Y.
HENRYINRA Station de Recherches Porcines 35590 St-Gilles
Alimentation du
porc pour la
production de
viande maigre :
évolutions récentes et
perspectives
La viande de porc représente
unepart dominante de la consommation des
produits carnés dans la plupart des pays industrialisés. Selon les
sourcesde la FAO (1990), le porc contribuait pour 40 % de la production de viande
dans le Monde
en1989, les pourcentages correspondants
enEurope, dans
la CEE et
enFrance s’élevant respectivement à 51, 45 et 37 %. En dehors
de cet aspect quantitatif, l’évolution de la consommation de viande de porc
au cours
des dernières décennies
aété caractérisée par
uneexigence de plus
enplus marquée pour des produits maigres,
avecle moins possible de
gras visible, qu’il s’agisse de la viande fraîche
oudes produits transformés.
En outre, les qualités diététiques semblent désormais prendre le pas
surles aspects technologiques,
enraison notamment de la pression du milieu
médical
enfaveur d’une consommation de graisses animales
enquantité
moindre et plus insaturées,
enopposition
aveccertaines exigences de la
transformation.
Résumé
-La
production porcine
abénéficié,
au cours des dernièresdécennies,
deprogrès importants
et continus réalisés par la sélection pour une crois-sance sans cesse
plus
forte de tissusmaigres
et undépôt
décroissant de gras, enréponse
à la demande des consommateurs. Cet article examine leschangements
intervenus dans l’alimentation en considérant les évolutions récentes et lesperspectives,
compte tenu de l’évolutionprévisible
desperformances
deproduction
et del’apport
des nouvellestechnologies.
L’importance
duprogrès génétique
en faveur de la croissance des tissusmaigres
a conduit enpremier
lieu àenvisager
une modélisation de laprévision
des besoins nutritionnels(énergie, protéines
et acidesaminés, minéraux),
dont les variations se traduisent notamment par desexigences
moinsmarquées
enénergie
que par lepassé
et par un accroissementimportant
des besoins en acides aminés relativement àl’apport énergétique.
Grâce à cette démarche de
modélisation,
il est désormaispossible
de définir de nouvellesstratégies
d’alimentationadaptées
pour laproduction
deviande
maigre (plan
de rationnement alimentaire, choix du type d’aliment pour unephase
deproduction
déterminée), en fonction des conditionsparticulières
deproduction
et à l’aide desystèmes
d’évaluation des aliments suffisamment discriminants(énergie
nette,digestibilité
iléale desacides aminés). En outre,
l’augmentation
de certains intrants alimentaires (azote,phosphore)
pour uneproduction
accrue de viandemaigre implique
unegestion
raisonnée de leurs apports, afin deprévenir
desrejets
excessifs dans l’environnement (eau,atmosphère).
La tendance à une certaine
dégradation
de laqualité
de la viande, notamment sousl’angle technologique
etorganoleptique,
au fur et à mesuredes
progrès
de la sélection sur la croissancemusculaire, oblige
à uneprise
en compte, parl’alimentation,
desexigences
dequalité
desproduits, qu’il s’agisse
desdépôts
gras ou des tissusmaigres (importance
du gras intramusculaire). Il en est de même avec le recours à de nouvellestechnologies
permettant, soit depréserver
lepotentiel
de croissance musculaire (utilisation du porc mâle entier), soit de le stimuler (facteurs de croissance). En dernier lieu,après
avoir considéré les effets de l’alimentation sur la conformation des carcasses, en relation avec l’amélioration dudéveloppement
musculaire, lesconséquences
d’unamaigrissement
excessif des truies sur lesperformances
dereproduction
sontévoquées
enliaison avec la mobilisation et la reconstitution des réserves
lipidiques corporelles.
Ceproblème d’équilibre
entre les tissus musculaire et gras constitue unenjeu important
pour l’évolution future de l’alimentation du porcmaigre.
