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La responsabilité de différents acteurs scolaires au cours du processus de signalement d'élèves vers les classes spécialisées

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

La responsabilité de différents acteurs scolaires au cours du processus de signalement d'élèves vers les classes spécialisées

DOMINICE, Aurelia Aline, ROBERT, Anne-Laurie

Abstract

Ce travail de recherche, interroge le degré de responsabilité de différents acteurs scolaires et familiaux lors du processus de signalement de l'élève en classe spécialisée. En effet, nous observons une situation paradoxale concernant la responsabilité de ces acteurs. D'un côté, ces derniers s'engagent auprès de l'élève par le biais de clauses prescriptives, de l'autre il existe une procédure de signalement qui, à tout moment, les décharge des responsabilités réglementées. Cette tension entre théorie et pratique nous pousse à nous demander qui est finalement responsable des apprentissages des élèves. Nous sommes donc parties à la rencontre d'enseignants ordinaires, d'enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP), de directeurs, d'enseignants spécialisés et de parents, pour cerner leurs perceptions et saisir les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité durant cette étape du parcours scolaire de l'enfant. C'est donc précisément au niveau de la thématique de la responsabilité, comme concept philosophique et de l'enseignement spécialisé, que s'inscrit notre travail [...]

DOMINICE, Aurelia Aline, ROBERT, Anne-Laurie. La responsabilité de différents acteurs scolaires au cours du processus de signalement d'élèves vers les classes

spécialisées. Master : Univ. Genève, 2011

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17892

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TITRE/SOUS-TITRE

LA RESPONSABILITE DE DIFFERENTS ACTEURS SCOLAIRES AU COURS DU PROCESSUS DE SIGNALEMENT D’ELEVES VERS LES CLASSES SPECIALISEES

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA

LICENCE EN SCIENCES DE L'ÉDUCATION, MENTION ENSEIGNEMENT (LME) Veuillez vous référer à la dénomination officielle des titres

figurant dans le guide des étudiants

PAR (Prénom-Nom) Aurélia Dominicé Anne-Laurie Robert

DIRECTEUR DU MEMOIRE (Prénom-Nom)

Janette Friedrich Greta Pelgrims

JURY

(Prénom - Nom) Jean-Marie Cassagne

LIEU, MOIS ET ANNEE GENEVE juin 2011

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION

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RESUME

(maximum 150 mots)

Ce travail de recherche, interroge le degré de responsabilité de différents acteurs scolaires et familiaux lors du processus de signalement de l’élève en classe spécialisée. En effet, nous observons une situation paradoxale concernant la responsabilité de ces acteurs. D’un côté, ces derniers s’engagent auprès de l’élève par le biais de clauses prescriptives, de l’autre il existe une procédure de signalement qui, à tout moment, les décharge des responsabilités réglementées. Cette tension entre théorie et pratique nous pousse à nous demander qui est finalement responsable des apprentissages des élèves. Nous sommes donc parties à la rencontre d’enseignants ordinaires, d’enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP), de directeurs, d’enseignants spécialisés et de parents, pour cerner leurs perceptions et saisir les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité durant cette étape du parcours scolaire de l’enfant. C’est donc précisément au niveau de la thématique de la responsabilité, comme concept philosophique et de l’enseignement spécialisé, que s’inscrit notre travail de mémoire.

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UNIVERSITE DE GENEVE

Faculté de Psychologie et des Sciences de l‟Education Section des Sciences de l‟Education

Licence mention enseignement

LA RESPONSABILITE DE DIFFERENTS ACTEURS SCOLAIRES AU COURS DU PROCESSUS DE SIGNALEMENT D’ELEVES VERS LES

CLASSES SPECIALISEES

« Chacun est responsable de tout devant tous, et moi le premier. » Fiodor Dostoïevski, Les frères Karamazov.

Mémoire de licence

Aurélia Dominicé et Anne-Laurie Robert Juin 2011

Co-direction Commission

Janette Friedrich Jean-Marie Cassagne

Greta Pelgrims

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier nos directrices de mémoire, Janette Friedrich et Greta Pelgrims pour l‟aide apportée, leurs conseils et leurs corrections. Nous remercions également Jean- Marie Cassagne, membre de la commission, pour son investissement dans la lecture du texte et sa disponibilité.

Nous souhaitons également exprimer nos remerciements à l‟association genevoise de parents d'élèves de l'enseignement spécialisé (AGEPES), qui nous a aidées à entrer en contact avec des parents.

Enfin, nous pensons tout particulièrement à nos relecteurs, Gabrielle, Tiphaine et Jean- Daniel ainsi qu‟à nos proches, et plus directement à Sergio, Jérémy, Matthieu et la petite famille à venir, qui nous ont accompagnés avec grande patience dans cette aventure.

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TABLE DES MATIERES

1. INTRODUCTION ... 7

2. CADRE CONTEXTUEL ... 10

2.1. LA RESPONSABILITE DANS LE CAHIER DES CHARGES DE LECOLE PRIMAIRE GENEVOISE ... 10

2.1.1. Rôle et devoirs du directeur ... 10

2.1.2. Rôle et devoirs de l’enseignant ordinaire et spécialisé ... 11

2.1.3. Rôle et devoirs de l’enseignant chargé du soutien pédagogique ... 13

2.1.4. Rôle et devoirs des parents d’élèves ... 13

2.2. ENSEIGNEMENT SPECIALISE ... 14

2.2.1. Structure de l’enseignement spécialisé à Genève ... 14

2.3. LE PROCESSUS DE SIGNALEMENT POUR LENSEIGNEMENT SPECIALISE A GENEVE ... 16

3. APPORTS THEORIQUES ... 19

3.1. RESPONSABILITE : NOTIONS DE DEFINITION ... 19

3.1.1. Définition ... 19

3.1.2. Distinction des types de responsabilités... 23

3.1.3. Distinction entre responsabilité rétroactive et prospective ... 26

3.1.4. Histoire et contexte contemporain ... 27

3.1.5. Notion de culpabilité ... 29

3.1.6. Fuite de la responsabilité vers un « on » bien commode… ... 30

3.2. REVUE DES TRAVAUX SUR LA QUESTION DE LA RESPONSABILITE DANS LE CADRE SCOLAIRE OU EDUCATIF ... 30

3.2.1. Les formes de responsabilités dans le domaine de l’éducation ... 30

3.2.2. Responsabilité vs responsabilisation ... 32

3.2.3. Résumé de quelques recherches empiriques ... 33

3.3. PROCESSUS DE SIGNALEMENT POUR LENSEIGNEMENT SPECIALISE : REVUE DE TRAVAUX ... 34

3.3.1. Facteurs scolaires intervenant dans le processus d’orientation ... 34

3.3.2. Mécanismes d’attributions causales ... 43

3.3.3. Phénomènes implicites ... 48

4. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE ... 52

4.1. PROBLEMATIQUE ... 52

4.2. QUESTION GENERALE ET QUESTIONS SPECIFIQUES ... 53

5. METHODOLOGIE ... 55

5.1. INTRODUCTION ... 55

5.2. INSTRUMENT DE RECUEIL DE DONNEES : LENTRETIEN ... 59

(7)

5.3. ELABORATION DE LENTRETIEN ET DES VIGNETTES ... 61

5.3.1. Canevas d’entretien pour les directeurs, les enseignants ordinaires et les ECSP 61 5.3.2. Canevas d’entretien pour les enseignants spécialisés ... 64

