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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

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Academic year: 2022

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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

MONTRÉAL

DOSSIERS : C-2018-5070-2 (17-0143-1) C-2018-5071-2 (17-0143-2) C-2018-5072-2 (17-0143-3) C-2018-5073-2 (17-0143-4) C-2018-5077-2 (17-0143-5) LE 1er MARS 2022

SOUS LA PRÉSIDENCE DE LYSANE CREE, JUGE ADMINISTRATIF

LE COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE c.

Le sergent PASCAL BÉRUBÉ, matricule 011 Le sergent GUY OLIVIER, matricule 005 L’ex-directeur NORMAND AMBROISE L’ex-directeur adjoint GILBERT VOLLANT L’agent RAYNALD MALEC, matricule 006

Membres du Service de police d’Uashat Mak Mani-Uténam (SPUM)

DÉCISION

REMARQUES PRÉLIMINAIRES

[1] Conformément à l’article 229 de la Loi sur la police1 (Loi), le Comité de déontologie policière (Comité) ordonne que les noms et prénoms de JRG et SR ne fassent l’objet d’aucune publication ou diffusion et qu’aucune information permettant de les identifier ne soit divulguée de quelque façon que ce soit.

1 RLRQ, c. P-13.1.

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[2] Le Comité ordonne également la non-diffusion et la non-divulgation de l’adresse résidentielle de monsieur Guy Olivier et de madame Cassandra Dresdell.

[3] Les pièces déposées au dossier contenant des renseignements touchés par les deux ordonnances ont été déposées sous scellés.

II. RETRAIT DE CHEF ET DE CITATIONS

A) RETRAIT DE LA CITATION CONTRE L’AGENT RAYNALD MALEC

[4] La citation C-2018-5077-2 a été déposée au Comité contre l’agent Raynald Malec le 16 avril 2018.

[5] Le 10 septembre 2019, au début de l’audience au fond, la procureure du Commissaire à la déontologie policière (Commissaire) demande au Comité d’autoriser le retrait du chef 3 de la citation. Elle soumet ne pas être en mesure de démontrer, par une preuve prépondérante, la commission d’actes dérogatoires.

[6] Le Comité, séance tenante, a accueilli la demande du Commissaire et autorisé le retrait du chef 3 de la citation.

[7] Le 25 mars 2021, la procureure du Commissaire demande le retrait des autres chefs pour les mêmes motifs.

[8] Le Comité, séance tenante, a accueilli la demande du Commissaire et a autorisé également le retrait des chefs 1 et 2, ce qui fait que la citation C-2018-5077-2 est retirée.

B) RETRAIT DE LA CITATION CONTRE LE SERGENT PASCAL BÉRUBÉ

[9] La citation C-2018-5070-2 a été déposée au Comité contre le sergent Pascal Bérubé le 28 mars 2018.

[10] Le 17 mars 2021, la procureure du Commissaire demande au Comité d’autoriser le retrait de tous les chefs de la citation. Elle soumet ne pas être en mesure de démontrer, par une preuve prépondérante, la commission d’actes dérogatoires.

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[11] Le Comité, séance tenante, a accueilli la demande du Commissaire et a autorisé le retrait de tous les chefs de la citation C-2018-5070-2.

C) RETRAIT DU CHEF 6 DE LA CITATION CONTRE LE SERGENT GUY OLIVIER

[12] La citation C-2018-5071-2 a été déposée au Comité contre le sergent Guy Olivier, le 28 mars 2018.

[13] Le 24 mars 2021, la procureure du Commissaire demande au Comité d’autoriser le retrait du chef 6 de la citation. Elle soumet ne pas être en mesure de démontrer, par preuve prépondérante, la commission de l’acte dérogatoire.

[14] Le Comité, séance tenante, a accueilli la demande du Commissaire et autorisé le retrait du chef 6 de la citation C-2018-5071-2.

[15] Les chefs 1 à 5 de la citation seront analysés plus bas.

[16] Bien que le Comité soit sensible aux arguments de la partie policière concernant leur réputation, son devoir est avant tout de s’assurer de la protection du public avant celui de l’intérêt des parties. En autorisant le retrait, cela met fin à l’instruction et n’ayant pas entendu de preuve à l’égard des chefs retirés, le Comité ne peut rendre non dérogatoires ces derniers.

III. CONTEXTE

[17] Le 6 février 2017, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, monsieur Martin Coiteux (Ministre), demande au Commissaire de tenir une enquête concernant des dossiers d’agressions sexuelles menés par le Service de police d’Uashat Mak Mani- Uténam (SPUM). Cette demande d’enquête du Ministre faisait suite à un courriel du 23 janvier 2017, transmis à monsieur Louis Morneau, sous-ministre associé à la Direction générale des affaires policières du ministère de la Sécurité publique, par la journaliste, madame Anne Panasuk.

[18] Le 28 mars 2018, suivant son enquête, le Commissaire cite cinq policiers du SPUM devant le Comité2.

2 Annexe 1.

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[19] Divers manquements reprochés concernent des événements qui ont eu lieu entre 2009 et 2012 relativement à la gestion de dossiers d’agressions sexuelles sur une présumée victime mineure, SR, incluant la gestion d’une trousse médicolégale effectuée auprès de cette dernière.

[20] Il est également reproché au sergent Olivier d’avoir omis d’informer le suspect mineur de ses droits constitutionnels, de ses droits en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents3 (LSJPA) et d’avoir omis d’intervenir auprès de lui de manière à protéger la présumée victime.

[21] Il est finalement reproché, à l’ex-directeur Normand Ambroise de ne pas avoir pris en charge et de ne pas avoir fait les suivis appropriés des dossiers alors que l’agent habituellement responsable de ceux-ci était en arrêt de travail pour cause de maladie.

[22] Suivant la preuve présentée, le Comité retient les faits suivants.

[23] Le 25 août 2010, une première plainte est déposée au SPUM à l’effet que JRG aurait agressé sexuellement SR en septembre 2019. Le dossier UMM-100825-006 est ouvert.

[24] Le sergent Olivier est le seul enquêteur formé pour prendre en charge les dossiers d’agressions sexuelles et le dossier lui est assigné.

[25] Le sergent Olivier fait la planification d’une entente multisectorielle entre la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), le SPUM et le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et un premier échange a lieu le 9 septembre 2010.

[26] Le 13 septembre 2010, le sergent Olivier procède à une entrevue vidéo avec le suspect mineur, JRG.

[27] Le 14 septembre 2010, le sergent Olivier soumet une demande d’intenter des procédures au DPCP qui, le 22 décembre 2010, refuse de porter des accusations criminelles à l’égard de JRG en raison notamment de l’âge mental de ce dernier et de l’intérêt public.

[28] Le 10 mai 2011, une nouvelle plainte est formulée sur une prétendue nouvelle agression sexuelle entre les mêmes parties. Le dossier UMM-110511-003 est ouvert.

3 L.C. 2002, ch. 1.

(5)

[29] Le 12 mai 2011, le sergent Olivier rencontre JRG pour l’interroger.

[30] Le 13 mai 2011, la présumée victime, accompagnée de sa mère, se rend au Centre de santé et de services sociaux de Sept-Îles (CSSSSI) pour que des prélèvements soient faits et qu’une trousse médicolégale soit complétée dans le contexte du dossier UMM-110511-003.

[31] Le 16 mai 2011, le sergent Olivier s’absente du travail pour un congé de maladie.

[32] Le 25 mai 2011, l’agent Kenny Fontaine rencontre la mère de SR pour prendre une déclaration et ouvre le dossier UMM-110525-004.

[33] Le 31 mai 2011, le sergent Olivier, qui est de passage au bureau pour venir y porter son billet médical, constate que le dossier UMM-110511-003 est toujours sur son bureau et qu’il n’a pas été pris en charge. Il complète alors le formulaire de demande d’intenter des procédures et remet le dossier à l’agente de liaison du SPUM, madame Lyne Pinette, pour qu’elle l’achemine au DPCP.

[34] Le 8 août 2011, au retour de son congé, le sergent Olivier prend connaissance de la déclaration du 25 mai 2011 et constate qu’il s’agit d’informations déjà traitées dans le dossier UMM-115011-003. Il verse alors le dossier UMM-110525-004 dans le dossier UMM-115011-003 et demande à l’agente de liaison du SPUM de transmettre ce complément au DPCP.

