelle, le chantier est resté ouvert. Sensibilisée à l’existence d’une manufacture de faïence à cet endroit par l’ouvrage de référence de G. Amweg 37,

poussée par la curiosité et munie de la bénédiction du proprié-taire, nous avons pris l’initiative d’explorer les déblais laissés par l’éboulement de 2003 devant la manufacture (fig. 3).

Quelques minutes nous ont suffi pour nous rendre compte que le remblai contenu derrière le mur de soutènement de la rivière abondait en mobilier archéologique lié à la production de faïence (fig. 4). Alerté le lendemain, l’archéologue cantonal François Schifferdecker a consenti à nous laisser rectifier un tron-çon de la coupe de terrain laissée à découvert par l’éboulement, en vue d’une évaluation plus précise au titre d’intervention d’ur-gence bénévole de mai à décembre 2003. Un projet plus large comprenant fouille et étude a été mis sur pied, vu la richesse en témoins encore inédits révélée par les premiers sondages. Outre la gestion des travaux de terrain, nous avons participé activement à la recherche de fonds. Gérés par le Cercle d’archéologie de la Société jurassienne d’Émulation en qualité de tiers, ces moyens financiers ont rendu possibles les interventions archéologiques de 2004 et de 2007.

Fig. 1. Le territoire cantonal jurassien, avec Porrentruy, chef-lieu de l’Ajoie, Cornol et Bonfol.

Fig. 2. Plan de situation de la faïencerie et de la zone fouillée par rapport au ruisseau et à la route principale.

Route principale Zone fouillée

Bâtiment de la faïencerie La Cornoline Suisse Porrentruy Cornol A JO I E VALLÉE DE D ELÉMONT FRANC HES-M ONTA GNES A L SACE FRAN CH E-COM TÉ Bonfol Ü

(19)

1.5.1.1.3 Emprise, calendrier des fouilles archéologiques et méthode d’intervention

Le gisement archéologique se trouve au nord du bâtiment de l’ancienne faïencerie et s’étend jusqu’à la rivière sur une épais-seur qui va grandissant du sud au nord, atteignant plus de 2 m du côté de la rivière. La méthode de fouille ne se distingue pas fondamentalement des opérations réalisées sur des sites d’autres périodes chronologiques et comprenant décapages et réalisation de coupes stratigraphiques 38 (fig. 5 et 6). La fouille a eu lieu

en plusieurs phases. Suite aux modestes interventions de 2003 (coupe 1, partie supérieure des coupes 2, 3, 4 et 5), l’été 2004 a vu l’excavation d’une grande tranchée d’exploration située perpendiculairement au pendage du gisement entre la rivière et le bâtiment permettant l’approfondissement des coupes 2, 3 et 4. En 2007, la dernière campagne de fouille a permis d’explorer quatre zones dont la morphologie a été dictée par les impéra-tifs de prudence, en évitant d’atteindre des canalisations élec-triques actives, de toucher au mur de soutènement de la rivière et de déraciner les arbres ornant le jardin : zone est, zone centre,

zone ouest et zone ouest-ouest. La fouille a consisté en un prélè-vement documenté d’un maximum de mobilier archéologique. Dans un premier temps (2004), les objets archéologiques ont été prélevés par unité de fouille (UF), l’excavation de la tran-chée nous ayant permis de percevoir plusieurs « couches » se dis-tinguant par leur couleur et/ou leur texture, ainsi que par leur contenu mobilier. Ayant rencontré nombre de cas de remontages entres ces différentes unités de fouille, d’une part, par souci de simplification et d’entente avec le service de l’Archéologie can-tonale, d’autre part, nous avons opté pour une documentation simplifiée, lors de la dernière étape de terrain (2007). Ainsi, seuls trois ensembles ont été conservés pour l’enregistrement : l’ensemble supérieur correspondant aux couches 2 et 9-18 de la coupe 6 (fig. 7), la couche intermédiaire généralement stérile décrite à la couche 7 de la coupe 6, et l’ensemble inférieur appelé couche 6 dans la fig. 7 ; fig. 8). Cela rend la stratigraphie significa-tive, car nous avons remarqué, lors du traitement du mobilier de la tranchée de 2004, que la plupart des remontages intervenaient à l’intérieur de ces deux ensembles principaux.

