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Vieillissement et migration. Les regards des migrants portugais de première génération en Suisse

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Master

Reference

Vieillissement et migration. Les regards des migrants portugais de première génération en Suisse

MISEREZ, Geneviève

Abstract

Les immigrés portugais de la première génération sont arrivés en Suisse, déjà, dans les années 1960. Mais, la plupart d'entre eux ont trouvé le chemin de la Suisse dans les années 1990. Ces migrants arrivent, à présent, à l'âge de la retraite. D'où l'intérêt et la question que je me pose : Comment les migrants portugais de première génération vivent-ils leur vieillesse ? D'autres questions subalternes sont abordées : comment ces migrants se sont-ils intégrés ? Comment vivent-ils leur vieillesse et comment se la représentent-ils ? Quels projets ont-ils pour leur retraite, les réalisent-ils ou pas ? Restent-ils dans leur pays d'accueil ou rentrent-ils au Portugal ?...

MISEREZ, Geneviève. Vieillissement et migration. Les regards des migrants portugais de première génération en Suisse. Master : Univ. Genève, 2015

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:55118

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UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’EDUCATION Vieillissement et migration

Les regards des migrants portugais de première génération en Suisse

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L'OBTENTION DE LA MAITRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L'EDUCATION

FORMATION DES ADULTES (FA)

PAR

Geneviève Miserez

Directeur du mémoire

Jean-Michel Baudouin, Section des sciences de l’éducation, Université de Genève

Jury

Caroline Dayer, Section des sciences de l’éducation, Université de Genève

Stefano Cavalli, Scuola universitaria professionale della Svizzera italiana (SUPSI)

GENEVE, JANVIER 2015

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Résumé

Les immigrés portugais de la première génération sont arrivés en Suisse, déjà, dans les années 1960. Mais, la plupart d'entre eux ont trouvé le chemin de la Suisse dans les années 1990. Ces migrants arrivent, à présent, à l'âge de la retraite. D'où l'intérêt et la question que je me pose : Comment les migrants portugais de première génération vivent-ils leur vieillesse ? D'autres questions subalternes sont abordées : comment ces migrants se sont-ils intégrés ? Comment vivent-ils leur vieillesse et comment se la représentent-ils ? Quels projets ont-ils pour leur retraite, les réalisent-ils ou pas ? Restent-ils dans leur pays d'accueil ou rentrent-ils au Portugal ? Des réponses à ces questions sont développées selon une démarche compréhensive en explorant les histoires de vie des sujets interviewés. Deux éléments primordiaux ressortent de cette étude : le concept de « l'immigration » et « le vieillissement comme processus et comme expérience ».

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Remerciements

Je souhaite avant tout remercier mon Directeur de mémoire, Jean-Michel Baudouin, pour m'avoir accompagnée dans la réalisation de ce mémoire. Merci pour son soutien et les éclaircissements qu'il m’a apportés tout en me laissant la nécessaire liberté pour sa conception.

Merci à Caroline Dayer, membre du jury, pour sa précieuse et encourageante présence.

Merci à Stefano Cavalli, membre du jury, pour la première impulsion qu'il m'a insufflée pour la rédaction de mon mémoire.

Un merci, tout particulier à Fabrizio, pour les nombreux et fructueux échanges concernant la migration portugaise, pour sa relecture, la correction minutieuse et la mise en page de ce mémoire.

J'aimerais exprimer ma gratitude à ma famille, mon compagnon de tous les jours, Fernando, mes enfants, Anne, Gilles et Muriel ainsi que leurs compagnons Nathalie et Marc, mes petits-enfants, Louis, Antoine, Simon et Arthur, ils m'ont tous apporté l'énergie nécessaire pour poursuivre cette folle aventure. Merci à mes deux soeurs, Béatrice et Violaine pour leur écoute et leur soutien.

Merci à mes parents qui sont partis sur d'autres chemins...

Merci pour les encouragements de notre groupe d'étudiants intergénérationnel ainsi que de tous les autres étudiants, ils ont sans doute été un moteur important pour que j'aille au bout de cette fabuleuse expérience.

Merci chaleureux à tous les professeurs de la Faculté qui ont cru en moi et qui ont contribué à réaliser un de mes rêves.

Merci à toutes les personnes qui ont été sur mon chemin et que je n'ai pas citées.

Merci à Carlos, Elena, Ricardo, Marco, Matilde, Paulo et Helder pour la confiance qu'ils m'ont accordée en me faisant cadeau d'une partie de leur vie. Sans eux, ce travail n'aurait pas vu le jour.

Merci à ma vieille chienne Luna qui m'a accompagnée dans mes balades et mes moments de détente salutaires.

Merci du fond du coeur à vous tous.

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Table de matières

Préambule ... 1

Comment est née l'idée ... 2

1. Introduction ... 5

2. Le champ de recherche ... 6

3. Cadre théorique ... 7

3.1. Sociologie de la vieillesse et du vieillissement ... 8

3. 1.1. Les cadres sociaux et juridiques de la vieillesse ... 9

3.1.2. Nouvelles catégorisations et nouvelles politiques de la vieillesse ... 10

3.1.3. Les représentations de la vieillesse ... 11

3.1.4. Le vieillissement comme processus et comme expérience ... 12

3.1.5. La retraite, un cap difficile à franchir ... 12

3.1.6. Interroger la notion de « vieillissement actif » ... 14

3.2. L’identité ... 15

3.2.1. L'apport des Histoires de vie ... 16

3.2.2. L'autobiographie, entre littérature et témoignages ... 18

3.2.3. Bifurcations imposées, bifurcations décidées ... 21

3.3. L'éducation tout au long de la vie ... 23

3.4. Le pouvoir d'agir ... 24

4. Le Portugal : son histoire, son émigration ... 25

4.1. Histoire de l'émigration portugaise ... 27

4.2. Histoire de l'immigration portugaise en Suisse ... 27

4.3. Le retour au pays ... 28

5. Questions et hypothèses de recherche ... 30

6. Méthodologie, le chemin à parcourir ... 32

7. Analyse des récits ... 37

7.1. Analyse du récit de Carlos ... 38

7.1.1. L'enfance, « j'avais peur de la guerre » ... 38

7.1.2. Le meilleur héritage ... 39

7.1.3. J'ai commencé à avoir des problèmes, j'étais fatigué avec la vie ... 40

7.1.4. Ça vaut la peine d'être là, il faut que je commence à penser à autre chose ... 42

7.1.5. J'ai décidé de partir, c'est une étape de partir ... 45

7.1.6. Les temporalités de la retraite ... 47

7.1.7. Les bifurcations ... 48

7.1.8. Les supports ... 49

7.1.9. Conclusion et questions ouvertes ... 51

7.2. Analyse du récit de Elena ... 52

7.2.1. L' enfance de Elena ... 53

7.2.2. Je suis entrée en Suisse en 71. ... 53

7.2.3. C'est comme ça la vie, la vie c'est pas facile ... 57

7.2.4. Personne sait ce qui peut arriver ... 61

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7.2.5. Conclusion et question ouverte ... 63