5.3.3. Canevas d’entretien pour les parents ... 65

5.3.4. Elaboration des vignettes ... 66

5.4. PROCEDURE DE RECUEIL DES DONNEES ... 72

5.5. METHODE DANALYSE DES DONNEES ... 72

5.5.1. Etapes d’analyse ... 76

6. PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS ... 81

6.1. CRITERES INVOQUES POUR SIGNALER UN ELEVE : RESULTATS ... 82

6.1.1. Choix de situation d’élève à signaler pour l’enseignement spécialisé (vignette) 82 6.1.2. Critères évoqués quant au signalement ou non des cas fictifs d’élèves ... 85

6.2. PERCEPTION DE LA COLLABORATION ENTRE PROFESSIONNELS DE LENSEIGNEMENT ORDINAIRE ET SPECIALISE : RESULTATS ... 94

6.3. ROLE ET DEGRE DE RESPONSABILITE LORS DU PROCESSUS DE SIGNALEMENT : RESULTATS ... 101

6.3.1. Rôle, tâche et responsabilité des uns et des autres : perceptions du groupe 1 .. 101

6.3.2. Rôles, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des enseignants spécialisés (groupe 2) ... 114

6.3.3. Rôle, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des parents (groupe 3) ... 119

6.4. LES LIMITES DE LA RESPONSABILITE DANS LE PROCESSUS DE SIGNALEMENT ET LES DIMENSIONS SOCIO-AFFECTIVES : RESULTATS ... 125

6.4.1. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (groupe 1) ... 125

6.4.2. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (enseignants spécialisés) ... 132

6.4.3. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (parents) ... 134

7. CONCLUSION ... 137

7.1. PRESENTATION DES RESULTATS DE RECHERCHE ... 137

7.2. LIMITES DE LA RECHERCHE ... 140

7.3. PISTES DE RECHERCHE ... 142

(8)

1. INTRODUCTION

C‟est au cours de notre formation universitaire en Sciences de l‟Education en Licence mention enseignement, et plus directement, à travers les stages effectués dans des classes ordinaires et spécialisées de l‟enseignement primaire public genevois, que notre questionnement de départ a vu le jour. Cette alternance théorique et pratique, nous a permis d‟élargir nos connaissances, afin de rendre possible le questionnement quant à différents phénomènes observables sur le terrain. Mais c‟est précisément lors du stage d‟un mois du domaine d‟étude « Unités centrées sur les approches transversales 2 », que nous avons eu l‟occasion d‟effectuer nos projets pédagogiques à travers les deux divisions de l‟enseignement ordinaire, à savoir élémentaire et moyenne ainsi que dans une classe spécialisée. Nous exercer à la profession enseignante en nous immergeant dans ces deux contextes d‟enseignement distincts en une période rapprochée, a rendu possible la prise de conscience des spécificités et différences observées en leur sein.

Notre attention s‟est alors portée sur les finalités des classes spécialisées. Pour certains, ces classes sont un moyen de subvenir aux besoins des élèves rencontrant des difficultés scolaires, ces élèves étant jugés comme « inadaptés aux critères scolaires ordinaires » (Biffiger, 2004, p. 34, Jacquemet, Schlaeppi, Biffiger, Dandelot & Oppliger, 1999, p. 27).

Avec un effectif considérablement réduit, les enseignants spécialisés pourvoient davantage que leurs collègues de l‟enseignement ordinaire, à un enseignement individualisé permettant ainsi aux élèves d‟évoluer à leur rythme. Toutefois, l‟objectif de l‟organisation médico- pédagogique (OMP) reste la réintégration de l‟élève dans l‟enseignement ordinaire (site OMP).

Partant de là, nous nous sommes questionnées sur les motifs valables qui déterminent l‟orientation scolaire de l‟élève, à savoir l‟enseignement ordinaire ou spécialisé. C‟est notamment grâce aux cours « Classes spécialisées et intégration : enseignement et apprentissage » et « La motivation à apprendre en contexte d‟enseignement spécialisé » dispensés par Pelgrims en 2009, que nous avons pu donner suite à notre questionnement général pour cibler notre attention sur le passage des élèves de classes ordinaires en classes spécialisées et plus spécifiquement, sur le processus de signalement et d‟orientation vers l‟enseignement spécialisé.

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En effet, à travers ce processus d‟orientation de l‟élève vers la classe spécialisée, différents phénomènes implicites se développent chez l‟élève. En s‟en remettant à d‟autres professionnels, l‟enseignant de l‟élève déclaré en difficulté risque de lui indiquer qu‟il n‟attend désormais plus de progrès de sa part et dès lors, lui fait comprendre qu‟il n‟a plus confiance en ses capacités d‟apprendre. Ainsi, l‟enseignant met en péril le contrat éducatif implicite de confiance réciproque (Pelgrims, 2003) le liant à son apprenant. Comme le souligne Pelgrims (2010), « Les élèves de classes spécialisées sont en effet plus d‟un à dire comment, au cours des derniers mois passés en classe ordinaire, ils ont eu l‟impression d‟avoir été abandonnés, de ne plus avoir été considérés comme des élèves capables de comprendre et de réaliser des tâches » (p. 23). Un autre phénomène à prendre en considération apparaît encore au moment de l‟annonce de l‟orientation de l‟élève. La loi du silence (Pelgrims, 2010) ou la zone d‟ignorance chez les élèves concernés traduit le manque d‟explicitations dans les raisons qui leurs sont données pour justifier leur passage en spécialisé.

De par la prise de conscience de l‟ensemble de ces phénomènes, nous nous sommes alors demandées pourquoi, au lieu d‟offrir à l‟élève la possibilité d‟être acteur de ses apprentissages en lui montrant une attitude permettant des explicitations au moment où il en bénéficierait le plus, l‟école a tendance à se désengager de cet élève-là ? Le passage en classe spécialisée n‟est-il justement pas un moment propice à une amorce de responsabilisation vis- à-vis de son métier d’élève (Perrenoud, 1994) ? Ces ruptures entre l‟enseignement ordinaire et l‟élève n‟opèrent-elles pas finalement plus en profondeur ? Existe-t-il une continuité entre l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement spécialisé ou au contraire, un clivage dont la principale victime serait l‟élève ? De l‟ensemble de ces interrogations, surgit alors une question fondamentale : à quel(s) acteur(s) alors, incombe(nt) la responsabilité de l‟engagement dans le processus de signalement ?

Dans le cadre de ce travail de recherche, nous avons décidé d‟interroger le degré de responsabilité des différents acteurs scolaires et familiaux lors du processus de signalement de l‟élève en classe spécialisée. Pour cela, nous avons choisi de partir à la rencontre d‟enseignants ordinaires, d‟enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP), de directeurs, d‟enseignants spécialisés et de parents, afin de mieux saisir les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité durant ce moment délicat du parcours scolaire de l‟enfant. De là, il s‟agit bien d‟observer une même dimension, à savoir celle de la

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responsabilité et ce, selon cinq points de vue distincts étant donné la différence de statuts.

Aussi, une telle recherche nous semble être un moyen pertinent de discerner s‟il existe ou non une continuité ou une rupture entre les deux contextes d‟enseignement cités. C‟est donc précisément au niveau de la thématique de la responsabilité, comme concept philosophique et de l‟enseignement spécialisé, que s‟inscrit notre travail de mémoire.

Pour mener à bien notre recherche, nous allons d‟abord contextualiser les rôles des acteurs, la structure de l‟enseignement spécialisé et la procédure de signalement d‟un élève.

Ensuite, nous élaborerons un questionnement d‟ordre théorique permettant d‟éclairer le lecteur quant aux définitions et mises en pratiques des concepts cités. Nous aborderons les différentes formes de la responsabilité (responsabilité morale, civile et pénale), la notion de responsabilité dans son histoire, sa relation à la culpabilité, et divers travaux sur la question, pour parcourir ensuite une revue de recherches sur le processus de signalement.