1.5.1.1.4 Nature du gisement et stratigraphie

Dans son manuscrit, Paul Caussy, faïencier actif à Rouen au xviiie siècle, énumère quatre qualités de produits à vendre, de la marchandise parfaite ou loyalle jusqu’au beau rebut 39. Mais dans

une faïencerie, beaucoup de pièces sont ratées au cours de la fabrication en raison de la fragilité du matériau, des contraintes technologiques et des risques liés à la manutention, et prennent le chemin du cassonnier* sur le lieu même de production. Avec les années, cela représente un volume important utilisé comme remblai ou rebouchage, une partie du matériel restant sur place. À Cornol, les investigations ont porté sur un tel dépôt en milieu primaire, un lieu de décharge en plein air en bordure de rivière. Conforme par son contenu aux dépotoirs semblables fouillés aux alentours d’autres faïenceries européennes 40, il se caractérise

par l’hétérogénéité de ses composants : déchets de production et ratés de cuisson (biscuit* fendu, pièces surcuites, moutons, pièces Fig. 3. Vue du terrain en direction du

sud-est après l’éboulement et avant l’intervention archéologique. Mai 2003. La façade aux volets verts est celle de l’ancienne faïencerie. À l’avant-plan, le ruisseau coule du haut en bas de l’image.

Fig. 4. Vue rapprochée de la première intervention sur le terrain, 23 mai 2003.

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en émail cru cassées ou salies lors de la manutention, pièces dont l’émail a glissé, écaillé, cloqué, etc.), mais également maté-riel d’enfournement périmé (cazettes*, rondeaux*, pernettes*, colombins*, etc.), chemisages de fours, essais et comptes du tra-vail des peintres, déchets domestiques divers (os, verre, métal). Les fouilles des faïenceries de Rouen ont permis d’établir une typolo-gie des dépotoirs 41. Cette distinction ne repose pas sur leur contenu

mais sur leur rôle dans l’organisation de la production. C’est donc dans leur fonction secondaire qu’on peut les différencier :

– étalements : mélangés à de la terre argileuse, les tessons sont utilisés comme sols ou utilisés comme remblais de nivelle-ment ;

– en remploi (moules* en plâtre utilisés comme éléments de construction de cloisons) ;

– comblements d’anciennes structures creuses ; – drainages ;

– aires de stockage de déchets avant leur enlèvement définitif pour d’autres destinations ;

– dépotoirs géants. Fig. 5. Situation de l’ensemble des zones ouvertes entre 2003 et 2007.

Fig. 6. Situation de l’ensemble des coupes ouvertes entre 2003 et 2007.

0 2 m N Zone ouest-ouest (2007) (6,93 m²) Zone ouest (2007) (11,26 m²) Zone centre (2007) (8,56 m²) Zone est (2007) (23,17 m²) Tranchée 2004 (12,62 m²) Zones ouvertes (2003 - 2007)

Total surface ouverte 62,54 m²

Cornol - Lion d’Or

La Cornoline Mur de soutènement Zone ouverte Chambre électrique Coupe (2003) Coupe (2003) 0 2 m N Coupe 2 Coupe 3 Coupe 4 Coupe 5 Coupe 7 Coupe 8 Coupe 9 Coupe 1 Coupe 6 Coupe 10 Coupe 11 a b Axe du squelette Mur est Mur ouest

Axe des coupes Axe des murs Emplacement des coupes et du squelette

Cornol - Lion d’Or

La Cornoline

Mur de soutènement Chambre électrique

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