7.3. Analyse du récit de Ricardo ... 65

7.3.1. Enfance, les études ... 65

7.3.2. Vous voulez savoir avec les migrants... ... 65

7.3.3. Premières activités en Suisse, j'ai pleuré comme un enfant ... 69

7.3.4. Dans vos études sociologiques ... 74

7.3.5. Conclusion et question ouverte ... 75

7.4. Analyse du récit de Marco ... 76

7.4.1. Bref parcours de Marco ... 76

7.4.2. Si j'avais la possibilité ... 78

7.4.3. J'ai peur de souffrir ... 79

7.4.4. La vie est simple faut pas la compliquer ... 80

7.5. Analyse du récit de Matilde ... 81

7.5.1. Le parcours de Matilde en bref ... 82

7.5.2. La retraite ... 82

7.6. Analyse du récit de Paulo ... 86

7.6.1. Parcours de Paulo ... 86

7.6.2. Sinon, je vous ai dit, je n'aime pas trop le monde ... 87

7.6.3. Gros dilemme ... 88

7.7. Analyse du récit de Helder ... 90

7.7.1. Parcours de Helder ... 90

7.7.2. J'avais une espèce de réflexe de pauvre ... 91

7.7.3. Il fallait changer de vie ... 92

8. Analyse comparée, présentation des résultats ... 94

8.1. La migration ... 95

8.2. La naturalisation ... 99

8.3. Le retour au pays ... 100

8.4. Le vieillissement comme processus et comme expérience ... 102

8.4.1. Les transitions du vieillissement, la retraite ... 102

8.5. Les activités ... 104

8.6. L' éducation tout au long de la vie. ... 106

8.7. La peur de vieillir ... 108

8.8. Le bien vieillir ... 109

8.9. La sépulture ... 111

9. Conclusion ... 114

9.1. Synthèse ... 114

9.2. Apports et limites de la recherche ... 116

9.3. Perspectives ... 117

Bibliographie ... 118

Références électroniques, émissions radio-télévision, conférence ... 119

Bibliographie complémentaire ... 120

Annexes ... 121

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Vieillissement et migration

Les regards des migrants portugais de première génération en Suisse

Préambule

Une de mes premières préoccupations lorsque j'ai pensé à mon mémoire a été l'écriture de ce dernier. La fameuse angoisse devant la page blanche allait continuer de m'intimider et de m'inhiber. Quel style allais-je adopter ? Pour un mémoire, il se doit d'employer un style scientifique et lequel est-il quand il s'agit d'un mémoire qui se situe dans un champ des sciences humaines ? D'après Charmillot, Cifali et Dayer (2006) il n'y a pas une forme ou un style unique d'écriture qui rassemble les recherches sociales en raisons des différentes postures de recherche.

Je ne me voyais pas écrire dans un style compliqué, voire incompréhensible. Le style limpide de la tradition de Chicago avec son côté transparent, clair et son accessibilité à tout public me convenait. Jean Peneff (2009) relate à ce sujet :

Écrire de façon accessible n'est pas un goût singulier, un penchant démagogique ; c'est simplement le refus de doubles ou triples sens glissés subrepticement dans un texte à l'hermétisme cultivé qu'accompagnent l'éducation latine, l'emploi de nombreux italiques ou guillemets, etc. (p. 220).

Je me positionnerai sur le marqueur linguistique du « nous » ou/et du « je » pour la rédaction de ce mémoire. Je m'inspirerai du concept de Charmillot, Cifali et Dayer (2006) qui insistent pour nous rappeler que le « je » et le « nous » ne sont pas les garants d'une subjectivité ou d'une objectivité. Elles se prononcent pour l'utilisation du « je » méthodologique qui met l'accent sur la singularité du chercheur quant à la responsabilité qu'il prend à l'écriture de sa recherche. En ce qui me concerne, j'ai fait le choix, j'utiliserai le « je » à maintes reprises tout au long du travail sans négliger le « nous » chacun ayant une fonction différente.

Ce « je » a pour moi une fonction d'authenticité, d'honnêteté et de responsabilité

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intellectuelle dans le sens où je ne veux pas faire porter aux autres les quiproquos que je pourrais commettre et qui sont liées à mes doutes et questionnements dans ce domaine. Je m'engage personnellement en utilisant le « je » dans les passages autobiographiques de ce mémoire et dans sa problématique. En revanche à travers le « nous », c'est une manière de traduire la construction de connaissances communes suite aux réflexions des chercheurs et des auteurs constitutifs de mes données de recherche. Une fois le problème de l'écriture posée, je me pencherai sur les raisons du choix de mon mémoire.

Comment est née l'idée

Il me semble important de donner les motivations qui m'ont amenée à choisir une problématique liée au domaine de la migration. Une suite d'événements personnels ont aiguisé l'attrait que je portais pour les migrants. Les retracer m'ont permis de me situer par rapport à eux.

Le fait que j'ai vécu une situation de migration et que je sois dans la même tranche d'âge que les personnes qui font l'objet de mon étude ont été très certainement un élément déclencheur pour aborder le thème de la vieillesse après la retraite.

Plusieurs cours suivis dans mon cursus universitaire m'ont certainement influencée et guidée dans le choix du sujet de mon mémoire. Il s'agit notamment des cours :

« Approches culturelles de l'éducation », cours donné par Pierre Dasen (2006). Dans un premier temps, ce cours m'a permis de me décentrer par rapport à ma propre culture et m'a sensibilisée à d'autres styles de vie, d'autres systèmes de valeurs. Par la magnifique exposition « Nous autres », au musée d'ethnographie de Genève, j'ai pris réellement conscience de la diversité culturelle et de ce qu'étaient les différentes formes de racisme.

« Dimensions relationnelles et affectives des métiers de l'humain », cours donné par Mireille Cifali (2006) qui a su si bien mettre des mots sur les sentiments, les émotions, les joies, les colères, l'impuissance que rencontrent les professionnels dans leurs tâches. Mes

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souvenirs de ces cours me permettent de mener une réflexion sur ma façon d'être avec les autres.

«Éducation et migration au regard de la philosophie politique » cours donné par Marie-Claire Tschopp (2010). Dans ce cours, il a été question de la migration, des minorités. J'ai particulièrement apprécié le colloque international de théorie politique à l'Université de Lausanne dont le thème était : « La pensée et l'action dans le pouvoir.

Colère : dynamiques, soumission-insoumission et création politique ». Tout au long de ce colloque, nous nous sommes posé la question du chemin qui nous conduit de la colère au courage à une création politique qui serait capable d'inverser la course à l'abîme de la mondialisation de cette société de propriété qui sera évoquée et développée plus tard dans la partie des entretiens et de leurs analyses.

« Les transactions sociales 1 et 2 » (2012-2013) cours dispensé par Marie-Noëlle Schurmans, ce cours m'a appris à aborder la problématique de la construction sociale à partir d'une situation d'incertitude qui émerge des personnes pour orienter leurs décisions et leurs conduites. Rester ou partir du pays d'accueil est un dilemme que nous rencontrons dans ma recherche.

« Histoire de vie et processus de formation des adultes » (2012) dispensé par Jean- Michel Baudouin. Ce cours m'a donné entre autres l'opportunité de me questionner sur les raisons qui m'ont dirigée vers les problèmes de la migration. De coucher sur le papier les différentes étapes de ma vie m'a permis de faire ressortir et d'évaluer cette attirance pour ce domaine particulier. Ma vie a été ballottée entre deux cultures suisse et arabe. La crise du canal de Suez en 1956, courte guerre qui a eu néanmoins des incidences énormes sur ce qui a été mon histoire. Une déchirure, une fracture se sont opérées sans que je ne les aie choisies. Sans vouloir me comparer aux cas les plus dramatiques, je me sens proche de ces migrants. La vie multiculturelle que j'ai vécue à Alexandrie en Égypte m'a donné le goût des rencontres multiples. Sans entrer dans une démarche strictement psychanalytique, je relèverai, que ce cours « histoire de vie » a revêtu pour moi une importance considérable.

Cette reconnaissance m' a permis de mieux entrer en contact avec le public choisi, de créer un lien d'égalité.

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L'expérience de mon récit de vie m'a accordé la liberté, sans aucun doute, d'avoir une vision plus claire de moi-même, je me suis réappropriée dans le sens de la pensée sartrienne où j’ai pu mettre en question mes propres valeurs : « qu'est-ce que j'ai fait de ce que l'on a fait de moi! ». J'ai souffert de ce que je pensais être mon manque de savoirs, de connaissances jusqu'à aujourd'hui où j'ai pris conscience que toute mon expérience de vie m'avait ouvert la porte à d'autres valeurs, la créativité, la poésie, l'imagination, le sens de la rencontre. Ces expériences m'ont certes donné la force de reprendre des études universitaires à un âge avancé. C'est un projet qui m'habitait depuis longtemps et que j'ai pu réaliser. Ce qui est un bonheur, une victoire merveilleuse. Une nouvelle formation universitaire a décloisonné l'image que je me faisais du savoir, d'un côté l'expérience et de l'autre les savoirs académiques valorisés. Aujourd'hui, je tisse des liens entre les deux acquis, dorénavant, il n'y a plus de savoirs plus intelligents que d'autres. En comprenant l'importance que revêt les connaissances et la formation dans un parcours de vie ainsi que les expériences, j'ai trouvé une unité qui me donne un équilibre certain.