Auplan
del’application,
les nouvellesapproches
nutritionnelles,
basées sur l’établissement de lois deréponse qui
prennent en compte la diversité à la fois des typesgénétiques (depuis
lesplus
gras jusqu’aux plus maigres)
et des conditionsd’élevage
et de milieu devraient permettre, danschaque
cas, de définir les conditionsoptimales
deproduction
d’un type de porcparticulier.
Entre
génotypes extrêmes,
le rapportmuscle/gras
varie de1 à
4,
tandis que les vitesses de croissance sont dans unrapport
de 2 à 3. De tels écarts ont conduit à modéliser laprévision
des besoins nutritionnels pour tenircompte
de la variabilité des situations.Les
professionnels
de la filièreporcine
ontréagi positivement
etdepuis longtemps
à cetteévolution de la demande du consommateur et du marché en
développant
uneproduction
for-tement accrue d’une viande de
plus
enplus maigre,
enparticulier grâce
aux efforts conti-nus de la sélection.
Ainsi,
enFrance,
au cours des 30 dernières années(Leclercq
etLegault 1991),
leprogrès génétique
pour legain
moyenjournalier pendant l’engraissement
a été de250 g,
parallèlement
à uneaugmentation
dutaux de muscle dans la carcasse de l’ordre de 10
points.
L’amélioration de lacroissance,
etprincipalement
de la fractionmusculaire,
s’estaccompagnée
d’une diminution du coût alimen- taire de0,18 kg
d’aliment parkg
degain
depoids
vif. Cetteévolution, jusqu’à présent quasi-linéaire,
desperformances
de croissance estappelée
à sepoursuivre, quoique probable-
ment à un
rythme
un peuralenti,
compte tenu durisque
de détérioration de laqualité
de laviande avec
l’augmentation
de l’intensité de croissance musculaire. Dans les dixprochaines années,
selon les mêmes auteurs, onpeut
s’attendre à unprogrès génétique supplémen-
taire de 100 g de
gain journalier,
de 5points
detaux de
muscle,
et0,10
à0,20
d’indice de consommation en moins. En cequi
concerne lareproduction,
laproductivité numérique
destruies n’a
également
cessé de progresser, cequi
contribue à une diminutionprogressive
dela
part
des frais fixes d’alimentation par porcproduit.
En 20 ans, en France(Dagorn
et al1992),
le nombre deporcelets
sevrés par truieet par an a
augmenté
de 6unités,
correspon- dant à une accélération durythme
de repro- duction : la durée de la lactation a ainsi dimi- nué de 30jours
pour se stabiliser aux alen- tours de 28jours,
tandis que l’intervalle sevra-ge-fécondation
s’est abaissé de 21 à 15jours.
Pour les
prochaines années,
leprogrès supplé-
mentaire au niveau de la
productivité
numé-rique
résulteraprincipalement
d’une réductionencore
plus importante
de l’intervalle sevrage-fécondation,
et d’une amélioration du taux de survie desporcelets
à lanaissance, parallèle-
ment à la sélection de
lignées
de truies àplus
forte
prolificité
(taille de laportée
à la naissance).Cette
progression
soutenue vers une pro- duction accrue de viandemaigre
s’esttraduite,
au niveau de
l’alimentation,
par deschange-
ments
importants
pourapporter
lesadapta-
tions nécessaires à
l’optimisation
desperfor-
mances de croissance. Ceci nous conduit à
envisager
leschangements
récents dans cedomaine,
ainsi que lesperspectives qui
endécoulent, compte
tenu de l’évolutionprévi-
sible des
performances
deproduction
et del’apport
des nouvellestechnologies
au coursdes
prochaines
années. Pourcela,
nous consi- dérerons dans unpremier temps
les nouvellesapproches
pour l’estimation des besoins nutri- tionnels du porc, basées sur une démarche demodélisation,
prenant en compte la diversité des facteursimpliqués
et lacomplexité
crois-sante de leurs interrelations. Nous examine- Rapport présenté à la Semaine Scientifique de la France en
Ukraine (&dquo;Oukraina 92&dquo;), Journée Agro-alimentairc INRA, Kiev, 8 Juin 1992
rons ensuite les
stratégies
d’alimentationadaptées
pour laproduction
de viandemaigre,
avant d’aborder les moyens
permettant,
parl’alimentation,
de mieuxprendre
encompte
lescontraintes de
qualité
desproduits.