Nous en arriverons ensuite, à la problématique et aux questions de recherche, qui constitueront le fil rouge de notre démarche et qui seront reprises lors de la présentation de nos résultats. La partie dédiée à la méthodologie rendra compte, quant à elle, de la présentation de notre recueil de données, à savoir l‟entretien semi-directif, du choix de l‟échantillonnage ainsi que de la méthode de dépouillement des données choisies. Dans le cadre du chapitre réservé à la présentation des résultats issus de notre corpus documentaire, nous prendrons soin d‟alimenter notre discussion par l‟ensemble de la littérature citée au début de notre travail ainsi que par des interprétations et hypothèses, sans perdre de vue nos trois questions spécifiques. Enfin, il s‟agira de prendre une distance critique par rapport à notre problématique de recherche afin, espérons-le, d‟en tirer de nouvelles pistes de réflexion.

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2. CADRE CONTEXTUEL

Afin de situer les responsabilités des acteurs interrogés, nous commencerons par lister au moyen du cahier des charges, les différentes tâches que ceux-ci se doivent de réaliser.

Nous évoquerons ensuite brièvement la structure de l‟enseignement spécialisé. Enfin, nous mentionnerons les Dispositions internes n°3 de la procédure de signalement d‟un élève pour un passage dans l‟enseignement spécialisé.

2.1. La responsabilité dans le cahier des charges de l’école primaire genevoise

Comme nous allons le voir dans le chapitre 3 « Apports théoriques », la notion de responsabilité peut se décliner à l‟infini si l‟on ne met pas de limites. Le concept de rôle pose ces limites pour définir à quelles obligations sont tenus des individus dans un cadre conventionnel (Pattaroni, 2005). Actuellement, le système de l‟enseignement genevois est en changement, d‟une part parce que ces dernières années ont vu s‟instaurer des dispositifs - directeurs, réseau d‟éducation prioritaire (REP), projet et conseil d‟établissement - visant à une meilleure collaboration entre école, quartier, commune et famille. D‟autre part, parce qu‟au niveau de l‟enseignement spécialisé, comme nous allons le définir dans la suite du travail, des changements se font également sentir.

Nous allons donc énoncer les responsabilités de cinq acteurs du cadre scolaire genevois que sont les directeurs d‟établissement, les enseignants ordinaires, les enseignants spécialisés, les enseignants chargés de soutien pédagogique et les parents d‟élèves.

2.1.1. Rôle et devoirs du directeur

Les établissements scolaires genevois sont dotés depuis 2008 de directeurs. Voici ci- dessous les rôles attribués à ceux-ci :

conduire un projet développant les priorités pédagogiques de l‟établissement

prendre les décisions relatives au parcours scolaire des élèves

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engager, évaluer et encadrer les équipes enseignantes

gérer le budget alloué et déterminer ainsi la répartition des postes d‟enseignement au sein de l‟établissement

développer les relations avec les partenaires de l‟école, notamment en présidant les conseils d‟établissement

articuler les activités parascolaires avec les études surveillées (site DIP).

2.1.2. Rôle et devoirs de l’enseignant ordinaire et spécialisé

Dans la Charte de l’enseignement primaire genevois, édité par la Direction de l‟enseignement primaire (DGEP), relevons que le terme de responsabilité est mentionné à plusieurs reprises. Le point deux s‟intitule responsabilité générale de l’enseignant. Il mentionne notamment que l‟enseignant a pour devoir « de réunir les meilleures conditions d‟enseignement et d‟encadrement pour les élèves dont il a la charge. Il entretient des contacts réguliers avec les autres enseignants, recueille et transmet les informations utiles à toute action pédagogique » (p. 4).

Par ailleurs, il est dit que :

L‟enseignant généraliste a la responsabilité du développement global des apprentissages de l‟enfant. A cette fin, il est chargé en liaison avec les autres intervenants de l‟école, de mettre son activité pédagogique au service de ce développement. Il assume la responsabilité pédagogique du groupe d‟élèves dont il a la charge et partage, avec ses collègues, la gestion du cursus scolaire des élèves de l‟école. (p. 7)

Concernant les devoirs et donc, les responsabilités propres aux enseignants de l‟enseignement primaire genevois, notons que ceux-ci sont identiques pour les enseignants de l‟enseignement ordinaire et spécialisé. L‟article 4 (59) intitulé Objectifs de l’école publique de la loi sur l‟instruction publique du 23 juin 1977, rend compte du rôle de l‟enseignement primaire qui doit :

 donner à chaque élève le moyen d‟acquérir les meilleures connaissances dans la perspective de ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent d‟apprendre et de se former

(13)

 aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques

 veiller à respecter, dans la mesure des conditions requises, les choix de formation des élèves

 préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l‟indépendance de jugement

 rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l‟entoure, en éveillant en lui le respect d‟autrui, l‟esprit de solidarité et de coopération et l‟attachement aux objectifs du développement durable

 tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves dès les premiers degrés de l‟école

Par rapport au rôle spécifique de l‟enseignant spécialisé, Biffiger (2004) établi que celui-ci doit :

 favoriser les situations d‟usage social des objets d‟apprentissage, qui permettent le développement de stratégies de traitement d‟information et des productions personnelles

 ajuster collectivement les propositions et les attentes au fonctionnement d‟apprenant réellement possible des enfants, évalués préalablement

 ajuster individuellement certaines propositions qui tiennent compte des modalités personnelles de production et des stratégies de traitement

 mettre au point des moyens d‟évaluation adaptés à ces contextes d‟apprentissage

 développer les compétences les plus significatives d‟une élève en s‟appuyant sur l‟observation de son fonctionnement (le portrait) afin d‟établir un projet individualisé

 tenir compte des contextes pour déceler les manifestations des potentiels de fonctionnement de l‟élève afin de choisir les modalités propres à le stimuler

 pour l‟élève, de pouvoir apprécier ses performances, mais surtout de connaître et d‟étendre ses compétences. C‟est l‟entrainer à réfléchir sur ses démarches, ses procédures, ses erreurs, sa manière d‟apprendre

Afin de garantir les droits fondamentaux de l‟enfant, le code de déontologie des enseignants membres du syndicat des enseignants romands (SER) en 2004, indique que l‟enseignant :

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 favorise l‟épanouissement de la personnalité de l‟enfant

 met tout en œuvre pour un développement optimal de l‟enfant

 contribue à la socialisation de l‟enfant et à son intégration au sein de la classe et associe les élèves à l‟élaboration des règles nécessaires à la vie commune

 est à l‟écoute de l‟enfant et des informations le concernant

 l‟assiste si son intégrité physique, psychique ou morale est menacée, évite toute forme de discrimination et se garde de tout fanatisme et prosélytisme

 pratique un esprit de tolérance et s‟efforce de le communiquer à ses élèves

2.1.3. Rôle et devoirs de l’enseignant chargé du soutien pédagogique

La formation initiale des enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP) est « celle d‟enseignants généralistes, au même titre que les enseignants titulaires » (Schubauer-Leoni, 2000, p. 52). Pour connaître le rôle des ECSP, nous avons consulté dans le mémento de l‟établissement En Sauvy :

Les enseignants chargés de soutien pédagogique permettent d‟augmenter les forces du corps enseignant de l‟école. Ils sont détachées de la charge d‟une classe pour :

 mettre en place les mesures d'accompagnement, au cours du premier trimestre, en collaboration avec le-la titulaire

 apporter du soutien aux élèves en difficultés d‟apprentissage avec une prise en charge hors de la classe par petits groupes, ou une aide au sein de la classe

 participer au suivi collégial du parcours des élèves (évaluations et décisions concernant les élèves avec lesquels ils ont travaillé)

 apporter une aide particulière aux élèves ne parlant pas ou peu français (en complément aux classes d'accueil), plus particulièrement en 1E-2E

 développer des pratiques de différenciation

2.1.4. Rôle et devoirs des parents d’élèves

Sur le site du DIP, le rôle des parents est mentionné comme suit :

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L'intérêt des parents pour les apprentissages scolaires est un élément important dans la réussite des élèves. Le rôle des parents est de s'intéresser à ce que fait leur enfant, de le soutenir, de valoriser les activités scolaires, d'observer sa progression, d'être attentifs à ses difficultés, à la façon dont il s'organise (site DIP).

