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Texte intégral

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(4)
(5)

MON VILLAGE

(6)

LIBRAIRIES MICHEL LÉVY FRÈRES; ÉDITEURS

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

IDÉESANTl-PROUDHONIENŸES SUR L’AMOUR, LA FEMME

ETLE MARIAGE... . . . .. 1 vol.

LE MANDARIN... . . . . . . . .. 1 mo’N VILLAGE... . . . . . . . . . . .. 1 miens D'UNE PAYSANNE . . . . . . . .. l ——

VOYAGEAUTOUR DU GRAND-PIN . . . . . . . .. 1 DANSLESALPE_S... . . . . l

.

lmp.L.Toinon etCe, à Snint-Germain.

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(7)

MON

VILLAG

PAR

JULIETTE' LAMBER

UNEVEILLËE -— LA ROSE LES PARIGOTS

M. LEcunr’: — L’AV0GAr DEPIGNON MADAME LA mmussn LA comemrrron UN REVENAN1‘ LES noces ce Qu'il. vous PLAIRA LA norsson L'ÉPIDÉMIE

unsPÉTITION PRIÈRE ET saveurs

0

NOUVELLE ÉDITION

PARIS

MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES ÉDITEURS nus vrvmnnz, 2 BIS, m noucnvxnn nus mamans, 15

A LA LIBRAIRIE NOUVELLE

l 86 8

Droits dereproductionet detraduction réservés

(8)

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(9)

A DANIEL STEBN

Puisse-t—il voir dans la Dédicace de ce livre une preuve de ma profonde sym pathie!

Puisse-t-il aussi reconnaître, dans les

récits villageois de mon ami le tisserand,\

la finesse gauloise et le naïf bon sens des paysans de Saint—Brunellel

Nous nous sommes entretenus si sou

vent de ces chers compagnons de mon enfance, qu’en les lui montrant aujour—

d’hui tels qu’ils sont quand ils agis—

sent et parlent eux—mêmes, je crains de l’entendre s’étonner et me dire 2 « Ce

n’est plus cela! » à

J ULIETTE LAMBEB.

Chauny, janvier 1860.

.1»!

(10)

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(11)

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, Quand notre curé dit la messe, il n’oublie jamais la préface. Je vas faire comme monsieur le curé : une fois n’est

pas coutume.

M’est avis qu’il y a trop longtemps

qu’on raconte des histoires de furolles, de loups—garouS, de VoleUrs et Puis de

revenants.

(12)

Je m’illusionne à croire que ce que nous faisons et disons au village pour rait intéresser quelque peu les gens let—

trés et bien intentionnés à l’égard de nous autres paysans. Assuré que je m’il—

lusionne; mais fût—ce ‘! il en sera ce qu’il

en sera.

Je commence d’abord par apprendre à un chacun que je ne passe point, dans notre pays, pour être ce que nous appe lons un homme de plume; d’autre part, que je suis né, en pleine Picardie. Fût—ce encore! je prétends être Français comme

personne, et je me charge, à moi tout

seul, de le prouver avant une heure

d’ici.

1. Cette locution, très-usitée en Picardie, signifie tour à.

tour et souvent tout à la fois : Quand même ce serait! Tant pis!Qu’importe! Après tout! etc.

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Pour finir, je fais savoir que j’ai tou—

jours été tisserand de mon état, et que je reste dans la maison où restait mon père, à Saint—Brunelle, près Morlincourt, Oise; de plus, que Fructueux Cellier est

mon nom.

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UNE VEILLÉE

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(17)

UNE VEILLÉE.

Depuis un nombre innombrable d’hivers, c’est dansla maison de Norine Duclos qu’ont lieu les plus égayantes veillées de notre vil—

‘lage. Adonc, certain soir, comme j’entrais chez Norine, je la trouvai en train de prêcher ses trois petiotes.

— Hé! Mandine, criait—elle, dépêche-toi de balayer la maison; plus vite que ça! Sur tout n’oublie pas le coin où la femme de Jean Claude a épluché une pomme ce matin. Toi, la Rose, prends mon couvet et emplisvle. Ha—

' 1.

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10 MON VILLAGE.

bile1, habile. Désirée! Monte sur l’escabeau et décroche une chandelle à la poutre; trouve le chandelier. Bon! voilà. du cuivre qui terluit comme le dos d’une citrouille. Frotte, frotte;

là!... Faites excuse. Cellier, dit Norine, mais des fillettes, ça ne s’avise de rien, il faut tout leur commander.

Quand on doit parler d’une ménagère, en voilà une! Elle passe, a bon droit, pour la plus regardante de Saint—Brunelle; on se mi—

rerait dans son armoire eñ noyerde même que devant un miroir, et je vous avertis que les couverts d’étain qui pendent à sa. potière.

brillent comme du pur argent.

Il paraît difficile de rencontrer dans les pa—

lais, savez—vous, trois brins de filles comme Arm_andine, la Rose et puis Désirée. A réserve

1. Se dit. pour dépêche-toi.

(19)

MON VILLAGE. 11

de la Rose, qui me semble une miette trop rétue pour une jeunesse de campagne, les pe—

tiotes de Norine sont capables sur beaucoup de points.

Tandis que ses sœurs mettent leur gloire à regarder cliquoter le feu1, la Rose met sa gloire à, se promener suivie d’un tas de ga—

lants. }

Si mioche qu’elle ait été, elle a toujours passé pour garçonnière; mais fût-ce ! comme son oncle Jean—Claude, ce n’est pas la plus

bête de chez nous. l

A la fin des fins, la maison s’emplit; les couseuses se placent le plus près possible de la chandelle, les fileuses derrière les couseuses, et les tricoteuses n’importe où. On devise de choses et d’autres, on glose à. tort et à travers,

4. Rester à la maison:

(20)

12 MON VILLAGE.

et les langues tournent, tournent pareillement aux rouets des meilleures fileuses.

5

—L’hiver viendra sans oraisons, ditle père Roux, berger, en faisant trotter ses aiguilles plus vite que ses moutons’L

Taisez—vous, vieux huguenot, dit la pe—

tiote à Perpétue , vous ne savez qu’olfenser le bon Dieu.

—— Qu’est-ce que tu chantes la? des psau—' mes? Garde—les pour monsieur le curé. Tiens!

voilàJean-Claude. Bonsoir, Jean-Claude!

+Bonsoir, mon frère, dit Norine.

-— Bonsoir, la compagnie, dit Jean—Claude.

Devinez par qui je me suis laissé suivre? Par

1. Tous les bergers du pays tricotent.

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MON VILLAGE. ' 13

Basset et sa. femme, qui s’embrassent a la porte comme s’ils étaient du pain blanc.

—— Voilà une preuve qu’on peut s’aimer tout de même dans le mariage, dit le tien du

père Roux,berger, à l’oreille dela Rose. M’est

avis pourtant quela Bassette est rabotée dans le genre des planches de défunt ton pèrefqui était charron; ce n’est pas comme toi.

Et, par manière de flatterie, il prit la fillette à bras—le-corps.

Assuré que le moment se trouvait mal

choisi. La Rose n’a. jamais passé pour endu—

rante; elle se détourne par devers Gaspard et lui fit cadeau d’une belle paire de giroflées à.

cinq feuilles. ‘

—- Combien de chandelles? dit la malicieuse

en montrant ses petiotésdent's.

(22)

14 MON VILLAGE.

— Trente—six! dit Gaspard sans broncher.