« Approches biographiques en formation des adultes » cours donné également par Jean- Michel Baudouin. Ce cours est essentiel pour la réalisation de mon mémoire. Selon Bertaux, (2010) l'approche biographique permet d'être incluse comme un outil dans un travail de recherche. L'approche biographique arrive à mieux cerner la diversité des réalités sociales. Bidart (2010) dans « Bifurcations biographiques et ingrédients de l'action » nous donne la définition de ce qu'est un parcours biographique :

Le parcours biographique se construit avec des héritages, des systèmes de ressources, des contraintes, des contextes, des réseaux... Pour une part inscrits dans des temporalités plutôt longues. Mais il se construit aussi de façon plus aiguë dans certains moments-clés, des moments de crises (accélération, imprévisibilité...), des moments où les jeunes se trouvent devant un carrefour leur offrant des possibilités alternatives où ils peuvent prendre telle voie ou telle autre et construisent donc un processus de décision. (p. 225-226)

Je confirme ce que Bidart dit au sujet des parcours biographiques. Nous retrouverons dans les entretiens que j'ai menés auprès des migrants portugais la part d'héritage et de ressources qui construisent leur personnalité et les moments de crise, d'incertitude qui les feront évoluer vers des voies insoupçonnées.

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1. Introduction

Les immigrés vieillissent aussi... Omar Samadi Le pays d'accueil n'est pas une page blanche, ni une page déjà écrite, mais une page en cours d'écriture.

Amin Maalouf

La vieillesse et la migration sont deux concepts qui sont tous les deux porteurs d'observations et de questionnements. En général, les immigrés de la première génération n'ont pas beaucoup parlé de leur histoire. Ils sont arrivés pour trouver du travail et de quoi subsister. Ils se sont mariés, ils ont eu des enfants, ils ont travaillé très dur, ils ont passé la plus grande partie de leur vie loin de leur pays. Avec nostalgie, ils pensent, parfois, à ce qu'aurait pu être leur vie s'ils étaient restés au Portugal. Leur migration a sans doute été un déchirement, un renoncement à la relation avec leurs proches, leurs amis, leur lieu de naissance et leurs racines. Mais, qu'en est-il réellement, une fois, qu'ils sont arrivés à l'âge de la retraite ? Retournent-ils au Portugal ou restent-ils en Suisse ? Comment s'organisent- ils pour vivre le mieux possible ce moment délicat qu'est la retraite ? Que représente pour eux la vieillesse, ont-ils des projets et les ont-ils réalisés ? Peut-on parler de vieillesse réussie ou pas ? Les réponses à ces questions et bien d'autres encore, nous les découvrirons dans les récits de Carlos, de Elena, de Ricardo, de Matilde, de Marco, de Paulo et de Helder.

Dans la première partie de mon mémoire, je me suis demandé en repensant à ce qui a été mes débuts en sciences de l'éducation, ce qui a été à l'origine du choix de mon étude. Dans la deuxième partie, j'ai présenté le cadre théorique qui me permet de citer les auteurs et les données dont je me suis inspirée pour comprendre la problématique de mon sujet, la migration et la vieillesse. Cette deuxième partie m'a conduit à l'élaboration de la problématique et aux questions de recherche. Dans la troisième partie, j'ai présenté le pays de mes interlocuteurs, le Portugal, la méthode choisie, les personnes interviewées ainsi que la procédure qui est mise en correspondance avec les théories. Pour terminer, j'ai mené une analyse comparée des résultats dans une optique réflexive en faisant un lien avec la théorie.

Les apports et les limites de la recherche ont été également abordés, tout en présentant dans la conclusion des questions ouvertes pour d'éventuels prolongements. Cela étant dit, dans la partie suivante, j'ai inscrit dans mon étude, un champ de recherche.

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2. Le champ de recherche

Il m'a fallu donc choisir le public cible de ma recherche. Avec l'aide de Jean-Michel Baudouin, j'ai opté pour le thème de la vieillesse chez les migrants portugais de première génération dès l'âge de la retraite jusqu'à leur fin de vie, voire où ils souhaitent être inhumés.

Pourquoi ai-je choisi les migrants portugais pour le sujet de mon étude ? Je connais le Portugal pour y avoir séjourné à plusieurs reprises lors de mes vacances. J'ai certaines affinités avec ce pays, les nombreuses connaissances, amis, collègues, voisins, camarades d'études ainsi que mon compagnon de nationalité portugaise m'ont incitée à m'intéresser à ce pays tout en m'offrant un terrain dans lequel je pouvais pratiquer une observation participante.

Ma première question était de fixer l'âge de la vieillesse pour sélectionner les personnes que je voulais interviewer. L'âge moyen qui correspond en Suisse à la retraite, 64 ans, me paraissait raisonnable. Appartenant à cette tranche d'âge et bénéficiant de tous les apports acquis dans mon cursus universitaire, j'avais envie de comprendre la réalité des vieux migrants portugais établis en Suisse, plus spécialement dans le canton de Vaud. Dans mon travail, j'emploie le terme vieux et vieillesse sans aucune connotation péjorative et discriminative. J'ai opté pour un public lusophone hommes et femmes confondus d'horizons et de classes sociales diverses. Il faut relever que l'immigration portugaise constitue le troisième groupe étranger en Suisse, j'en rendrai compte au chapitre 4.2 Au chapitre suivant, nous découvrirons le cadre théorique à l'intérieur duquel je définirai les différents points que je traiterai dans mon étude.

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3. Cadre théorique

Cette recherche s'intéresse aux migrants portugais de première génération au moment de leur retraite jusqu'à leur fin de vie. Le domaine que j'ai choisi relève essentiellement des sciences sociales. Je m'attarderai dans un premier temps sur la sociologie de la vieillesse et du vieillissement, et sur l'immigration. Il sera question de l'identité de l'individu et celles des personnes migrantes au moment de la retraite qui peuvent subir un changement important. L'individu doit redéfinir la notion de lui-même, son environnement professionnel et relationnel se transforme, les routines auxquelles il était habitué perdent de leur sens. Les tensions et régulations qui en résultent ainsi que l'engagement dans un projet peuvent le déstabiliser ou au contraire le structurer.

En ce qui concerne la Formation des adultes, je traiterai le concept du « Lifelong learning » qui définit cette notion comme l'apprentissage tout au long de la vie qu'il soit formel ou informel, ce thème est important pour mon travail. La vie en elle-même est un apprentissage par les expériences qu'elle nous offre.

Je focaliserai ma recherche sur les parcours de vie et les transitions biographiques. Le parcours de vie des interviewés contient des informations importantes pour construire mon objet d'étude. Dans les récits, je vais repérer les épreuves successives qui marquent l'histoire du sujet, elles seront relevées pour mieux comprendre « le développement des sujets » (Baudouin 2010). Les épreuves transforment l'individu comme nous le démontre Dubar (2012) :

Comme dans tout roman autobiographique, respectant le pacte avec son lecteur, cette intrigue est celle de la construction, réalisation (et aussi destruction) de soi-même à travers les épreuves de l'existence et le parcours périlleux de l'enfance au sein de ses « proches » à l'exil dans une zone « distale » d'où l'on ne revient pas indemne, mais pourvu d'une expérience permettant l'accès à une existence peut-être apaisée. (p. 319)

Suite à un malaise, un conflit, une tension, un désenchantement, une évolution plus ou moins brutale peut survenir et modifier le cours d'une vie. Il sera question des bifurcations qui agissent alors et redéfinissent l'identité. Les facteurs peuvent être de nature sociale, politique, familiale, conjoncturelle, individuelle ou autre. La présence d'une bifurcation dans une trajectoire peut être attendue ou prévisible, subie ou non. Je me pencherai

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également sur la question du pouvoir d'agir des migrants sur leur destinée. Je chercherai à comprendre l'influence du sujet sur sa propre histoire de vie et comment il s'en distance. Et pour terminer cette partie théorique, je m'inspirerai de l'histoire du Portugal avec sa géographie et ses migrations. Je traiterai des liens que les Portugais tissent avec leur pays d'origine et leur pays d'accueil.

