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L'action des éducateurs de l'Ecole Moderne

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Academic year: 2022

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no 17·1B

L'ACTION

des éducateurs de l' Eco l e Moderne

C. FREIN ET

le point de vue pédagogique

Voici le dernier numéro d'une année qui sera marquée, dans l'histoire de notre mouvement par l'accession de nos techniques à une grande diffusion, plus ou moins officielle, avec tout ce que cela comporte d'avantages mais aussi de risques et de difficultés.

A ce nœud délicat, il est bon, pensons- nous, de faire un point rapide de notre pédagogie, afin de mesurer l'importance et la portée du chemin parcouru, sans nous décourager devant les obsta- cles que nous rencontrons encore et qui sont comme la rançon naturelle de notre succès.

Les pistes que nous avons ouvertes sont en train de devenir des routes nationales où les générations qui nous suivent s'engageront avec sécurité, sans même connaître le nom de ceux qui en ont été les généreux ouvriers. Et pourtant, pour l'histoire d'aujourd'hui et pour celle de demain, il ne serait pas inutile de rappeler encore la part éminente que le mouvement de l'Ecole Moderne a prise au renouveau péda- go.gique dont nous ressentons les pré- mtces.

1. Le texte libre, l'expression libre, de- viennent aujourd'hui des thèmes ma- jeurs de la pédagogie, et tous les édu- cateurs auront bientôt à cœur de s'en réclamer, même s'ils n'en font qu'un emploi peu conforme à l'esprit d'éman- cipation qui les a fait naître.

Or, le texte libre, l'expression libre, le dessin et la peinture libre, les poèmes et les chants d'enfants, le théâtre libre, la poterie et les céramiques libres n' exis- taient absolument pas avant nous.

Nos premiers essais en ces domaines ne nous ont guère valu d'encourage- ments que de la part de personnalités qui, comme Barbusse et Romain Rolland ont su distinguer, par-delà nos tâton-

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le point de vue pédagogique

nants balbutiements, les voies salu- taires du progrès.

2. La correspondance interscolaire pat·

l'imprimerie â l'Ecole et le journal scolaire, est de nott·e invention, du moins dans sa forme régulière et permanente intégrée à nos techniques scolaires.

3· L'idée d'un fiichier documentaire, qui gagne peu à peu la pédagogie du primaire et du secondaire est partie de chez nous, et c'est nous qui avons réalisé les premiers la classification qui en facilite le rangement et l'usage.

Les fichiers autocorrectifs sont aussi fils de nos techniques. Ils seront demain une des formes les plus appréciées du nouveau travail.

5· C'est nous qui avons les premiers lancé l'idée d'une Bibliothèque de TratJatÏ distincte de la Bibliothèque de lecture.

La collection de 6oo brochures BT que nous avons réalisée coopérativement constitue un monument pédagogique incomparable. Son succès a suscité de nombreuses imitations : le livre de travail prend forme peu à peu aux dépens des manuels scolaires que nous condamnions déjà il y a 40 ans et dont les Instructions Ministérielles di- sent elles-mêmes l'inutilité pour les enseignements spéciaux

6. Pla_n~ de travail et conférences d'en- fants sont nés à l'Ecole Freinet puis longuement expérimentés dans l'en- semble de notre mouvement. Leur emploi va se généraliser surtout au second degré.

L'expérimentation et le travail en ateliers et laboratoires sont l'expression scolaire de notre Education du Travail.

8. Nous avons été les premiers à expérimenter et à démontrer l'usage pédagogique du magnétophone. Nos dis- ques de chants d'enfants, nos disques de danses, et maintenant nos BT Sonores, ont donné le ton aux produc-

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tions commerciales contemporaines.

g. Plus récemment enfin, nos boîtes et bandes enseignantes nous placent à l'avant-garde pour tout ce qui concerne une programmation que nous sommes les premiers à adapter à la grande masse des écoles.

ro. Nous sommes les héritiers directs de Decroly dont nous avons popularisé et adapté à nos classes, l'idée de centres d'intérêts que nous préférons appeler complexes d'intérêts pour bien marquer nqtre souci de mêler l'école à la vie.

r 1. Nous sommes également les héri- tiers directs de Profit, l'initiateur des Coopératives scolaires auxquelles nous avons donné valeur éducative et hu- mame.

On parlera peut-être bientôt d'auto- gestion, selon une formule qui nous vient de nos amis d'Afrique du Nord, et qui tend à bien marquer la nécessité d'associer vraiment enfants et adoles- cents à la vie et à l'activité de leur école.

12. Sm le plan syndical, adminis- tratif et politique, nous avons à notre actif:

- le mot d'ordre de 25 enfants par classe, considéré d'abord comme dé- magogique, aujourd'hui admis par tous comme une nécessité scolaire et hu- mame.

- Le mot d'ordre: enlevez l'estrade, aujourd'hui repris par les Instructions ministérielles elles-mêmes.

- La condamnation des grands en- sembles et leur remplacement par des unités pédagogiques de 5 à 6 classes.

