A NNALES DE L ’I. H. P., SECTION A
L OUIS D E B ROGLIE
Thermodynamique relativiste et mécanique ondulatoire
Annales de l’I. H. P., section A, tome 9, n
o2 (1968), p. 89-108
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89
Thermodynamique relativiste et mécanique ondulatoire
Louis de BROGLIE Ann. Inst. Henri Poincaré,
Vol. IX, n° 2, 1968,
Section A :
Physique théorique.
INTRODUCTION
Notre but dans cet
exposé
est d’abord de montrer que,chaque
foisque l’on peut dans un corps chaud
séparer
la chaleur interne du mouve-ment de translation
d’ensemble,
la formule de transformation relativiste de la chaleur de Planck-LaueQ
=Qo 1 - ~2
est exactemalgré
les doutesqui
ont été émis récemment à sonsujet.
Puis nous mettrons en évidenceles liens
profonds qui
existent entre la formuleQ
=Qo V 1 - p2
et lesidées
qui
ont servi depoint
dedépart
pour la découverte de lamécanique
ondulatoire et
qui
trouvent leurexpression complète
dans la théorie de la double solution et dans lathermodynamique
cachée desparticules [1] [2].
1. LE
THÉORÈME
D’EINSTEIN POUR UN CORPSEN
ÉQUILIBRE CALORIFIQUE HOMOGÈNE
Nous commencerons par définir ce que nous
appellerons
un corps enéquilibre calorifique homogène.
Nous dironsqu’un
corps formé d’élémentsen mouvement est en
équilibre calorifique homogène quand
il existe pource corps un
système
de référencegaliléen Ro
danslequel :
Iole volumeVo
du corps est constant; 20 le volume
Vo
du corps étant divisé en éléments de volumeégaux d’Co,
chacun de ces éléments de volume contient la mêmeénergie
wo et unequantité
de mouvement totalenulle, Po =
0. Pour untel corps, on peut démontrer un théorème très
important
dû à EinsteinANN. INST. POINCARÉ, A-I X-2 7
dont nous allons donner une démonstration
abrégée.
Considérons l’un des éléments de volumed7:o
contenantl’énergie
wo et laquantité
de mouve-ment po = 0. Passons à un
système
de référencegaliléen
R où le corpsa un mouvement d’ensemble de vitesse v =
fic.
La formule de transfor- mation relativiste del’énergie w = w0 +
-132
nous donne :L’énergie
d’ensemble du corps chaud est doncWo
étantl’énergie
totale du corps dans sonsystème
propreRo,
et si nousposons par définition de
Mo
la formuleWo
=Moc2,
nous avonsTel est le résultat d’Einstein. Il montre
qu’on
peut attribuer à l’ensemble du corps chaud une masse propreMo
telle queMoc2
contienne d’unefaçon inséparable l’énergie
de masse propre de ses constituants et leurénergie calorifique globale.
On peut considérerMoc2
comme la quan- tité de chaleurQo
contenue dans le corps dans sonsystème
propreRo
et l’on est ainsi conduit à écrire
Les idées ainsi introduites par le raisonnement d’Einstein sont très
importantes
pour cequi
suit.2. LA
DYNAMIQUE
DU CORPSA MASSE PROPRE VARIABLE
Nous allons maintenant considérer un
petit
corpsquasi-ponctuel
dedimensions extrêmement
petites.
Cepetit
corps peutêtre,
parexemple,
une
particule
de l’échellemicrophysique
ou l’un des éléments de volumedzo
d’un corps chaud dans son
système
propre.91 THERMODYNAMIQUE RELATIVISTE ET MÉCANIQUE ONDULATOIRE
Nous voulons étudier le mouvement de ce
petit
corps dans unsystème
de référence
galiléen
Rquand
sa masse propreMo
varie en fonction du temps t et de saposition
dans R sansqu’il
soit soumis à aucune forceextérieure.
Pour établir les
équations
de ladynamique
de ce corps à masse proprevariable,
nouspartirons
del’expression
relativiste de la fonction deLagrange qui
est, avec v =~8c
Le
principe
de moindre action définit le mouvement du corps par la relationOn sait que, de ce
principe,
résulte commeéquations du’
mouvementce
qui
nous donne aisémentA cette
formule,
il fautadjoindre
la suivantequ’on
déduit facilement de(7)
en dérivant par rapport à tl’équation
On voit
d’après (7)
que tout se passe comme si le corps était soumis àune force
intrinsèque
résultant de la variation de la masse propre.De
(7)
et de(8),
on tirecar
dM0 dt,
variation deM quand
on suit le mouvement dupetit
corps, estégale
à~-M0 ~-t
+v ad Mo.