3.1. Sociologie de la vieillesse et du vieillissement

Pour ce domaine qui m'était totalement étranger, je me suis approchée de Stefano Cavalli, alors, maître-assistant du centre interfacultaire de gérontologie et d'études de vulnérabilités de l'université de Genève qui m'a donné les références concernant la vieillesse et une information qui m'a rassurée et fait sourire : on devient vieux à partir de 83 ans1.

La vieillesse n'est pas facile à définir, les termes se confondent, se recouvrent ou s'opposent parfois. On évoquera tantôt le terme de personnes âgées, de vieillards, de troisième et quatrième âge, de retraités, de seniors. Il est difficile aussi de déterminer le seuil de la catégorie des personnes âgées. Selon Caradec (2012), les statistiques le fixe à 60 ans, mais bien des sexagénaires refuseraient ce classement.

Il est certain qu'au cours du XXe, la vieillesse s'est profondément modifiée, elle est devenue une étape normale de l'existence que chacun espère vivre. La mise en place de systèmes de sécurité sociale en a fait le temps de la retraite qui s'est allongé considérablement depuis une soixantaine d'années. D'après Caradec, (2012) on distingue trois objets de la sociologie de la vieillesse et du vieillissement :

1. La strate d'âge de la vieillesse comme la construction sociale avec les représentations qui lui sont associées et à la mise en forme des rapports entre générations.

2. Le groupe d'âge des « personnes âgées » avec la description de ces personnes en

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1 Enquête internationale qui aborde la subjectivité de l'âge qui consiste à demander : à quel âge les gens se sentent-ils

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s'interrogeant sur leur spécificité, leur homogénéité et sur leur éventuelle mobilisation politique.

3. Le processus de vieillissement individuel qui s'interroge sur les transformations du rapport à soi et au monde, depuis la retraite jusqu'à la mort.

Ces trois objets de sociologie cités, il me semble important d'aller interviewer les 7 personnes que j'ai choisies et de retrouver dans leur récit leur spécificité et leur homogénéité et de m'interroger sur leur transformation de leur avancée en âge, de la retraite à la mort. Allons voir comment la société structure cet âge de la vie en s'interrogeant sur la construction sociale de la vieillesse.

3. 1.1. Les cadres sociaux et juridiques de la vieillesse

La construction sociale de la vieillesse consiste à analyser de quelle manière la société structure cet âge de la vie. Nous prendrons en compte la place de l'État qui prend une place importante à travers les politiques sociales et qui met en place le système des retraites, l'Assurance-vieillesse et survivants AVS qui couvre les besoins vitaux des assurés en cas de perte de revenu dû à la vieillesse ou du décès de la personne assurant le soutien de la famille. En Suisse, les hommes perçoivent officiellement leur retraite à 65 ans et les femmes à 64 ans. Avec ce système un nouveau statut est né, celui des retraités. L'AVS2 a vu le jour en Suisse en 1948 et a connu dix révisions jusqu'à aujourd'hui. Elle subsiste grâce aux cotisations des salaires des employés.

Le débat politique porte sur la question de savoir jusqu'où la croissance économique parviendra à compenser la part grandissante des personnes vieillissantes de la population.

De vieux, les personnes ont passé au stade de retraités. Toutefois des clauses spécifiques à certaines professions, des marges de choix de cessation de travail se profilent et influencent l'âge de la retraite, on parlera alors de retraite anticipée, avec généralement une baisse des

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2 L'AVS est le principal pilier de la prévoyance sociale suisse, elle est obligatoire et permet à la personne assurée de se retirer à l'âge de la retraite en lui garantissant une sécurité matérielle.

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indemnités. Ce qui fait dire à Guillemard (1986), cité par Caradec (2012), que :

L'organisation ternaire du cycle de vie, qui était au cœur de la société industrielle salariale, se décompose aujourd'hui. Elle voit se dessiner un mouvement de désinstitutionnalisation du parcours de vie et de déstandardisation des trajectoires individuelles, les transitions, les transitions d'un âge à l'autre apparaissent désormais moins nettes et pouvant être réversibles.

(p. 17)

Ce phénomène, nous allons probablement le rencontrer dans les différentes histoires de vie que j'ai récoltées. Les retraites ne se prennent pas forcément toutes au même âge et différents paramètres vont influencer les cessations d'activité. Les acteurs eux-mêmes peuvent influencer la structuration de leur existence. Il est important cependant de définir les nouvelles catégorisations et les nouvelles politiques de la vieillesse, ce que nous pourrons découvrir au chapitre suivant.

3.1.2. Nouvelles catégorisations et nouvelles politiques de la vieillesse

Selon Caradec (2012), des nouvelles catégorisations et des nouvelles politiques apparaissent avec plusieurs innovations sémantiques. Les vieux devenus retraités se redéfinissent en personnes du « troisième âge », en « personnes âgées dépendantes » et récemment en « seniors ». Le terme troisième âge a connu un large essor en 1970 avec les clubs, les voyages, les universités, etc. L'augmentation sans précédent de l'espérance de vie, l'accroissement de la richesse, l'octroi des rentes vieillesse et une vision plus valorisante, plus positive de la retraite. C'est ainsi qu'est apparu un nouvel âge de vie centré sur la réalisation de soi et qui prend sa place dans la société. À présent le terme « senior » remplace celui du troisième âge.

Mais pour les personnes âgées invalides et en situation de handicap, le terme de

« personnes âgées dépendantes » est couramment utilisé. La dépendance nécessitant une relation d'aide à la grande vieillesse et non comme une relation sociale. Dans les années 1990, le terme « senior » est apparu et contrairement aux catégories du troisième âge et de personnes âgées dépendantes, il est issu du monde du marketing. Ce terme pour des raisons économiques peut s'appliquer à des personnes à partir de 50 ans déjà, âge auquel la vitalité,

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la jeunesse relative et les moyens financiers sont les plus attractifs.

Indépendamment du terme employé pour désigner les personnes âgées, il me semble important de consacrer une réflexion sur ce qu'on entend par « vieillesse » et comment on se la représente.

3.1.3. Les représentations de la vieillesse

Comment se représente-t-on la vieillesse ? Selon Caradec (2012), au fil du temps elle a évolué. La représentation n'est pas la même dans les différents domaines de la vie sociale.

Les représentations contemporaines sont organisées sur deux pôles : celui du retraité actif (« troisième âge ») qui profite de l'existence et qui vient en aide à ses proches et à la société et de l'autre côté et celui de la personne dépendante (« quatrième âge ») souffrant de solitude et attendant la mort. En ne donnant que ces deux images, une partie importante de la vieillesse est occultée. La vieillesse démente n'est pas représentée et tous les jeunes retraités ne sont pas forcément des seniors engagés.