2.2. Enseignement spécialisé

2.2.1. Structure de l’enseignement spécialisé à Genève

Genève a mis en place différents moyens de répondre aux besoins des élèves rencontrant des difficultés scolaires. La différenciation structurale est considérée comme le moyen permettant à l‟enseignement de s‟orienter afin de pallier à l‟hétérogénéité des élèves. Allal et Wegmüller (1998), la distinguent comme étant « la mise en place de structures de formation institutionnalisées (filières, sections, cursus) caractérisées par des objectifs, programmes et/ou méthodes différents » (p. 34). Parallèlement à cette différenciation structurale, la différenciation pédagogique relève d‟un autre moyen permettant de répondre aux différents besoins éducatifs des élèves, puisqu‟elle s‟opère à l‟intérieur des différentes classes et filières de l‟enseignement ordinaire et spécialisé.

A Genève, les « enfants qui ne peuvent suivre la scolarité ordinaire, ou ayant des troubles de la personnalité, sont placés dans le secteur spécialisé » (Biffiger, 2004, p. 34). Les populations concernées sont « des enfants à atteinte organique ou psychique majeure et handicapante : cécité, surdité, infirmité motrice cérébrale, handicap mental, psychoses déficitaires […] », ainsi que « des enfants inadaptés aux critères scolaires ordinaires » (p. 34).

L‟enseignement spécialisé du canton relève de l‟instruction publique et jusqu‟en janvier 2010, celui-ci était rattaché à l‟Enseignement primaire et au Service médico-pédagogique (SMP).

Cette imbrication originale a pourtant failli puisque le Service médico-pédagogique s‟est détaché du Service de l‟Office de la jeunesse pour se réorganiser, devenant un organisme indépendant appelé désormais Office médico-pédagogique (OMP). A présent, l‟ensemble des filières dépend directement de l‟OMP et non plus de la Direction de l‟enseignement primaire (DEP). Toutefois, ces filières font toujours partie du Département de l‟Instruction Publique (DIP).

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Selon l‟arrêté du Conseil d‟Etat de la République et du canton de Genève, l‟article 64 (10) du Règlement de l’enseignement primaire du 7 juillet 1993 (entré en vigueur le 15 juillet 1993), stipule que :

1 Le service médico-pédagogique (aujourd‟hui appelé Office médico-pédagogique), compétent pour toutes les questions relatives à l'hygiène et à la santé mentale des mineurs, intervient sur demande des parents, de la directrice ou du directeur d'établissement scolaire, de l'inspectrice ou de l'inspecteur spécialisé, du corps enseignant ou d'autres instances, en faveur des enfants qui présentent des difficultés particulières de comportement, de relation, de compréhension, d'acquisition ou tout autre problème de développement psychosensoriel.(12)

2 Après examen de la situation, il propose les mesures appropriées : a) mesures thérapeutiques individuelles ou collectives;

b) mesures pédagogiques sous forme de conseil, d‟appui ou de placement dans les classes ou institutions spécialisées.

3 Il participe à la direction, à l‟organisation, à la gestion et à l‟animation des structures scolaires spécialisées qui sont définies par des dispositions internes.

Pour l‟année 2010-2011, on ne compte pas moins de 21 regroupements de classes spécialisées dans des écoles primaires ordinaires, recueillant en leur sein 2, 3, 4 ou 5 classes, soit un total de 62 classes spécialisées pour l‟ensemble du canton de Genève (site OMP). Ces structures reçoivent des élèves âgés de 6 à 13 ans qui sont ensuite répartis selon deux regroupements distincts : un premier accueillant des élèves de 6 à 9 ans et un second de 9 à 13 ans.

Les classes spécialisées ne comptent ni de degré annuel ni de cycle d‟apprentissage. Les enseignants jouissent ainsi d‟une autonomie importante par rapport au programme et à l‟évaluation des élèves. Cependant, l‟article 45(10) du Règlement de l’enseignement primaire rend attentif au fait que « dans les regroupements et institutions spécialisés, l'évaluation est adaptée aux caractéristiques de l'élève ». Les modalités de travail, les rythmes d‟apprentissage ainsi que les objectifs, diffèrent ainsi d‟élève en élève. Une autre caractéristique de ces classes réside au niveau de l‟effectif qui est considérablement réduit par rapport aux classes ordinaires, puisqu‟il ne dépasse aujourd‟hui pas plus de huit élèves environ. Enfin, en vue d‟assurer au mieux la mission éducative qui leur est confiée, les enseignants spécialisés

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« bénéficient d‟une collaboration régulière avec des médecins, psychologues, logopédistes ou encore psychomotriciens du Service médico-pédagogique » (Biffiger, 2004, p. 35).

Les institutions proposent, elles, une prise en charge scolaire spécialisée, thérapeutique ainsi qu‟un appui à l‟intégration pour des enfants de 3 à 18 ans environ. On dénombre aujourd‟hui 3 centres pour enfants déficients et d‟appui aux handicapés de la vue, 10 jardins d‟enfants spécialisés et centres de jour pour jeunes enfants, 14 centres de jour pour enfants d‟âge scolaire, 5 centres de jour pour adolescents, 2 écoles de formation préprofessionnelle et 1 foyer d‟accueil de nuit (site OMP). Une équipe pluridisciplinaire composée d‟enseignants spécialisés, d‟éducateurs et de professionnels de l‟OMP collabore étroitement afin de répondre au mieux aux différents besoins éducatifs.

2.3. Le processus de signalement pour l’enseignement spécialisé à Genève

Lorsqu‟un enseignant se retrouve face à un élève présentant des difficultés scolaires, celui-ci peut faire appel à l‟office médico-pédagogique (OMP) et à l‟ensemble de ses professionnels compétents dans la santé mentale et l‟hygiène, afin d‟être assisté. De façon générale, trois modes de signalement sont possibles lorsqu‟une telle situation se présente :

 Signalement pour consultation à l‟école

 Signalement médico-psychologique

 Signalement scolaire

Dans le premier mode de signalement pour consultation à l’école, l‟enseignant qui rencontre une difficulté ou un problème lié à un de ces élèves peut s‟adresser directement à un spécialiste de l‟OMP. La fonction de ce dernier est d‟accueillir et accompagner l‟enseignant dans un espace de discussion où des conseils et des pistes de réflexions devraient permettre de saisir davantage la situation dans laquelle l‟élève évolue. Dans ce cas, les parents ne sont pas tenus d‟être avisés étant donné la démarche indépendante et personnelle de l‟enseignant.

Le signalement médico-psychologique, quant à lui, consiste à proposer une consultation OMP à l‟élève, nécessitant en amont l‟accord des parents. Pour ce faire, l‟enseignant doit avant tout en informer son directeur d‟établissement qui, à son tour, en avisera les parents.