Tant de chandelles, tant de baisers, et payés

comptant, ça se doit.

Un chacun se leva de sa chaise pour voir celui des deux qui l’emporterait.

Î Défends-toi, la Rose! criaient les bon nets blancs.

— Hardi, Gaspardl criaient les fieux.

La fille a Norine eut beau se débattre, Gas—

pard, qui était fort comme un batteur en grange, lui compta sur le cou, sur les yeux, sur la bouche, trente—six bons baisers son nants.

Tout le monde prit le parti de rire, hormis la grande Jacqueline, parce qu’elle se sent comme une manière de faiblesse envers ce rien qui vaille de Gaspard.

(23)

MON VILLAGE. 15 Le gars Denis, tout en_ tenant par la taille une des filles a Norine, Désirée, sa promise, dit, pour parler de quelque chose, à. la mère

Leroy : '

I.

-— Hé! la vieille, chante la conscription;

faut chanter, sans ça on ne finira pas de se ' faire endêver.

,5:

—Non, non, dit bien vite Désirée, en cou-7w pant la paroleà son’promis; nous la chante rons toujours assez ‘ vite, cette chanson-là.

Ne tires—tu pas au sort à l’année?

— Je défends qu’on chante la conscription, dit le père Roux, ça me ferait songer à mon Gaspard pour le même motif.

— Vous avez raison, dit la, grande Jacque—

line, en fixant le fieu dupère Roux.

Mais Gaspard fixait la Rose, et la Rose

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16 MON VILLAGE.

fixait la porte pour voir si le tien du maître d’école, Pierre, le dragon, n’entreraîtpas.

Pierre est un grand bel homme, brillam—

ment attifé,’ et revenu de l’armée de la.

guerre pour quelque temps, en permission.

—— Chante, toi, la Rose, dit Jean—Claude;

le dragon viendra pendant ce temps—là.

-— Je veux, au contraire, l’attendre pour chanter, dit la Rose d’un ton piqué.

-— Chante, dit Gaspard, ou sinon...

—-— Tu deviens par tropbravache, petiot Roux, dit Norine; tâche un. peu de te tenir tranquille.

—— Je vas chanter, moi, dit le fieux berger.

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MON VILLÀGE. 17 -— En ce cas-là, je me sauve, dit la petiote ä Perpétue.

—- Non, dit le lieu de Toinon, son promis ; si c’est trop fort, tu te boucheras les oreilles.

Reste.

- .

—— Méchante bigote, dit JeanClatude, tu en écoutes bien d’autres en latin.

Voilà. donc, s’il vous plaît de l’apprendre, la chanson du vieux berger :

Jeanneton prend sa faucille Et s’en va couper du jonc , Mais quand sa botte fut faite Elle s’endormit tout du long.

Las! pourquoi s’endormit-elle, La petiote Jeanneton?

Las! pourquoi s’endormibelle, La petiote Jeanneton?

Maisquand sa botte fut faite, Elle s’endormit tout du long.

(26)

18 MON VILLAGE.

Voilàqu’il passe près d’elle Trois cavaliers de renom.

Las l_pourqùoi s’endormit—elle, La petiote Jeanneton‘?

Voilà qu’il passe près d’elle Trois cavaliers de renom.

Le premier mit pied à terre Et regarda son pied mignon.

Las! pourquoi s‘endormit—elle, La petiote Jeanneton?

Le premier mit pied à terre Et regarda son pied mignon.

Le second fut moins timide, Il l’embrassa sous le menton.

Lasl pourquoi s’endormit-allé, La petiote Jeanneton‘?

Le second fut moins timide, Il l'embrasse sous le menton.

Mais ce que fit le troisième...

N’est pas dit dans la chanson]

Las! pourquoi s’endormit-elle, La petiote Jeanneton‘L

» rA__J_ ,

(27)

MON VILLAGE. ' 19

-—r- n

-— Betiens celle-l‘a, hé! petiote Perpétue, dit le père Roux, berger; tu la chanteras au mois de Marie.

——Avez-vous bientôt fini? dit la mère Rem

blay. Dans notre pays, on ne vous laisserait pas détruire comme ça la religion. _.

— Da1is ton pays,la mère, dit le vieux ber—

ger, on est encore plus renie—Dieu que par ici; il n’y a-t'—il pas de quoi se rengorger! un pays où on ne parle pas d’à—seulement fran çais.

— Comment! on ne parle pas français chez nous? Je ne suis mi déjà. de si lbin ;Ver mand, ce n’est jamais qu’à vingt lieues d’ici.

— Je soutiens que Vermand c’est hors de France! Tiens, puisqu’on chante, chante dans ton parler, la mère, et on verra, dit le père Roux.

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A

(28)

20 MON VILLAGE.

—— Chantez, chantons, qu’on chante! ditle dragon en refermant la porte. Bonsoir \a un chacun.

-— Bonsoir, Pierre 1, dit la compagnie:

La mère Remblay se mit a chanter, d’une belle voix perçante, une chanson. En voilà. le refrain; comprenez si vous pouvez :

«Ch’ solé y r’luit, ch’ moinet y cainte, Ch’ mouguet flourit, ch’ lépène s’épanouit;

V’nez, m’tiote caille, v'nez, n’eussioz pau, de crainte,

‘V’nez dans nos bons, tout y sourit, V’nez dans nos bons sous leu n’ombrache, V’nez donc bachelette, v’nez aveu nous;

Eussiez une tiote miette d’courache,

‘ Y foët rud’ment dons dans ché bous ’.

l. Pierre-Louis Gosæu.

2. Le soleil luit, l’oiseauchante.

Le muguet fleurit. l’épine s’épanouit;

Venez ma petite caille, n’ayez nulle crainte.

Venez dans nos bois, tout y sourit, Venez dans nos bois, sans leur ombrage, Venezdonc hachelette, venez avec nous;

Ayez un petit peu de courage, Î '

Il fait tellement doux dans les bois. '

(29)

MON VILLAGE. 21

ïrT‘-—v‘ .

C’est pourtant de cette manière—là. qu’ils devisent du côté de Saint—Quentin; mais

fût—ce! '

La retraite sonne, pour bien dire, neuf ' heures. Les bonnets blancs tirent de leurs poches des noix, des pommes et puis du pain.

Filles et garçons, à qui mieux mieux, font claquer leurs mâchoires.

Le père Nom—de-Nom, l’ancien braconnier, au jour d’aujourd’hui notre garde champêtre, entra sur le même moment.

-— Bonsoir, les autres, dit—il.

—- Faut lui faire raconter son histoire du renard, dit le père Roux à Jean—Claude, ça nous amusera; de plus, ça engagera peut-être le dragon a se ramentevoir quelque chose.

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Æ‘ËIEË-L’iflüflz lez, des h15t01res de guerre, d1t Jean—

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(30)

22 MON VILLAGE.

Claude, on en sait toujours suffisamment pour attrister le pauvre monde.

—— Fût—ce! dit le vieux berger; et puis il

cria : Hé! père Nom—de—Nom, avance ici; on demande ton histoire du renard.

—- Ah ! c’est toi , sorcier, dit le garde

champêtre, tricoteur du diable, père Chaus—

son-Chaussette; je veux bien, mon camarade, si ça peut être agréable a la société.

M’est avis qu’il serait bon de vous appren—

dre qu’on se risquait, de Sylvain qu’il s’appe—

lait, a le surnommer le père Nom-de—Nom,

parce que,au milieu de ses paroles, ce j uron

‘ lä revenait à tout instant.

