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L’hypnose en 2011 : faut-il encore y croire ?

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Introduire l’hypnose ou l’hypnothéra- pie, terme plus médical et donc «poli- tiquement correct», alors que le premier laisse encore traîner une odeur de soufre, est une gageure impossible à tenir, a fortiori en quelques lignes. Dans son livre «Qu’est- ce l’hypnose ?», François Roustang a bien su décrire les phénomènes hypnotiques et cerner l’incernable en traduisant l’esprit de l’hypnose par une «manière particulière d’être au monde». Pour l’exprimer brièvement, l’hyp- nose est une thérapie qui permet d’aider le patient dans son besoin de changement.

Pour Milton Erikson, le père de l’hypnose moderne – non directive –, elle est un «état de concentration mentale, durant lequel les facultés d’esprit du patient sont tellement accaparées par une seule idée que, pour le moment, il devient indifférent à toute autre considération ou influen ce». Cet état modi- fié, toujours en état de veille et non de som- meil, engendré par un dispositif inducteur (l’hypnothérapeute ou le sujet lui-même), entraîne une dissociation de la conscience permettant d’accéder à une communication privilégiée avec le corps et le psychisme (inconscient). Octave Mannoni, cité par Fran- çois Roustang, dit que «l’hypnose est une phénoménologie révolutionnaire qui contre- dit tous nos savoirs théoriques». Si l’hyp- nose n’est pas une panacée pour tous les problèmes, elle est certainement une aide à la transformation intérieure, ce qui per- mettra un réaménagement de la situation critique pour accéder à la solution. Au cours de la transe, le patient (re)trouve dans ses ressources inconscien tes (il ne s’agit pas ici de l’inconscient défini par Freud) les moyens de dénouer le blocage dont il souf- fre. Pour parler de façon plus générale, l’hyp- nose aide à soulager les souffrances et les angoisses, quelle que soit leur nature. L’hyp- notiste, si je peux me permettre ce terme un brin théâtral, est en quelque sorte un promoteur du changement, à l’instar de ce

créateur d’automobiles : «changeons de vie, changeons…».

quelle est lademande

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Dans la pratique d’un interniste généra- liste, la demande comprend très souvent le soulagement de troubles anxieux : trouble panique, phobie sociale, agoraphobie et autres phobies de toutes sortes, angoisses existentielles qui empoisonnent la vie et la rendent même insupportable. Certaines demandes peuvent paraître moins sérieu-

ses, bien que les perturbations puissent être très handicapantes dans la vie courante ; il s’agit, pour n’en citer que quelques-unes, de l’arachnophobie, de la bélonéphobie (peur des piqûres et des aiguilles), de l’éreutopho- bie (peur de rougir), de la peur des oiseaux, et d’autres animaux tels que les serpents (image archétypale du mal) ou les limaces (une patiente faisait un détour de plusieurs centaines de mètres lorsqu’elle voyait ce petit saucisson ondulant). La peur de l’avion est monnaie courante et se résout pratique- ment toujours par une seule séance et des consignes posthypnotiques qui dament le pion aux craintes du vol. D’autres fois, les peurs concernent la conduite automobile : celle de s’engager sur l’autoroute, de rouler dans les tunnels (peut-être la réminiscence de la filière originelle ou l’anticipation de notre ultime passage) ou encore celle de dépasser.

Il n’est malheureusement pas rare que la personne souffre d’un abus grave dont la marque s’extériorise sous la forme d’un état dépressif associé ou non à des troubles fonctionnels. Bien que l’hypnose ericksonien- ne ne soit pas un moyen pour investiguer le refoulé à la manière de la psychanalyse parce qu’elle pourrait provoquer de faux souvenirs (à noter toutefois que certains thérapeutes pratiquent l’hypno-analyse), elle aide à revivre ce passé traumatisant avec des armes nouvelles puisées dans les res- sources inconscientes, et donc à ne plus se sentir la victime inconsolable de l’abu- seur. C’est une forme de cure chirurgicale que le patient va opérer afin de reconstruire son histoire, de recoudre la plaie encore ouverte puis de cicatriser la blessure de l’abus ; il est bien sûr impossible de chan- ger le passé, mais par contre il est possible de retrouver une image aimable de son moi.