Voilà un palmarès qui compte, dont nous avons quelques raisons de nous enorgueillir, et qui est un défi vivant au dénigrement intéressé de ceux qui, depuis toujours, se contentent volon- tiers d'une inutile et dangereuse péda- gogie de la salive.

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Mais, malgré l'irnporùmce et l'ampleur de ces réalisations, le problème de leur introduction dans les classes reste tou- jours délicat, au point qu'on conteste volontiers que puisse se généraliser un jour une pédagogie qui n'a pas au p_réalable, la bénédiction des théori- Ciens.

Nous pouvons apporter aujourd'hui nos références, et nos assurances.

D'abord que les solutions aux pro- blèmes de modernisation de notre enseignement existent aujourd'hui, que les éducateurs peuvent désormais se procurer le matériel, les livres et les revues nécessaires pour l'utiliser sciem- ment.

Et ensuite que nous avons à travers la France et dans dix pays étrangers, des Ecoles-témoins, qui ne sont ni des Ecoles expérimentales ni des écoles modèles, mais des exemples de péda- gogie Freinet vécus dans toute la gamme possible des classes, de la maternelle aux CEG.

La seule existence de cette chaîne d'Ecoles-témoins nous est la garantie que le mouvement ira nécessairement en s'élargissant et que, peu à peu, c'est toute la pédagogie officielle qui en sera concernée.

Evidemment, l'Ecole expérimentale Freinet reste l'Ecole-témoin type, non pas qu'elle fonctionne toujours à la perfection, mais parce qu'elle a les coudées plus franches pour continuer les expériences et les mises au point qui restent indispensables au progrès çle notre pédagogie. C'est à l'Ecole Freinet encore que sont nées et que se sont développées les boîtes et les bandes enseignantes qui pourraient bien être le grand événement pédagogique de notre époque.

Mais la rapidité de cette conversion reste malgré tout fonction de la possi-

le point ete vue pédagogique

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bilité de recyclage des maîtres qt~~,

formés à l'ancienne pédagogie, sont mal préparés à la révolution que nous leur offrons.

Le besoin de ce recyclage se fait de plus en plus sentir en France. D'autres pays, comme le Canada, l'Algérie;

l'Allemagne, en ont pris une · plus nette conscience encore. Il en résulte que sont de plus en plus nombreuses et pressantes les demandes d'éduca- teurs, instituteurs et professeurs, qui désirent faire un stage à l'Ecole Freinet.

Mais les conditions d'organisation et de travail de notre Ecole ne nous permettent pas l'accueil permanent de nombreux stagiaires. C'est pour ré- pondre à ce besoin que nous avons entrepris la création près de l'Ecole· Freinet à Vence, sur un terrain appar- tenant à la CEL, d'un Institut Freinet de formation Ecole Moderne qui assu- rerait la formation tout à la fois théori- que et pratique d'éducateurs qui de- viendraient alors, dans nos diverses régions et dans les pays intéressés, les témoins actifs de la nouvelle pé- dagogie.

Nous pensons pouvoir recevou· les premiers stagiaires dès la prochaine rentrée. Nous tiendrons nos adhérents informés.

Et nous ferons aussi une autre consta- tation essentielle. La valeur de l'édu- cateur, sa compréhension de l'âme enfantine, la générosité avec laquelle il sait se mettre au service des enfants, ses connaissances psychologiques et pédagogiques restent certes prédomi- nantes dans nos classes. Et une bonne formation des maîtres devrait y pourv01r .

1\'Iais pour un même éducateur, le rendement de la classe est déterminé par la qualité des outils et des techniques

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le point de vue pédagogique

de travail qu'il emploie. Un ajusteur peut être fort bien préparé à son métier, s'il n'a que des outils branlants et des machines qui ne tournent pas rond, il aura beaucoup de mal pour réaliser des pièces toujours imparfaites.

Il se dégoCttera de son métier jusqu'à l'abandonner.

Il y a une vérité, communément admise dans l'industrie mais dont seuls les éducateurs se refusent à tenir compte : le rendement de l'école est fonction des outils et des techniques.

Cette vérité se matérialise dans notre Ecole Freinet qui a été, au cours de ces derniers trente ans, comme le témoin actif de l'évolution de notre pédagogie.

Nous avons vécu au début, comme les vivent encore aujourd'hui tant de classes, les journées longues et difficiles où il fallait remplir le temps par des travaux qui n'avaient pas encore leurs bases vivantes dans les besoins des enfants et les nécessités du milieu.

Le texte libre et son exploitation di- recte étaient pour nous une première pietre pour l'édifice. Mais nous n'avions encore aucune technique pour aborder les acquisitions et les techniques.

Il y a eu progrès quand nous avons découvert les possibilités infinies du dessin et de la peinture libre à grande échelle. Les fichiers autocorrectifs nous ont permis de réduire ensuite l'im- portance et la durée des leçons.

A mesure que s'enrichissait notre col- lection BT et que se gonflait notre fichier documentaire, nous pouvions aborder le travail libre en histoire, géographie et sciences. Les comptes rendus et conférences en étaient l'a- boutissement normal.