[35] Le 1er novembre 2011, le DPCP refuse de porter des accusations contre JRG.

[36] Le 17 avril 2012, le directeur-adjoint et responsable des exhibits, Gilbert Vollant, inscrit dans le registre des pièces à conviction la trousse médicolégale prélevée et toujours dans le réfrigérateur de la salle d’exhibits, comme étant une pièce pouvant être détruite.

[37] La trousse médicolégale est détruite le 17 avril 2012 sans jamais avoir été analysée.

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IV. RECONNAISSANCE DE RESPONSABILITÉ PAR L’EX-DIRECTEUR ADJOINT GILBERT VOLLANT

[38] Les dix chefs de la citation C-2018-5073-2 portés contre l’ex-directeur adjoint du SPUM, monsieur Vollant, le 28 mars 2018, concernent la gestion d’une trousse médicolégale du numéro d’événement UMM-110511-003.

[39] On reproche à monsieur Vollant de ne pas avoir fait les démarches en temps utile pour inscrire cette trousse médicolégale dans le registre des pièces à conviction, ni à la version papier ni dans le registre informatisé (chefs 1 à 4), d’avoir omis d’aviser l’enquêteur au dossier de la réception de la trousse médicolégale (chefs 5 et 6), de n’avoir effectué aucune démarche afin que la trousse soit analysée (chefs 7 et 8) et d’avoir fait en sorte que la trousse soit détruite alors qu’elle n’avait pas été analysée (chefs 9 et 10).

[40] Le 18 mars 2021, une fois la preuve du Commissaire close, monsieur Vollant a reconnu sa responsabilité en vertu de tous les chefs de cette citation et un exposé des faits et reconnaissance de responsabilité déontologique signé par ce dernier a été déposé devant le Comité.

[41] L’exposé des faits et reconnaissance de responsabilité déontologique est clair et exhaustif. Le Comité en retient les faits essentiels suivants.

[42] Monsieur Vollant avait 25 ans d’expérience au moment des événements et il était le seul responsable des pièces à conviction, dites « exhibits », entre 2009 et 2011.

[43] La preuve démontre que la trousse médicolégale et les formulaires appropriés rattachés au dossier UMM-110511-003 n’ont jamais été acheminés au Laboratoire de sciences judiciaires et médecine légale (LSJML) pour analyse.

[44] La trousse médicolégale a été détruite le 17 avril 2012 par monsieur Vollant au poste du SPUM sans avoir été analysée.

[45] Les directives du SPUM démontrent que le responsable des exhibits doit faire le nécessaire pour assurer l’intégrité de ceux-ci et utiliser les équipements appropriés pour éviter leur contamination et assurer leur conservation.

[46] Le responsable des exhibits a également la responsabilité d’assurer la chaîne de possession et de les acheminer, suivant la procédure établie dans le Guide des services en sciences judiciaires, à l’endroit approprié.

(7)

[47] De plus, lorsque les prélèvements sont conservés selon les conditions d’entreposage recommandées, il n’y a aucun délai prédéfini pour cette conservation.

[48] Le rapport de madame Catherine Lavallée du LSJML explique que les prélèvements d’une trousse peuvent être analysés malgré un très long délai de conservation4.

[49] Ainsi, cela explique pourquoi la « lame de réserve » des prélèvements de la trousse médicolégale reliée au numéro d’événement UMM-110511-003, gardée par le centre désigné (CSSSSI), a pu être analysée par madame Martine Lapointe, et ce, entre le 1er juin et le 25 septembre 2018, soit plus de sept ans après avoir été prélevée5. [50] Le Comité procède à l’audition sur sanction le 1er avril 2021.

V. REPRÉSENTATION SUR LA SANCTION

[51] La procureure du Commissaire demande la destitution de monsieur Vollant en soumettant que c’est la seule sanction qui peut être imposée dans une telle situation, et ce, même si monsieur Vollant n’est plus à l’emploi d’aucun service de police.

[52] La procureure de monsieur Vollant confirme qu’elle ne s’oppose pas à la sancton suggérée par le Commissaire.

[53] La procureure du Commissaire soumet que la destitution est la sanction appropriée dans les circonstances. Monsieur Vollant a eu la possession de la trousse pendant 11 mois au cours desquels il n’a fait aucune démarche pour qu’elle soit analysée ni pour tenter de corriger la ou les fautes commises. De plus, même au moment où il a décidé de détruire la trousse, il avait encore la possibilité de remédier à la situation, ce qu’il n’a pas fait.

[54] Elle soumet qu’il est impossible que le lien de confiance puisse exister encore entre un citoyen et monsieur Vollant. Un citoyen bien informé de la situation ne pourrait pas donner sa confiance à ce dernier, parce qu’il s’agit d’un cas de négligence grossière, répété et de mauvaise foi. Ceci est une situation qui est inexplicable, inexcusable et inacceptable.

4 Pièce C-48.

5 Pièce C-49 (sous scellés).

(8)

[55] La procureure du Commissaire soumet aussi que la reconnaissance de responsabilité n’a pas eu pour effet d’alléger le débat car monsieur Vollant n’a reconnu sa responsabilité qu’après que le Commissaire eut terminé sa preuve. Sa reconnaissance de responsabilité tardive n’a pas évité aux témoins de venir témoigner devant le Comité.

[56] La jurisprudence déposée par le Commissaire à l’appui de la sanction recommandée établit que la destitution, étant la sanction ultime, est imposée dans des cas où la ou les fautes commises sont d’une gravité objective sérieuse et ont un impact sur la protection du public. Une destitution peut aussi être imposée lorsque l’omission d’agir est fautive en soi, tel que le défaut d’assumer les devoirs propres à son rang6 ou une omission volontaire d’appliquer les dispositions de la loi7.

[57] Le Comité, dans Bélanger, reprend la décision de la Cour d’appel dans Shallow8, qui explique l’équilibre entre les pouvoirs conférés aux policiers et l’éthique rigoureuse nécessaire de ces derniers :

« […] La Commission est d’avis qu’en contrepartie des droits et pouvoirs exorbitants conférés aux policiers par la loi (recours à la force, usage d’une arme, pouvoirs de détention et d’arrestation) et de leur revendication du statut de

“professionnels de la sécurité publique”, la société est en droit de s’attendre à une éthique rigoureuse de la part de ces derniers. Aussi, pour justifier l’octroi de ces pouvoirs, l’équilibre exige que le policier fasse preuve d’une morale professionnelle rigoureuse, accompagnée d’obligations de rectitude et d’honnêteté scrupuleuses. »

[58] L’article 235 de la Loi précise que, au moment d’imposer une sanction, le Comité doit prendre en considération la gravité de l’inconduite, compte tenu de toutes les circonstances ainsi que la teneur du dossier de déontologie du policier cité.

[59] La sanction imposée par le Comité n’a pas pour but de punir l’individu concerné, mais vise plutôt la protection du public. En considérant les circonstances et faits particulier du dossier, il est bien établi dans la jurisprudence que le Comité doit faire l’analyse en respectant les objectifs de la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession et le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession9.

6 Auger c. Monty, 2006 QCCA 596 (CanLII), paragr. 72; Auger c. Racicot, 2006 QCCQ 13404 (CanLII).

7 Commissaire à la déontologie policière c. Bélanger, 2016 QCCDP 26 (CanLII), paragr. 91-93.

8 Simard c. Shallow, 2010 QCCA 1019 (CanLII); Commissaire à la déontologie policière c. Bélanger, précitée, note 7, paragr. 45; Commissaire à la déontologie policière c. Trudeau, 2021 QCCDP 8 (CanLII).

9 Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), paragr. 37-39.

(9)

[60] Le Comité écrit ceci dans Trudeau10 : « Dans sa prise de décision, le Comité doit donc se demander si un citoyen bien renseigné de la présente affaire continuerait à faire confiance à l’agente […] ».

[61] Dans le présent dossier, le Comité retient les facteurs objectifs, tant aggravants qu’atténuants, suivants :

 La gravité objective des fautes commises;

 Le nombre de chefs (10);

 L’admission des faits et de responsabilité de la part de monsieur Vollant.