Dans d’autres circonstances, la personne veut s’affranchir d’une addiction, ou elle cherche le soulagement d’une douleur par- ticulièrement tenace et souvent résistante sinon réfractaire aux approches classiques, ou encore l’amélioration de troubles du som- meil, de troubles des conduites alimentaires (anorexie ou boulimie). Le manque d’har- monie dans la sexualité fait aussi partie des demandes d’aide : impuissance, éjacula- tion précoce, vaginisme ou anorgasmie, par exemple. Par ailleurs, l’hypnothérapie est une aide précieuse pour se séparer d’une personne aimée disparue, pour faire le deuil d’un être cher en lui disant adieu dans un lieu intérieur où la séparation devient com- me un gage de lien éternel. Je lisais tout ré- cemment dans la revue Hypnose et théra­

pies brèves une allusion pleine d’humour et de vérité à notre «outil national» : elle disait que «l’hypnose est un couteau suisse psy- chologique : pratique, rapide pour ouvrir, transformer et cicatriser». Rien de plus vrai ni d’aussi simple que cet énoncé, sans ou- blier que l’outil est facile à transporter, utili- sable à tout moment (à l’exception de l’avion bien entendu !).

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La question «faut-il encore croire à l’hyp- nose ?» présuppose que l’on y croyait aupa- ravant. Cette forme de thérapie était déjà connue des Egyptiens ; elle a été revivifiée et conceptualisée par Mesmer qui parlait à l’époque de «magnétisme animal». Ses dis- ciples ont poursuivi le chemin du maître en l’élargissant : je ne citerai que quelques noms célèbres, de l’Abbé de Faria à Braid, de Charcot à Freud, de Chertok à Erickson.

Le chamanisme relève aussi d’un art hyp- notique ancestral qui s’est répandu partout dans le monde. Pourquoi notre époque ré- futerait-elle les réussites de l’hypnothéra- pie sous prétexte que son «fonctionnement»

n’est pas élucidé (même si les neuroscien- ces peuvent maintenant visualiser et com- prendre certaines réactions suscitées par l’hypnose) ? En fait, l’hypnose a de tout temps été, au pire, condamnée et, au mieux, tolérée par une partie du monde médical : «ça ne peut pas faire de mal !».

Il me revient souvent en mémoire cette demande, oh combien répétée par les pa- tients mais néanmoins si perspicace : «Doc-

L’hypnose en 2011 :

faut-il encore y croire ?

Quadrimed 2012

P. Ruedin

Dr Patrick Ruedin

Médecine interne et néphrologie FMH Hypnose FMH

Avenue de la Gare 3 3960 Sierre

patrick.ruedin@bluewin.ch Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 178-9

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0 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 25 janvier 2012 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 25 janvier 2012 179

Bibliographie

• Bloy A, Michaux D. Traité d’hypnothérapie. Paris : Dunod, 2007.

• Gassin ML. L’hypnose : un couteau suisse psycholo- gique. Hypnose & thérapies brèves, n° 23, novem bre- décembre 2011/janvier 2012. Avon : Editions Méta- walk.

• Melchior T. Créer le Réel. Paris : Seuil, 1998.

• Roustang F. Qu’est-ce que l’hypnose ? Collection critique. Paris : Editions de Minuit, 2000.

teur, est-ce que ça marche aussi si on ne croit pas à l’hypnose ?» Et de leur répondre, avec un brin d’amusement, mais surtout comme si je leur confiais un secret : «Vous savez, moi-même je n’y crois pas !» Répon- se paradoxale qui a déjà le don d’induire la confusion chez le patient. Et de m’empres- ser d’ajouter que «c’est en fait le résultat qui compte». Cette question d’une croyance à l’hypnose n’est donc pas vraiment utile, voire désuète ; il suffit de constater que l’hypnose est l’un des moyens psychothé- rapeutiques les plus efficaces et les plus économiques en termes de temps et d’ar- gent pour traiter nombre de souffrances, qu’elles soient psychologiques ou physi ques ou les deux mêlées comme c’est en réalité toujours le cas. Il n’est donc pas nécessaire d’y croire pour que ça marche !

Si l’hypnose n’est pas une panacée pour tous les problèmes, elle est certainement une aide au changement qui permettra un réaménagement de la situation critique. Tout se passe comme si, dans l’idéal, le patient trouvait dans ses propres ressources les moyens de changer le blocage dont il souf- fre. En définitive, l’hypnothérapie aide à sou- lager les souffrances et les angoisses de toute nature, et les patients sont les pre- miers à nous assurer de ses bienfaits. Voilà pourquoi il est concevable de croire à l’hyp- nose, parce qu’elle est un formidable moyen de traiter le patient, ce qui se vérifie avant tout par les résultats au quotidien (non dou­

ble blind randomized studies). Mais ne vaut-il pas mieux demeurer aveugle sur la compréhension de l’hypnose, plutôt que res- ter sans bras devant tant de troubles sou-

vent si mal traités ? Et tant pis si la croyance fait défaut, seul compte la foi dans le résul- tat : en définitive, le pourquoi du problème importe peu, seul compte le comment guérir !

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