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Submitted on 1 Jan 1965
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Les problèmes de physique du solide posés par l’émission photoélectrique
P. Vernier
To cite this version:
P. Vernier. Les problèmes de physique du solide posés par l’émission photoélectrique. Journal de
Physique, 1965, 26 (2), pp.87-95. �10.1051/jphys:0196500260208700�. �jpa-00205932�
87.
MISE AU POINT
LES PROBLÈMES DE PHYSIQUE DU SOLIDE POSÉS PAR L’ÉMISSION PHOTOÉLECTRIQUE
Par P. VERNIER,
Faculté des Sciences de Dijon (1).
Résumé.
2014Cet exposé rend compte de quelques résultats obtenus ces dernières années sur les points suivants :
Domaine de validité de la formule de Fowler, méthode des films minces, conditions nécessaires pour un grand rendement quantique, influence des états de surface et de la courbure de bande, problèmes de l’ultraviolet lointain.
Abstract.
2014This is a summary of some results obtained during recent years, about the following points :
Field of validity of the Fowler formula, influence of polarization, method of thin films, conditions
for a large quantum yield, influence of surface states and band bending, problems in the far ultra- violet.
LE JOURNAL DE PHYSIQUE TOME 26, FEVRIER 1965,
Introduetion. -’Toutes les fois que l’on veut tirer le maximum d’informations d’un flux lumineux, ainsi que 1’a montre A. Lallemand [33], on fait appel à
1’emission photoélectrique. GrSce a elle on sait r6aliser des cameras de television a haut rendement, on sait compter les particules charg6es a 1’aide de la faible
luminescence qu’elles provoquent, on sait augmenter
la luminescence des ecrans radiologiques, on sait faire
des observations astronomiques quand les autres tech- niques sont insuffisamment sensibles.
Les imp6ratifs de la technique et les hasards de
1’experimentation ont provoque relativement tot la
realisation de photocathodes pr6sentant de hauts ren-
dements dans les courtes longueurs d’onde du visible.
On a pu, quand le besoin s’en est fait sentir, obtenir
les memes rendements dans l’ultraviolet. Mais du c6t6 du rouge et de l’infrarouge, les rendements sont encore
relativement faibles.
Les premières theories de 1’eflet photoelectrique [13, 51, 54] ont donne des résultats, en gros, satis- faisants dans le cas des m6taux et elles sont encore
utilis6es bien que les hypothèses de base semblent
avoir peu de rapport avec la r6alit6. On a pu perfec-
tionner le schema de depart, utilise par Fowler mais l’accord des resultats avoc l’expérience n’est pas devenu total [7, 29, 39, 42].
On peut dire qu’il n’existe pas actuellement de theorie satisfaisante rendant compte de l’ensemble des
ph6iiom6nes photoelectriques. Il existe seulement des
interpretations de certains m6canismes. On commence
seulement, par exemple,’ £ comprendre qualitati-
vement, pourquoi certains corps ont des rendements
photoelectriques pouvant d6passer 0,2 quand ceux
des m6taux ne d6passent jamais quelques centi6mes,
sauf dans l’ultraviolet lointain.
L’étude th6orique est d’ailleurs fortement handi-
capee par le manque de bases expérimentales assez
solides. Lts praticiens ont réalisé les photocathodes
suivant des techniques purement empiriques et le
« coup de main» du verrier peut faire varier la sensi- bilit6 d’une photocathode d’un facteur 2.
On sait que 1’6mission photodlectrique depend beau-
coup de l’état de surface et qu’une couche sous mono-
mol6culaire de molecules adsorbées perturbe d’une fagon 6norme 1’6mission d’un solide.
L’ultra-vide, dont l’usage tend a se g6n6raliser, a permis a diff6rents auteurs notamment Scheer et Van
I,aar, Allen et Gobeli, d’obtenir un certain nombre de resultats exp6rimentaux pour des surfaces propres
[11, 21, 43, 55, 56]. Beaucoup de travaux ont 6t6 faits a 1’aide de couches minces : les progres qui sont apport6s a la technique de preparation de ces couches,
la meilleure connaissance de la structure de ces couches,
ont permis a Boutry, Evrard et Richard, £*Mayer,
a Fleischmann et bien d’autres d’apporter des resul-
tats fondamentaux dont nous reparlerons [6, 12, 15, 36, 37].
Sans doute l’ultra-vide ne r6soud pas tous les pro- blèmes : la surface d’une couche mince ou d’un solide massif n’a que rarement une forme simple qui per-
mette une interpretation facile des résultats. Les 6tats
6lectroniques du solide massif, qui sont souvent connus, sont perturb6s au voisinage de la surface par des pro-
cessus qui mettent en, jeu des phdnom6nes complexes,
meme si la surface est rigoureusement propre.