Toutefois, à ce niveau, la démarche reste indépendante d‟une orientation dans l‟enseignement

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spécialisé. Une fois informée des intentions de l‟école, la cellule familiale reste libre dans le choix ou non d‟une consultation OMP. Néanmoins, il arrive que la demande provienne directement des parents, souhaitant ainsi privilégier un soutien pour leur enfant.

Le signalement scolaire, se pose lui, lorsque l‟élève présente des difficultés scolaires importantes et/ou des difficultés de comportement rendant ainsi problématique toute prise en charge dans l‟enseignement ordinaire. Lorsque l‟ensemble des mesures prises dans le cadre de l‟enseignement ordinaire permettant à l‟élève d‟être accompagné dans ses difficultés d‟apprentissage n‟ont pas apporté les effets attendus, l‟orientation de l‟élève en division spécialisée peut alors être considérée (Dispositions internes n°3).

De là, il incombe à l‟enseignant titulaire de rédiger un Bilan pédagogique selon un formulaire réunissant des informations liées au parcours scolaire de l‟enfant (difficultés scolaires), aux mesures déjà mises en place, aux dispositions psychologiques (difficultés de comportement) ainsi que des informations liées à ses relations familiales. Pour y parvenir, l‟enseignant peut s‟appuyer sur sa collaboration avec d‟autres professionnels travaillant avec l‟enfant, notamment l‟enseignant chargé de soutien pédagogique (ECSP) et autres maitres spécialistes. Si nécessaire, un Bilan psychologique effectué par un spécialiste de l‟OMP peut également être exigé par le directeur de l‟enseignement ordinaire et l‟inspecteur de l‟enseignement spécialisé, afin d‟orienter l‟élève vers une filière davantage adaptée à ses besoins éducatifs.

Bien que la présence des parents de l‟élève lors des entretiens précédant toute prise de décision est requise, la décision finale d‟orientation ou non de celui-ci reste et « appartient aux deux inspecteurs/trices concerné(e)s » (Dispositions internes n°3). A ce moment précis, l‟enseignant est donc déchargé de toute responsabilité. Par ailleurs, les parents perdent tous droits sur l‟enfant en cas de refus à une réorientation. « En cas d‟opposition des parents, le règlement de l‟enseignement primaire est appliqué » (Dispositions internes n°3). Dès lors, comme souligné dans le Règlement de l’enseignement primaire, « s‟ils ne peuvent admettre les décisions prises, ils renoncent de ce fait à faire instruire leurs enfants dans une école publique »(Article 26, al. 3, 1993). Dans l‟attente d‟un éventuel transfert, l‟élève reste dans sa classe, voire dans son école.

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Au final, en dépit d‟un accord entre les deux inspecteurs/trices, il revient cependant à celui de la division spécialisée de trancher. Enfin, rappelons la responsabilité et les droits de l‟instruction publique dans cette démarche :

Lorsque la santé ou le développement de l‟enfant le commande, le département, après examen approfondi de la situation, peut placer l‟élève dans une autre classe ou une autre école. L'élève peut être placé dans une classe ou institution spécialisée selon les procédures internes établies entre le service médico-pédagogique et la direction générale de l'enseignement primaire. (Règlement de l’enseignement primaire, art. 26, al. 1 & 2, 1993)

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3. APPORTS THEORIQUES

Grâce à un apport théorique, nous allons tenter de cerner des concepts en lien avec notre objet d‟étude, qui est, rappelons-le, la responsabilité de divers acteurs dans le processus de signalement d‟élève vers l‟enseignement spécialisé. Il convient en premier lieu de traiter de la notion de responsabilité, avant de se focaliser plus particulièrement sur le processus de signalement d‟un élève vers l‟enseignement spécialisé, dans lequel nous allons questionner cette responsabilité.

Nous commençons par interroger la définition de la responsabilité, ainsi que son évolution à travers l‟histoire et la société. Ces constats mènent à une distinction des types de responsabilité. Par la suite, nous mentionnons quelques travaux abordant la responsabilité dans le contexte éducatif.

Nous poursuivons sur le second versant de notre thématique, à savoir le contexte spécialisé. Nous aborderons donc une revue des différents travaux abordant le processus de signalement d‟un élève pour un passage dans l‟enseignement spécialisé.

3.1. Responsabilité : notions de définition

3.1.1. Définition

Etymologiquement le mot responsabilité vient du latin respondere qui signifie répondre.

On peut donc extrapoler en postulant que « la responsabilité, c‟est la capacité de répondre de ses actes » (Association pour un éveil de la responsabilité à l‟école [AERE], 2001, p. 9).

La notion de responsabilité a évolué à travers le temps selon les valeurs, la morale, la société, etc. A notre époque, nous utilisons, dénaturons et banalisons souvent le concept de responsabilité – s‟agit-il d‟ailleurs d‟un concept, d‟un sentiment, d‟un principe ou autre ? – c‟est pourquoi, nous allons nous appuyer sur des théories pour parvenir à en savoir davantage.

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Desbons et Ruby (2004) avancent une idée qui semble pouvoir servir de base à la compréhension de la responsabilité. Selon eux, la référence à la responsabilité constitue l‟individu en sujet de ses actions. Elle renvoie à une double dimension : d‟une part, le fait qu‟un individu se reconnaisse responsable implique que sa « conscience affirme avoir soumis ses affects à un contrôle suffisant pour s‟être rendu capable d‟orienter son action vers un but choisi si possible rationnellement » (p. 4). D‟autre part, le fait que l‟individu se reconnaisse responsable d‟un acte suppose qu‟il ne reporte pas sa responsabilité sur les générations à venir ou sur son entourage et que, par extension, sa famille, ses proches, etc. ne sont pas soumis à la responsabilité des actes commis par l‟individu.

Genard (1999), lui, se base sur les travaux d‟Habermas pour approcher la question de la responsabilité. Il s‟agirait d‟ « une idéalisation […] que nous opérons nécessairement chaque fois que nous entrons dans des échanges langagiers à des fins d‟entente » (p. 12). La notion de responsabilité serait donc en lien direct avec celle de la communication. « En effet, ceux qui participent à une interaction doivent se considérer réciproquement comme responsables et donc supposer qu‟ils fondent leurs actes sur des prétentions à la validité » (Habermas, 1997, cité par Genard, p. 12).

Desbons et Ruby (2004) pensent que la volonté - dans le sens de l‟auto-appropriation de la décision - et la liberté précèdent la responsabilité, considérée comme le moment de la réflexion. Cela nous ramène à l‟étymologie du mot : l‟idée de « l‟attribution à quelqu‟un de l‟obligation de réparer ou de subir la peine encourue au cas où une de ses actions engendrerait des dégâts ou causerait du tort à un autre » (p. 6). Cela sous-entend une idée d‟imputation visant à assigner une action à quelqu‟un, qui doit cependant avoir été certifié libre de ses actes au moment de l‟action en question : « parler de responsabilité, c‟est associer une action à une causalité absolument libre, ou entendre l‟action comme une causalité absolument libre » (pp.

6-7). Se pose alors la question « des repères normatifs extérieurs à l‟individu » (Pattaroni, 2005, p. 16). Pour pouvoir parler de responsabilité, il faut que ces derniers soient reconnus par des tiers dans une dimension dite externe. L‟auteur avance l‟idée qu‟il faudrait à la fois des repères externes et internes à l‟agent pour parler de la dimension de responsabilité.