[62] Le Comité retient les facteurs subjectifs, tant aggravants qu’atténuants, suivants :

 Monsieur Vollant avait 25 ans d’expérience au moment des événements;

 Il n’a pas d’antécédents disciplinaires;

 Le risque de récidive est faible car l’intimé est retraité depuis 2015.

[63] Dans le présent cas, une période de 11 mois s’est écoulée entre le moment où monsieur Vollant a pris possession de la trousse médicolégale et le moment où il a procédé à la destruction de cette même trousse, sans jamais l’avoir transmise au LSJML pour analyse. Aucune raison valable n’a été démontrée pour ce manquement et monsieur Vollant, en tant que directeur adjoint et seul responsable de la salle des exhibits, avait amplement le temps de s’assurer que la trousse soit analysée dans un délai raisonnable.

[64] Monsieur Vollant n’a pas non plus fait de démarches en temps utile pour que la trousse médicolégale soit inscrite dans le registre des pièces à conviction (version papier et version informatisée), et il a omis d’aviser l’enquêteur au dossier UMM-110511-003 de la réception de cette trousse. Il y avait une procédure à suivre, détaillée dans la directive 21.002 du SPUM11, qui n’a pas été faite.

[65] Lorsqu’il a pris la trousse le 17 avril 2012 pour la détruire, il avait encore la possibilité de corriger son erreur, mais il a choisi de procéder à sa destruction.

[66] Il a démontré un mépris flagrant de ses responsabilités et un sérieux manque de respect pour la présumée victime qui a subi tous les examens nécessaires pour compléter une trousse.

10 Commissaire à la déontologie policière c. Trudeau, précitée, note 8, paragr. 24.

11 Pièce C-27.

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[67] Après considération de l’ensemble du dossier, le Comité est d’avis que la gravité de l’inconduite commise par monsieur Vollant est telle que la destitution est la seule sanction qui peut être imposée dans le présent dossier.

[68] Le Comité décide que l’ex-directeur adjoint Vollant a dérogé aux articles 5 et 8 du Code de déontologie des policiers du Québec12 (Code) et lui impose la destitution.

VI. DÉCISION SUR LES CITATIONS PORTÉES CONTRE LE SERGENT GUY OLIVIER ET L’EX-DIRECTEUR NORMAND AMBROISE

Questions en litige

[69] Les questions en litige sont les suivantes : Dans la citation C-2018-5071-2

a) Le sergent Olivier a-t-il omis d’informer le suspect mineur dans le dossier UMM-100825-006 de ses droits? (Chefs 1 et 2)

b) Le sergent Olivier a-t-il omis d’intervenir auprès d’un suspect mineur dans des dossiers d’agression sexuelle de manière à protéger la victime mineure? (Chefs 3, 4 et 5)

Dans la citation C-2018-5072-2

c) L’ex-directeur Ambroise s’est-il assuré qu’il y ait une prise en charge des dossiers à caractère sexuel pendant l’absence du sergent Olivier? (Chefs 1 et 2) d) L’ex-directeur Ambroise a-t-il omis de faire un suivi, à titre de directeur, avec l’enquêteur assigné aux infractions à caractère sexuel dans les dossiers UMM-100825-006, UMM-110511-003 et UMM-110525-004?

12 RLRQ c P-13.1, r. 1.

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Analyse et motifs

a) Le sergent Olivier a-t-il omis d’informer le suspect mineur du dossier UMM-100825-006 de ses droits?

[70] Il est reproché au sergent Olivier d’avoir omis d’informer le suspect mineur de ses droits constitutionnels (chef 1) et de ses droits en vertu de la LSJPA (chef 2) lors de son entrevue dans le dossier UMM-100825-006, commettant ainsi des actes dérogatoires en vertu de l’article 7 du Code.

[71] En vertu de l’article 7 du Code, le policier doit respecter l’autorité de la loi et des tribunaux et collaborer à l’administration de la justice.

[72] Pour répondre à cette question en litige, le Comité doit, dans un premier temps, déterminer s’il y a eu détention ou arrestation du suspect mineur. Dans l’affirmative, le Comité devra déterminer si le sergent Olivier a omis d’informer le suspect mineur de ses droits.

[73] Aucune preuve n’a été déposée à l’effet que JRG aurait été arrêté. Le débat entre les parties vise plutôt la détention de ce dernier.

[74] La procureure du Commissaire soumet qu’il y a eu détention du suspect mineur pour un interrogatoire dans le cadre d’une enquête, et ce, même si le sergent Olivier a dit à JRG qu’il était libre de quitter à tout moment. Elle précise que c’est la perception de l’individu qui doit être retenue plutôt que celle du policier.

[75] Dans le présent dossier, l’individu était au poste de police dans une salle avec une porte contrôlée par un code d’accès. Le Commissaire s’interroge sur le consentement éclairé de JRG, et ce, même s’il s’est rendu au poste de façon volontaire. La procureure du Commissaire suggère qu’on ne peut présumer que le suspect mineur comprenait qu’il était libre de partir alors qu’il ne comprenait que difficilement les questions. D’ailleurs, le sergent Olivier avait lui-même des doutes sur la capacité du suspect mineur de comprendre ses droits.

[76] Les procureurs du sergent Olivier soumettent qu’il n’y a pas eu détention et que ce dernier a plutôt simplement interrogé JRG. Le sergent a informé JRG qu’il n’était pas arrêté ni détenu et qu’il n’avait qu’à lui dire s’il voulait quitter. Lorsque le sergent Olivier s’est absenté pour aller chercher une photo, JRG est demeuré assis, n’a pas cherché à partir et semblait à l’aise avec la situation.

(12)

[77] La Cour suprême du Canada a déterminé dans Grant13 que la détention existe lorsqu’une personne se soumet ou acquiesce à la privation de liberté et croit qu’elle n’a pas le choix d’agir autrement.

[78] Le 13 septembre 2010, le sergent Olivier a rencontré seul le suspect mineur dans une salle d’interrogation au poste du SPUM, alors qu’il savait que ce dernier avait une déficience intellectuelle documentée.

[79] Le sergent Olivier était déjà au fait, depuis au moins février 2009, que JRG avait une déficience intellectuelle. Dans le contexte d’un autre dossier d’agression sexuelle impliquant JRG, le sergent Olivier avait rencontré la mère de JRG14 et son père, et ces derniers lui avaient dit que JRG avait été évalué à un âge mental de 6 ½ ans. Lors de sa rencontre avec le père, ce dernier avait dit au sergent Olivier qu’il recevait des prestations ajustées à la hausse pour un enfant déficient ou gravement handicapé et lui a fourni de la documentation à cet égard.

[80] Le père de JRG a aussi signé une autorisation le 5 février 2009 pour que le sergent Olivier puisse obtenir certains éléments du dossier de JRG pour permettre de confirmer l’âge de son développement psychologique15.

[81] Le sergent Olivier a témoigné qu’il a obtenu le rapport d’évaluation neuropsychologique pour corroborer ce que les parents lui avaient dit lors de ses rencontres avec eux. Effectivement, le rapport établit un retard de développement global en plus de difficultés d’apprentissage scolaire dans toutes les matières et des retards de plus de quatre ans16. Lorsque le sergent Olivier a rencontré JRG le 13 septembre 2010, il était déjà au fait que le suspect mineur avait été impliqué dans une autre cause d’agression sexuelle, mais que ce dernier n’avait pas été accusé, notamment en raison de sa déficience intellectuelle.

[82] En début d’entrevue, le sergent Olivier a informé JRG que la rencontre est filmée et à partir de l’enregistrement on peut voir que l’entrevue est d’une durée d’environ 24 minutes. La porte de la salle est restée ouverte jusqu’au moment où le sergent Olivier est entré et a fermé la porte derrière lui. Une fois fermée, la porte s’ouvre seulement à l’aide d’un code d’accès.

13 R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), paragr. 28.

14 Pièce P-28 (sous scellés).

15 Pièce P-29 à P-31 (sous scellés).

16 Pièce P-30 (sous scellés).

(13)

[83] Le sergent Olivier a discuté brièvement avec JRG, lui a demandé comment ça va pour lui à l’école et avec son emploi à temps partiel et JRG lui a indiqué qu’il est dans une classe spéciale pour lire et écrire. Le sergent Olivier lui a demandé de lire une affiche de l’aide juridique qui est au mur et JRG a démontré de la difficulté à lire l’affiche, mais il a pu identifier les chiffres du numéro de téléphone.