Avant de discuter les différentes experiences et
leurs interpretations possibles il nous semble opportun
de rappeler les différentes phases du processus de
photoémjssion.
Le m6canisme de l’émission photo6lectrique,
-D’un point de vue classique nous pouvons d6composer
le m6canisme de 1’6mission photoélectrique en deux temps :
10 PHOTOEXCITATION.
-LTn photon est absorb6 et communique son 6nergie a un electron du solide.
20 PROPAGATION.
20131/electron excite se propage
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphys:0196500260208700
88
jusqu’à la surface et la traverse, si la diffusion dans le
solide et la reflexion sur la surface ne 1’en empêchent
pas.
La photoexcitation et la propagation ne peuvent
etre 6tudi6es quantitativement que par la m6canique
ondulatoire. Nous nous limiterons pour le moment à
ce schema qui nous permet de rendre compte quali-
tativement des phenomenes.
Dans le phénomène de la photoexcitation la quan- tit6 de mouvement apportee par le photon est n6gli- geable, la quantite de mouvement acquise par 1’61ee- tron doit donc etre compensee par une quantite de
mouvement oppos6e acquise par le solide. Ceci suppose
une force qui s’exerce entre 1’electron et le solide.
Cette force peut resulter :
a) du potentiel périodique auquel est soumis 1’61ee- tron dans le cristal ;
b) de la perturbation apportee a la periodicite du potentiel par 1’existence de la surface : barriere de
potentiel qui enferme les electrons dans le solide ; c) de diverses autres perturbations a la periodicite
du potentiel (ondes acoustiques, impuret6s).
Dans le premier cas on parlera d’un effet de volume,
dans le second effet de surface.
Si 1’approximation des electrons libres etait appli-
cable a 1’etude de 1’effet photoelectrique, seul le cas b) pourrait etre envisage dans un solide parait. Les
electrons ne pourraient subir une photoexcitation que
lorsqu’ils viennent frapper la surface du solide.
La formule de Fowler.
--Dans l’hypothèse d’un
effet de surface, Fowler établit sa c6l6bre formule [13, 51]
I : Courant photoelectrique par unite de surface ;
A : Constante universelle ; T : Temperature absolue ;
v : Frequence de la lumi6re ; vo : Seuil photoelectrique
en fréquence ; I> : Fonction de Fowler ; a : Grandeur proportionnelle A l’éclairement.
Fowler consid6rait les electrons comme libres dans le metal (schema de Sommerfeld). II calculait Ie cou-
rant transporte vers la surface par les electrons poss6-
dant une quantite de mouvement suffisante pour franchir la barri6re de potentiel apr6s avoir reçu une 6nergie hv sous forme d’une impulsion normale a la surface.
a represente ainsi la probabilite pour que 1’61ectron subisse lors de son choc sur la surface, une photo-
excitation suivie d’une travers6e de cette surface sous
1’action d’un photon d’6nergie h.
La formule de Fowler decrit bien les variations du rendement photoélectrique au voisinage du seuil avec
la longueur d’onde et avec la temperature pour les metaux [51] et meme pour ceitains semiconducteurs
comme les couches complexes Cs-Ag-0 [32]. Cepen- dant, la théorie telle que nous I’avons expos6e ne
s’applique pas a un effet de volume et rien ne permet
d’exclure a praori un tel effet. M6me dans le cas des m6taux alcalins, un potentiel p6riodique existe et se
manifeste par exemple dans le fait que la masse effec- tive des electrons n’est jamais 6cale a la masse de
Felectron dans le vide [46].
La difference entre les seuils pr6vue par la theorie des bandes pour 1’effpt de surface et 1’effet de volume
[49, 51] pourrait expliquer le bon accord de la formule de Fowler avec Inexperience. Toutefois, l’existence de
ce double seuil n’a jamais ete prouv6e d’une fagon
indiscutable et nous verrons d’autres experiences qui
tendent a attribuer toute 1’6mission photoélectrique
a un effet de volume. 11 nous semble plutot que la formule de Fowler s’appliquera toutes les fois que le niveau de Fermi de 1’emetteur tombera dans la bande
pleine et que la probabilite d’excitation d’un electron
d’énergie E par un photon d’4nergie hv, p(v, E) [57]
prendra une forme voisine de celle qu’elle prend dans
un metal. M. lB1eessen dans une des communications
qu’il nous pr6sentera nous apportera des lumi6res nouvelles sur ce probleme.
De toute fagon il n’est pas possible de tirer d’un accord si bon soit-il des resultats de la formule de Fowler avec l’expérience un argument en faveur d’un effet de surface.