Cependant, il relève que ces deux aspects sont contradictoires, puisque faisant appel à la fois à l‟objectivité - dimension externe, c'est-à-dire les normes - et à la subjectivité - dimension interne, c‟est-à-dire l‟aspect psychologique des capacités - qui sont par là même considérés comme distincts. Or, nous explique l‟auteur, ses recherches tendent à démontrer que :

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Les capacités humaines sont étroitement liées à la manière dont la personne s‟inscrit dans le monde. Il n‟y a donc pas d‟un côté des conventions et de l‟autre des capacités mais un processus qui les fait apparaître de manière concomitante. (p. 17)

Relevons que les définitions de la responsabilité évoquées ci-dessus sont de toute évidence en opposition avec certains discours :

Chacun se rend parfaitement compte du fait qu‟un fossé immense sépare le discours religieux (Dieu crée toutes choses), le discours naturaliste (Ma nature m’entraine à faire ceci ou cela) et le discours de la responsabilité (C’est moi qui ait accompli ceci ou cela).

Car, dans le troisième cas, un je est déclaré auteur ou cause de l‟action. (Desbons &

Ruby, 2004, p. 7)

En allant à l‟encontre de l‟idée qu‟une divinité gouvernerait les humains, ces définitions apparaissent se distancier du discours religieux. En effet, cela suppose que l‟homme n‟agit pas sous le coup d‟une puissance divine, mais sur celui de ses propres décisions. De même, ces théories semblent aller à l‟inverse des discours naturalistes puisqu‟elles nous positionnent davantage en acteur de notre vie.

D‟autres auteurs (Spaemann, 1999) pensent quant à eux, que l‟éthique de la responsabilité définit :

L‟attitude d‟un homme qui, lorsqu‟il agit, prend en considération la totalité des conséquences prévisibles de son agir, qui donc se demande quelles conséquences sont globalement les meilleures du point de vue de la valeur de la réalité, et qui agit conformément à ce point de vue même s‟il doit alors faire une chose qui, prise isolément, devrait être qualifiée de mauvaise. (p. 76)

Il suppose donc une conscience lucide de l‟individu qui agirait en fonction de ce qu‟il pense être le mieux. A ce titre, Spaemann (1999) explique qu‟une action produit forcément des effets et qu‟il convient de tous les envisager pour se poser la question : « pour quelles conséquences de l‟action, et à quelle échéance, l‟agent porte-t-il une responsabilité ? » (p. 78).

Il exprime ainsi que la responsabilité n‟implique pas de ne retenir qu‟une conséquence, mais de considérer l‟ensemble de ces dernières pour évaluer si la fin justifie les moyens, autrement dit, si la personne a agit en produisant quelques conséquences négatives, mais pour finalement provoquer davantage de conséquences positives.

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Pourtant, certains auteurs estiment comme fondamental de ne pas considérer uniquement une action pour elle-même, mais aussi la conviction, l‟intention et la perception de l‟individu qui a réalisé cette action. Spaemann (1999) postule donc que la responsabilité doit être limitée et ne pas comprendre toutes les conséquences des actions engagées ou non par l‟agent. Quant à Genard (1999), il propose de retenir quatre modalités qui doivent être évaluées pour définir la responsabilité. Ces modalités sont : le devoir, le vouloir, le savoir et le pouvoir : « le devait-il ?; l‟a-t-il voulu ?; savait-il ce qu‟il en était, ce qu‟il en serait ?; le pouvait-il ? C‟est par rapport à ces questions que nous jugerons des responsabilités » (p. 39).

Ces modalités s‟exposent ainsi à des interprétations et des réinterprétations possibles qu‟il convient d‟interroger pour discuter de la forme et de l‟étendue des responsabilités.

En résumé, nous remarquons que l‟éthique de la responsabilité ne peut se traiter par le biais de la connaissance scientifique, mais par la réflexion philosophique qui suppose de se questionner sur les actions que nous réalisons. « L‟éthique de la responsabilité souffre des défauts propres aux éthiques du sentiment et de la bienveillance. Elle définit davantage des attitudes et une sensibilité que des normes et des obligations précises » (Métayer, 1997, p.

209). Comme le spécifie cet auteur, la responsabilité semble découler davantage d‟une sensibilité personnelle que chacun peut définir selon ses propres critères et valeurs. Dans ce cas précis, elle se rattache donc à une question morale. Au vu de ces propos, nous pouvons nous demander s‟il est même possible de concevoir la responsabilité comme une qualité, au sens d‟une aptitude personnelle. Il se peut que la responsabilité ne puisse se définir de la même manière pour tous, étant donné qu‟elle n‟a pas de caractère obligatoire et est sujette à la sensibilité intrinsèque. Néanmoins, comme nous le verrons par la suite, il a été érigé des codes de responsabilité civile et pénale qui, au contraire de la responsabilité morale, ont traits à des devoirs.

En considérant l‟ensemble des aspects de définition que nous avons identifiés jusqu‟à présent, il semble que la responsabilité comporte uniquement des aspects négatifs. En effet, nous avons aperçu que les auteurs associent souvent cette notion à des actes plutôt nocifs qui nécessitent jugement, peine et réparation. Ils utilisent également à maintes reprises le terme de conséquence pouvant exprimer une connotation négative. Sommes-nous alors en droit de penser que la responsabilité implique nécessairement des suites pénibles ? Desbons et Ruby (2004) font mentir cette question et notent que la responsabilité comporte également des aspects positifs, notamment concernant la récompense d‟une action. Ainsi, la prise de

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certaines responsabilités peut conduire à des finalités bénéfiques. Donnons l‟exemple d‟un individu qui prendrait la décision d‟assister une personne en danger. Si cette prise de responsabilité conduit à son sauvetage, on observe donc l‟aspect positif lié à ce choix.

3.1.2. Distinction des types de responsabilités

Comme nous l‟avons évoqué, on peut distinguer trois types de responsabilité : la responsabilité morale, la responsabilité civile et la responsabilité pénale (Paturet, 2003).

Responsabilité morale

La responsabilité morale en appelle à la conscience que chaque homme devrait avoir en lui. Chacun est supposé solidaire de ses actes. Métayer (1997) démontre par la théorie de Jonas, que la raison a une place importante en morale, mais que le sentiment a davantage d‟influence. Par exemple, si le côté émotionnel agit, c‟est que la volonté de la personne a été mise à mal puisqu‟elle a été touchée par la condition d‟une autre personne.

Selon certains auteurs (Canto-Sperber, 2001), « on est moralement responsable que de ce qu‟on fait intentionnellement » (p. 93). Cette notion de moralité entre donc en jeu avec des questions d‟intentionnalité. Ainsi, l‟auteur amène une nouvelle dimension à la définition de responsabilité pour laquelle il convient de comprendre ce qu‟on entend par intentionnel. Selon Canto-Sperber, ne peuvent être dits intentionnels que les actes dont on a la possibilité de ne pas accomplir et qui peuvent être décrits précisément. La théorie classique conduit donc à discriminer action et omission, c‟est-à-dire que « je suis responsable de ce que je fais, mais non de ce que je ne fais pas, à moins que je ne viole délibérément une norme connue de tous » (p. 93). S‟opposent à cette conception, les courants dits de conséquentialisme1, selon lesquels il ne doit pas y avoir de distinction entre action et omission, puisque si je réalise une action, cela signifie que je suis empêché d‟en faire une autre, donc je suis aussi responsable de ce que je ne fais pas. L‟auteur donne l‟exemple suivant :

Si je passe une soirée à l‟opéra, c‟est que je ne consacrerai pas ma soirée à faire du bénévolat ni n‟adresserai l‟argent de mon billet à un organisme d‟entraide international.