1 / Mieux prévoir les besoins
nutritionnels
Les
progrès
de la sélection dansl’espèce porcine
ont entraîné un fort accroissement de la variabilitégénétique,
à la fois intra-race et entre races oulignées,
notammentgrâce
audéveloppement
delignées synthétiques spécia-
lisées pour la
production
de viandemaigre.
Ainsi,
si l’on considère lesgénotypes
extrêmes (Noblet et al1991),
lerapport
muscle / graspeut
varier de moins de 1 chez les animaux lesplus
gras(porcs
de races traditionnelles ou chi- noises) àplus
de 4 chez les porcs lesplus maigres (lignées
mâles pour les croisementsterminaux),
tandis que la vitesse de croissance moyenne estmultipliée
par 2 ou par 3. Cette extrême variabilité du niveau desperfor-
mances selon les
types
de porc et les pays,join-
te à la diversité des conditions de
production
etde
climat,
conduit à la nécessitéd’envisager
une
prévision
des variations des besoins nutri- tionnels(énergie, protéines
et acidesaminés,
minéraux) en fonction dupotentiel
deproduc-
tion. Ce dernier
s’exprime principalement
par l’intensité de la croissance musculaire relative- ment audépôt
gras,qui
détermine laréparti-
tion de
l’énergie
fixée dans les tissus entre lesprotéines
et leslipides.
On nepeut plus
ainsise contenter, pour l’alimentation des porcs, de recommandations moyennes, telles
qu’elles
ontété
pratiquées jusqu’à présent.
Dèslors,
aucours des dernières années on a vu se
dévelop-
per une nouvelle démarche de
prévision
facto-rielle des
besoins,
basée sur unequantification
des
dépenses
(entretien,production)
et desrendements d’utilisation des nutriments pour la formation des
dépôts corporels,
enprenant
en compte la diversité des facteurs
impliqués
et leur contribution variable au niveau de la
production.
l.i / Des
porcsmaigres moins exigeants
enénergie
Un certain nombre de travaux ont été consacrés récemment à l’estimation des compo- santes du besoin
énergétique
du porc en crois- sance, àpartir
des données de bilansénergé- tiques
en chambrerespiratoire
et de résultatsd’analyse chimique corporelle
par latechnique
des
abattages.
Sur l’ensemble de laphase
decroissance,
selon Noblet et al(1989b, 1991),
l’évolution de ladépense énergétique
d’entre-tien, exprimée
enénergie
métabolisable(EM),
faitapparaître
une relation étroite de propor- tionnalité avec lepoids
vif élevé à lapuissance 0,60,
meilleurequ’avec l’exposant
habituel0,75
(1050 kJ EM /kg 06U ).
Cette estimation du besoind’entretien, qui
varie d’ailleurs selonl’origine génétique
(en relationprobablement
avec la contribution
importante
desviscères,
foie et tubedigestif,
à laproduction
de cha-leur),
apermis
de mieuxpréciser
les rende-ments d’utilisation de l’EM pour la formation des
dépôts
delipides
(kf) et surtout de pro- téines(kp).
Cesrendements,
eneffet,
étaientsous-estimés du fait de la sous-estimation de la
dépense
d’entretien avec le coefficient0,75.
Le rendement kf pour le
dépôt
delipides
estplus
élevé que le rendementkp
pour ledépôt
de
protéines,
soitrespectivement
0,80 et0,64, correspondant
à un rendement moyen d’utili- sation de l’EM pour la croissance de0,75.