À cela il faut rajouter une autre conception, celle du « bien vieillir » et Lalive d'Epinay et Spini (2008) de citer Row et Kahn (1997), qui parlent d'un « vieillissement réussi ». En se basant sur les progrès de la recherche, ces derniers s'estiment à même de présenter une véritable théorie du vieillissement. Selon eux, cette théorie comporte trois composantes principales, une faible probabilité des maladies et des infirmités, une capacité cognitive et intellectuelle élevée et enfin une forte implication dans la vie. En d'autres termes, le « bien vieillir » préconise de prendre soin de soi, de sa santé pour prévenir la dépendance et les vulnérabilités du grand âge et vous rend responsable d'une quelconque infirmité. Boutinet (1999) va dans le même sens en affirmant :

Dans une culture de l'acteur, l'adulte est mis dans une obligation de plus en plus fréquente d'avoir à se mettre en scène, à se décider par lui-même, à se déterminer dans ses responsabilités, ses projets, ses choix, en précisant sans arrêt ses intentions en guise de légitimation, dans un environnement qui lui demande continuellement des comptes. La culture postmoderne est une culture volontariste à un niveau sans doute jamais atteint jusqu'ici par aucune autre. (p. 217)

J'abonde dans le même sens que l'auteur : dans certains cas, il est demandé à la personne

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âgée de se surpasser, d'avoir des projets personnels variés alors qu'elle n'en a aucune envie ou tout simplement qu'elle n'en a pas la force ni les moyens financiers, en ce moment précis. Cette responsabilité exigeante peut fatiguer l'individu et lui ôter l'envie d'entreprendre des activités valorisantes.

Caradec (2012) aborde le sujet différemment et parle du vieillissement comme processus d'expérience. Nous verrons dans le chapitre qui nous occupe l'importance des transitions qui jalonnent l'existence de l'individu.

3.1.4. Le vieillissement comme processus et comme expérience

Caradec (2012) aborde à présent la vieillesse d' une autre manière : « non plus aux dispositifs sociétaux qui la mettent en forme, ni au groupe d'âge de « personnes âgées », mais aux individus sociaux et à leur avancée en âge » (p. 87). L'expérience du vieillissement avec ses transitions prendra une place évidente au cours des années de retraite. Toujours, selon l'auteur, le vieillissement provoque trois changements perturbateurs pour l'identité : l'individu doit renégocier la définition de lui-même, son environnement relationnel se transforme et les routines qui font partie de sa vie quotidienne se déstructurent. Ensuite, j'aborderai le cap de la retraite qui est un moment crucial de ma recherche.

3.1.5. La retraite, un cap difficile à franchir

La transition de la retraite peut être difficile à gérer et douloureuse à vivre. En faisant référence à Caradec (2012) de citer Cumming et Henry (1960) relève trois problèmes auxquels sont exposés les retraités : la perte de leur statut, la privation de leur rôle instrumental et la disparition du groupe des pairs. Le vécu de la retraite doit être replacé dans son contexte. La manière dont il est vécu relève de leur trajectoire professionnelle. La retraite peut être vécue de façon désirable pour les fins de carrières, faciles pour ceux qui

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exercent un travail pénible dont la pénibilité s'est accrue ces vingt dernières années sur le plan psychologique et physiologique. Elle est aussi valorisée par ceux qui veulent se réaliser dans un nouveau domaine et penchent pour des valeurs d'épanouissement et de réalisation de soi. Troadec (1998) cité par Caradec (2012), dégage plusieurs dynamiques identitaires :

L'acteur novateur qui s'investit fortement dans ses activités professionnelles et qui a de la peine de se projeter dans sa vie de retraité, l'acteur fonctionnel ou l'acteur pluriactif qui attache plus d'importance aux activités extra-professionnelles et pour qui le moment de la retraite est plus aisé. (p. 89) XXXXX

Cette citation m'amène à porter une réflexion sur les acteurs de mon étude pour valider ou invalider les propos des auteurs précités. Les conditions de la retraite jouent un rôle important dans la manière de vivre cette transition. Vivre seul, en mauvaise santé avec de faibles revenus prédit une mauvaise adaptation à la retraite. De même, cesser une activité brutalement ne reste pas sans effet traumatisant.

On pourrait se demander pourquoi le passage à la retraite se passe pour certains le plus souvent en douceur. Avant même la fin de son activité professionnelle, le futur retraité prend peu à peu des distances avec elle. Le sentiment que les promotions sont adressées aux plus jeunes et ne vous concernent plus, le droit à la formation est supprimé, les remarques des proches ou de collègues qui vous rappellent cette échéance, les cours de préparation à la retraite qui vous sont proposés, tous ces phénomènes contribuent à la désocialisation professionnelle. Parallèlement les anecdotes qui circulent à propos de la retraite jouent un rôle prophétique. Les néoretraités cherchent à éviter cette crise et sont satisfaits de l'avoir évitée.

À relever que Eraly (2013) relève les trois moments de l'épreuve de la retraite, il s'agit, de la préparation, la transition et du dépassement de cette dernière (explicité à l'analyse du récit de Carlos 7.1.6.)

Une fois la retraite, le défi consiste à occuper ses temps libres. Le retraité peut par exemple se tourner vers le bénévolat, faire profiter les autres de ses compétences professionnelles ou s'investir dans le rôle de grand-parent. Pour faire suite à ce qui vient d'être dit, la partie

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suivante sera consacrée à la notion du vieillissement actif.

3.1.6. Interroger la notion de « vieillissement actif »

Kaeser et Roch (2012) se sont penchés sur la notion du vieillissement actif3. Qu'entend-on par « vieillissement actif » ? Cette notion renvoie immanquablement aux deux pôles que constituent la vieillesse, d'une part, l'image du retraité actif qui profite de son existence et qui sait se rendre encore utile aux autres et d'un autre côté, les personnes âgées en mauvaise santé qui n'attendent que la mort.

Pour appartenir au monde des « vieillards actifs » l'individu est placé en tant qu'acteur principal du bien vieillir et créateur de sa propre vie l'obligeant à faire des choix dans les différentes étapes de sa vie. Selon, Kaeser et Roch (2012), la retraite devient :

Une phase de la vie mêlant défis, nouvelles possibilités et développement de compétences, mais également le lieu de nouvelles pressions sociales se traduisant par l'incitation diffuse au combat des signes du vieillissement, à la formation tout au long de la vie et aux loisirs actifs. (p. 15)

Certes, tous les individus ne parviennent pas à l'âge de la retraite avec les mêmes ressources et les mêmes conditions de vie leur permettant de se confronter à des défis. Les parcours de vie sont là pour en témoigner. La position sociale, la santé, le revenu, l'environnement social, familial, peuvent influencer grandement les trajectoires de vie, ce que l'on retrouvera dans les analyses de ma recherche.

Actuellement, la responsabilité d'une retraite active revient très souvent aux seniors, des clips publicitaires, des campagnes, des rapports en témoignent mettant de côté les inégalités et les déterminants sociaux dans le processus du vieillissement. Après la partie réservée à la sociologie de la vieillesse, un point crucial, l'identité, qui apparaît tout au long de mon travail sera présenté de la façon suivante.

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3Il m'est apparu intéressant de m'arrêter sur leur article paru suite à une conférence internationale: « Interroger la notion de vieillissement actif : Émergence, diffusion et applications d'une politique du vieillissement aux contreparties induites »

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3.2. L’identité

Pour aborder la problématique choisie, je vais me pencher sur ce concept qui est une vaste question en soi. De nombreux auteurs, qu'ils soient sociologues, psychologues, philosophes ou chercheurs en sciences de l'éducation, se sont posés la question. Chacun aura une définition un peu différente. Que répondre à la question qui suis-je ? Parler de son sexe, de son âge, de sa famille, de son pays, de ses professions exercées, de ses aspirations, de ses projets ? De Gaulejac (2009) en citant Héritier (1997) parle d'une construction sociopsychologique où :

L'identité est une notion carrefour entre psychisme et social. Elle exprime le sentiment d'être, le sentiment d'unité et de cohérence de la personne, ce qui la définit comme un être singulier, spécifique, unique, particulier, en définitive ce qui lui est propre. Mais, cette identité ne peut lui venir que du dehors, c'est-à-dire de la société. (p. 69)

Le sujet en se racontant se construit une identité qui s'inscrit dans un rapport aux autres.