Mais on ade sorte que
(9)
peut s’écrireLe
crochet de(11)
s’annulantquand
le corps est au repos v =0, Wo
=Moc2,
on doit avoir constamment
formule dont la vérification est immédiate et que nous
désignerons
sousle nom de « formule de Planck-Laue ».
Mais,
comme lepetit
corps en mouvement peut, àchaque
instant dans sonsystème
propre, être considérécomme en
équilibre calorifique homogène,
le théorème d’Einstein permet de lui attribuer uneénergie calorifique
interneQo
=Moc2
et d’écrire(12)
sous la forme
Dans cette
formule,
le second terme du deuxièmemembre, qui
croîtavec la
vitesse,
peut êtreinterprété
commel’énergie
de translationglobale
du corps chaud tandis que le terme
Q
=Q01 - 03B22
peut êtreinterprété
comme la
quantité
de chaleur contenue dans le corps ettransportée
parlui. On retrouve bien ainsi la formule de transformation relativiste de la chaleur
qui
est certainement valable pour unpetit
corpsquasi-ponctuel.
THERMODYNAMIQUE RELATIVISTE ET MÉCANIQUE ONDULATOIRE 93
3.
SIGNIFICATION
RESPECTIVE DES GRANDEURSLa formule
(12)
nous a conduit à considérerl’énergie
de translationglobale
dupetit
corps à masse propre variable commeégale
àalors que dans la
dynamique
relativiste usuelle on définitl’énergie cinétique
d’un corps de masse propre
Mo
parM0c2(1 1-03B22-1).
Néanmoinscette dernière
expression garde
un sensphysique
très net.Il est d’abord évident que, si le corps chaud en mouvement avec la vitesse
~c
s’immobilise en conservant la masse propreMo, l’énergie dispo-
nible à l’extérieur sera bien
M0c2(1 1-03B22- 1)
:c’est, dirons-nous, l’énergie
«récupérable
» à l’extérieur sous forme de travail et de chaleur.Si le corps s’immobilise en
gardant
une masse propreMô
différente deMo,
on pourra écrire
La
première parenthèse
du second membrereprésente
la variationposi-
tive~ou négative
del’énergie
interne du corps, tandis que la seconde paren- thèsereprésente l’énergie qui
est cédée à l’extérieur sous forme de travailou de chaleur.
D’une
façon générale,
nous pouvons donc dire que,quand
un corps Cen translation avec la vitesse
~c
revient au repos, lagrandeur
représente toujours
laquantité d’énergie qui
est «récupérable
» àpartir
de
l’énergie
de translation du corps, soit sous formed’augmentation
dechaleur
dans le corpsC,
soit sous forme de transmissiond’énergie (énergie
de mouvement ou
chaleur)
à l’extérieur du corps C.L’expression
de l’éner-gie cinétique qui
estclassique
endynamique
relativiste conserve doncun sens intéressant et
précis.
4. SUR LA RELATION
JW=J-S+JQ.
Revenons à la formule
(9)
de ladynamique
du corps à masse propre variable. Si la vitesse v =fic
du corps dans lesystème
de référence R resteconstante, nous pouvons écrire
avec
Or,
le travail fourni par laforce/= - grad Mo
due à lavariation de la masse propre est dl3
= f . vdt
=v . dp pendant
le temps dtet
l’équation (16)
peut s’écrire sous la formeDans le
système R, l’augmentation
del’énergie
totale du corps est lasomme de
l’augmentation
de sa chaleur interne et du travailqu’il reçoit.
Ainsi la formule
(17)
a une formequi
est familière enthermodynamique.
Supposons
maintenant que dans lesystème R,
la vitesse v =flc
du corps varie. La formule(9)
conduit alors à la formule(11). Mais,
comme le travail élémentaire de la force due à la variation de la vitesse resteégal
àdb = et que l’on a
toujours Q
=Moc2Yl -
on ne retrouveplus
la relation
(17)
valable pour v constant.L’augmentation
del’énergie
detranslation d’ensemble n’est
plus égale
àdb,
mais à1 - p2
’Quand,
àMo constant, ~3
augmente(ou diminue), p2
estnégatif (ou positif),
la chaleur interneQ
diminue(ou augmente)
dep2,
tandis que
l’énergie
de translationE~
augmente(ou diminue)
de la mêmequantité. Ainsi,
l’on voit quel’augmentation (ou
ladiminution)
de lavitesse à masse propre constante a pour effet de transformer une
partie
de la chaleur interne
Q
enénergie
de translationEt (ou inversement).