Il fallait de la place au garde champêtre -

quand il racontait son histoire du renard, un

chacun le savait. Dans maintes et maintes

joyeuses compagnies on l’avait entendue,

(31)

MON VILLAGE.

l’histoire en question; on l’avait entendue, et on aimait à l’oui‘r de renouveau, rapport à:

l’action et à l’air de vérité qu’ÿ mettait le père

Noni-de-Nom‘.

Adonc, les chaises se rapprochèrent si bel

et si bien que les fillettes et leurs galan‘ts ne

s’en plaigrtlrent point, à réserve de Gaspaid, qui Voya‘it, a son idée, le dragon trop près de la Boise.

'—L Nous pouvions, dit le garde champê—

tre, nous trouver aux environs de la Tous—

saint; il faisait un froid de loup. Fût-ce! que je penSe, faut s’hiverner, nom de nom! Je

siffle Médor, je prends mon fusil, je le charge à balles, j’allume ma pipe, une pipe culottée, il n’y a pas de ça‘ (pauvre pipe! je me lara

Me voilà. donc parti. Il s’ensuit qu’une fois arrivé à la. Carrière—Fondue, je me plante derrière une toutfe d’

menteVrai jusqu’à la fin de mes jours).

7

epmes, en regard des terriers;

(32)

24 MON VILLAGE. ’

j’attends une heure; deux hêuresse passent;

nom de nom! je commençais à. geler bel et bien. Ces loups—garous de renards, que je me dis a part moi, seraient—ils devenus frileux et douillets? Adonc, comme ma pipe se creusait de plus en plus, je me mets tranquillement à la rebourrer. Chut! voilà un renard qui montre son nez. Je battaisle briquet, je m’arrête. Mon finot regarde de droite et de gauche et sort de son trou tant soit peu. Ma pipe bonhait dans ma bouche; j’avais ma blague ouverte, ma casquette sous mon bras, mon débourroir d’une main, mon fusil de l’autre. Je tire à.

l’aventure; le renard tombe, je saute sur lui;

mais... je le vois qui me regarde comme ça, fixe, avec deux yeux luisants comme des. furol

les. Était-il mort? ne l’était—il pas? Des re—

nards, c’est malin, ça contrefait le mort et ça vous sauterait a la figure sans crier gare 1 Por—’

tant toujours mon fusil, ma blague, mon dé bourroir, ma casquette, je m’approche...

(33)

MON VILLAGE. 25

-— Qu’est—ce donc que tu avais fait de'ton briquet? dit le père Roux.

— Je le tenaisd’une main.

— Et ton amadou?

De l’autre.

' -— Mais ton fusil, ta blague et ton débour

.

roir?

-— De mon autre main.

—— Ah! de ta troisième, dit le vieux berger, en clignotant ses petiots yeux de sorcier.

—— Fût-ce! dit le garde champêtre. Je saute sur mon renard, j’attrape sa queue; mon chien se fourrait dans mes jambes. Nom de nom! quel embarras! Était-il mort? ne

l’était—il pas? Je le tournais, je le retournais. .

' 2

(34)

26 MON 'vitLAea.

Était-il mort? he1’était-ilpasÿh le tournais, ,

je le... ' ' ' ”

—- Assez! cria Jean Claude; ça commence à. se comprendre.

e— Vous parlez d’un homme dans un ter—

rible embarras, dit Norine.

- — Ah! je le crois bien, dit le père'Nom—

de-Nom; écoutez—donc! Celle de mes mains qui gardait mon fusil, et puis ma blague, et puis ma casquette, et puis mon débourroir, non celle... que... je m’embourbe! Cette main—là ou une autre se trouva donc toutà.

coup Suite de froid. Mon fusil tombe, le se;

coud coup part, voilà. le plus fort! Mon re nard se’ raVigote, il saute de côté et file au

triple_galop, me laissant sa queue pour gage."

Je‘ bâtllaiS pour Voir Clair. De plus, aussi

vrai que je vous le dis, au moment de ren+

'trer dans son trou il me regarda d’un air

(35)

1'n‘J. '1’ui*"’_”î”L>“ufi"’—_"—"—r -7 “r- ' -'v* *.*-'—"r

non v1LL4cg, ’ 23

qui signifiait: q Te voila bien‘avancé avec

ma queue! » '

— Il avait donc une queue postiche, votre

renard? dit le dragon.

-— Fût—ce! dit le garde champêtre d’une voix fière, vousoublie,z, dragon, que mon second coup pouvait sans miracle avoir coupé cette queue de malheur! Pour moi, pata—

traque! je culbute dans {la carrière les pieds en l’air, et ma pipe se casse, nom de nom!

—Je parie qu’on n’a jamais ouï conter une semblable histoire, dit Jean Claude en riant tant que c’est assez, avec un chacun.

—Fichtre! dit le dragon en goguenardant, ce n’estpoint moi qui me mettrai dans la tête d’amuser le monde aprèsun récit pareil. Je ne soutiendrais pas honorablement la concur—

rence. Suffit! ’

(36)

28 MON VILLAGE.

.i4_...‘. . .'u.. . .' _.--—w , __7 » , ,

_— Peut-être, dit la Rose d’un air aimable;

faudrait entendre.

— Oui, faudrait entendre, dit le père Roux.

Allons, allons, Pierre, en route!

—- Si c’est des histoires de guerre, dit le garde champêtre, je m’en vas; ça me ferait songer à. mon pauvre fieu qu’ils m’ont tué...

Un si bon ouvrier! Ton promis, Armandine,

ne l’oublie pas... tout de suite, ma fille, ça

me frapperait d’un coup mortel. ’

Et le père Nom—de—Nom pleurait disant

cette parole-là. ‘ ‘

-— Soyez tranquille, dit Armandine en es.

suyant ses yeux; c’est des choses qui n’ont . pas besoin de se commander.

Sur ce, le garde champêtre prit le chemin de la porte.

(37)

MON VILLAGE. 29

4

C’est beau des militaires, comme dit la Rose; mais ça n’empêche que le monde ne peut pas les regarder toujours sans avoir gros cœur, les pères et mères surtout.

— Il est temps que je m’en retourne, de crainte du revenant, dit la mère Remblay.

Je ne vois point venir mon homme!

— Va, va, la mère, dit Jean-Claude, et fais-lui savoir, a ce mauvais revenant, qu’avant peu, foi d’huguenotl je le démo lirai.

— Prenez garde, cousin, dit la Remy, faut pas se moquer des esprits; ils vous apparais—

sent en tous lieux, et...

— Bah! la Remy, ditle père Roux, ce n’est jamais le tien d’esprit qui nous pour—i suivra; on peut être tranquille, si tu meurs, , il ne reviendra ni nuit ni jour. ”

(38)

39 un»; VILLAGE.

—, Vieux mal arpris!

—- Malicieuse!

Les paroles commençaient à mal sortir; je dis comme ça, pour faire taire le père Roux,

berger; ’

— Le curé de Morlincourt va quitter, le savez—vous? etvpar suite d’une aventure qui ne surprendra guère un chacun.

—— Le père Roux, berger, puis le frère de Norine, qui passent à. bon droit pour hugue—

noté, se retournèrent vitement de mon côté.

— Par suite de quoi? dit Jean—Claude.

— Norine, que je dis, donnez—moi permis sion de conter ce que a conter, parce que ça pourrait, m’est avis, fendre les oreilles aux déVotes.