L’amélioration du
potentiel
de croissance mus-culaire par la sélection
s’accompagne
ainsid’une diminution inéluctable du rendement
global
de l’utilisation del’énergie
alimentaire pour lacroissance,
les animaux étant d’autant moins efficients dans cette utilisationqu’ils
sont
plus maigres.
Alors
qu’antérieurement,
avec uneproduc-
tion relativement
importante
de gras,l’apport énergétique,
et doncl’ingestion
alimentaire oul’appétit,
étaitprincipalement
en relation avecle
dépôt
gras, chez les porcs modernes detype maigre l’apport énergétique
devientdavantage
en relation avec le
dépôt
deprotéines.
Les tra-vaux récents (Noblet et al
1991, Karege
1991)ont montré en effet que les
protéines
fixéescontribuent pour la
plus grande part
augain pondéral :
undépôt
d’1 g deprotéines
dansl’organisme s’accompagne
d’une fixation de 3 à 4 gd’eau, correspondant
à ungain pondéral
de4,4
g, tandisqu’un dépôt
d’1 g delipides
estassocié à un
gain pondéral équivalent
(1g).
Compte
tenu des contenusrespectifs
en éner-gie
des tissusmaigres
(dont lesmuscles,
ren-fermant la
plus grande partie
desprotéines)
etdes
dépôts
gras (constitués essentiellement delipides),
et des différences de rendement d’uti- lisation del’énergie
alimentaire (EM) pour la formation desdépôts
deprotéines
et delipides,
on en déduit que le coût
énergétique
de la for-mation du gras est de 3 à
3,5
foissupérieur
à celui de la formation des tissusmaigres :
res-pectivement 10,
12 et 40 kJ d’EM/g
pour lemuscle,
les tissusmaigres
et lesdépôts
gras.De
plus,
il ressort des coûts de formation d’1 g deprotéines
et delipides ,
soitrespectivement
40 et 50 kJ
d’EM,
que le coût d’EM par g degain pondéral
associé audépôt
deprotéines
estde 9 kJ seulement contre 50 kJ (5,5 fois
plus)
pour celui associé au
dépôt
delipides.
End’autres termes, à vitesse de croissance constante,
l’augmentation
de la teneur enmuscle du
gain pondéral
nécessite unapport d’énergie
alimentairemoindre, accompagné
d’une diminution corrélative de l’indice de
consommation,
cequi
a pu êtreinterprété
comme une baisse de
l’appétit
chez les porcs detype maigre comparativement
aux porcs detype
gras. Avec la sélection en faveur d’une vitesse de croissance et d’une teneur en muscle simultanément accrues, le besoinénergétique
et la consommation d’aliment
augmentent beaucoup
moins fortement que dans le cas des animaux gras. L’efficacité alimentaire est donc d’autant meilleure que les animaux sontplus maigres
et ont une croissanceplus rapide,
endépit
d’ une efficacité moindre de fixation del’énergie
alimentaire dans lesdépôts corporels.
Sur le
plan
del’application,
des modèles deprévision
de la croissancepondérale
et dubesoin
énergétique
ont été élaborés dans unpremier temps
àpartir
des courbes d’évolutionavec
l’âge
(ou lepoids
vif) desdépôts journa-
liers de
protéines
et delipides
(Whittemore1983,
Black et al1986),
mais ils restent relati-vement
théoriques, puisqu’ils
ne permettentpas de
prendre
directement encompte
les per- formances deproduction
réellementquanti-
fiables dans
l’élevage (gain journalier,
caracté-ristiques
des carcasses àl’abattage).
C’estpré-
cisément dans cette voie
qu’évoluent
certainsmodèles de
prévision
en cours d’élaboration (J.Noblet et al non
publié), qui permettent
de faire la liaisoncomplète
entre les intrants ali-mentaires,
lesdépôts
de constituants chi-miques
ettissulaires,
et enfin lesperfor-
mances de
production.