C'est l'activité narrative qui construit l'identité personnelle. En se posant la question qui suis-je, nous sommes en présence comme le dit Ricoeur (2004) de deux dimensions :

« la mêmeté » et «l'ipséité ». Selon l'auteur, le concept de « mêmeté » fait que nous nous reconnaissons comme étant nous-mêmes dans le temps et la continuité en prenant en compte les dispositions héritées et les compétences acquises. Dans le concept de

« l'ipséité », c'est la singularité du sujet, le maintien de soi dans la cohérence, les potentiels de cohésion, les ressources de changement qui sont promises. Le rôle du récit est central souligne Gilbert (2001) en citant Ricoeur :

C'est en effet en déchiffrant et en interprétant le texte de son action que la personne serait à même d'accéder à son histoire et, partant, à elle-même. [..] Ainsi est-ce principalement devant et à travers son récit biographique que la personne est amenée à s'interpréter, comme à se comprendre. (p. 108)

C'est effectivement en se racontant que les migrants interrogés pourront s'ils le désirent ou s'ils en reconnaissent l'utilité, interpréter leur vécu et être à même de mieux se comprendre.

Boutinet (2004) parle des invariants de la vie adulte : « L'adulte qui emporte avec lui tout au long de son itinéraire un certain sentiment de ce qu'il est, de la façon par laquelle il se perçoit, s'estime, se déteste, se reconnaît, se fuit...» (p. 211). Ces sentiments sont à la base de l'identité et ces sentiments évoluent lentement.

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Van Campenhoudt et Quivy (2006) vont définir l'identité comme étant : « Tout ce dans quoi l'individu se reconnaît et est reconnu par les autres » (p. 251). Dubar (2012) dans son livre, Le secret d'Alvino, parle d'identité plurielle, un cas de figure qui est peu pris en compte par les sociologues français. Pour Maalouf (1998), réduire l'identité à une seule appartenance, installe les hommes dans une attitude enfermante, intolérante, dominatrice.

À ce propos, l'auteur affirme :

À l'inverse, dès lors qu'on conçoit son identité comme étant faite d'appartenances multiples, certaines liées à une histoire ethnique et d'autres pas, certaines liées à une tradition religieuse et d'autres pas, dès lors que l'on voit en soi-même, en ses propres origines, en sa trajectoire, divers confluents, diverses contributions, divers métissages, diverses influences subtiles et contradictoires un rapport différent se crée avec les autres comme avec sa propre tribu . Il n'y a plus simplement nous et eux deux armées en ordre de bataille qui se préparent au prochain affrontement, à la prochaine revanche. Il y a désormais, de notre côté, des personnes dont je peux me sentir extrêmement proche. (p. 40)

Les appartenances multiples et les différentes bifurcations inscrites dans les récits de vie des retraités peuvent très bien s'inscrire dans des institutions diverses que ce soient, l'École, l'Église, l'État sans pour autant qu'ils changent d'identité. Ils ont travaillé, fait des études, se sont mariés, ont eu des enfants, toutefois ils sont restés migrants portugais et sont arrivés à la retraite.

Néanmoins, l'ancrage socio-historique est inséparable des histoires de vie. La vie individuelle est à prendre en considération que si l'on prend en considération les événements sociaux. Nous verrons par la suite que les récits des Histoires de vie sont des outils de recherche à prendre en considération dans le domaine de la recherche. Ce sont ces outils que j'ai choisis pour l'objet de mon étude.

3.2.1. L'apport des Histoires de vie

Dans ce chapitre, il sera question des Histoires de vie, des approches biographiques et des récits de vie. Très brièvement, j'en donne quelques explications qui seront reprises par la suite. L'Histoire de vie, c'est présupposer que la vie est une histoire avec un trajet qui suppose une succession d'événements. Le récit autobiographique s'inspire pour une part de

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donner sens en établissant des relations de cause à effet tandis que le récit de vie pour Bertaux se limite exclusivement au témoignage du narrateur, c'est l'interaction entre ce dernier et l'intervieweur.

Faire de sa vie un récit, l'approche biographique est un moyen d'accéder à une histoire individuelle et collective, elle a pris sa place en sociologie. C'est un moyen qui sort de l'ordinaire, une technique qualitative, pour rendre compte des phénomènes qui jalonnent toute une vie ou une partie de celle-ci pour redonner aux événements leur sens. Baudouin (2010) cite Pineau (1980) qui définit l'approche biographique de la façon suivante : « Pour moi, la meilleure définition de l'Histoire de vie, c'est la recherche et la construction de sens à partir de faits temporels vécus » (p. 53). Cela dit, c'est le récit de vie qui m'a semblé le moyen le plus juste, le plus adéquat pour être à l'écoute des personnes que j'ai interrogées sur leur retraite, leur avancée en âge et leurs projets de vie. Le récit de vie est selon la définition de Baudouin (2010) :

Un récit rétrospectif à l'origine oral qu'une personne réelle fait de sa propre existence, à la demande d'un chercheur qui en assure la rédaction, cette personne mettant l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa personnalité . Ce récit nous permet d'accéder à la parole de l'autre et d'approfondir son contenu. (p. 23)

L'origine de l'approche biographique dans le champ des sciences sociales remonte à l'École de Chicago avec la publication, en 1919, de l'ouvrage « Le paysan polonais en Europe et en Amérique ». C'est l'enquête de William Thomas et Florian Znaniecki, en recueillant l'histoire de vie de Wladeck qui retrace les difficultés d'intégration des émigrés polonais à Chicago. À partir d'un cas singulier, on peut analyser certains phénomènes sociaux qui restent cachés des méthodes classiques. Le récit de vie est un instrument qui permet d'analyser ce qui se passe à l'intérieur des expériences personnelles et collectives. Pineau et Jobert (1989) relatent que : « Les récits de vie donnent à voir le social, sous ses multiples facettes, non pas comme reflets désincarnés de structures abstraites, mais comme assemblages d'expériences vécues » (p. 34).

Dans les années 1943, Oscar Lewis a mené des recherches sur les familles pauvres au Mexique, il a eu l'idée d'enquêter auprès des divers membres d'une famille au sujet d'un même incident. C'est un moyen interne de vérifier la véracité et la validité de la plupart des

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faits tout en contrebalançant une partie subjective d'une autobiographie unilatérale. Elle révèle également la différenciation des processus de souvenirs des personnages. Les enfants de Sanchez (1963) est une oeuvre profondément émouvante et d'une grande rigueur scientifique, elle nous renvoie une image fournie et très précise, des habitants de Mexico, où la violence, la souffrance, la bonté, l'amour et l'espoir s'entrecroisent.

Avec son oeuvre, Les enfants de Sanchez (1963), Lewis a mêlé le récit à la recherche scientifique de la pauvreté des familles au Mexique. Il m'a semblé intéressant dans le chapitre qui suivra de citer d'autres auteurs qui ont fait de leur vie un récit et de m'en imprégner pour ma présente étude.

3.2.2. L'autobiographie, entre littérature et témoignages

Cette partie n'est pas prépondérante, mais je la garde, elle est pour moi un processus d'entrée pour la suite de mon travail. De nos jours, l'autobiographie représente un genre littéraire dominant qui se caractérise par son caractère rétrospectif et la narrativité du texte.

Le récit de vie devient un instrument pour observer l'expérience personnelle de l'intérieur et pouvoir se reconnaître à ce qu'elle a de semblable à la nôtre. Les auteurs que je vais exposer retournent sur leur passé, ils ont pu mener une réflexion sur ce passé et trouver un sens dans leur existence. Avant d'interviewer les sujets de mon étude, j'ai lu attentivement diverses autobiographies d'écrivains célèbres ou non. Cette approche m'a paru importante, d'autant plus qu'il m'a été possible de tisser des liens entre le récit de ces auteurs et celui des migrants portugais.

Simone de Beauvoir (1949) évoquait cette formule : On ne naît pas femme on le devient (p.285). Le sujet, la personne retraitée en l'occurrence est toujours en train de se faire pour être elle-même. Et Sartre (1946) de rajouter : « Pour nous l'homme se caractérise avant tout par le dépassement d'une situation, par ce qu'il parvient à faire de ce qu'on a fait de lui » (p.