(39)

MON VILLAGE. ' . 3,;

— Conte, Cellier, dit Norine; on. peut, sans péché, médire une miette des robes noi res, surtout quand il y a matière. Défunt mon père et celui de JeanæClaude, qui avait vu les curés dans d’autres temps, nous apprenait à en deyiser par,oceasion. '

— Bonsoir la compagnie, dit la petiote a.

Perpétue; nôus nous reverrons demain.

a 'v .

—Voilà. donc l’histoire que'je me suis laissé

dire; De tous les curés des environs, le plus gaillard était, sans contredit. le curé de Mer—

lincourt; buvant bien, festoyant volontiers,

pas fier du tout, et prêchant.aux hommes

et aux bonnets blancs de ne pas,user. leurs deux genoux au confessionnal. « Le‘bonDieu

donne la vie pour qu’on vive, » répétait-il sou vent. Il s’ensuit que,plutôt dehors qu’a l’î—

glise, le curé de Moflincourt poussait a vue d’œil comme un champ de blé en plein so—

(40)

32 MON VILLAGE.

leil. Aussi le voyait-on devenir dodu, ron—

delet, ventru.

’ Faut convenir que si les fillettes le rencon traient maintes fois sur leur chemin, les maris

ne le trouvaient jamais, en revenant de tra—

vailler, devisant avec leurs femmes de la sainte Vierge Marie. Il aimait à faire endêver la jeunesse, en ne saurait le nier, mais il savait mieux qu’aucun de nous respecterle mariage.

Au milieude tout ça, le curé de Merlin court était resté un homme comme un autre;

il devait, à. coup sûr, lui arriver quelque mal—

heur.

Adonc, quand M“e Léorfie, sa cousine et sa servante, se coifiait de son tour gris des di manches, quoiqu’elle eût l’âge requis pour une servante et une cousine légitime de curé, elle pouvait en dire encore un brin. Mais il 'y ades gens qui n’ont pas de'chance;yen Voila

(41)

MON VILLAGE. 33

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une forte preuve. Le jour même de la Visite annuelle du seigneur l’évêque ‘a Morlincourt, un petiot chrétien naissait au presbytère.

Vousjùgez de l’aria. On rapporte que le sei

gneur l’éVêque se mit dans une colère des cinq cents diables, et que quelques—uns l’en

tendirent crier : ’ ‘ ‘

— Chez vous, curé! c’est impardonnable.

Vous quitterez la commune!

5— Ce pauvre curé de Morlincourt !. dit un

chacun, si parlant, si brave homme! On ne

sait pas; peut—être bien qu’au lieu d’un mau—

vais curé il eût fait un bonmari.

—- Des histoires de curé, il en pleut! dit le père Roux; maisje penche toujours pour celle

de défunt mon grand—oncle :

Ne trouva—t—il point un jour défunte ma

(42)

34 MON VILLAGE.

grand’tante en conversation (pour bien parler

devant les bonnets blancs) avec le receveur des dîmes de son village. Il n’y avait guère de justice alors pour un simple berger. En criant fort, défunt mon grand—oncle pouvait arriver a se voir pendu, voilà tout. Il prit donc le parti de faire semblant de rire. Bien mieux, sur place, il commanda a sa.femme de cuire des gauffres. Il y a manière de s’arranger.

Deux heures après il reportait monsieur le curé dans son lit, furtivement, par la nuit sombre. Or, le lendemain se trouvait être un dimanche. Las! mes camarades, dans le vil lage, les plus bigots se 'virent forcés de se passer de messe, parce que mbnsieur le curé était, sauf votre resp‘ect, crevé.

_De pro/“gndz’3!

—-— De profundiç! répéta Jeacquet, qui ve—

nait d’entrer. Vous parlez d’un curé mort?

Que le bon Dieu ait pitié de son âme!

(43)

MON VILLAGE. 35

._, _.__ __ww._.ÿq ._—_'.‘_«a>-v-. . .... .'

—- Il en a bien besoin d’après ça, dit la

Rose. '

—Tu deviens par trop gouailleu_se, la Rose, dit Jeacquet, tu tourneras mal.

>—- Je vois à mes étoiles qu’il est déjà tard , allonsŒous—en, dit le vieux berger. Quant a toi, la 3056, je souhaite que le mot de Jeac quet ne te porte pas malheur!

(44)

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r

LA ROSE.

A force, a forcé de payer ses galahtsl,

« d’écoute s’il pleut4 » et de les voir accourir tout de même, la Rose devenait un brin trop acrimonieuse; fière comme Artabatn, elle s’il lusionnait au point de croire qu’elle serait toujours pareillement festoyée. Aussi les gar—_

gens, pour la faire endêver, ne trouvaient-ils rien de mieux quede lui‘parlcr mariage.

M’est avis que ce n’était pas un manque de

réflexion qui faisait refuser, à cette jeunesse, par ainsi les épouseurs. Une preuve, c’est que

.

i. Locution qui correspond à « Va voir dehorssi j'y suis. 1)

(48)

40 MON VILLAGE.

d’aucunes fois la fillette prétendait que, dans nos pays, une femme mariée et une bête de somme, c’est approchant la même chose.

Adonc, que pour se mettre la corde au cou, et, au respect que je vous dois, faire cinq ou six mioches, il'n’y a jamais de presse.

Norine disait, quand elle se ramentevait tous les partis que sa fille avait rejetés : « As suré qu’il nous faudra attendre monsieurPlai—

sant. »

Depuis quelques semaines, d’après la con—

naissance qu’un chacun possédait de la ma—

nière d’être de la Rose, on ne se faisait pas faute de_remarquer qu’elle aimait moins a badiner du mariage,et que le dimanche, à.

rebours d’autrefois, elle s’en allait baguenau—

der dans les prés avec un seul galant.

Or,"ce monsieur'Plaisant la n’était autre

que Pierre le dragon. La fille à Norine l’avait

(49)

MON VILLAGE. 41 adopté, comme ça, tout d’un coup. D’aucunes, en gouaillant, soutenaient qu’elle ne le choi—

sissait que par rapport à. son costume. Faut convenir que beaucoup de bonnets blancs ont une espèce de faiblesse pour tout ce qui ter—

luit. Expliquez ça. ‘

:

Notre maître d’école ne voyait pas d’un bon œil l’amitié de Pierre et de la Rose qui, dans notre pays, passait, à. bon droit, pour une enjôleuse. Un jour il dit à. son lieu:

— Pierre, prends garde à. ta bonne amie;

je lui vois des yeux la la perdition de son âme.

Cette jeunesse—l‘a ne sera jamais une fameuse ouvrière; d’après, je serais fâché qu’il lui sur—

vienne quelque malheur. ’ ' .

— C’es‘thistoirO de passer le temps, répon dit le dragon , et, de plus, On sait bien que la

Rose ne s’est jamais dérangée avec âme qui

vive. '

(50)

42‘ MON VILLAGE.

C’était hardiment vrai.

Adonc, sitôt la veillée, au lieu de rentrer chez son père, comme de coutume, Pierre prit

le chemin de la montagne. Quand la dernière chandelle fut soufflée, il revint sur ses pas, re—

travel'sa le village, sauta une haie, par—ci, par—

la, et ne fit mine de s’arrêter que, devinez où?

dans le courtil de Norine. De même que moi, bien vous pensez qu’il y avait, de donné et

d’acceptè, un rendez—vous.