D’ores etdéjà,
onpeut
penser que le rapport muscle / gras, en tant que
paramètre
indicateur de lacomposition
tissulaire du
gain
depoids vif,
constitue unbon
prédicteur
du coûténergétique
dugain,
composante essentielle du besoinénergétique
du porc en croissance
(figure 1, d’après
Nobletet al
1991,
et nonpublié).
Chez la truie repro-ductrice,
engestation
et enlactation,
la déter- mination du besoinénergétique
par la métho- de factorielle est désormaisopérationnelle
(Noblet et al 1988, 1990). Sa mise en oeuvre dans lapratique
del’élevage s’appuie
surl’enregistrement
desperformances
de repro- duction (taille et croissance de laportée,
varia-tions
pondérales,
étatcorporel)
et permet une conduite alimentaire individualisée par truieen fonction de son niveau de
production.
1.
2
/ Des besoins
sans cesse accrus enprotéines
et enacides aminés
La
prévision
factorielle du besoin azoté est moins facile àappréhender
que celle du besoinénergétique,
en raison enparticulier
d’une cer-taine
imprécision
dans la définition et la quan- tification desdépenses
azotées(protéines,
A même vitesse de
croissance,
le coûténergétique
dugain
de
poids
estplus faible
chez les porcsmaigres
que chez les porcs gras.Les protéïnes en excès (acides aminés indispensables ou non indispensables) peuvent interagir avec l’acide aminé limitant, en affectant l’ingestion alimentaire etlou l’utilisation métabolique des acides aminés, et donc les performances de croissance.
C’est le cas des acides aminés vis-à-vis du tryptophane.
Acides aminés neutres = Leucine + Isoleucine + Valine + Phénylalanine + Tyrosine.
acides aminés)
d’origine endogène
pour l’entre- tien. Suivant leconcept développé
par Fuller(1991),
des modèles deprévision,
basés sur lesvariations des
dépôts
deprotéines
et d’acidesaminés au cours de la
croissance,
ont reçu un débutd’application
(Whittemore1983,
Black etal
1986, Moughan
et al1987, Moughan 1989), mais,
comme pour le besoinénergétique,
ils nesont pas
adaptés
pour une correction en fonc- tion des critères mesurés dansl’élevage. Quoi qu’il
ensoit,
les observations récentes(Henry 1988,
Sève et Ballèvre 1991) ont montré que le besoinazoté, qu’il s’agisse
des acides aminésindispensables
ou de l’azoteindifférencié,
estsurtout en relation avec
l’importance
dudépôt
de
protéines corporelles,
dont lacomposition
en acides aminés est relativement constante tout au
long
del’engraissement.
En outre, ledépôt
deprotéines
lui-même est essentielle- ment fonction de la vitesse decroissance,
compte tenu des variations relativement faibles de la teneur enprotéines
dugain
pon- déral dans leslignées
de porcs detype maigre :
de l’ordre de 16 % de
protéines
dans legain
depoids
vif vide entre 20 et 100kg
depoids vif,
selon Noblet et al (1991). Ceci
explique
que dans laprévision
de la courbe de rétention azo-tée avec
l’âge
ou lepoids
vif la contribution dugain journalier
estprédominante
par rapportau taux de muscle dans la carcasse à l’abatta- ge (Dourmad et al
1992, figure
2). Cettedémarche de
prévision
factorielle des besoinsen acides
aminés,
en considérant le casparti-
culier de la
lysine,
a pu êtreplus
aisémentmise en
application
chez la truie enlactation,
en raison de la relative facilité de
quantifier
les
exportations
d’acides aminés dans le lait (Dourmad et al 1991).La
prévision
du besoin azoté en fonction dupotentiel
deproduction
de viandemaigre
a étégrandement simplifiée grâce
audéveloppe-
ment du
concept
de besoin enprotéine équili-
brée ou &dquo;idéale&dquo; (Fuller
1991),
sur la base derapports
constants entre les besoins en acides aminésindispensables :
lalysine
estprise
comme référence en raison de son caractère
généralement
limitant dans lerégime
alimen-taire du porc en croissance. Les travaux récents
(Henry
et al 1988a) ont ainsi abouti àla formulation
d’apports
recommandés d’acides aminés pour lacroissance,
sous la forme derapports
définis entre les acides aminés indis-pensables
et lalysine, correspondant
auprofil
de
composition
de laprotéine
idéale en acidesaminés (tableau 1). Il suffit alors de connaître les variations du besoin en
lysine
selon letype
de porc et sonpotentiel
de croissance pour endéduire les besoins pour les autres acides ami- nés. On peut retenir que sur la base de 15 % de
protéines
dans legain
depoids vif (d’après
Noblet et al 1991) et 7 % de
lysine
dans lesprotéines fixées,
le besoin delysine parfaite-
ment
disponible
parkg
de croîts’établit,
pourun rendement de fixation de
0,70 (Henry
et al1988),
aux alentours de 15 g, soit environ 18 g /kg
degain
pour unedigestibilité
iléalede la
lysine
de0,85.
