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14 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXIII - n° 1 - janvier-février 2018
VIH ETAUTRES IMMUNODÉPRESSIONS
Contexte
Vingt à 25 % des patients en Afrique subsaharienne sont diagnostiqués avec un taux de CD4 < 100/mm3, et 10 % d’entre eux vont mourir dans les 3 mois qui suivent l’instauration du traitement antirétroviral. Les causes de décès sont multifactorielles : infections bactériennes, tuberculose, cryptococcose. Une des approches pour limiter ces infections est de disposer de traitements préventifs pour les pathologies les plus fréquentes.
Méthode
L’étude REALITY (Reduction of EArly mortaLITY in HIV-infected adults and children starting antiretroviral therapy) a pour but de comparer 3 interven- tions : une prophylaxie antimicrobienne renforcée, un traitement additionnel par du raltégravir et une supplémentation alimentaire dans le but de réduire la mortalité précoce chez les adultes et les grands enfants ayant un taux de CD4 < 100/mm3 qui commencent un ART, dans 4 pays d’Afrique sub- saharienne. Seuls les effets de la prophylaxie renforcée sont publiés dans cet article (et à ce jour).
Entre juin 2013 et avril 2015, 8 centres en Ouganda, Zimbabwe, Malawi et Kenya ont inclus des sujets adultes ou âgés de plus de 5 ans sans antirétroviral antérieur, avec un taux de CD4 < 100/mm3. Tous les patients recevaient un traitement antirétroviral avec 2 analogues nucléosidiques de la transcriptase inverse et un analogue non nucléosidique de la transcriptase inverse, puis ils étaient randomisés 1/1 en ouvert : prophylaxie antimicrobienne renforcée ou prophylaxie standard. Cette dernière correspond à l’utilisation du trimé- thoprime-sulfaméthoxazole seul. La prophylaxie renforcée comprend : une dose unique de 400 mg d’albendazole, 5 jours d’azitromycine (500 mg/j), 12 semaines de fl uconazole 100 mg/j et 12 semaines d’une dose fi xe de triméthoprime-sulfaméthoxazole (160/800 mg), isoniazide 300 mg et vita- mines B6 (25 mg). Certains patients pouvaient avoir un diagnostic de tuber-
culose ou de cryptococcose et étaient traités par un traitement curatif et non prophylactique.
Le critère principal d’évaluation était le décès quelle que soit la cause entre la randomisation et la semaine 24. Les critères secondaires d’évaluation à 48 semaines étaient le décès quelle que soit la cause, les effets secondaires graves ou ceux aboutissant à une modifi cation de traitement ; 1 805 patients ont été randomisés : 906 dans le bras prophylaxie renforcée et 899 dans le bras prophylaxie standard. Tous les patients ont commencé le traitement ARV dans les 5 jours suivant la randomisation, avec une première ligne essentiellement de TDF/FTC/efavirenz. Les caractéristiques des patients à l’inclusion étaient similaires.
Résultats
Le taux relatif de décès à 24 semaines était réduit de 27 % dans le bras prophylaxie renforcée par rapport à la prophylaxie standard, avec un béné- fi ce maintenu à 48 semaines (réduction de 24 %) [diapositive 1, A]. La cause principale de décès était l’infection, avec une différence liée aux cryptococcoses ou aux causes indéterminées, moins fréquentes dans le groupe prophylaxie renforcée (diapositive 1, B).
Sur les critères secondaires à 48 semaines, la prophylaxie renforcée est associée à un taux signifi cativement inférieur d’événement de grade 3-4 selon l’Organi- sation mondiale de la santé, ou de décès, ou de nouveau diagnostic de tuber- culose, cryptococcose, candidose, ou de nouvelle hospitalisation (diapositive 2).
Il n’y avait pas de majoration de la toxicité dans le groupe prophylaxie renforcée, avec seulement 14 arrêts de traitement (1,5 %) pour toxicité hépatique (n = 7), cutanée (n = 4) et hématologique (n = 3). Il n’y avait pas de différence en termes d’observance du traitement ARV entre les 2 groupes. Les courbes d’évolution de la charge virale, des lymphocytes CD4 et de l’indice de masse corporelle étaient superposables au cours du temps.
Cette étude a mis en évidence une réduction du taux de décès à 24 et à 48 semaines de 27 et 24 % respectivement pour la prophylaxie antimicrobienne renforcée, en comparaison à la prophylaxie standard chez des patients avec moins de 100 CD4 en Afrique subsaharienne. Une des limites de l’étude est que c’est un “package” de prophylaxies et qu’il est dif- fi cile de faire la part de l’effet de chaque molécule. L’impact
sur la résistance microbienne n’est pas connu. Cette prophy- laxie renforcée apparaît comme peu coûteuse, avec un nombre de comprimés et un profi l de tolérance acceptables, et doit être discutée chez des patients avec un taux de CD4
< 100/mm3 , en particulier dans les régions où les pathologies infectieuses associées au VIH ont une prévalence accrue, en particulier l’Afrique subsaharienne.
Commentaire
Prophylaxie renforcée et traitement antirétroviral pour les infections VIH à un stade avancé en Afrique
Valérie Pourcher
Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris
0014_LIF 14 02/03/2018 12:29
NUMÉRO
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La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXIII - n° 1 - janvier-février 2018 | 15
V. Pourcher déclare avoir des liens d’intérêts avec Gilead, Janssen, Merck, MSD, ViiV Healthcare.
Référence bibliographique
Hakim J, Musiime V, Szubert AJ et al.; for the REALITY trial team.
Enhanced prophylaxis plus antiretroviral therapy for ad- vanced HIV infection in Africa.
N Engl J Med 2017;377(3):233- 45.
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