126). Pour les migrants portugais, ils ont, sans aucun doute, dû faire face à de nombreux dépassements, ceux que la vie courante leur présente ainsi que ceux de l'immigration. Dans son autobiographie, « Les mots », Sartre (1946) relate les événements importants de sa vie

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et les réflexions menées pour atteindre le projet d'être. De surcroît, De Gaulejac (2009) cite Sartre :

Le projet original par lequel une personne tente de se constituer. Être son propre fondement, c'est accéder à une position de sujet qui s'inscrit dans une quête constante de liberté. En ce sens, l'histoire d'un individu, sa destinée, s'inscrit dans le choix de lui-même qu'il a fait (être ceci, ne pas être cela) comme le fait tout homme originellement et d'instant en instant, au pied du mur historiquement défini de sa situation. (p. 36)

Agota Kristof est née en 1935 en Hongrie, à Csikvand. Elle arrive en Suisse en 1956 où elle travaille en usine, puis elle apprend le français. Elle raconte son parcours de migrante avec ses difficultés, ses incompréhensions et ses questionnements. Son parcours pourrait très bien s'apparenter avec celui des migrants portugais. Dans son livre l' « Analphabète », Agota Kristof ((2004) nous dévoile :

À l'usine, tout le monde est gentil avec nous. On nous sourit, on nous parle, mais nous comprenons rien. C'est ici que commence le désert. Désert social, désert culturel. À l'exaltation des jours de la révolution et de la fuite se succèdent le silence, le vide, la nostalgie des jours où nous avions l'impression de participer à quelque chose d'important, d'historique peut-être, le mal du pays, le manque de la famille et des amis. (p.42) ... Comment lui expliquer, sans se vexer, et avec le peu de mots que je connais en français, que son beau pays n'est qu'un désert pour nous, les réfugiés, un désert qu'il nous faut traverser pour arriver à ce qu'on appelle « l'intégration »,

« l'assimilation ». À ce moment-là, je ne sais pas encore que certains n'y arriveront jamais.

(p. 44)

Agata Kristof qui écrit encore que : « Le jour de fin novembre 56, j'ai perdu définitivement mon appartenance à un peuple » (p. 35). Et de se poser la question comme les migrants vieillissants portugais pourraient se la poser : « Quelle aurait été ma vie si je n'avais pas quitté mon pays ? Plus dure, plus pauvre, je pense, mais aussi moins solitaire, moins déchirée, heureuse peut-être » (p. 40).

Dans « Sauve-toi, la vie t'appelle », Cyrulnik (2012) a écrit sa vie pour témoigner de son passé et des horreurs de la Gestapo :

Cet arrangement avec ma mémoire donnait cohérence à l'insensé, rendait l'horreur supportable et même la transformait en conte avantageux. Ce travail de narration intime arrangeait ma mémoire pour embellir l'insupportable. Je n'étais plus un objet bousculé par le destin, je devenais sujet de l'histoire que je me racontais, peut-être même le héros. ( p. 54)

Les migrants portugais que j'ai rencontrés ont vécu des moments très durs dans leur enfance, le pays étant sous domination, les restrictions de toutes sortes maintenaient le

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peuple dans des situations pénibles et pourtant aucune plainte n'est ressortie de ces entretiens, toute proportion gardée. Les migrants arrangeraient-ils leur mémoire comme Cyrulnik le mentionne pour embellir l'insupportable ? Cyrulnik (2012) l'explique dans ces mots :

Souffrir du réel n'a pas du tout le même effet que souffrir de la représentation de ce réel.

Pendant la guerre, j'étais pris par l'urgence du contexte. Je vivais dans un monde immédiat où je n'avais pas assez de recul pour faire une représentation. Quand on mentalise, on se fait une représentation d'images et de mots, on fait revenir dans notre cinéma intérieur quelques scénarios mis en mémoire. Ces films intimes participent à la construction de notre identité. (p.

91-92)

Benoîte Groult dans son auto-biographie qu'elle a publiée en 2008, « Mon Evasion », parle de son enfance privilégiée dans les années 30, de ses amours de ses mariages et de ses enfants, mais aussi de la lutte qu'elle a menée de longues années pour un engagement féministe. Plusieurs retraités interviewés ont choisi également de militer pour une cause qui leur était importante que ce soit pour une association, ou des personnes en difficulté.

Une aide quelconque auprès de personnes démunies peut très bien s'apparenter à une forme de militantisme du moment qu'elle réponde à un certain idéal.

Pour terminer, je présenterai brièvement l'histoire de vie de Rosmarie Buri (1990) dans son livre « Grosse et bête ». Rosmarie n'est pas célèbre et pourtant son témoignage est un document qui représente à merveille ce que vivaient les gens pendant les années 30 et 40, celui des artisans vivant dans les régions rurales en Suisse, s'adonnant «au travail à domicile» .

Née en 1930 à Riggisberg, près de Berne, elle raconte ce qu'elle a vécu pendant la période de sa jeunesse où elle fut domestique de 1946 à 1952. Elle a connu la pauvreté, la maltraitance et la rudesse du travail. Ce texte pourvu d'une abondance de détails est intéressant car il vient d'un milieu qui d'habitude n'écrit pas. Néanmoins, elle se débarrasse de son image de « grosse et bête » au moyen de l'art et de l'expression.

Baudouin (2010) en parlant de l'autobiographie cite Pineau (1983) qui observe que l'autobiographie « n'est donc pas seulement un luxe de bourgeois désoeuvrés en peine d'âme » (p. 51), mais une forme disponible permettant à l'expérience des « laissés pour

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compte » de se mettre en mots.

L'époque est à peu de choses près la même de celle de mes interviewés, par plusieurs aspects, nous pouvons mettre en parallèle certains problèmes existentiels que « nos retraités » ont expérimentés avec ceux de Rosmarie.

Outre le problème de la migration, celui de la retraite et de ses conséquences, la question des bifurcations dans l'existence de mes interlocuteurs reste un point essentiel que je traiterai dans les lignes qui suivent.

3.2.3. Bifurcations imposées, bifurcations décidées

Soulet (2010) s'est posé la question, pourquoi ne changeons-nous pas de vie ? La retraite, cet objet qui nous intéresse est réellement un changement important dans une vie qui exige de multiples adaptations. Suite aux entretiens que j'ai effectués, je relèverai les bifurcations imposées par le milieu dans lequel les interviewés se trouvent et les bifurcations qui sont décidées par les auteurs eux-mêmes.

D'après Soulet (2010) en faisant référence à « la sociologie s'est dès ses débuts, attachée à rendre compte de ce qui fait que nous continuons à être ce que nous sommes devenus malgré de récurrentes envies d'être quelqu'un d'autre et de vivre autre chose » (p. 274).

Le poids des contraintes sociales et le choix de nos propres actions antérieures nous contraignent à poursuivre dans une voix que nous nous étions tracée. Les retraités changent d'identité, d'adultes, ils passent à ceux d'adultes vieillissants sans pour autant changer de vie. Comment penser les concepts identitaires à la retraite, Soulet (2010) en faisant référence à Berger et Luckman (1986) estime nécessaire la présence de plusieurs conditions pour permettre la modification biographique :

1) un dispositif de médiation entre ancien soi et nouveau soi (un partenaire institutionnel, une sorte d'Autrui généralisé, servant d'intermédiaire entre anciennes identifications en crise et nouvelles identifications en gestation) ; 2) un appareil de conversation permettant la verbalisation et surtout la rencontre d'un Autrui significatif capable de valider, conforter, reconnaître la nouvelle identité latente qui a pu commencer à se dire ; 3) une structure de

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plausibilité c'est-à-dire une sorte de laboratoire de transformation qui permette de gérer la transition entre les anciennes et nouvelles identifications. (p. 275)4

Dans les récits biographiques, je cernerai donc les moments de transition entre anciennes et nouvelles identifications qui m'amènent à reconnaître une nouvelle identité latente et constater une structure de plausibilité. Pour Bidart (2010), l'individu n'est pas totalement démuni. Il possède des ressources, des dispositions, des ingrédients de l'action. Elle relate ces ingrédients de l'action qui sont construits par Grosseti (2004). Ils se présentent sous forme de faisceaux de facteurs activés ou non et combinés entre eux. Cinq catégories sont alors représentées, elles me permettront de mieux cerner les ressources dont disposent les acteurs de ma recherche. Il s'agit des finalités, des affects, des théories , des routines et des valeurs. (ces éléments seront repris tout au long des analyses des récits de mes interlocuteurs). En voici la définition :

• Les finalités rassemblent les intentions, projets, objectifs, buts, motifs. Ce sont des ressources que les acteurs cherchent à contrôler.