Parailleurs,
si l’on consi-dère que la
lysine représente
6,5 à 6,8 % de laprotéine
idéale (Fuller 1991), le taux minimum deprotéines
totales (sommes des acides ami-nés
indispensables
et nonindispensables
sen-siblement
équivalentes)
devraitcorrespondre
àenviron 15 fois le besoin en
lysine.
En
réalité,
leconcept
strict deprotéine
idéa-le n’est pas
applicable
aux conditions habi- tuellesd’alimentation,
caractérisées par des relations dedéséquilibre parmi
les acides ami-nés, qu’il s’agisse
de certains acides aminésindispensables
entre eux ou de l’acide aminé limitant parrapport
à l’ensemble des pro- téines. Lesconséquences
d’un teldéséquilibre
se manifestent surtout par un effet
dépressif
sur
l’ingestion alimentaire,
et par contre coupsur les
performances
de croissance. Les tra-vaux réalisés dans notre laboratoire
(Henry
etSève
1991, Henry
et al1992a,b)
ontpermis précisément
de mettre en évidence laspécifici-
té et le rôle
physiologique particulier
de cer-tains acides aminés
indispensables
dans cesrelations
d’équilibre (figure
3). A la différence de lalysine, l’apport
d’un excès deprotéines
par
rapport
autryptophane, lorsque
ce dernierest
limitant,
entraîne une fortedépression
dela consommation d’aliment et de la croissance.
Cet effet
s’explique
par unantagonisme
entrele
tryptophane
et les autres acides aminés neutres degrande
taille(acides
aminés rami- fiés etaromatiques)
lors de leur passage à tra-vers la barrière
hémato-encéphalique,
provo-quant
une diminution de lasynthèse
de séroto-nine
cérébrale, qui
constitue l’un des neuromé- diateurs clés dans larégulation
centrale de laprise
alimentaire. Ces résultats confirment l’effet stimulant de l’amélioration del’équilibre
en acides aminés sur
l’appétit,
et à l’inversel’auto-limitation de la consommation d’aliment à la suite d’une
surcharge
durégime
en pro-téines,
comme l’ont montré les travaux anté-rieurs
(Henry
1988). Parailleurs,
il sembleque les animaux de
type maigre
soientparticu-
lièrement sensibles aux
problèmes
dedéséqui-
libre en acides aminés : c’est le cas, par
exemple,
des porcs femellescomparativement
aux mâles
castrés,
enréponse
à un excès deprotéines
parrapport
autryptophane (Henry
et al 1992b). On
peut
penser que la formula- tion derégimes
mieuxéquilibrés
en acidesaminés,
donc à teneur abaissée enprotéines,
grâce
àl’apport supplémentaire
d’acides ami- nés limitants sous formelibre,
constitue unmoyen efficace pour stimuler
l’appétit
limitédes porcs de
type maigre
et à croissancerapi-
de.
