Enoncé A716 (Diophante)
Le cauchemar de la balance cassée
On vous donne 9 pièces d’apparence identique dont une est plus légère que les autres. Vous disposez de trois balances Roberval identiques dont l’une (on ne sait pas laquelle) est cassée et donne des résultats de pesée aléatoires. Comment pouvez-vous trouver la pièce fausse en 4 pesées ? Pour les plus courageux : le nombre de pièces est 3n avec n >2. Quel est le nombre minimum de pesées qui permet de trouver la pièce fausse ? Solution de Jean Moreau de Saint-Martin
1/ Cas de 9 pièces
Deux comparaisons permettent de trouver la pièce fausse. Notant les pièces a, b, c, d, e, f, g, h, i, on compareabcà def, puisadg à beh. La pièce fausse appartient au plateau le plus léger, dans le cas de pesée déséquilibrée, ou est une des pièces laissées hors pesée, en cas de pesée équilibrée. On établit sans difficulté la table de décision faisant correspondre les 9 couples de résultats des 2 comparaisons aux 9 pièces identifiées comme la pièce fausse.
Bien entendu, ce schéma est en défaut si le résultat d’une pesée est aléa- toire, la pesée ayant été faite sur la balance cassée. L’astuce est de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, c’est à dire toutes ses pesées sur la même balance.
<< <= <> =< == => >< >= >>
B1 adg cf i beh adg cf i beh adg cf i beh
B2 abc abc abc ghi ghi ghi def def def
B3 a c b g i h d f e
P3 dg/bc f i/ab eh/ac ad/hi cf /gh be/gi ag/ef ci/de bh/df
>(B1) b/c a/b a/c h/i) g/h g/i e/f d/e d/f
<(B2) d/g f /i e/h a/d c/f b/e a/g c/i b/h
Faisons la pesée abc/def sur la balance B1 et la pesée adg/beh sur la balance B2. L’information donnée par le couple de résultats est associée à l’identité de la balance cassée. Cela conduit à distinguer en 3 lignes du tableau ci-contre, selon cette identité, l’interprétation des résultats (codés
= pour une peée équilibrée,<si le premier plateau est le plus léger>au cas contraire).
On y retrouve, en ligne B3, la table de décision en l’absence de balance cassée.
Le second groupe de 3 lignes donne (ligne P3) la composition de la 3e pesée, qui est à faire sur la balance B3. Si cette pesée est équilibrée, la pièce fausse est celle de la ligneB3. Sinon, le sens (<ou>) du déséquilibre de la pesée P3 détermine la composition de la 4e pesée et la balance à utiliser.
Détaillons, par exemple, le cas des résultats<<des deux premières pesées.
Si la balance cassée est B1, seule est fiable la seconde pesée localisant la pièce fausse parmiadg; sinon, la localisation de la pièce fausse parmi abc est valable, quand la balance cassée estB2 ouB3.
(∗) Si la pesée P3 (dg/bcsurB3) est équilibrée, et siB3 n’est pas cassée, la pièce fausse n’est pas parmibcdg et est donc a. Mais si B3 est cassée, la pièce fausse estapar les deux premières pesées.
(∗) SiP3 donnedg > bc, supposonsB3 non cassée, la pièce fausse est parmi bc, la balance cassée estB2, et la pièce fausse sera trouvée en pesantb/c sur B1 : la plus légère de b ou c si la 4e pesée est déséquilibrée. Si cette pesée est équilibrée, il y a contradiction avec le résultat deP3, la balance cassée est B3 et la pièce fausse esta.
(∗) De même siP3 donnedg < bc, supposonsB3 non cassée, la pièce fausse est parmi dg, la balance cassée est B1, et la pièce fausse sera trouvée en pesantd/gsurB2 : la plus légère dedougsi la 4e pesée est déséquilibrée.
Si cette pesée est équilibrée, il y a contradiction avec le résultat deP3, la balance cassée estB3 et la pièce fausse esta.
En conclusion, la pièce fausse peut être identifiée en 4 pesées au plus par le programme de ce tableau, sans donner toujours de certitude sur quelle balance est cassée.
2/ Cas de 3n pièces, n >2.
Lemme : Si on peut traiter 3n pièces en p pesées, on peut traiter 3n+m pièces en p+m+ 1 pesées, si m≤p−n.
Sur la balanceB1, faisons lesmpesées qui permettent d’identifier, parmi les 3n+mpièces, 3npièces contenant la pièce fausse (siB1 n’est pas cassée).
Faisons ensuite une pesée de contrôle surB2, comparant ce lot de 3npièces à un autre. Ce dernier sera trouvé plus lourd si le lot suspect contient effectivement la pièce fausse, et comme B1 ou B2 n’est pas la balance cassée, l’identification du lot est correcte ; il n’y a plus qu’à rechercher la pièce fausse parmi 3n, ce qu’on sait faire en p pesées.
Mais si la pesée de contrôle donne un désaccord, le lot suspect n’y appa- raissant pas plus léger que l’autre, B1 ou B2 est la balance cassée, et il n’y a plus qu’à repartir à zéro avec la seule certitude que la balance B3 n’est pas cassée ; cela peut se faire en n+mpesées pour 3n+m pièces.
D’où une détermination enm+ 1 + max(p, n+m) pesées.
Ainsi, si on peut traiter 3m pièces enppesées, on peut traiter 3p pièces en q =p+ (p−n) + 1 pesées, puis 3r pièces enr = 2q−p+ 1 pesées, etc.
La suite n, p, q, r, . . . peut être amorcée par (n, p) = (2,4) en vertu du paragraphe 1. On obtient ainsi
2, 4, 7, 11, 16, . . ., qui sont les nombres triangulaires augmentés de 1. La récurrence s’écrit en effet
sk+1 = 2sk−sk−1+ 1, soit (avecs1 = 2),
sk+1−sk−(k+ 1) =sk−sk−1−k=. . .= 0, puis sk−1−k(k+ 1)/2 =sk−1−1−k(k−1)/2 =. . .= 0.
L’application du lemme pour les valeurs dennon incluses dans cette suite conduit à traiter 3n pièces enn+
&
1 +√ 8n−7 2
'
pesées au plus.