• Les affects témoignent de l'intensité émotionnelle, de l'intimité... Ce sont des relations qui s'avèrent pertinentes pour l'action.

• Les théories sont les « allant de soi », les représentations, les catégories de pensées, les typifications qui sont mobilisées. Elles permettent à l'acteur de catégoriser les événements et leurs relations.

• Les routines relèvent des traditions, des dispositions, des conventions, des rôles...

Elles opèrent des réitérations du passé.

• Les valeurs engagent les grandeurs, normes, conventions, jugements. Ce sont des modes de hiérarchisation de l'action (p. 228).

Outre ce qui vient d'être dit dans les lignes précédentes, l'apprentissage que l'on peut pratiquer tout au long d'une vie permet parfois aux individus de changer de vie et de

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4 Il y a une controverse entre Soulet et Berger et Luckman sur ce point : pour Soulet, le modèle de la conversion

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devenir autre, le chapitre suivant nous en informera.

3.3. L'éducation tout au long de la vie

« L'éducation tout au long de la vie » ou « Lifelong learning » ? Que signifie cette formulation ? C'est la nouvelle formulation de l'éducation permanente ou continue des années 70, une manière de parler de la formation professionnelle des adultes au cours de leur carrière professionnelle.

À l'heure actuelle et selon la communauté européenne, l'éducation recouvre les activités d'apprentissages entreprises à tout moment de la vie dans le but d'améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences dans une perspective personnelle, civique et sociale ou liée à l'emploi.

Dans le cas qui m'occupe, la retraite, il n'est peut-être plus question de retrouver un emploi en se formant, mais l'apprentissage se fera pour le plaisir de la personne, elle-même.

Qu'entend-on par formation ? Ne peut-on pas définir la connaissance par toute forme d'expérience vécue ? Et de cette expérience conçue ne peut-on pas en retirer un apprentissage ?

Dans les années 1960, les organismes internationaux, UNESCO, CEE et OCDE ont diffusé la notion d'informel dans l'idée d'Éducation permanente. Les formes d'apprentissage ont été classées en trois types : les apprentissages formels qui se développent su sein d'entreprises et d'écoles qui délivrent des diplômes (exemple : Lycée, Université, École professionnelle).

Les apprentissages non formels qui se développent en particulier dans la sphère associative sans visée certificative et les apprentissages informels qui se développent dans les activités quotidiennes liées à une communauté de pratiques, au travail, au sein de la famille ou dans les loisirs, cette dernière n'est validée par aucun titre.

Comme nous pouvons l'appréhender, la vie des migrants retraités n'est pas toujours tranquille, elle est jalonnée parfois d'épreuves, de difficultés à surmonter. Ont-ils encore les

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loisirs, l'argent, l'envie et le temps à consacrer pour des apprentissages ? Ou alors de leurs expériences dépassées ils pourraient en retenir un apprentissage. Néanmoins, ils ont un pouvoir d'agir sur leur histoire. Que savons-nous de ce pouvoir d'agir ?

3.4. Le pouvoir d'agir

Une vie rude dès l'enfance a probablement marqué considérablement l'existence des migrants portugais que j'ai interrogés. La question se pose de savoir quelle est la capacité d'agir sur leur histoire. Ont-ils réellement pu choisir leur destinée, comment ont-ils pu faire face aux inégalités sociales, aux coups durs de leur vie, aux inégalités de leur formation ? En observant leur trajectoire, on peut se rendre compte que c'est dans la vulnérabilité que le changement a pu s'opérer. Soulet (2010) parle de l'agir faible de la bifurcation. Et c'est dans cette situation de vulnérabilité et d'incertitude que se joue un élément important et essentiel. Partant d'un schéma ABC représentant la bifurcation, A représentant l'état antérieur et C le nouvel état de l'individu. L'auteur caractérise l'état B non comme une décision ou un moment où se prend la décision, mais plutôt comme un entre-deux, un moment de flottement, d'hésitation qu'il nomme « latence » (p. 280). Ce moment, cette latence peut être considérée comme un moment de réflexion, d'interrogation et de maturation importante dans l'analyse de la bifurcation.

Si la bifurcation d'après Soulet (2010) est même fréquente dans nos sociétés, c'est parce que l'espace des possibles est ouvert, rejouer sa vie devient accessible par des mesures spécifiques, la formation tout au long de la vie, l'égalité des chances : « C'est donc que la structure sociale permet et, voire encourage, des réversibilités » (p. 286).

Il est aussi question de la façon dont les individus parviennent à supporter l'existence, la manière dont ils puisent en eux l'énergie. Pour Martucelli (2006) : « Il ne s'agit en fait que de la dialectique entre la nécessaire prise en charge de nos limites et le besoin vital d'affronter l'indétermination » (p. 327). J'approuve entièrement ce que Martucelli déclare dans sa citation, chacun a ses propres limites et l'existence avec ses épreuves est parfois si complexe pour mes interlocuteurs qu'il devient nécessaire desavoir ce que j'ai mis en place

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pour comprendre leur chemin parcouru. Dans la partie suivante, j'aborderai l'histoire du pays qui est au centre de mon étude, le Portugal.

4. Le Portugal : son histoire, son émigration

Pour comprendre les habitants d'un pays et aborder ses caractéristiques, il me semble fort utile de réunir dans un texte concis les principales informations concernant les particularités du Portugal dans le passé. Son histoire, sa géographie, ses multiples migrations nous aident souvent à comprendre les raisons des migrations actuelles. Toutes ces informations proviennent d'une recherche menée par Fibbi, Bolzman, Fernandez, Gomensoro, Bülent, Maire, Merçay, Pecoraro et Wanner, (2010), mandatée par l 'Office fédéral des migrations (ODM).

Dans mon travail je formule souvent des termes différents liés à l'immigration. Pour aborder les différents thèmes liés à cette problématique et pour que mon texte soit plus compréhensible, je donnerai les définitions suivantes issues du nouveau Petit Robert (2008) : Émigrer et migrer , quitter son pays pour aller dans un autre temporairement ou définitivement. Immigrer, entrer dans un pays étranger. L'acculturation désigne un processus par lequel un groupe humain assimile tout ou partie des valeurs culturelles d'un autre groupe humain. Pour le terme d'intégration et d'assimilation, nous pouvons nous reporter à la citation de Abdelmalek (1999) :

À défaut d'un terme meilleur ou plus approprié, le mot « intégration » retrouve un regain de faveur, et on se plaît à le distinguer du mot « assimilation », l'intégration supposant l'intégrité de la personne fondue mais non pas dissoute dans le groupe alors que l'assimilation équivaut, se dit-on, à la négation et à la disparition de cette intégrité. (p. 313)

Comme tous les pays, Le Portugal est le produit d'une population et d'un territoire, ainsi que d'une histoire avec de nombreux apports extérieurs. Les Ibères et les Celtes peuplent un territoire que les Romains dominent sous le nom de Lusitanie jusqu'à l'invasion des Suèves et des Wisigoth en 409. En 713, deux ans après l'Espagne, les Maures occupent le

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