En
définitive,
le besoinénergétique
du porcen croissance est essentiellement fonction de l’intensité de la croissance et de la
composition
tissulaire du
gain
depoids (rapport
muscle /gras),
tandis que les besoins en acides aminés (enapports journaliers)
sont étroitement asso-ciés au
gain pondéral
et auxprotéines qui
y sontdéposées.
L’accentuation des efforts de la sélection en faveur d’uneproduction
accrue deviande
maigre
se traduit par un taux d’accrois-sement des besoins
journaliers
deprotéines
etd’acides aminés
plus important
que celui du besoinénergétique,
et del’ingestion
alimentai-re. Ceci a pour
conséquence
une forte augmen- tation des besoins relatifs deprotéines
etd’acides aminés par
rapport
àl’énergie (rap- port protéines-énergie),
cequi
n’est pas sans incidence sur la formulation des aliments etl’approvisionnement
en matièrespremières (part
accrue des sources azotées riches).En ce
qui
concerne lesminéraux,
et notam-ment les macroéléments
(calcium, phosphore),
la
prévision
des besoins par la méthode facto- rielle y a trouvé sapremière application,
enraison de la relative
simplicité
du modèle com-parativement
àl’énergie
et aux acides aminés(Guéguen
et Perez1981, Jongbloed
1987). ).2 / Nouvelles stratégies
d’alimentation
L’adéquation optimale
desapports
alimen-taires aux besoins du porc pour la
production
de viande
maigre implique
enpremier
lieu unebonne base d’évaluation nutritive des ali- ments,
qu’il s’agisse
del’énergie
ou des acidesaminés
(Henry
et al 1988a). Il convient ensui- te, au niveau du rationnementalimentaire,
de définir lesapports
de nutriments(énergie,
pro- téines et acides aminés) en fonction despoten-
tialités desanimaux,
ainsi que desobjectifs
deproduction
et des conditions de milieu. Laprise
encompte
des contraintes de l’environne- ment (réduction desrejets) apporte
une dimen- sion nouvelle dans la valorisation des intrants alimentaires pour uneproduction
intensive deviande
maigre.
2.i / Des systèmes d’évaluation nutritive des aliments plus
discriminants
a / Une
préférence
pour une évaluationsur la base de
l’énergie
netteLes travaux réalisés récemment au labora- toire ont conduit à l’élaboration d’un nouveau
système d’énergie
nette (EN) pour l’évaluation des aliments et des matièrespremières,
dansle contexte d’utilisation d’animaux de
type
maigre
et à croissancerapide
(Noblet et al1989a,
Noblet et al1990,
Noblet etHenry
Pour évaluer la valeur des
aliments,
les
systèmes
baséssur
l’énergie
nette etla
digestibilité
iléaledes acides aminés
sont les plus
discriminants.
1991).
Parrapport
auxsystèmes d’énergie
nette existants (dont le
système
NEF deRostock,
selon Schiemann et al1972),
les résultats obtenusconfirment,
comme pour les animaux detype
gras(système NEF),
le faiblerendement d’utilisation de
l’énergie
des pro-téines comme substrat métabolisable
(0,54).
Par contre, les
lipides
et l’amidon constituent des substratsparticulièrement
efficaces pour la conversion en EN (rendementsrespectifs
de0,94
et0,85),
tandis quel’énergie provenant
de ladégradation
desparois végétales
est utiliséeavec un rendement faible
(0,56
pour lesparois
totales ou fraction
NDF),
voire nul dans le casde la cellulose brute. Un ensemble
d’équations
de
prédiction
sontproposées, permettant
d’estimerl’EN,
soit àpartir
des élémentsdigestibles
(ou métabolisables) fournis par lestables,
soit àpartir
d’une combinaison depré-
dicteurs associant
l’énergie digestible
(ED) oul’EM et certaines
caractéristiques
decomposi-
tion
chimique
del’aliment, parmi lesquelles
lesteneurs en
protéines, lipides,
amidon etparois végétales.