[84] Le sergent Olivier l’a informé aussi qu’il n’était ni arrêté ni détenu et que s’il voulait partir il n’avait qu’à le dire.

[85] Le Comité a de la difficulté à comprendre comment le sergent Olivier pouvait conclure que JRG comprendrait les notions de ne pas être arrêté ni détenu et d’être libre de ne plus répondre aux questions et quitter, quand il a une déficience intellectuelle démontrée par sa difficulté à lire une simple affiche de l’aide juridique et qu’il ne semble pas bien comprendre les questions en général. Une personne dans les mêmes circonstances, qui se rend volontairement au poste de police pour répondre à des questions, est détenue lorsqu’elle croit raisonnablement ne pas pouvoir quitter les lieux et lorsqu’elle est interrogée par rapport à son implication dans un crime17.

[86] Le Comité est d’avis que JRG, une personne avec une déficience intellectuelle, ne se sentait pas libre de quitter la salle d’interrogatoire quand on lui a demandé de se présenter au poste pour répondre aux questions d’une personne en autorité et, de plus, qu’il se trouvait dans une salle avec une porte qui, une fois fermée, ne peut s’ouvrir qu’avec un code d’accès.

[87] Le Comité a déterminé dans Bessette18 que poser des questions c’est interroger, car « c’est poser des questions avec l’idée qu’il doit répondre ». Une personne qui est détenue « pour les fins d’enquête » doit être informée de ses droits19.

[88] Dans les circonstances, le Comité est satisfait qu’il y a eu détention de JRG pour les fins d’enquête.

[89] L’analyse doit maintenant se faire à savoir si les droits du suspect mineur ont été respectés.

17 Commissaire à la déontologie policière c. Bessette, 2003 CanLII 57290 (QC CDP), paragr. 69.

18 Idem, paragr. 73.

19 R. c. Suberu, 2009 CSC 33 (CanLII); Commissaire à la déontologie policière c. Pelletier, 2010 CanLII 232 (QC CDP).

(14)

[90] Les droits constitutionnels protégés par la Charte canadienne des droits et libertés20 sont les mêmes pour toute personne et inclut le droit au silence et le droit à un avocat. Toute personne doit être avisée de ses droits lorsqu’elle est interrogée au sujet de son implication potentielle dans un crime, qu’elle soit arrêtée ou détenue. Lorsqu’un policier avise une personne de ses droits, il doit s’assurer de sa compréhension et, au besoin, utiliser un langage plus simple.

[91] Une personne majeure peut renoncer à ses droits et répondre aux questions du policier, si cette renonciation est faite volontairement21. S’il y a des indices concrets que l’individu ne comprend pas, le policier doit vérifier davantage la compréhension de ses droits et faire des démarches supplémentaires afin de lui expliquer, notamment, son droit de garder le silence et son droit à l’avocat22.

[92] Dans le cas d’une personne mineure, considérée plus vulnérable et moins apte à comprendre le système légal et ses droits, la LSJPA fournit une protection supplémentaire pour les adolescents entre 12 à 17 ans qui sont soupçonnés d’avoir commis une infraction criminelle.

[93] Un policier doit informer le mineur le plus rapidement possible des motifs de son arrestation ou de sa détention. Si le policier a des motifs raisonnables de croire que l’adolescent a commis une infraction, il doit l’informer de son droit au silence et son droit à un avocat avant que le mineur ne fasse une déclaration23. Un mineur a aussi le droit d’avoir un parent ou une partie tierce de son choix présent avant de répondre aux questions. Le policier a l’obligation de s’assurer de la compréhension des droits en utilisant un langage clair et simple. En absence des droits donnés et expliqués, une déclaration, même une qui est spontanée, pourrait être rejetée par le tribunal.

[94] Dans le cas d’un mineur qui a une déficience intellectuelle, le policier doit non seulement s’assurer que la personne a bien compris ses droits, mais aussi que l’individu a la capacité de renoncer, sinon la déclaration subséquente ne pourrait être utilisée contre l’individu dans un procès.

20 Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c.11.

21 R. c. Nadeau, 2019 QCCS 308 (CanLII), paragr. 48-49.

22 Idem, paragr. 58 et 67-71; R. c. Evans, 1991 CanLII 98 (CSC).

23 LSJPA, art. 146

(15)

[95] Un mineur peut renoncer à son droit au silence et au droit à l’avocat, mais la validité de la renonciation reposera sur la véritable compréhension des droits visés et des conséquences de la décision d’y renoncer24. En vertu de la LSJPA, il doit verbaliser la renonciation et celle-ci doit être enregistrée, filmée ou écrite25.

[96] Le policier doit s’assurer de bien expliquer les droits conférés par l’article 146 de la LSJPA. L’effet d’une renonciation permet que la déclaration puisse servir de preuve dans les poursuites intentées contre lui. La Cour suprême a déterminé dans L.T.H. que le respect de cette obligation suppose une démarche personnalisée, qui tienne compte de l’âge et de la compréhension de l’adolescent interrogé. Le policier doit « se renseigner sur le niveau de scolarité de l’adolescent, ses capacités langagières et l’étendue de son vocabulaire, son niveau de compréhension et son état émotif au moment pertinent » sans que ceci nécessite l’intervention d’un psychologue, d’un enseignant ou d’un parent26. [97] Autre que la mention à JRG pendant l’entrevue qu’il n’est ni arrêté ni détenu et qu’il est libre de quitter, le sergent Olivier explique au suspect mineur qu’il veut l’interroger pour un crime à caractère sexuel sur la personne de SR. Il veut lui poser des questions pour obtenir sa version par rapport à ce que SR lui a dit lors d’une rencontre s’étant déroulée plus tôt la même journée.

[98] Il ne lui parle pas de ses droits (soit constitutionnels ou en vertu de la LSJPA) ni de la renonciation à ces droits.

[99] Le sergent Olivier témoigne que lorsqu’il a vu que JRG, âgé de 16 ans à ce moment, avait de la difficulté à lire l’affiche de l’aide juridique et qu’il lui apparaissait être moins cohérent qu’un enfant de 6 ans, il s’est senti déstabilisé. Il prétend également ne pas avoir poursuivi la lecture des droits27 parce qu’il avait l’impression que plus il tentait de s’assurer de la compréhension de JRG, plus il était persuadé que ce dernier ne comprenait rien.

24 R. c. L.T.H., 2008 CSC 49 (CanLII), paragr. 40.

25 LSJPA, art. 146(4).

26 R. c. L.T.H., 2008 CSC 49 (CanLII), précitée, note 24, paragr. 21-23.

27 Pièce P-36 (sous scellés).

(16)

[100] Le témoin expert Patrice Abel a étudié cette entrevue filmée du suspect et est d’avis que l’entrevue est acceptable malgré qu’elle présente « quelques anomalies de procédures » qu’il qualifie plus loin dans son rapport comme des « erreurs techniques »28. Il est de cet avis parce que le sergent Olivier a « pris la décision d’effectuer cette entrevue sur support audiovisuel (recommandé), il s’est assuré d’informer l’individu au tout début de l’entrevue du positionnement de la caméra et de l’audio, il a utilisé un vocabulaire adapté et a fait des efforts considérables afin de s’assurer de la compréhension de ce dernier »29.

[101] L’expert Abel ajoute que, à son avis, « il aurait été préférable que le sergent Olivier termine la lecture de la mise en garde au complet à cette étape avec le document qu’il avait avec lui et par la suite, étant donné qu’il était d’âge mineur, qu’il se conforme aux règles entourant la loi sur les jeunes contrevenants, mais il en a décidé autrement en s’appuyant sur son expérience, constatant à ce moment la difficulté de compréhension de l’individu »30.

[102] Le Comité est d’accord avec l’expert Abel que le sergent Olivier a expliqué la raison pour laquelle il voulait poser des questions au suspect et qu’il a adapté son langage à ce dernier, sachant qu’il avait une déficience intellectuelle. Le sergent Olivier a aussi tenté de lui faire lire l’affiche de l’aide juridique au mur pour vérifier sa capacité de lire et à comprendre.

