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3.12 ou l’exil planétaire

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Géographie et cultures 

86 | 2013

Désastres et alimentation

3.12 ou l’exil planétaire

Christophe Thouny

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/2922 DOI : 10.4000/gc.2922

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 septembre 2013 Pagination : 133-135

ISBN : 978-2-343-04262-6 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Christophe Thouny, « 3.12 ou l’exil planétaire », Géographie et cultures [En ligne], 86 | 2013, mis en ligne le 08 décembre 2014, consulté le 28 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/gc/2922 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.2922

Ce document a été généré automatiquement le 28 novembre 2020.

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3.12 ou l’exil planétaire

Christophe Thouny

RÉFÉRENCE

YABU Shirō, 2012, 3.12 no shisō [(en japonais) La pensée du 3.12], Tokyo, Ibunsha, 156 p.

1 Parmi la pléthore de titres abordant de près ou de loin la situation du Japon après le 3.11, le court essai de Yabu Shirō, La pensée du 3.12 (3.12 no shisō, Tokyo, Ibunsha, 2012) retient immédiatement l’attention par son approche à contre-courant des discours nationalistes de reconstruction de la nation japonaise.

2 Yabu Shirō est un auteur polémique et problématique, se situant dans un courant de pensée prenant ses sources dans la philosophie de Gilles Deleuze et Félix Gattari et le mouvement autonomiste Italien d’Antonio Negri et Paulo Virno. La pensée du 3.12 rejette toute idée d’un post-Fukushima, d’un après 3.11, toute possibilité d’un retour à une prospérité perdue, d’une reconstruction, parce que tout ne fait que commencer. Il n’y a donc pas de retour, ni de deuil possible mais une nouvelle situation qui, et c’est sa thèse la plus intéressante, a fait des Japonais une population en exil, étrangère à elle-même.

« S’il m’est possible, alors que je pense au 3.12, de me sentir en un sens libéré, c’est par la force affirmative de cette pensée, maintenant pouvoir ne plus être Japonais » (p. 54).

3 Reprenant à son compte la pensée de l’exode avancée par Virno et les trois écologies de Guattari1, Yabu se propose d’identifier les possibilités de vie sociale que la double catastrophe du 3.11 a ouverte et qu’il voit déjà à l’œuvre dans les mouvements de femmes de Fukushima et de citoyens locaux se donnant les moyens techniques et les connaissances nécessaires pour d’eux-mêmes évaluer les risques de contaminations radioactive du sol et de la nourriture, et faire les choix de vie, à commencer par le lieu de résidence, qui leurs conviennent. Il y a bien sûr un certain utopisme dans cette lecture des mouvements sociaux d’après-Fukushima, et un certain conservatisme tant au niveau du genre, mettant en avant les mères protégeant leurs enfants, que de la subjectivité politique, reposant au final sur l’idée classique d’un sujet faisant des choix

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éclairés pour son intérêt propre. Yabu a également été radicalement critiqué pour avoir fui Tokyo et se réfugier dans la préfecture de Aichi après la catastrophe.

4 Dans le premier chapitre « 3.12, commencement », Yabu annonce que 3.12 marque « le début d’un enfer quotidien ». Comme de nombreux penseurs Japonais l’ont noté, la double catastrophe du 11 mars 2011 présente une temporalité particulière. Ōsawa Masachi par exemple parle d’une double temporalité, la temporalité ponctuelle de la catastrophe naturelle, le tsunami, et la temporalité événementielle de la catastrophe naturelle2. Alors que la première permet de parler d’un avant et d’un après, et peut se résorber dans une logique du deuil, la seconde change radicalement la donne et dessine une nouvelle durée sociale, un nouveau quotidien, une nouvelle réalité. Le choix de l’expression 3.12 est donc significatif, rejetant toute appropriation de l’événement dans une chronologie mondiale où le Japon peut avoir son 9.11. La pensée du 3.12 s’oppose donc à l’opportunisme obscène d’une stratégie mondiale qui, comme le confirme le récent choix de Tokyo pour les Jeux Olympiques de 2020 tente de faire de la question nucléaire un problème japonais contenu dans une zone limitée du territoire japonais.

Elle révèle en particulier la complicité des institutions mondiales de contrôle biopolitique (IAEA, IMF, WHO, …) et du gouvernement japonais dans le contrôle de l’information, occultant la réalité des travailleurs locaux recrutés par des intermédiaires associés au monde de la pègre yakuza pour maintenir les centrales en état, occultant la réalité quotidienne des enfants souffrant d’un nombre croissant de maux physiques et psychologiques, occultant le fait pourtant incontestable que la zone métropolitaine de Tokyo est irrémédiablement contaminée. Dans cette perspective, rester à Tokyo devient un choix politique, et partir ne peut être simplement assimilé à une fuite – bien qu’il s’agisse bien d’une désertion d’un système idéologique corrompu et d’un rejet d’une malsaine fuite en avant3.

5 Après une présentation concise des mouvements locaux de mesure des niveaux de radiations dans le deuxième chapitre, Yabu présente dans le troisième et dernier chapitre une analyse provocatrice de l’État nucléaire en rapport avec la culture urbaine contemporaine. Reprenant les analyses avancées dans son ouvrage de 2010 (Ville nucléaire [Genshiryoku toshi], Tokyo, Ibunsha), Yabu établit un lien direct entre l’état néolibéral, l’industrie nucléaire mondiale et l’espace urbain d’après-guerre pour critiquer une idéologie urbaine définie par la triade paix-sécurité-propreté. Tout comme le nucléaire, l’urbain pourrait être définie comme « une superstructure (jōbukōzō) prenant l’apparence d’une fondation (dodai) », ce qui implique qu’il est nécessaire de penser la ville et le nucléaire comme une écologie particulière, combinant les trois niveaux définis par Félix Guattari, « écologie environnementale », « écologie sociale » et « écologie mentale ». La pensée du 3.12 implique donc non seulement de poser la question environnementale du nucléaire, mais aussi de définir une nouvelle pratique sociale (les mouvements de contestation autonomes, pratiques sorcières de la médecine) et une nouvelle subjectivité rejetant toute victimisation. En conclusion, Yabu demande lucidement si au fond nous n’avons pas voulu être trompés par un ordre mondial nous autorisant à vivre dans un désintéressement profond de notre réalité sociale quotidienne, nous autorisant à exister sans penser.

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NOTES

1. Paolo Virno, 1996, « Virtuosity and revolution: The political theory of exodus », in Radical thought in Italy: A potential politics, ed. Paolo Virno & Michael Hardt, Minneapolis, Minnesota University Press, p. 188-210. Félix Guattari, Les trois écologies, Paris, Galilée, 1989.

2.Ōsawa Masachi, 2012, Yume yori mo fukai kakusei he – 3.11 go no tetsugaku, Tokyo, Iwanami Shoten.

3. http://www.thenewsignificance.com/2011/05/19/shiro-yabu-leaving-tokyo/ consulté le 30 avril 2014.

AUTEURS

CHRISTOPHE THOUNY Université de Tokyo

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