Le dragon se mit a monter la garde pendant un quart d’heure, à l’horloge des autres, mais au bout de dix minutes, il commença à jurer d’une belle façon, croyant être la depuis deux grandes heures. Si vous avez jamais attendu pour le même motif, vous n’oserez le'blâmer.

Doucettêmént, à. la‘fin des fins, la ROse ou vrit la porte de sa chambre. Pierre se tenait l’oreille au vent, il marcha droit au bruit; la

' '

(51)

MON VILLAGE. 43

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nuit était noire noire. Adonc, cherchant bien , nos deux amoureux se rencontrèrent. Le dra gon, dans la crainte de perdre sa bonne amie, lui passa les deux bras autour du cou; et puis, en manière de distraction, il l’embrassa comme du pain blanc.

Cette jeunesse, je vous l’assure, ne se débat—

tait plus comme avec Gaspard; encore moins criait—elle. Je crois même qu’elle avait peur

que Pierre ne les compte, ces baisers—là.

—- Pourquoi, dit la fille a Norine, m’as—tu

fait venir ici ce soir? .

Le dragon eut l’air de vouloir et puis de ne vouloir pas se déclarer. Le temps se pas—

sait a donner et a rendre des baisers en nom bre innombrable, si belget si bien que la Rose se vit encore forcée de redemander:

- Pourquoi donc m’as—tu fait venir?

(52)

44 MON VILLAGE.

Pierre, prenant une grande résolution, dit comme ça, tout d’une haleine :‘

—J’ai reçu, vers les cinq heures, mon ordre de départ; il paraît*que les choses s’em—

brouillent. D’aucuns prétendent qu’on doit nous renvoyer contre ceux que nous avons aidés autrefois; on ne nous donne pas d’ex—

plication, on nous crie: En avant! et faut marcher, l’arme au bras; voilà ce que c’est que d’être soldat!

La Rose se mit à pleurer. Pour lors, es—

suyant ses yeux, elle dit :

— Il devait m’arriver quelque malheur au jour d’aujourd’hui; ce matin j’ai écrasé deux grosses araignées; de plus, Maman a vu le feu siffler vers la droite de notre crémaillère.

Et la pauvre petiote recommença de pleu—

(53)

MON VILLAGE. , 45

r—4ÿw— .- w.—‘» -. --urn“‘fi‘*‘"“TW“‘-r“

rer, comme si vraiment elle était payée pour ça.

— Je n’aime pas les femmes en faiblesse, dit le dragon; laisse—mû mon courage. Tiens, ma Rose, je te donne la bague de fiançailles;

prends, passe-la a ton doigt. Ne sois plus co quette, ni engageante; ne m’oublie jamais.

M’aimeras-tu encore quand je reviendrai, dis, dis, ma Rose? °

—— Oh! oui, foi de prômise. Jamais... tou—

jours... dit la fillette au travers de ses san glots. Je ne pourrais t’oublier, quand même je m’y appliquerais, car je t’aime, Pierre, je t’aime à plein cœur. Mais toi? toi, lit-bas, tu m’oublieras dans tes garnisons; tu courtiseras

peut—être d’autres jeunesses... Oh! cette idée—

l‘a me chagrine de plus en plus. Je ne veux pas, moi, comme d’auçunes, d’une moitié de fidélité; il me la faut entière, entends—tu?

comme celle que je te garderai. Jure—moi, 3.

(54)

46 MON VILLAGE.

Pierre, sur ce qu’il y a de plus sacré, jure

moi...

—— Je te jure, si tu ne me trompes point, de te prendre pour fegnme au retour, je te le jure, dit le dragon.

— Ça ne saurait me suffire, dit la,Rosè; tu m’aimes'ou tu ne m’aimes pas, et, si tu m’ai-_—

mes, tu ne dois penser qu’à moi; je veux que tu me jures fidélité entière. J’ai ouï conter trop souvent, par les anciens, les manières d’être de vous autres militaires. Jure, Pierre, et dépêche—tpi.

— Pour ce qui est d’une fidélité comme celle que je veux que tu me gardes, je n’ose te la jurer, dit le dragon qui vénérait sa propre parole; d’ailleurs un homme, c’est pas la ‘ même chose.

A cause donc? dit vivement la‘fille a Norine, ‘

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._;,._,.l

(55)

MON VILLAGE. 47

qui était fine mouche et se trouvait grande—

ment choquée des dernières paroles de son promis.

—— Oh! ne te fâche point, ma Rose, dit Pierre; je vas te l’expliquer, tu me compren dras. Dans les garnisons, vois—tu, on s’ennuie tellement que si on n’avait pas un semblant de particulière, ou se rongerait la rate, sans compter que les camarades ne décesseraient devons poursuivre, nuit et jour, de leurs mo—

queries. Il faut l’avouer, puisque ça est, on se trouve maintes et maintes fois poussé à.

gouailler les amours du pays. Mais, tiens, je ne peux trouver rien de mieux a te dire, ma Rose : on a comme deux cœurs, sans quoi faudrait mourir à la peine; il y a le cœur qui pleure en quittant le pays, les amis, la pro mise, les parents, et encore le cœur qui saute au bruit du tambour et de la fusillade. Celui qui saute sous l’uniforme enfonce l’autre;

mais son cœur de paysan, on le retrouve en

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(56)

48 MON _YI‘LLAGE.

revoyant le pays, les amis, les parents, la pro—

mise. ..

La Rose sentit quelque chose a redire et dit:

—— Pourquoi, mon Pierre, si tu as deux

cœurs, ne m’amuserais—je pas a en avoir deux aussi? Crois—tu que lorsqu’un de mes galants m’embrasse par surprise, crois-tu que si mon cœur bat, il batte de la même manière que quand tu me pourprends?pNon. Eh bien, que reviennent mes amoureux quand tu seras là—‘

bas, au loin; s’ils me complimentent par rap—

port a ma figure, à. ma malice ou à. mon tra—

vail, je les écouterai. M’est avis aussi, Pierre, qu’on a deux cœurs, et je te garderai celui que tu me garderas.

L’amour, comme d’aucuns le prétendent, ne fait pas qu’on change du tout au tout, puisque, vous voyez, cette fillette était restée fielleus'e comme devant.

(57)

a, .

MON VILLAGE. 49

Ayant répondu, la Rose se mit a courir du côté de sa chambre en repoussant Pierre loin d’elle, a mesure qu’il l’approchait.

Le dragon cria si fort: « Il me faut tes deux cœurs! » que la fille a Norine s’arrêta, de peur

d’éVeiller les voisins.

—— De quel saint, dit-elle, veux-tu exiger de moi ce que tu ne veux pas que j’exige de toi?

——Parce qu’une femme, dit le dragon, d’une voix de commandement, ça doit donner tout ce qu’on lui réclame.

-— Ma foi, dit la Rose en goguenardant, partant de la on irait loin. Bah! bah! plus on donne, plus on demande, et si les bonnets blancs avaient un brin de raison, on ne les ferait, m’est avis, aller si souvent. Adonc, puisque nous voilà. en train de causer, ve'—

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50 MON VILLAGE.

' k

nous dans ma chambre; aussi bien il ne fait pas chaud dehors. Me voyant au doigt la bague de promise, ma mère elle—même, si elle se réveillait, ne se formaliserait point de la liberté que je te laisse prendre.