[103] Le Comité diverge cependant de l’avis de l’expert Abel quant à l’acceptabilité des manquements à la procédure. Le manquement de ne pas expliquer au suspect mineur ses droits constitutionnels et ses droits en vertu de la LSJPA en plus d’assurer sa compréhension avant de le questionner est beaucoup plus qu’une « erreur technique ».

Un policier a une grande autonomie dans l’exercice de ses fonctions et ce n’est pas dans tous les cas qu’une erreur équivaudra à une faute déontologique31, mais lorsqu’un agent prend une décision, il se doit de respecter la loi incluant les chartes et son code de déontologie32. Les droits peuvent être donnés en tout temps, ce qui n’a pas été fait ici.

28 Pièce P-22, p. 4-5 (sous scellés).

29 Idem, p. 4 (sous scellés).

30 Idem (sous scellés).

31 Dumont c. Commissaire à la déontologie policière, C.Q. Québec, 200-02-007286-927, 9 février 1995;

Commissaire à la déontologie policière c. Savard, 2004 CanLII 59919 (QC CDP).

32 Commissaire à la déontologie policière c. Gaudette, 2019 QCCDP 30 (CanLII), paragr. 118-119.

(17)

[104] De plus, étant déjà au courant que JRG avait une déficience intellectuelle, et ayant vérifié cette déficience en lui demandant de lire une affiche, le sergent Olivier aurait dû savoir qu’aucune renonciation à ses droits pourrait être valablement retenue. Il aurait dû s’assurer que les questions soient posées en présence d’un avocat ou d’un adulte connu par le suspect.

[105] L’expert Abel évalue le but de cette entrevue comme étant de fournir un échantillon au tribunal de l’état mental de l’individu qu’il avait devant lui. Même si c’était le cas, il est important de considérer que le sergent Olivier faisait enquête sur une allégation d’agression sexuelle où le suspect mineur avait été nommé spécifiquement par la victime mineure. Le sergent Olivier veut l’interroger par rapport à cette allégation. En répondant aux questions du sergent Olivier, il est évident que le suspect mineur pouvait s’incriminer et faire des déclarations compromettantes.

[106] Autre que la tentative de lui faire lire les chiffres de l’affiche de l’aide juridique, le sergent Olivier ne l’informe à aucun moment de ses droits constitutionnels tel que le droit au silence et le droit à un avocat. Il ne l’informe pas non plus qu’il a le droit d’avoir un parent ou un autre adulte présent avant qu’il ne soit interrogé, tel que prévu dans la LSJPA. Malgré qu’il ajuste son langage pour tenter d’être mieux compris par le suspect mineur, il ne fait pas de tentative afin de lui expliquer ses droits et commence à lui poser des questions concernant son implication dans un crime.

[107] Tel que décrit précédemment, la LSJPA prévoit qu’un mineur a les mêmes droits constitutionnels qu’un adulte en plus d’avoir le droit à la présence d’un parent ou d’un autre adulte. Elle prévoit aussi que les explications données quant aux droits doivent être ajustées selon l’âge et le niveau de compréhension du mineur à être interrogé. Un mineur ayant une déficience intellectuelle apparente et connue n’aurait pas dû être interrogé sans que ses droits ne lui soient expliqués, que sa compréhension soit vérifiée et qu’un adulte ne soit présent, considérant l’impossibilité d’obtenir une renonciation valable.

[108] Le Comité conclut que le sergent Olivier a dérogé à l’article 7 du Code quand il n’a pas respecté l’autorité de la loi et a omis d’informer le suspect mineur dans le dossier UMM-100825-006 de ses droits constitutionnels (chef 1) et de ses droits en vertu de la LSJPA (chef 2) lors d’une entrevue avec ce dernier, le 13 septembre 2010.

(18)

b) Le sergent Olivier a-t-il omis d’intervenir auprès d’un suspect mineur dans des dossiers d’agression sexuelle de manière à protéger la victime mineure?

[109] Il est reproché au sergent Olivier de ne pas être intervenu auprès du suspect mineur de manière à protéger la victime mineure dans les dossiers UMM-100825-006 (chef 3), UMM-110511-003 qui faisaient état de nouvelles allégations d’agression de la part du même suspect (chef 4) et dans le dossier UMM-110525-004 (chef 5), commettant ainsi des actes dérogatoires en vertu de l’article 5 du Code.

[110] L’article 5 du Code se lit comme suit : « Le policier doit se comporter de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction ».

[111] La procureure du Commissaire soumet que le sergent Olivier n’a pas fait des démarches et un suivi adéquat dans les trois dossiers impliquant le même suspect mineur et la même victime mineure. Il savait que JRG avait été impliqué dans un autre dossier d’agression sexuelle en 2009, mais que le dossier avait été fermé à cause de l’âge mental du suspect. Elle soumet aussi que le sergent Olivier n’a pas pris d’information pour une trousse médicolégale dans le dossier UMM-110511-003, lorsqu’il s’agissait d’une récidive de la part de JRG. Enfin, elle soumet qu’il n’a pas fait un suivi approprié des dossiers UMM-110511-003 et UMM-110525-004 et qu’il n’en a pas discuté avec ses supérieurs.

[112] Les procureurs du sergent Olivier soumettent, au contraire, qu’un suivi adéquat a été fait dans les trois dossiers et rappelle au Comité le pouvoir discrétionnaire du policier, le Commissaire n’ayant pas pris soin d’indiquer en quoi le sergent Olivier aurait omis d’intervenir. De plus, ils soumettent que le sergent Olivier a fait toutes les démarches nécessaires et qu’il a rapidement soumis les dossiers au DPCP. Il a connu un arrêt de travail pour des raisons médicales et, dès son retour au travail, il a pris connaissance du dossier UMM-110525-004, a transféré celui-ci dans le dossier principal et a transmis au DPCP un complément de preuve pour le dossier UMM-110511-003 qu’il avait déjà soumis au DPCP.

Dossier UMM-100825-006

[113] Une première plainte est déposée le 25 août 2010 et le dossier UMM-100825-006 est ouvert. La déclaration, faite par la mère de la présumée victime, est prise par les agents Bobby Guillemette et Tommy Vollant du SPUM et décrit une agression sexuelle, qui lui a été dévoilée par son fils, et qui aurait eu lieu en septembre 2009.33 Le dossier

33 Pièce C-2 (sous scellés).

(19)

est inscrit dans le Module d’information policière (MIP) le 27 août 2010 et est assigné au sergent Olivier, le seul enquêteur du SPUM qui a la formation nécessaire pour traiter les dossiers à caractère sexuel. Ce dernier prend connaissance du dossier lorsqu’il est au travail le 31 août 2010. Il en avise la DPJ le même jour.

[114] Une « Entente multisectorielle relative aux enfants victimes d’abus sexuels et autres » est conclue le 9 septembre 201034. Une telle entente permet aux différents services impliqués dans le dossier de se réunir et de discuter des prochaines étapes.

Dans le présent dossier, les parties impliquées étaient le SPUM (représenté par le sergent Olivier), la DPJ et la DPCP.

[115] Le 13 septembre 2010, le sergent Olivier prend la déclaration de JR, la mère de la victime, suivant une autre divulgation de SR à celle-ci concernant l’agression sexuelle déjà dénoncée35.

[116] Ce même jour, le sergent Olivier rencontre la victime mineure en présence de Nicole Bergeron, intervenante de la DPJ, en plus de faire une visite des lieux où l’agression serait survenue.

[117] Toujours le 13 septembre, le sergent Olivier rencontre le suspect mineur pour l’interroger.

[118] Le 14 septembre 2010, le sergent Olivier prépare le dossier et soumet une demande d’intenter des procédures au DPCP. Il prend aussi des déclarations de deux témoins potentiels le 15 septembre 2010.

[119] Le 22 décembre 2010, le DPCP refuse d’intenter des procédures contre le suspect mineur, notamment dû à son âge mental et ferme le dossier36.

34 Pièce C-14.1 (sous scellés).

35 Pièce C-3 (sous scellés).

36 Pièce P-37 (sous scellés).

(20)

[120] Le dossier UMM-100825-006 a été traité par le sergent Olivier dans une période d’environ 17 jours entre le 25 août et le 15 septembre 2010, ce qui inclut la prise de connaissance du dossier, le signalement à la DPJ, la tenue d’une entente multisectorielle, des entrevues avec la victime mineure et le suspect mineur et la prise de déclaration de témoins potentiels et, finalement, la soumission du dossier au DPCP pour intenter des procédures.