Nos SBT nous permettaient peu à peu l'observation et l'expérimentation que nous orientions et dirigions avec nos fiches-guides. Une autre forme de travail était alors effectivement possible.

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Nous pouvions progressivement réduire ou supprimer l'emploi des manuels.

Une collaboration nouvelle s'instituait dans nos classes et en changeait l'es- prit. C'était la collaboration du travail.

Nous avons fait désormais un pas décisif avec la pratique des bandes qui nous permet de liquider définitive- ment la scolastique et de la remplacer par une école par la vie et pour la vie, selon la belle définition de Decroly.

Ce chemin que nous avons parcouru lentement et péniblement au cours de 30 à 40 ans, vous pouvez mainte- nant le dominer en quelques années, voire en quelques mois.

Il fut un temps où tenir l'équilibre sur un vélo primitif était un tour de force dont seuls étaient capables quel- ques individus particulièrement vifs et habiles. C'est que la machine était encore trop imparfaite, qu'elle ne tour- nait pas assez vite parce qu'elle n'avait encore ni pneus ni roulements à billes.

Le tricycliste devait être à ce moment là l'artisan qui ajuste ou répare lui-même sa machine, comme nous avons été nous-mêmes les premiers artisans qui, au cours d'infinis tâtonnements, avons mis au point nos mécanismes.

Mais maintenant, sur sa bicyclette souple et brillante, l'enfant apprend à rouler en quelques heures. C'est également en quelques jours, ou en guelques mois que l'éducateur novice .apprendra à travailler selon la péda-

gogie Freinet. Il suffit qu'une puis- sante motivation, le besoin d'échapper à l'abêtissement de l'école et de vivre une nouvelle vie, suscitent l'enthousias- me et l'audace sans lesquels rien de grand ne se fait.

Une méthode de vie est aujourd'hui à votre disposition. Vous en serez les premiers bénéficiaires.

Ainsi, nous dira-t-on, vous p

rétendez

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que la méthode que vous préconisez va résoudre tous les problèmes.

Oui, mais à condition qu'elle soit possible.

Et elle est possible, ou du moins peut le devenir à bref délai si nous sommes persuadés d'abord que la solution sou- haitable existe quelque part, qu'elle n'est pas un rêve vain, mais qu'il nous appartient à nous d'en faire une réalité.

Evidemment, si l'on croit que les tech- niques valables autrefois le sont ~ncore

pour aujourd'hui et pour demam, les revendications sociales, syndicales ou politiques se femnt en fonction de cette éducation du passé.

On se posera : .

- le problème des locaux, ma1s on .se préoccupera seulement de constnme des classes standard sans se préoccuper de savoir si elles pourront servir à une éducation rationnelle tout comme on a naguère construit des cages à poule pour résoudre à l'ancienne mode le problème du logement.

- le problème des effectifs scolaires : Les méthodes traditionnelles pouvant s'accommoder d'un nombre très élevé d'élèves, nos revendications paraissent toujours excessives et idéales.

Une directrice d'E.N. me disait tout récemment : « Non, nos jeunes filles ne peuvent absolument pas supporter l'at- mosphère de liberté des class~ mode~t~es

dan.s les grandes villes. La le met~~~

n'est possible que si les enfants ont deJa été dressés à l'obéissance et à la passivité, en attendant qu'on leur administre à l'entrée un tranquillisant qui supprimera toutes réactions>>.

Nous sommes contre toutes pratiques abêtissantes ou abrutissantes. Si un jour on veut vraiment l~s supprimer on saura y mettre le pnx.

- le problème de l'équipement, qui en est réduit actuellement, dans la plupart

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des cas à celui des manuels scolaires dont nous préconisons la disparition.

- le problème de la formation 1es maîtres qui ne se pose pas avec acwté à l'Ecole traditionnelle puisque les Ecoles Normales y préparent conscien- cieusement.

C'est nous qui faisons éclater le re- gistre étriqué des revendications tra- ditionnelles pour placer les respon- sables devant la complexité des luttes urgentes à mener.

A nos revendications explosives, nous en ajouterons cette année une n~Htvell~ : Les devoirs à la maison ·sont mterd1ts au premier degré, et peuvent, et ~oivent

l'être au second degré. Pourquoi donc voyons-nous, sur. le chemin de l'école, cette armée d'enfants qui vont, traînant leurs cartables, lourds de livres dé- sormais inutiles, alors qu'il serait si simple de laisser en class~ les ?utils de travail, comme les ouvners laissent leurs outils sur le chantier, n'emportant avec eux que quelques chefs-d'œuvres dont ils sont fiers ?

Nous lancerons nous aussi l'opération cartables à soulager en même temps que nous reprendrons une campagn.e que nous avions déjà amorcée autrefois au temps du Front 'Popu.laire : la. réduc- tion du temps de travml et la JOUrnée de 6 à 8 heures maximum pour tous les écoliers. ·

Il appartiendra aux administrateurs. et aux éducateurs de mettre sur p1e.d une pédagogie efficie~te en har~nome

avec le progrès techmque et social de notre époque.

Et ce sera une raison de plus de faire de notre pédagogie un des gran.ds moteurs du progrès social et humam.

C. F.

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