Et ils entrèrent; mais pour allumer sa chan delle, la Rose eut crainte de déranger Norine en allant remuer les cendres de la maison.

iAlors Pierre tira de sa poche une de ces allumettes chimiques que les soldats portent toujours sur eux. Quand il fit clair, le dragon regarda autour de lui d’un air de fierté. Il se trouvait dans une chambre que pas un'garçon

ne pouvait se vanter de connaitre , quoi—

qu'à. vrai dire ça ne fût pas ce qu’on peut ap—

peler une belle chambre. Il y avait une petite armoire, une chaise, un lit, au mur une image de sainteté, et dans un des coins un tas de chanvre. Soit l’odeur du chanvre, soit autre chose, le sang monta a la tête du dragon et il s’assit, tout émotionné, sur la chaise, tandis

n

(59)

MON VILLAGE. 51

que la Rose se posait au rebord de sa cou—

chette.

— Tu soutiens, Pierre, dit la fillette, que les bonnets blancs doivent plus d’amitié et de fidélité aux hommes, que les hommes aux bonnets blancs. J’opine que c’est ‘a l’égalité, parce que sansça il n’y aurait guère de j ustice, et je voudrais, moi, pour que tout aille bien dans le monde, que ceux qui trompent soient toujours trompés.

— Tu parles comme monsieur le curé, dit Pierre; mais ça n’empêche pas qu’une fille déshonorée est toujours bien plus blâmée que le garçon qui l’a mise a mal.

— Moi je blâme plutôt le garçondäms l’af— _ faire, dit la Rose. M’est avis que si d’aucünes parmi nous ont un brin de coquetterie de trop, d’aucune parmi vous ontpar trop debrava—

cherie, et si vous vous faisiez une loi d’endoc—

(60)

52 MON VILLAGE.

triner les filles, au lieu de les prendre a la force de vos deux bras, on n’entendrait pas, dans nos pays, parler de tant de malheurs.

Pour finir sur ce Sujet-là, donne—moi ton cœur de soldat, Pierre, et je te donnerai mon cœur de coquette.

—- Tope! dit le dragon; aussi bien avec les femmes ou n’a jamais le dernier, et si nous sommes un brin plus forts qu’elles, on' peut hardiment soutenir qu’elles sont plus malignes que nous sur beaucoup de points. Tu as rai—

sOn, ma fine Rose, les hommes, de même que les femmes, devraient donner et demander à.

l’égalité. Puis, se levant_ de sa chaise, Pierre s’en vint embrasser sa promise.

—- Tu m’étrangles, dit la Rose en riant, finis doncl... Ainsi tu me donnes tes deux cœurs, bien sûr... c’estjuré, juré. .

— C’est juré, juré.

(61)

MON VILLAGE. ‘53

—- Tiens! cria la Rose, nous allons être enténêbrés; je n’ai plus de chandelle, sor tons, mon Pierre; j’irai te faire un pas de conduite; finis donc!

—- Rose, m’aimes—tu?

— Pierre, dit la Rose d’une voix sûre, et tout émotionnée en même temps, demande moi plutôt si je respecte ma mère, si je re—

grette défunt mon père; mais, viens, viens!

— Je pars demain, ma Rose, ma promise, ma femme; encore un moment!

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—-— Pierre, laisse—moi, va-t—en...!

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(63)

LES PARIGOTS

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III

LES PARIGOTS 4

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Le parigot de Thérèse, la femme à. Jean

Claude, avait toussé la nuit d’une toux qui

ne semblait pas naturelle.

Dès le fin matin, le frère de Norine s’ha billa pour aller querir le médecin.

— Hé! cousin, lui cria Toinon, l’épicière, en le voyant passer. Tournez-—vous d’ici a Morlincourt? Vous marchez bien fier. Ne

i. Nourrissons de Paris, sortant pour la plupart des hu reaux de nourrices.

(66)

58 MON VILLAGE.

..- p.— -——-.—. .

sauriez—vous trouver un bonjour pour les gens? Qu’est—ce donc qui presse si tellement que vous ne prenez pas le quart d’heure de regarder autour de vous et de deviser un brin avec les amis?

— Je m’en vas vite et vite a Merlincourt, dit Jean-Claude, chercher M. Céran; notre parigot est dangereusement malade.

Toinon se posa sur sa porte et, dans le but, de mieux goguenarder, elle mit les deux poings sur ses hanches.

-— Voilà du nouveau, dit—elle. Oui—da ! Claude le lettré, tu portes ton argent au mé—

decin pour un parigot. Avec tes quinze francs par mois, tu peux bien, en vérité, payer des Visites. Ne faut—il pas être fou à lier?

M’est avis qu’il serait bon de vous expli—

quer le saisissement de Toinon en voyant Jean

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MON VILLAGE. 59

* *As.r—wf"'îi'7-rr—-’b ‘nr'fi‘ï" '

Claude aller à. Moriincourt, rapport a son pari got. Je me vois donc forcé de vous dire que chez nous les parigots ne sont guère mieux traités, en parlantpar respect, que des habillés de soie. Ils sont nourris d’ordures, couverts de pièces et de morceaux ; d’aucuns vivotent, queusskqueumi; mais ceux qui réchappent du froid, de la saleté, du mauvais lait, des

maladies, il n’est besoin d’un tas. de cailloux

pour les compter.

A mon dire, quand le fossoyeur passe avec une petiote boîte sous le bras, il répond, un brin trop souvent, aux questions des bonnets blancs de droite et de gauche : « C’est rien, c’est un parigot ! » '

Jean-Claude coupa dans les terres; il vous lait arriver aMorlincourt tôt et tôt, avant la tournée de M. Céran. Il rencontra, par un pur hasard, notre médecin au droit des Feuil

lants.

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(68)

60 MON VILLAGE.

— Je suis plus aise que de droit, à. ce mo ment—ci, lui dit Jean-Claude; j’ai la une fière chance de vous attraper comme ça; je ne vous lâche point; faut que vous veniez tout de suite voir notre parigot, qui est bien ma—

lade. Thérèse et puis moi, nous sommes dans de grandes inquiétudes.

— M. Céran tomba de son haut, il prit la main de Jean—Claude, et un vrai contente—

. ment se montra sur sa brave figure.

-— C’est bien, ami Jean-Claude, dit-il, tu devais être le premier à. me donner ce bon heur, oui bonheur. Croirais-tu que je n’ai ja—

mais été appelé pour un parigot?

- Le frère de N orme repassant dans son idée les paroles de Toinon et un tas d’autres

choses, dit tristement : '

— Le fait est que d’aucuns pourraient être pris plus en pitié.

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MON VILLAGE. 01 -— Oui, va, on s’émeut au récit des mi—

sères, des soufl"rances de gens inconnus, d’es—

claves étrangers , on crie haut son dévouement à des causes lointaines, on affiche sa charité a jour convenu; et, s’il s’agissait d’arracher par milliers d’innocentes créatures a des tortures sans nombre, peut-être hésiterait-on ? Des gens les nient ces tortures, quand, le cœur navré, je les raconte. Mais elles ne sont que trop réelles, hélas! je les constate à toute heure;

les palpant sans cesse, je n’ai pu m’y endur—

cir. Je suis impuissant a les soulager, moi, pauvre chirurgien de campagne. Si l’on sa vait pourtant les haines qui germent en l’âme de ces petits misérables, refoulés, abaissés, repoussés, dé’testés, on aurait peur ou pèçié.

Ah! mes chers parigots, qui donc avec moi vous aimera?

-Et Jean—Claude et M. Céran se détournèrent l’un de l’autre, craignant. de se laisser voir qu’ils pleuraient.