[121] Un filet social a été mis en place avec l’implication de la DPJ dans le dossier et la collaboration de la mère de la victime. Les participants de l’entente multisectorielle, incluant la DPJ, étaient d’avis que la mère pouvait assurer la sécurité de son enfant.

[122] Pour ce chef, le Comité est d’avis que le Commissaire n’a pas démontré de façon prépondérante la commission d’un acte dérogatoire et que rien dans la preuve n’a permis d’identifier les actions supplémentaires qu’aurait dû prendre ou faire le sergent Olivier.

[123] Le Comité considère que le sergent Olivier n’a pas omis d’intervenir auprès du suspect mineur de manière à protéger la victime mineure dans le dossier UMM-100825-006.

Dossier UMM-110511-003

[124] Le dossier UMM-110511-003 (chef 4) est ouvert le 11 mai 2011 lorsque le sergent Olivier reçoit de l’information d’une intervenante de la DPJ, madame Gisèle Côté, à l’effet qu’un second événement de même nature aurait eu lieu, entre le même suspect mineur et la même victime mineure.

[125] Madame Chantal Goulet, intervenante de la DPJ, contacte le sergent Olivier pour qu’une entrevue soit tenue avec la victime mineure et qu’une trousse médicolégale soit complétée.

[126] Le 11 mai, le DPCP en est aussi informé et un appel sur l’entente multisectorielle est tenu dès le lendemain. Le sergent Olivier témoigne qu’il voulait arrêter immédiatement le suspect sans mandat compte tenu de la récidive, mais le procureur du DPCP a refusé et ne lui a permis d’interroger JRG que si la victime avouait lors de l’entrevue avec elle qu’il y avait eu des actes de nature sexuelle.

(21)

[127] La même journée de l’échange dans le cadre de l’entente multisectorielle, soit le 12 mai, le sergent Olivier rencontre la victime mineure en présence de madame Goulet, visite l’endroit où l’agression aurait eu lieu et rencontre le suspect mineur en présence de sa mère.

[128] Le vendredi 13 mai, le sergent Olivier n’est pas au travail. La victime mineure, accompagnée de sa mère, se rend au CSSSSI pour qu’une trousse médicolégale soit complétée. Le SPUM en prend possession et l’enregistre dans le registre des pièces sous le numéro de lot 11-3437.

[129] Tel qu’indiqué précédemment, l’ex-directeur, monsieur Vollant, a admis sa responsabilité par rapport à la gestion de la trousse et de sa destruction 11 mois plus tard sans l’avoir fait analyser.

[130] Le lundi 16 mai 2011, le sergent Olivier est en arrêt de travail pour des raisons médicales et sera de retour au travail le 8 août 2011.

[131] Pendant cette période, le sergent Olivier se rend au poste à l’occasion pour remettre un document relié à son arrêt de travail, sans être en fonction.

[132] Le 31 mai 2011, il se présente pour la première fois au poste pour remettre son billet médical. Il témoigne être allé dans son bureau pour récupérer des objets personnels et avoir constaté que le dossier UMM-110511-003 était toujours sur son bureau. Pour faire avancer le dossier, il rédige et signe le formulaire pour intenter des procédures et le soumet à madame Pinette, agente de liaison du SPUM, pour qu’elle l’achemine au DPCP38. Selon le témoignage du sergent Olivier, la suite du dossier dépendait à partir de ce moment-là du DPCP.

[133] La preuve démontre que la DPJ conclut une entente sur mesures volontaires avec la mère de la victime le 9 juin 2011, et une table d’orientation est tenue le 15 juin 2011 pour discuter du régime et des mesures prises pour corriger la situation de compromission39. Entre autres, les mesures volontaires établies prévoient que l’enfant soit maintenu chez sa mère, que la mère participe activement à l’application des mesures et qu’il n’y ait pas de contact entre le suspect et la victime. Le Centre Jeunesse Côte- Nord s’engage aussi à apporter aide et assistance à la mère et à la victime.

37 Pièce C-1 (sous scellés).

38 Pièce P-40 (sous scellés).

39 Pièce P-3 (sous scellés).

(22)

[134] Dans le rapport d’orientation de la DPJ, madame Goulet indique que, suivant une évaluation de la situation, la sécurité et le développement de la victime mineure n’est pas compromis puisque la mère a pris les mesures nécessaires pour protéger la victime en acceptant l’intervention de madame Cynthia Paradis, du CAVAC. L’enquête étant toujours en cours au moment où le rapport est rédigé en juin 2011, la DPJ obtient l’émission d’une mesure de protection ordonnant un interdit de contact entre le suspect et la victime40.

[135] Le 1er novembre 2011, le procureur du DPCP décide de ne pas autoriser de poursuite dans le dossier UMM-110511-003, n’étant pas convaincu de pouvoir établir la culpabilité du suspect mineur et note que « certaines particularités vont en ce sens de ne pas autorisé »41.(sic)

[136] Les décisions des procureurs du DPCP dans les dossiers UMM-100825-006 et UMM-110511-003 de ne pas intenter des procédures contre JRG ont été révisées et reconfirmées par le procureur en chef adjoint du DPCP le 21 janvier 201442.

[137] Pour ce chef, le Comité est d’avis que le Commissaire n’a pas démontré de façon prépondérante la commission d’un acte dérogatoire et que rien dans la preuve n’a permis d’identifier les actions supplémentaires qu’auraient dû prendre ou faire le sergent Olivier.

[138] Le Comité décide que le sergent Olivier n’a pas omis d’intervenir auprès du suspect mineur de manière à protéger la victime mineure dans le dossier UMM-110511-003.

Dossier UMM-110525-004

[139] Les agents Kenny Fontaine et Réjean Fontaine, le 25 mai 2011, prennent une déclaration de la mère de la présumée victime et ouvrent le dossier UMM-110525-004 (chef 5). Madame Goulet, intervenante de la DPJ, est présente lors de la prise de déclaration.

[140] La preuve démontre que, à son retour au travail, le 8 août 2011, le sergent Olivier a pris connaissance de l’ouverture du dossier UMM-110525-004 et de la déclaration s’y trouvant.

40 Pièce P-3, p. 6 (sous scellés).

41 Pièce P-43 (sous scellés).

42 Pièce P-49 (sous scellés).

(23)

[141] Le sergent Olivier ferme le dossier secondaire et verse les déclarations dans le dossier principal UMM-110511-00343 pour ne pas avoir deux dossiers en cours puisqu’ils impliquent les mêmes parties et la déclaration de la mère de la victime, placée dans UMM-110525-004, fournit plus de détails concernant la récidive notée dans le dossier UMM-110511-003.

[142] Le 22 août 2011, le sergent Olivier informe madame Goulet qu’il a rencontré la victime mineure, sa mère et le procureur du DPCP le 18 août et qu’il est en attente d’une réponse du procureur à savoir si des procédures seront intentées. Suivant cette information, madame Goulet fait un suivi à domicile chez la mère de la victime mineure44. [143] Dans les circonstances, le Comité est d’avis que les délais sont raisonnables et que les mesures prises ont été adéquates.

[144] Le sergent Olivier n’était pas le seul à prendre les décisions. La DPJ et le DPCP sont aussi des parties décisionnelles. Il avait même pris les devants en demandant de pouvoir procéder à l’arrestation du suspect, requête qui lui a été refusée par le DPCP.

[145] Le dossier UMM-110525-004 a été versé dans le dossier UMM-110511-003. On ne pouvait donc pas imposer au sergent Olivier une double charge de s’assurer d’intervenir auprès du suspect mineur pour protéger la victime mineure.

[146] Le Comité est d’avis que le sergent Olivier n’a pas omis d’intervenir auprès dususpect mineur de manière à protéger la victime mineure dans le dossier UMM-110525-004 (qui a été fermé et versé au dossier UMM-110511-003).

[147] Le Comité décide sous chacun des chefs 3, 4 et 5 que le sergent Olivier n’a pas dérogé à l’article 5 du Code.

c) L’ex-directeur Normand Ambroise s’est-il assuré qu’il y ait une prise en charge des dossiers à caractère sexuel pendant l’absence du sergent Guy Olivier?