Enparticulier,
les valeurs d’ED des tables (INRA 1989) sont aisément convertiblesen valeurs
EN, après prise
encompte
de larépartition qualitative
des différents nutri- ments(protéines, lipides,
amidon et fibres).Les données ainsi obtenues montrent que,
comparativement
à l’ED (tableau2),
lesystè-
me EN est en faveur de
régimes
à teneurplus
faible en
protéines
et mieuxéquilibrés
enacides
aminés,
en mêmetemps
mieux pourvusen amidon et renfermant moins de
parois végé-
tales.
Réciproquement, l’énergie
nette confir-me son intérêt avec l’utilisation
prédominante
de
régimes
à teneur élevée enprotéines
relati-vement à
l’énergie,
comme c’est le cas pour les animaux à haut niveau deperformances,
et àforte
incorporation
deproduits
de substitution des céréales souventchargés
en fibres.b / Evaluation des
protéines
et des acidesaminés sur la base de la
digestibilité
iléale
Le
développement
de laproduction porcine
en
Europe
Occidentale s’est traduit par uneforte
augmentation
de la consommation desproduits
de substitution descéréales,
dontl’intérêt
économique
a souvent pourcontrepar-
tie une
digestibilité
moindre desprotéines
etdes acides
aminés,
en raison de leur teneursouvent élevée en
parois végétales (Henry
et al 1988b). Les nouvelles connaissances sur l’utili- sationdigestive
des acides aminés chez le porc(Laplace
et al1985,
Rérat 1991)permettent
désormais de raisonner les besoins et lesapports
d’acides aminés sur la base de leurdigestibilité
iléale (à la fin de l’intestingrêle)
et, par voie deconséquence,
de mieuxajuster
les
apports
alimentaires auxbesoins,
compara- tivement à une situation depléthore
avec unemarge de sécurité
trop importante.
Des tablesde valeur de
digestibilité
iléale des acides ami- nés dans les matièrespremières,
selon leurscaractéristiques particulières (origine
bota-nique, composition,
traitements technolo-giques)
sont ainsidisponibles
pour la formula- tion des aliments(Eurolysine 1988, RPAN, 1989,
CVB 1990). Au delà de ces valeursmoyennes par
type
de matièrepremière,
deséquations
deprédiction
viennent d’être éta-blies
(Mariscal-Landin 1992), qui permettent
des corrections en fonction d’indicateursspéci- fiques
pour tenircompte
notamment del’origi-
ne
botanique
ou des traitements technolo-giques
(teneurs enparois végétales
dans lesissues de
meunerie,
teneur en tannins du sor-gho,
facteursantitrypsiques
dupois,
parexemple). D’après
les résultatspréliminaires (Mariscal-Landin
et al1991),
les méthodes in vitro semblentprésenter
desperspectives
inté-ressantes pour une
exploration systématique
de la variabilité de la
disponibilité digestive
des acides aminés dans des matières pre- mières de
plus
enplus
diversifiées.2.
2 / Un rationnement alimentaire
adapté
pourla production d’un
porc
maigre
Jusqu’à présent,
avec lesgénotypes
conven-tionnels
présentant
unepropension
àdéposer
une
quantité importante
de gras dans les conditions d’alimentation àvolonté,
il a étéd’usage
depratiquer
une restriction alimentai-re afin de limiter l’état
d’engraissement
àl’abattage
et obtenir ainsi des carcassesrépon-
dant mieux aux besoins de la commercialisa- tion. Cette intensité de la restriction alimen-
taire, qui
se situe à un certain niveau en des-sous de la
capacité d’ingestion
à volonté(géné-
ralement 5 à 20 %) est alors d’autant
plus
sévère que les porcs sont
plus
gras. Elle estplus importante
pour les mâles castrés(de
l’ordre de 20 %) que pour les femelles (5 à 10%), qui
sontplus maigres.
Il en est de mêmepour les