(70)

62 MON VILLAGE.

Quand Jean-Claude' eut repris haleine, il dit comme ça :

— A propos de parigots, je me ramentevrai toujours ceux que votre beau-père apporta

chez nous.

_ J’étais tout petiot encore, et il gelait a pierre fendre; la famille se tenait tout près, tout près du feu, le sarment flambait sec, il se faisait tard._ Voilà qu’enbûche a la porte, tant

que c’est assez. Notre mère se dérange en criant : Ouvrez! et votre beau—père entre portant dans ses bras deux parigOts entortillés avec son manteau. IPles avait trouvés dans les pays de bois, tout nus, les pauvres pe5 tiots, sur des feuilles sèches, en plein mois de , janvier. et ne savait leur voir figure humaine, et ils criaient comme de vrais bêtes. Mes

frères et sœurs, moi comme les autres, nous /

nous reculions de’peur. Notre mère, pour lors

nous dit :

(71)

MON VILLAGE. 63

—— Mes petiots, ne vous détournez pas, c’est des créatures du bon Dieu, pareilles a

VOUS.

— Chaque jour, nouveau fait, dit M. Cé—

ran, comme pensant à beaucoup de choses.

Ces temps—ci, j’entrais chez le berger de Fa—

vette, sa femme était un peu malade, je l’exa minais, Tout a coup j’entends des cris affreux sortir d’une chambre voisine. -— Qu’est—ce?

demandai—je? — « C’est rien, me répondit la bergère; c’est un parigot! » ’ '

——- Oui, mais, dit. Jean-Claude, depuis notre mairesse, on ne-voit plus tant de mi—

sères.

—— Allons donc! elle n’arrive a rien. Les nourrices se moquent d’elle; le mois passé, n’a—t-elle pas essayé de reprendre le parigot de la femme Jeacquet? une misérable qui le laissait. brûler pour la sixième fois. Il a fallu

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64 MON VILLAGE.

rendre le parigot. La Jeacquet, une dévote, a fait intervenir M. le curé et menacé le maire d’une plainte aux gendarmes; le maire a eu peur, comme toujours.

-— Je l’abomine, moi, cette Jeacquet, dit Jean—Claude, c’est une paresseuse, Hier, en plein jour, ne se promenait—elle pas dans le village avec son petiot en grandissime toi—

lette! Figurez—vous que le meneur’l lui avait remis, pour son parigot, un paquet de nippes, et qu'elle s’en allait montrantces nippes-là sur le dos de son propre enfant, tandis que le nourrisson se traînait, tout en loques, devant sa porte. Afin de reparler de madame la mai—

resse, ce n’est. point de sa faute si elle n’ar—

rive pas à. bien.

__ C’est vrai, dit M. Céran; mais que peut une femme, de quel droit userait—elle? 7

'1.Celui qui amène les nourrissons de Paris et les y ramène.

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MON VILLAGE. 65

——- Du droit que lui donne sa grande bonté, dit Jean-Claude; vous ressouvenez—

vous,de ce qu’elle a fait pour la parigote? '

—— Oh! cela, dit le médecin d’une voix émotionnée, c’est un de ces actes qui illuminent toute une vie.

.

Assuré que vous ne connaissez pas l’histoire de la parigote. Pendant que Jean-Claude et M. Céran devisent, faut que je vous la raconte : La parigote, nourrissonne de Maria, la sor cière, s’était trouvée orpheline de mère et abandonnée de son propre père, au bout de trois mois de nourrice. Maria l’avait gardée tout de même, l’utilisant le mieux possible dans ses sorCelleries, et l’envoyant mendier son pain sur les grandes routes. Brûlée de tout un côté, boiteuse, mal nourrie, mal nip—

pée, sale à. plaisir, les petiots du village la

huaient sans cesse. Les grandes gens se dé

.. , ;æ.;_‘_._—r.--. _...:..«__,_‘

4.

(74)

66 MON VILLAGE.

__,-.—1u.:_r-.—_ w-.. ,—_.. - --

tournaient d’elle comme en manière de dé—

g0ùt. ;-.

. ' J:' - Elle passait, la parigote, a bon droit, pour paresseuse, voleuse, hargneuse, cherchant mal a faire en tout et partout.

Madame la. mairesse, le croiriez-vous? la soutenait hardiment, l’appelait dans sa propre maison, et lui disait a chaque rencontre des

mots d’amitié. ’ '

—« Vous perdez votre temps, notre mai resse,répétait un chacun, elle se moque de’

vous par derrière. Une parigote, d’ailleurs, ça ne saurait être rien de bon. Notre mairesse ‘

ne se décourage pas pour si peu! Elle morali_

sait la petiote, sans se soucier des'dires. ,

/

Or, elle avait obtenu de la placer chez le cordier de notre village comme tourneuse de

(75)

MON VILLAGE. v '_ 67 roue; mais la parigote, le second jour, planta . 'la le cordier et s’en retourna vagabonder de

’ plus belle.

Madame la mairesse ne s’avoua point bat tue, ellé monta jusqu’aux carrières, repritla fuyarde. Ce qu’elle mit dans l’esprit de la parigote, je ne peux vous le dire; tout ce‘

‘ qu’on raconte, c’est qu’elle se sentit le courage.

d’embrasser une pareille saleté, ce que voyant, la petiote, émotionnée de fond en comble, se‘

jeta aux genoux de notre mairesse et lui pro mit monts et merveilles. Au jour d’aujour d’hui on a bel et bien vu, que la parigote à un cœur comme les autres, et on se demande en catimini _s’il était juste de la tant rebuter.

Madame la mairesse parlait, ce dernier soir, de la marier à. temps et heure avec le petiot Savoyard.

M’est avis qu’il est bon que vous appreniea aussi l’histoire de ce Savoyard—là :

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03 MON VILLAGE.

Au village,‘de même qu’à. la ville, il est d’usage de ramoner les cheminées. On voit venir, autour de l’hiver, les ramoneurs des pays lointains; ils travaillent sous les ordres de ceux qu’ils appellent leurs maîtres : mau—

vais maitres souvent! qui les battent comme plâtre, les laissent geler de froid et crever de faim. Le métier est vraiment dur, dans nos villages surtout, car il n’y a pas de gendarmes pour défendre les pauvres petiots.

Celui dont je vous parle, c’est encore notre mairesse qui l’a réchappé. Il se mourait de lassitude et de faim dans une grange, seul, comme un lépreux. Notre mairesse 'eut la cha—

rité de le racheter a son maître, moyennant la somme de cinquante francs; puis elle l’a soi—

gué, guéri. Le garçon a bon coeur, il est hon

nête, fort au travail et des plusi‘angés.

Ne vous semble—t-il pas que la parigote et le Savoyard seraient bien unis ensemble?

(77)

MON VILLAGE. 69

-I_<"—<‘nrn'_ "' .-_..-—.—-—1_v—- ._ _

Pour en revenir à. Jean-Claude et a M. Cé ran, ils devisaient toujours, marchant côte à.

côte.

—- Allez, monsieur Céran,- disait Jean—

Claude, vaudrait mieux que notre mairesse soit le maire de la commune.

-—— Ce n’est pas a elle, dit notre médecin, de présider votre conseil municipal, ni de sur veiller la réparation de vos chemins; mais, a la vérité, elle aurait dans la commune mille autres choses a faire et tout aussi utiles, si elle était mairesse pour de bon.

— Vous parlez de nos chemins, monsieur Céran, dit Jean-Claude, avec ça qu’ils sont réparés! et puis que nous pouvons nous van—

ter d’être gouvernés par un maire bien avisé.