[148] Il est reproché à l’ex-directeur Normand Ambroise de ne pas s’être assuré qu’il y ait une prise en charge appropriée pour les dossiers à caractère sexuel, notamment les dossiers UMM-110511-003 et UMM-110525-004, pendant l’absence du sergent Olivier, commettant ainsi des actes dérogatoires prévus à l’article 5 (chef 1) et 8 (chef 2) du Code.

43 Pièce C-18, p. 7 (sous scellés).

44 Pièce P-4 (sous scellés).

(24)

[149] L’ex-directeur Ambroise est le directeur du SPUM dans la période pertinente aux chefs portés contre lui, soit entre 2009 et 2011 et jusqu’au moment où il quitte ses fonctions en août 2014.

[150] En tant que directeur, il est le supérieur du directeur-adjoint de l’époque, monsieur Vollant, et des enquêteurs, tel que le sergent Olivier. Le seul enquêteur au SPUM qui est formé pour traiter des dossiers d’agressions sexuelles et plus particulièrement ceux impliquant des mineurs, est le sergent Olivier.

[151] Il est clair qu’il existe dans un service de police une hiérarchie et chaque membre de l’équipe a ses responsabilités et doit répondre à son supérieur immédiat. Néanmoins, le directeur du service de police a la responsabilité, en plus de faire certaines tâches telles que vérifier les dossiers au CRPQ et les dates de rappels, de maintenir une surveillance globale du service et des membres.

[152] Plus spécifiquement, la description de tâches pour le directeur du SPUM prévoit que le directeur doit « planifier, organiser, diriger et contrôler les activités de la sécurité publique en rencontrant, sur une base régulière, le personnel concerné afin de discuter des activités à entreprendre ou des difficultés soulevées dans le but d’atteindre les objectifs fixés » en plus de « rencontrer le personnel régulièrement afin d’échanger et de discuter des objectifs, des problèmes courant de nature opérationnelle ou administrative et de fournir des orientations pour les supporter dans l’opération quotidienne et assurer les respects des directives de police ». De plus, en tant que directeur il est responsable de l’application du code d’éthique et de discipline45.

[153] L’ex-directeur Ambroise a témoigné avoir été informé de l’absence du sergent Olivier au début de la semaine du 16 mai 2011 lors d’une rencontre avec le directeur adjoint, monsieur Vollant. Apprenant l’arrêt de travail du sergent Olivier, il n’a fait aucune démarche tant auprès de ce dernier qu’auprès de son équipe, et ce, malgré que le 31 mai 2011, il a rencontré le sergent Olivier alors qu’il était de passage au poste pour remettre un billet médical relié à son absence.

[154] Le Comité s’explique difficilement pourquoi le directeur Ambroise n’a entrepris aucune démarche pour s’informer du statut des dossiers actifs du sergent Olivier, sachant qu’il était en arrêt de travail pour une durée indéterminée et sachant qu’il était le seul enquêteur formé pour les dossiers à caractère sexuel.

45 Pièce PB-2.

(25)

[155] Le sergent Olivier a témoigné avoir à traiter environ 70 dossiers d’agression sexuelle par année. Le sergent Olivier et l’agent Malec (aujourd’hui directeur du SPUM depuis 2014) ont fait part au Comité, lors de leurs témoignages, que les ressources limitées dont disposent les services de police autochtones ne leur permettent pas de pouvoir compter sur de l’aide pour le sergent Olivier qui était seul pour enquêter tous ces dossiers sensibles pouvant nécessiter un suivi plus serré.

[156] Si le directeur Ambroise avait fait des vérifications, il aurait été en mesure de prendre une décision informée et déterminer si un dossier pouvait soit attendre le retour du sergent Olivier, soit être acheminé à un autre enquêteur ou même, au besoin, qu’une demande d’assistance puisse être soumise à la Sûreté du Québec (SQ).

[157] Les procureurs de l’ex-directeur Ambroise soumettent qu’il ne peut être tenu responsable d’un acte qui ne relève pas de ses fonctions. Le blâme et ultimement la responsabilité, sont placés sur les autres membres du service, sans reconnaître que monsieur Ambroise avait lui-même des responsabilités comme directeur du poste. Il ne s’assurait pas de connaître ce qui se passait dans son département et d’être au fait des dossiers actifs. Son travail ne se faisait pas dans le vide et n’était pas limité à des tâches administratives.

[158] Pendant l’absence du sergent Olivier entre le 16 mai 2011 et le 8 août 2011, le dossier UMM-110511-003 a été soumis au DPCP parce que le sergent Olivier est passé par le bureau le 31 mai pour remettre un billet médical. Bien qu’il n’était pas en fonction à ce moment, il a vu que le dossier n’avait pas bougé. C’est alors qu’il a complété la demande d’intenter des procédures et qu’il a remis le dossier à l’agente de liaison pour qu’elle l’achemine au DPCP.

[159] Le dossier UMM-110525-004 a été ouvert parce que les agents Kenny Fontaine et Réjean Fontaine, qui ont pris la déclaration de JR, n’étaient pas au courant des autres dossiers et qu’un dossier était déjà ouvert et actif. L’agent Kenny Fontaine a témoigné que la déclaration de la mère n’indiquait pas qu’une agression venait d’avoir lieu. Le Comité comprend de son témoignage que, puisqu’il ne travaille pas dans ce type de dossier habituellement, il a pris la déclaration pour aider et il croyait que le sergent Olivier s’en occuperait. Aucune démarche de plus n’a été faite pendant l’absence du sergent Olivier. Il est le seul enquêteur formé pour ce type de dossier.

(26)

[160] En vertu de l’article 5 du Code, la conduite reprochée doit être évaluée par rapport au standard classique du policier prudent et prévoyant placé dans les mêmes circonstances, sans que le policier soit requis de tout prévoir. Le Comité a précisé dans Forget que même si le policier n’est pas tenu de tout prévoir, il « se doit de prendre les moyens les plus efficaces à sa disposition pour répondre à une demande d’assistance le plus adéquatement possible, ce à quoi est en droit de s’attendre tout citoyen »46. [161] Le Comité est d’avis que ce standard s’applique au travail d’un policier, quelque soit son statut au sein de l’organisation.

[162] Dans Auger47, l’omission d’agir du directeur a été jugée fautive et le Comité a conclu que les devoirs et responsabilités qui lui incombaient exigeaient qu'il s’implique personnellement dans le déroulement des opérations afin de s’assurer que ses subalternes avaient la capacité et les aptitudes pour faire face à la situation. Cette omission d’agir avait eu l’effet de rompre le lien de confiance entre ce dernier et le public en vertu de l’article 5 du Code. Le Comité dans Auger48 précise :

« La responsabilité qui incombait au directeur Auger et au lieutenant Pohu par suite de leur défaut d’assumer les devoirs propres à leur rang ainsi que les principes d’imputabilité qui doivent s’appliquer aux officiers supérieurs ont été longuement analysés par le Comité. Ces deux officiers devaient assurer le respect des lois, procédures et règlements. Ils devaient surveiller les policiers placés sous leurs ordres et ils avaient le devoir, vu les circonstances, de voir personnellement à assurer la protection du détenu et d’intervenir face aux gestes commis par les policiers à l’intérieur du poste de police. »

[163] Le Comité a aussi confirmé dans Demers que la connaissance des faits reprochables peut s’inférer de la connaissance de supérieurs hiérarchiques, détenteurs d’autorité imputable de leur gestion.49

[164] Le Comité est d’avis que le directeur Ambroise, lorsqu’il était dans l’exercice de ses fonctions, ne s’est pas assuré qu’il y ait une prise en charge des dossiers à caractère sexuel pendant l’absence du sergent Olivier. Ce faisant, il a dérogé à l’article 5 du Code (chef 1). De plus, le directeur Ambroise n’a pas exercé ses fonctions avec probité et a dérogé à l’article 8 du Code (chef 2).

46 Commissaire à la déontologie policière c. Forget, 2013 QCCDP 34 (CanLII), paragr. 29-30; confirmé par la Cour du Québec dans Forget c. Commissaire à la déontologie policière, 2015 QCCQ 967 (CanLII).