Or, dans un monde désormais unifié, je suis responsable aussi de ce que je ne fais pas, et

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en particulier des malheurs que mon aide ou mon action auraient pu éviter. Autrement dit, il m‟incombe, il est de ma responsabilité de créer le meilleur état du monde. (p. 94)

On constate ainsi l‟étendue considérable de cette responsabilité qui attache en considération toutes conséquences occasionnées par nos agissements mais également toutes conséquences liées aux actions que nous ne pouvons réaliser dans le même temps. D‟autre part, ces courants s‟élèvent également contre la théorie classique qui ne prend en considération que les effets proches d‟une action et non les effets imprévus. En effet, Canto- Sperber (2001) rappelle que notre action individuelle peut produire des résultats opposés à ceux escomptés dans la mesure où elle entre en interaction avec les conséquences des actions de tierces personnes. L‟auteur avance l‟exemple de l‟épargne qui est sujette aux actions des autres. La décision individuelle d‟épargner rend responsable, dans ce cas-là, de l‟état final.

Par ailleurs, le risque existe de se retrouver face à des conséquences disproportionnées, et en l‟occurrence, non maîtrisables. En prenant en compte ces diverses potentialités, les courants conséquentialistes parlent alors de responsabilité globale du moment qu‟on implique les actions que nous faisons ou non et qui conduisent à des effets prévus et imprévus.

Selon Canto-Sperber (2001), on se retrouve ainsi devant deux hypothèses : l‟une est de dire que la notion de responsabilité s‟étend à l‟infini et est impliquée dans tout ce qu‟est le monde et l‟autre est de dire qu‟elle est limitée à la sphère d‟action de l‟agent ce qui implique de parler d‟obligation de réparation en ce qui concerne les effets inconnus de l‟action.

Mais comment peut-on alors définir ce qui incombe à notre responsabilité morale ou non ? Canto-Sperber nous propose une conception alternative retenant deux exigences. La première est l‟idée selon laquelle la notion de responsabilité se limite à la sphère de l‟action intentionnelle. Cette exigence est importante, selon elle, pour « donner un sens à la notion d‟imputation dont dépend une grande part de notre rapport moral au monde » (2001, p. 96).

Autrement dit, un individu se doit d‟être conscient de la portée de ses actes et aussi de pouvoir distinguer s‟il agit selon son bon vouloir ou non.

La deuxième exigence de Canto-Sperber (2001) met le doigt sur la nécessité de catégoriser les rapports entre nos actions et leurs conséquences, étant donné que dans certains cas, la distinction entre l‟acte et ses conséquences est ambigüe. Autrement dit, il existe divers concepts qu‟il convient d‟utiliser pour citer ces relations de cause à effet. Elle évoque, par

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exemple, la notion d‟implication qui démontre une participation du sujet, sans responsabilité stricte. Canto-Sperber pense aussi qu‟il est davantage pertinent de contrôler les actions humaines au moyen de règles qui, de ce fait, placent la responsabilité de chacun dans la contrainte à respecter ces règles. « Cela ne fait peut-être aucune différence dans le concret, mais cela fait une grande différence dans le travail de justifications des normes » (p. 99). Par là, cette définition tend à démontrer que la notion de responsabilité morale est limitée à l‟action intentionnelle et qu‟il existe diverses formes de relations entre un individu et un état de choses. Selon l‟auteur, il faut donc distinguer ces relations, leur donner une définition conceptuelle, et ne pas confondre la notion stricte de responsabilité « avec les autres formes que peut prendre cette relation (obligation de réparation, implication morale, obéissance à une règle) » (Canto-Sperber, 2004, pp. 99-100). Ainsi, selon l‟auteur, il n‟y a, par conséquent, pas lieu d‟invoquer une responsabilité universelle :

Ce n‟est pas parce que les causalités sont enchevêtrées, ou encore parce qu‟entre un sujet quelconque et une action quelconque, on peut toujours concevoir qu‟un lien existe, qu‟il faille étendre à l‟infini la notion de responsabilité en la détachant du schème de l‟action intentionnelle ni qu‟il faille admettre une responsabilité universelle. (p. 100)

Ainsi, Canto Sperber (2001) est d‟avis que la responsabilité doit être limitée et non étendue infiniment, et qu‟il faut définir plus précisément l‟action intentionnelle.

Responsabilité civile

La responsabilité civile implique que la personne qui a commis des actions ou des négligences sur un tiers doit en assumer les conséquences. Cette notion de responsabilité civile est née au début du 19ème siècle et a pris une grande importance notamment au travers de « l‟élaboration du Code civil » (Pattaroni, 2005, p. 13), recueil codifiant les normes législatives du droit privé.

Responsabilité pénale

Enfin, la responsabilité pénale « vise habituellement les dommages occasionnés à la cité et à l‟organisation sociale » (Paturet, 2007, p. 111). Il existe un code pénal qui consiste en un texte relatif aux peines encourues par un individu qui commet des infractions.

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Pour les responsabilités civile et pénale, on remarque donc que, de nos jours, la responsabilité est codifiée. Il y est même question de jugement, puis d‟obligation de réparation. La responsabilité dans ce cas se rapproche alors du concept de justice (Pattaroni, 2005).

3.1.3. Distinction entre responsabilité rétroactive et prospective

Métayer (1997) qui s‟appuie sur le travail de Jonas, distingue la responsabilité rétroactive qui est liée à nos actes passés et aux conséquences qui les ont suivi, de la responsabilité prospective, qui vise les actes à réaliser et qui dépendent de nous. La responsabilité prospective est une responsabilité à assumer relative à des actes futurs et qui implique des personnes de notre sphère d‟influence et dont le sort dépend de nous, soit par besoin, soit parce que nos actions le menacent. Métayer donne l‟exemple d‟un père de famille qui a une addiction pour les jeux de casino et perd tout son argent. Il est vu comme irresponsable, puisqu‟il nuit à ses enfants dont il doit s‟occuper. La responsabilité prospective semble engendrer de plus grandes exigences que la responsabilité rétroactive. En effet, cette dernière est liée au passé, il est donc difficile d‟en changer les conséquences. Métayer explique que « dans une véritable morale de la responsabilité, la responsabilité n‟est pas consécutive à un acte passé, mais est plutôt à la source de l‟acte. Elle commande un acte à accomplir » (p. 194). Ainsi, la responsabilité prospective présume d‟un pouvoir d‟action de la personne responsable.

De plus, Métayer (1997) explique que, dans nos sociétés actuelles, pouvoir et savoir sont souvent associés, ce qui suppose des responsabilités aux personnes qui savent vis-à-vis des personnes ignorantes. Le savoir est ici défini comme le fait d‟avoir conscience de ce qu‟impliquent certaines actions. Cette vision augure donc d‟une inégalité entre le sujet responsable et la personne sous sa sphère d‟influence. Il n‟y a donc pas de réciprocité, mais un sens unique. L‟auteur élargit le concept à toutes les personnes qui ont des compétences puisque leurs actions engendrent des effets sur les personnes qui n‟ont pas ces compétences.

Métayer pense aux professionnels, aux cadres, aux professeurs, ou encore aux techniciens.

Ainsi, ces individus « sont directement visés par ce concept dans la mesure où leurs actions influent sur le bien-être de certaines personnes vulnérables qui dépendent d‟eux » (p. 196).

Comme nous le voyons, l‟enseignant est donc concerné par la responsabilité prospective. Le cadre de ces activités professionnelles est défini par des normes explicites inscrites dans un

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« code de déontologie » auquel on se réfère de plus en plus souvent pour interpréter les responsabilités des professionnels. Pourtant, d‟après Métayer, cela ne suffit pas pour régler tous les cas de conscience : « une véritable éthique de la responsabilité exige davantage que le respect d‟un code de déontologie ou le strict respect des lois ou d‟un contrat de service » (p.