Effet de surface, effet de volume et polarisation
de la lum!6re.
-Pour 6tudier ces effets il est n6ces- saire de d6crire les electrons du solide par des fonctions
de Bloch :
’dans 1’etat fondamental dans 1’6tat excite.
uk et u.i sont des fonctions possedant la triple perio-
dicit6 du cristal.
Pour des fonctions cpk et p§ donn6es, k et I peuvent
etre choisis dans n’importe quelle zone de Brillouin.
Nous les choisirons systématiquement dans la pre- rni6re. A des vecteurs k ou I donn6s correspondent
ainsi plusieurs fonctions d’onde.
Le calcul de la probabilité de transition par unite de temps en fonction de 1’amplitude A du champ 6lee- trique de frequence dans le solide donne :
avec :
Hki est une intégraJe 6tendue a tout le volume du cristal.
hvki est la difference d’6nergie de 1’electron entre 1’6tat excite et I’etat fondamental.
f w
2013vkL) est nne fonction de v
2013Vkl qui tend
vers l’infini quand v tend vqrs ’Jkl et garde des valeurs
finies quand v 0 vki. Rappelons que les 7k, ne sont
pas directement"’accessibles-à Inexperience. Les quan- tit6s accessibles sont :
a) la probabilité totale d’absorption d’un photon
b) le courant photoélectrique :
les sommes sont étendues a tous les états k occup6s et
A tous les états 1 possibles.
pi represente la probabilité pour qu’un election dans
89 1’£tat I sorte du solide et participe au courant photo-
6lectrique ; e est la charge élémentaire.
Nous avons vu qu’on pouvait envisager un effet de
volume quand 1’electron subit en meme temps que I’action de la lumiere celle du champ 6lectrique perio- dique du solide. Cet effet suppose que grad Uk est diffdrent de 0 et se trouve exclu dans 1’approximation
des électrons libres.
Pour que cette transition de 1’6tat k a l apporte
une contribution importante A l’absorption ou au courant photoélectrique il faut etre dans le voisinage
imm6diat de
Ces r6gles de selection correspondent a la loi de conservation de 1’energie entre le photon et 1’61ectron
et A la loi de conservation de la quantité de mouve-
ment.
Comme grad. Uk peut prendre toutes les directions
on peut envisager une action de la vibration lumineuse
quelle que soit sa direction. Si nous consid4rons tous les vecteurs k possibles l’absorption rupportée à l’ampli-
tude des vibrations qui pénètrent dans le cristal, devrait
done avoir les sym6tries du cristal, elle devrait par
exemple etre isotrope dans un cristal cubique.
Toutefois, un effet vectoriel dans 1’6mission photo- electrique reste possible meme dans un cristal cubique
si la probabilit6 de transition est plus grande quand l’impulsion communiqu6e a 1’61ectron est par exemple parallele au champ 6]ectrique.
En effet, la normale a la surface du solide ne cons-
titue pas une direction privil6gi4e pour l’absorption
mais en constitue une pour 1’6mission. D’apres un
travail non encore publi6 que nous avons fait avec
P. Hartmann, la composante normale a la surface du
champ 6lectrique serait favorisde qnand I’approxi-
mation des electrons quasi-libres est valable.
Consid6rons maintenant renet de surface, il corres- pond a la perturbation apport6e a la periodicite de llk
et u’ au voisinage de la surface. Pour que les elements diff6rentiels de Hll correspondant aux différentes cel- lules superficielles s’ajoutent il suffit alors que les com-
posantes parall6les a la surface de k et I soient egales.
Cette r6gle correspond a la loi classique de conser-
vation de la composante de la quantite de mouvement parallele a la surface.
La perturbation de la surface apporte une contri- bution a grad dk qui est normale A la surface et par
consequent la seule composante active de la vibration lumineuse est la composante normale a la surface.
La determination experimentale de l’influence de la direction du vecteur vibration dans l’émission photo- 6lectrique se heurte a deux difficult6s principales.
a) Une mauvaise connaissance des propri6t6s optiques de la pellicule superficielle des solides.
b) Une mauvaise connaissance de la géométrie de
la surface.
Cette derniere att6nue 1’effet vectoriel et rend par- fois l’interpr6tation des resultats incertaine.
Toutefois nous pouvons citer quelques experiences signincatives :
Gorlich et ses collaborateurs [14, 19, 20, 30] ont
mesure le rapport de sensibilités de photomultipli-
cateurs PlIPn pour des vibrations respectivement per- pendiculaires et parall6les au plan d’incidence. Il
trouve ce rapport supérieur à 1 pour des couches SbCS3,
de l’ordre de 1 pour Cs-Ag-0. Il ne semble pas que les diff6rences du pouvoir de transmission de la surface de la couche pour les deux vibrations lumineuses
puisse changer l’ordre de grandeur du rapport PlIPm
nous concluerons done a un effet de volume.