47 Auger c. Monty, 2006 QCCA 596 (CanLII), paragr. 57-58 et 67.

48 Idem, paragr. 72.

49 Commissaire à la déontologie policière c. Demers, 2016 QCCDP 18 (CanLII), paragr. 128.

(27)

d) Normand Ambroise a-t-il omis de faire un suivi, à titre de directeur, avec l’enquêteur assigné aux infractions à caractère sexuel pour les dossiers UMM-100825-006, UMM-110511-003 et UMM-110525-004?

[165] Il est reproché à l’ex-directeur Ambroise de ne pas avoir fait les suivis qu’il aurait dû faire auprès de l’enquêteur assigné aux infractions de nature sexuelle, le sergent Olivier, relativement aux dossiers UMM-100825-006, UMM-110511-003 et UMM-110525-004 entre 2009 et 2011, commettant ainsi des actes dérogatoires à l’article 5 (chef 3) et à l’article 8 (chef 4) du Code.

[166] L’ex-directeur Ambroise témoigne que les dossiers étaient assignés par les superviseurs, étant donné qu’ils connaissaient mieux le personnel. Il décrit ses tâches comme étant plutôt administratives et, comme directeur, il n’était pas impliqué dans le cheminement d’un dossier.

[167] La preuve démontre qu’il ne faisait pas de suivi auprès des superviseurs et qu’il n’a pas fait de suivi non plus directement auprès du sergent Olivier concernant les dossiers actifs. Il témoigne ne pas être au courant de la déclaration de JR prise par les agents Kenny et Réjean Fontaine, le 25 mai 2011.

[168] Il prétend aussi que, à l’occasion, il pouvait faire une demande d’assistance auprès de la SQ. Le dossier était alors soit transféré au complet à la SQ, soit la SQ portait une assistance particulière, mais le dossier restait avec l’enquêteur du SPUM. En général, le patrouilleur ou l’enquêteur du SPUM impliqué dans le dossier lui soumettait la demande.

[169] Son seul enquêteur au fait des dossiers d’agression sexuelle était en arrêt de travail. L’ex-directeur Ambroise n’était pas au courant du statut des dossiers et n’a pas pris de démarches pour s’en informer. Conséquemment, une demande à la SQ ne pouvait être considérée.

[170] L’ex-directeur Ambroise témoigne que le père de la victime mineure lui a demandé d’avoir un suivi des dossiers en 2011 approximativement. Il voulait savoir si des accusations seraient portées. Il lui a répondu ne pas être au courant et l’a référé au sergent Olivier.

[171] Bien que le père ait obtenu des réponses en s’adressant au sergent Olivier à deux reprises, cela ne permettait pas d’écarter les responsabilités qui incombaient à l’ex-directeur Ambroise de lui-même faire certaines vérifications pour connaître le statut du ou des dossiers.

(28)

[172] L’ex-directeur Ambroise témoigne de plus avoir reçu un appel de la mère de la présumée victime, possiblement en 2013, pour obtenir des nouvelles de la progression des dossiers.

[173] Il témoigne avoir complètement oublié la demande de suivi du père, seulement parce que ce dernier n’était pas émotif, contrairement à la mère qui était beaucoup plus émotive et son appel l’avait marqué davantage.

[174] À ce moment, il a dit à la mère qu’il ne savait pas ce qui se passait dans le dossier et qu’il allait vérifier. Il a témoigné avoir fait une vérification sommaire au MIP et dit que la mère n’était pas contente lorsqu’il l’a rappelée pour lui dire que le dossier n’avait pas été autorisé par le DPCP et il se sentait pris, alors il lui a dit d’appeler le procureur.

[175] À aucun moment suivant la rencontre avec le père en dehors du poste ou suivant l’appel de la mère, le directeur Ambroise n’a fait de suivi, tant avec le sergent Olivier qu’avec une autre personne du poste.

[176] Ce n’est que le 22 novembre 2013 qu’une lettre de madame Pinette, l’agente de liaison, est transmise au DPCP pour demander une réévaluation du dossier UMM-100825-006. L’ex-directeur Ambroise témoigne que ce type de demande ne peut être fait auprès du DPCP, sauf s’il donne l’approbation à titre de directeur. Une deuxième lettre est acheminée le 3 décembre 2013 par madame Pinette au DPCP pour demander la réévaluation des deux dossiers UMM-100825-006 et UMM-110511-003.

[177] Encore une fois, le Comité a de la difficulté à comprendre pourquoi, dès l’arrêt de travail du sergent Olivier, l’ex-directeur Ambroise n’a fait aucun suivi lui-même pour s’informer du statut des dossiers jusqu’en 2013, bien longtemps après que les dossiers ont été fermés. Les questions lui ont été posées directement en tant que directeur du service de police par les parents de la présumée victime. L’ex-directeur Ambroise semble se contenter de placer la responsabilité sur les autres et de rester dans l’ignorance au lieu d’agir comme un directeur devrait le faire.

[178] Le Comité est d’avis que l’ex-directeur Ambroise ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction et qu’il a ainsi dérogé à l’article 5 du Code (chef 3) et que, en agissant de cette manière, il n’a pas exercé ses fonctions avec probité et qu’il a dérogé à l’article 8 du Code (chef 4).

(29)

CONCLUSION

[179] POUR CES MOTIFS, le Comité DÉCIDE : C-2018-5070-2

[180] D’AUTORISER le retrait de la citation C-2018-5070-2 contre le sergent PASCAL BÉRUBÉ.

C-2018-5071-2

Chef 1

[181] QUE le sergent GUY OLIVIER a dérogé à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir omis d’informer le suspect mineur de ses droits constitutionnels);

Chef 2

[182] QUE le sergent GUY OLIVIER a dérogé à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir omis d’informer le suspect mineur de ses droits conformément à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents);

Chef 3

[183] QUE le sergent GUY OLIVIER n’a pas dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir omis d’intervenir auprès du suspect mineur de manière à protéger la victime mineure du dossier UMM-100825-006);

(30)

Chef 4

[184] QUE le sergent GUY OLIVIER n’a pas dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir omis d’intervenir auprès du suspect mineur de manière à protéger la victime mineure du dossier UMM-110511-003);

Chef 5

[185] QUE le sergent GUY OLIVIER n’a pas dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir omis d’intervenir auprès du suspect mineur de manière à protéger la victime mineure aux dossiers UMM-110511-003 et UMM-110525-004);

Chef 6

[186] D’AUTORISER le retrait du chef 6 de la citation C-2018-5071-2 contre le sergent GUY OLIVIER.

C-2018-5072-2

Chef 1

[187] QUE l’ex-directeur NORMAND AMBROISE a dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec (ne pas s’être assuré qu’il y ait une prise en charge appropriée pour les dossiers à caractère sexuel);

Chef 2

[188] QUE l’ex-directeur NORMAND AMBROISE a dérogé à l’article 8 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir omis de s’assurer qu’il y ait une prise en charge appropriée pour les dossiers à caractère sexuel). En vertu de l’arrêt Kienapple50, le Comité ordonne un arrêt conditionnel des procédures sur ce chef;

50 Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC).

(31)

Chef 3

[189] QUE l’ex-directeur NORMAND AMBROISE a dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir omis de faire un suivi à titre de directeur avec l’enquêteur assigné aux infractions de nature sexuelle);

Chef 4

[190] QUE l’ex-directeur NORMAND AMBROISE a dérogé à l’article 8 du Code de déontologie des policiers du Québec (avoir omis de faire un suivi à titre de directeur avec l’enquêteur assigné aux infractions de nature sexuelle). En vertu de l’arrêt Kienapple51, le Comité ordonne un arrêt conditionnel des procédures sur ce chef.

C-2018-5073-2

Chefs 1 à 10

[191] QUE l’ex-directeur adjoint GILBERT VOLLANT a dérogé aux articles 5 et 8 du Code de déontologie des policiers du Québec, à l’égard des chefs 1 à 10 de la citation.

En vertu de l’arrêt Kienapple52, le Comité ordonne un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des chefs sous l’article 5, soit les chefs1, 3, 5, 7 et 9;

[192] QUE la destitution est imposée à l’ex-directeur adjoint GILBERT VOLLANT pour avoir dérogé à l’article 8 du Code de déontologie des policiers du Québec.

51 Kienapple c. R., précitée, note 50.

52 Kienapple c. R., précitée, note 50.

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