200). D‟après ces propos, il semble donc complexe de ne s‟arrêter qu‟au strict « cahier des charges » de chaque professionnel pour établir leurs responsabilités. Par ailleurs, l‟auteur signale :

La responsabilité prospective dépend de notre pouvoir d‟intervention. Dans un contexte où une personne occupe une position d‟autorité supérieure à la nôtre, il peut être tentant de nous dégager d‟une responsabilité morale en nous disant que c‟est à notre supérieur hiérarchique qu‟il revient de l‟assumer, puisque celui-ci a encore plus de pouvoir que nous ». (p. 201)

On peut concevoir, à travers ces paroles, qu‟un problème, un obstacle ou une difficulté peut, dans un contexte hiérarchique, inviter à se décharger de sa responsabilité, en la déléguant à l‟individu qui occupe une fonction supérieure.

3.1.4. Histoire et contexte contemporain

Le terme responsabilité dans l‟usage que nous lui connaissons aujourd‟hui et dans nos sociétés occidentales est récent. En effet, Genard (1999) nous enseigne que son utilisation date de la seconde moitié du 18ème siècle. Cette idée est née simultanément à l‟idée de sujet.

Pour Desbons et Ruby (2004), dire que le terme de responsabilité a une histoire signifie un début et une fin. Il va sans dire qu‟il en découle ainsi une signification qui s‟est développée en fonction du contexte historique.

Selon plusieurs auteurs (Canto-Sperber, 2001 ; Desbons & Ruby, 2004 ; Métayer, 1997 ; Paturet, 2003 ; Spaemann, 1999), la notion de responsabilité est au centre de l‟éthique. Au sens traditionnel, elle se basait sur l‟idée que la nature et la vie étaient invulnérables ainsi qu‟immuables et que l‟action humaine ne prévalait pas sur ces dernières. Or, selon Paturet (2003) qui traduit le discours de Jonas, nous vivons dans une époque qui remet en cause cette conception, étant donné que le pouvoir technologique met à mal l‟ordre cosmique. Cela implique ainsi une nouvelle dimension de la responsabilité puisqu‟elle ne se limite plus au rapport de l‟homme avec son prochain mais tend à un rapport nouveau avec l‟avenir.

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Actuellement, et selon Desbons et Ruby (2004), plusieurs études montrent que le monde contemporain va au-delà d‟« un affaiblissement de la conscience de la responsabilité » (p. 9).

Ils vont même plus loin en spécifiant que selon ces mêmes études, « plus personne n‟en prendrait (des responsabilités), nous ne nous sentirions plus responsables de rien, et d‟une certaine façon, nous n‟avons plus besoin de cette idée » (p. 9). Par ailleurs, les auteurs se basent sur le constat que :

Notre société est organisée pour que la responsabilité individuelle soit définitivement dépassée, comme horizon de l‟action humaine. Ne sommes-nous pas pris dans un système général d‟assurances, dont le résultat est qu‟il dilue la responsabilité de chacun dans le collectif ? (p. 15)

Desbons et Ruby (2004) s‟appuient sur une étude de François Ewald démontrant que la construction du système d‟assurance est passé par trois étapes dévoilant un passage de la responsabilité individuelle à la responsabilité collective et dont résulte la notion de responsabilité actuelle. L‟âge de la faute est vu comme le premier âge de la responsabilité, c‟est-à-dire, l‟idée de la responsabilité individuelle. Le deuxième âge est celui de la responsabilité sans faute avec pour principe qu‟il est impossible de lutter individuellement contre un mal collectif, comme, par exemple, les accidents. Enfin, vient l‟âge actuel de la sécurité qui implique que la responsabilité incombe à tous, mais non dans une optique individuelle : « nous sommes entrés dans l‟âge adulte de la socialisation des risques. Il n‟y a plus d‟autre responsabilité que celle de tous, ce qui ne signifie pas de chacun » (p.15). Cela suppose que nous n‟allons plus au devant d‟une responsabilité individuelle, mais d‟une responsabilité sociale collective. Par ailleurs, les auteurs s‟appuient sur les dires d‟Alexis de Tocqueville2 pour expliquer que cette responsabilité s‟est dissoute à travers le consumérisme qui pousse les individus à s‟isoler de la société en se réfugiant dans des valeurs matérielles déchargeant ainsi l‟homme de sa responsabilité face au sort du monde.

Les changements survenus au travers des époques conduisent à deux hypothèses. La première serait de penser qu‟il faut restaurer la responsabilité. Cette réaction est celle prônée notamment par Hans Jonas, qui relevait l‟intérêt de mener les Hommes à une attitude responsable. Elle est vue davantage comme une responsabilité collective se préoccupant de

2 Penseur politique, historien et écrivain français du 19ème siècle, Alexis de Tocqueville a écrit un ouvrage de référence s‟intitulant De la démocratie en Amérique, en 1835. Il y analyse le système démocratique américain et prédit certains risques liés à cette forme de société.

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l‟avenir lointain qui implique que l‟humanité se doit d‟être responsable de sa survie et de façon plus générale, du monde. Comme le dit Jonas : « Agis de telle sorte qu‟il existe encore une humanité après toi et aussi longtemps que possible » (Jonas, cité par Desbons & Ruby, p.

13, 2004). En effet, selon Jonas, et dans le contexte de développement technologique de nos sociétés occidentales, « nous sommes mis en demeure d‟assumer collectivement la responsabilité des dangers et des destructions qui attentent à la vie de la nature dont nous faisons partie » (Desbons & Ruby, 2004, p.11). Dans cette théorie, la restauration de la responsabilité est donc vue comme inévitable pour assurer l‟avenir et devient par là-même un devoir collectif : « nous devons organiser à l‟échelle planétaire la responsabilité de l‟humanité quant aux conséquences et aux effets secondaires découlant de ses actions collectives » (p.12).

La deuxième hypothèse est une réaction inverse. En effet, dans le cas où il est avéré que la responsabilité s‟affaiblit, comme le questionnent Desbons et Ruby (2004), il pourrait résulter que « nous arrivons à nous débarrasser d‟un poids historique, celui de l‟exercice de la responsabilité, et que de ce fait, s‟ouvre devant nous un éventail de comportements inédits à explorer » (p. 9). Cette idée trouve sa source dans les théories de Nietzsche qui affirme que la responsabilité n‟est pas dans la nature humaine, mais est le résultat d‟un rôle donné à l‟homme dans sa quête de civilité. Voilà pourquoi les auteurs mettent en avant l‟idée de se débarrasser du poids de la responsabilité, puisqu‟elle restreint l‟existence de l‟homme en l‟empêchant d‟agir selon ses pulsions. Cette idée semble rejoindre le concept de culpabilité, puisqu‟ « en se portant garant de ce qu‟il accomplit […], [l‟homme] déploie non seulement une capacité à répondre de soi-même, mais il se place sous le jugement intériorisé des autres » (p. 18). La responsabilité que porte l‟individu semble donc être le fruit d‟une contrainte qui implique également que sa conscience se plie à une norme qui, s‟il la transgresse, conduit, au demeurant, à la culpabilité. Nous pensons qu‟il est donc pertinent de spécifier, en quelques mots, en quoi consiste cette culpabilité.

3.1.5. Notion de culpabilité

La notion de responsabilité semble étroitement liée à celle de culpabilité : « au-delà des actions et des valeurs, vient la conscience de se sentir coupable ou plus simplement la cause d‟un mal ou d‟un bien commis » (Desbons & Ruby, 2004, p.3). Autrement dit, les limites

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