Une analyse complete des ph6nom6nes devrait com- porter, en meme temps que la determination du rende- ment photoélectrique celle du champ 6lectrique en chaque point a l’int4rieur de 1’emetteur pour les deux
polarisations de la lumiere incidente. Ce champ elec- trique peut 6tre atteint à travers les propriétés optiques
de 1’emetteur. Ainsi P. Hartmann [22] a trouve que le
rapport du rendement pour les deux polarisations
Pi/P// d’une photocathode de silice fondue etait de 1,4,
mats ce rapport est ramené a 1 aux erreurs d’exp4-
riences pres si le rendement est rapporté à 1’energie qui penetre dans le solide. Nous voudrions citer le travail tres important de Jtinker, Waldron et Jaccodine [31]
qui ont étudié les effets de polarisation sur des lames
de molybd6ne dont la surface avait ete nettoy4e par
chauffage prolong6 a plus de 2 0000 sous ultra-vide.
Ils ont analyse leurs resultats en mettant le rende- ment sous la forme :
Ex E’IJ E1, sont les composantes de 1’amplitude de la
vibration lumineuse suivant 3 axes rectangulaires,
I’axe Ox 6tant per pendiculaire a la surface moyenne du solide. E., Ev Ex sont pris dans la zone du solide
utile c’est-à-dire celle ou les electrons excites peuvent
atteindre la surface du-’solide. Cette zone est assez
mince et ils consid6rent que Ex E,, F,,, sont pratique-
ment constants dans ce domaine.
B est un nombre qui caracterise le fait que la compo- sante du champ électrique normale a la surface moyenne du solide peut jouer un role privil6gi6.
B varie avec l’état de rugosit6 de la surface, et aussi
avec les hypotheses qui conduisent a un calcul de
Ez Ev Ez. Si par exemple ces auteurs prennent le champ 6lectrique dans le voisinage de la surface cote
vide, hypothese qu’il faut prendre si nous consi-
d6rons un effet de surface, ils trouvent B
=1. Dans
ce cas on devrait justement trouver B tr6s grand. Or
’ les constantes optiques conduisent a de grandes
valeurs de B si on fait le calcul du champ dans le metal, hypothese qu’il faut adopter dans le cas
d’un effet de volume. Nous verrons dans la suite une
hypothese qui permettrait d’expliquer ce resultat,.
La m6thode des couches minces.
-Plutot que de travailler sur des corps massifs dont il faut nettoyer la surface, la plupart des auteurs preferent actuellement
travailler sur des couches minces [6, 10, 15, 16, 36, 45, etc...l. I,a surface peut ainsi etre suppos6e propre
apr6s sa formation pendant un temps d’autant plus long que le vide est meilleur. La couche peut etre
etudiee par microscopie electronique ainsi que nous l’avons fait.
En outre, les couches minces apportent une infor-
mation supplementaire de premiere importance : en
etudiant les variations du rendement photoélectrique
avec l’ épaisseur on peut atteindre le « libre parcours des electrons excites » distance que peut parcourir un
electron excite en conservant assez d’6nergie pour
90
sortir du solide. Nous rendrons compte ici des travaux
de Mayer et son 6quipe sur le potassium et sur le
cesium qui nous semblent particuli6rement signi-
ficatifs [36, 37, 38, 41]. Mayer 6vapore lentement sur
du quartz une couche de cesium ou de potassium et
mesure les variations de 1’6mission pour diverses lon- gueurs d’ondes et pour diverses polarisations. Nous
passerons sur les details experimentaux urete des produits, qualité du vide, etc...) qui sont essentiels
pour obtenir des r6sultats valables et nous nous bor- nerons A exposer quelques r6sultats.
Dans le cas d’un effet de surface les variations de
1’effect photoélectrique, ne peuvent refléter que les
variations, avec 1’epaissenr, de la structure de la
barriere de potentiel superficielle. Dans le cas du potas-
sium au voisinage du seuil cet effet ne peut etre envi- sage car le rendement photoelectrique augmente jus- qu7A une epaisseur de plusieurs dizaines de couches
ato ml iques (fig." 1).’ On doit done envisager alors un
effet de volume.
FIG. 1.
-Variation de l’émission photoélectrique d’une
couche de potassium d6pos6e sur du quartz en fonction
de son epaisseur pour differentes longueur d’onde.
FIG. 2.
-Variation avec 1’epaisseur de l’émission photo-
,
6lectrique d’une couche de cesium d6pos6e sur du quartz
.