A ce propos-là, faut que je vous redise une question que nous avons entreprise hier avec lui en plein conseil. Nous sommes, depuis

(78)

70 MON VILLAGE.

. l’année passée, en bisbille avec ceux de Mor—

linval pour une source qui traverse leur terroir.

N’eurent—ils pas l’idée ,-* il y aura tantôt un an, de nous couper le tuyau de notre fon—

tains! Vous savez qu’au jour d’aujourd’hui les femmes vous consultent, rapport aux gros—

seurs qui poussent à. leurs cous. Vous observez que l’eau de Saint-Brunelle est nuisible. Tout ça, c’est la faute de notre maire. Il ne veut à.

aucun prix de procès, et de plus il s’amuse à prétendre que l’eau de nos puits est préférable

à. l’eau de notre source. '

Je reviens sur nos chemins. Ce vieux hu—

guenot de père Roux, berger, soutient que d’aucunes fois il a perdu des brebis dans les ornières. D’autre part, tous les riverains des communaux empiètent à. la queue-leu—leu. Ah ! nous sommes emblavés d’un fameux maire; et ma foi, un bonnet blanc, quelque peu malin, ne serait pas de trop pour nous débrouillerde nosembrouillages. Nous voilà. arrivés.

‘J-r‘-*

(79)

MON VILLAGE. Il

Comme M. Céran sortait de chez Jean—

Claude, on s’en venait le prier de monter par la maison de Norine. La Rose était, à. ce qu’on disait, tombée dans les convulsions.

Je vas vous confier, ne vous déplaise, mon sentiment sur M. Céran. M’est avis que je peux le montrer tel qu’il est. Il jure de bon cœur, à. propos de rien, et ne se gêne guère pour vous traiter du haut en bas. Sa première parole, quand on le dérange, surtout la nuit, n’est pas toujours celle qu’on désirerait en tendre. Mais fût-ce! le cher brave homme!

si je devais vous raconter tout ce que je sais de lui, je n’en finirais point; j’aime mieux vous récidiver qu’il est de la pure crème des hommes.Comme il se dévoue au pauvre monde!

Allez, allez! il ne vous ruinera pas en drogues, prenez—le; ses écritures vous conduisent plu—

tôt chez le boucher que chez l’apothicaire; on ne s’en plaint jamais, Car souvent c’est par fai blesse qu’un chacun tombe malade au village.

(80)

72 MON VILLAGE.

Notre médecin est grand ami de madame la mairesse, et presque aussi charitable qu’elle, ce qui n'est pas peu dire.

Elle et lui, s’il vous manque quelque chose, sauront bien vous le trouver, soyez tran—

quilles. Ce pauvre M. Céran, on l’aime fort à.

Saint—Brunelle, à. cause de beaucoup de rai—

SOUS.

C’est un homme capable, je vous l’assure, quoi qu’il dise. A l’entendre, ce n’est guère de sa faute quand nous guérissons. Madame la mairesse nous a prévenus de la modestie de notre médecin, et Jean—Claude dit que le mot de madame la mairesse signifie qu’il ne faut jamais donner de louanges à. M. Céran.

(81)

MONSIEUR LE CURÉ

(82)

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(83)

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IV

MONSIEU n Le cuir

La Rose a été bien malade. Un Chacun

un que c"est le départ de Pierre. qui lui a

donné cette maladie—là. Toinon, une. mauL vaise langue à. faire battre ensemble des mon tagnes, raconte à. ceuX'qui veulent l’entendre qu’il y a dans ce chagrin—la quelque chose de

. plus; assuré, qu’un simple chagrin; Tout de

même, la Rose a bien pâti. '

Je ne veux point me faire ce qu’on appelle l’écho des méchancetés débitées en catimini

“s'ür le compte de la fille a Norine, ce dernier Soir; à la veillée.

(84)

76 ’ MON VILLAGE.

\

Si la Rose n’a plus le droit d’être fière comme devant, je plains la pauvre petiote, elle n’est pas au bout de ses peines!

Monsieur le curé a entendu parler, dit—on, des cancans faits sur la fillette. Dimanche

» passé, il a annoncé qu’il prêcherait contre la calomnie, comme il appelle les bavardages des gens de Saint—Brunelle. '

’ J’irai a ce sermon—là, ne vous déplaise, et je vous raconterai mot pour mot ce qui y sera

dit.

Notre église n’est pas ce qu’on peut appeler une belle église ; elle est quasiment petiote, et je ne m’en plains guère, moi qui n’y. mets les pieds que tous les trente—six du mois.

. Sivous allez. jamais dans la semaine à. saint—

Brunelle, je vous préviens d’avance, ne vous avisez pas de vouloir visiter notre église, car

(85)

MON VILLAGE. 77

monsieur le curé pourrait bien vous jouer le tour qu’il a joué à. un ami de notre mairesse.

Cet étranger, par manière de distraction, était entré dans notre église, et, marchant

son pas ordinaire, regardait partout, à. droite,

A

à. gauche, en haut et en bas.

Tout à. coup notre curé sort de derrière un

pilier, et adressant la. parole a l’ami de notre

mairesse : ' ' ‘

—— Monsieur, lui dit—il, venez-vousicidans l’intention de prier?

‘ '— Monsieur, je..., dit l’étranger, comme

dans'l’embarras. * '

. !’

' — Venez—vén‘s pour prier, oui ou non? ’re—

dit notre Curé; répondez.

—‘Non, Monsieur, dit franchement l’ami

__—-.——-_ .———.. . %. ....».-... ay A.._.—.

(86)

78 Mon VILLAGE,

de notre mairesse, je renais pour voir l’é—

glise.

— Alors, Monsieur, dit notre curé, vous n’avez que faire ici; un lieu saint n’est pas

une maison publique, Allez—veus—en!; ,

C’est aujourd’hui Pâques fleuries; les bon—

nets blancs passent pour aller a la messe, les

mains pleines de buis. .

, Au retour, ce buis—là, béni, sera pendu aux quatre coins des maisons, dans le but de les protéger de tous désastres en général.

Mais chut! j’entre dans notre église- Cra—

chez-vous, mouchez-vous , éternuez-vousl monsieur le curé monte en chaire, faut faire

. '. » . . ,. .

Silence. luc.0utez,vmla ce qu 11 dit;

« L‘vig1'labunt alii in-rz’tam æternam et alii

in approbm’um.

**71

(87)

MON VILLAGE. 79

« Ces paroles sont tirées de dessus la porte de notre cimetière.

« Mes chers frères!

« Je vais vous parler de l’enfer, oui, de l’en-.

fer! (D’abord silence dans la chapelle de la

Vierge! Entendez-vous, bavardes?) L’enfer (avez-vous envie de vous taire, une fois pour.

‘ toutes?) , l’enfer, dis—je, l’enfer est un-lieu de supplice établi par la justice divine pour loger et punir pendant l’éternité ceux qui ont par trdp offensé le bon Dieu. L’enfer, mes_ frères, non, le feu de l’enfer est un feu malin qui

s’attache à tous les sens qui ont péché, mais

qui s’attache principalement à celui qui a le_

plus péché. Avez-vous offensé Dieu par la vue d’objets obscènes, de lanternes magiques, de mascarades, d’images immorales? vous Serez punis par la vue, par risum! Avez-vous été gourmands, *iergnes? avez-vous tenu des propos impies, souillé vos lèvres de baisers '

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