THERMODYNAMIQUE RELATIVISTE ET MÉCANIQUE ONDULATOIRE 95
Si l’on voulait conserver une relation de la forme
classique (17),
il fau-drait écrire
avec
La variation de
Et
résulterait donc du travail de laforce f et
de la dimi-nution de la chaleur interne transformée en
énergie
de translation.Il est intéressant de
préciser
cequi
se passequand
la vitesse v estpetite
devant c,
(fl
«1 ),
car on doit alors évidemmentpouvoir
faire le raccord avecla
dynamique
newtonienneclassique.
On aEt
est donc alors le double del’énergie cinétique classique. Mais, quand
le corps revient au repos en conservant la masse propre
Mo, l’énergie
detranslation
E~
sert, au moment de l’arrêt du corps, par moitié à lui fournirun
supplément
de chaleurinterne . M0v2
et par moitié à l’extérieur l’éner-gie 1 2M0v2 qui
estl’énergie
«récupérable
Ȏgale
àl’énergie cinétique classique,
résultat intéressant et conforme à ce que l’on devait attendre.5. CAS DU CORPS
ÉTENDU
A VOLUME PROPRE CONSTANT
Nous allons considérer maintenant le cas d’un corps dont le volume dans son
système
propreRo
reste constant(absence
decompression
oude
décompression),
maisqui
est traversé par un flux de chaleur. Alors les éléments de volume du corps contiennent unequantité
de cha-leur
qo(to,
xo, yo,zo) et
si nousenvisageons
le corps dans unsystème
deréférence R où il est animé de la vitesse d’ensemble v =
pc,
nous pourrons considérer chacun des éléments de volumedzo
comme unpetit
corpsquasi-
ponctuel
du type étudiéplus
haut et luiappliquer
ladynamique
du corpsà masse propre variable
développée
auparagraphe
2. Nous obtiendrons alors la formuleanalogue
à(13).
Dans le
système Ro
àchaque
instant to du temps propre, laquantité
totale de chaleur contenue dans le corps est
En
intégrant
sur la formule(21) où f3
est constant, nous obtenonsMais dans cette
formule, Qo(to)
est la somme dequantités
de chaleurqui
sont simultanées dansRo,
maisqui
ne le sont pas dans R. Cela fait que l’on ne peutplus
ici considérer le termeQ01-03B22
comme laquantité
de chaleur
qui
esttransportée
par le corps dans R à l’instant t. Autrementdit,
il n’estplus possible
deséparer
la chaleur interne du mouvement de translation d’ensemble.Mais
supposons
que le corps à un instant to dans sonsystème
proprese soit trouvé dans un état
d’équilibre homogène initial,
alors il contientla chaleur propre totale
Qo;
=f. Vo qOid7:o.
Siensuite, après
avoir été tra-versé par un flux de
chaleur,
le corps revient dans un étatd’équilibre
homo-gène,
on auraQo
=v0 q0d03C40 et,
commel’équation (21)
a été constam-ment valable entre l’état initial et l’état
final,
on aura de nouveau dansl’état final la relation de Planck et Laue.
que l’on pourra aussi écrire
d’après
le théorème d’EinsteinOn voit ainsi que
chaque
fois que le corps étendu se trouvera dans un97 THERMODYNAMIQUE RELATIVI STE ET MÉCANIQUE ONDULATOIRE
état
d’équilibre calorifique homogène,
sonénergie
totale W se diviseraen une
énergie Q01-03B22
=M0c21-03B22 qui
estl’énergie
de chaleurque le corps transporte à son intérieur dans son mouvement dans R et une
énergie
de translationglobale
dansR égale
à =VMOV2 .
Autre-ment
dit,
tous les résultats obtenus dans lesparagraphes 2,
3 et 4 pour un corpsquasi-ponctuel
segénéralisent
au cas d’un corps étendu se trouvant dans l’étatd’équilibre calorifique homogène
défini auparagraphe
1(Voir [3]).
6. CONCLUSION SUR CE
QUI PRÉCÈDE
En
résumé,
la formule de transformation de la chaleurQ
=est
toujours
valable pour un corpsquasi-ponctuel
de dimensions extrême- mentpetites (particule)
et pour un corps étendu en étatd’équilibre
calori-fique homogène (1).
On peut alors définir avecprécision
dans lesystème
de référence R où le corps a la vitesse constante
flc
laquantité
de chaleurQ
=Q01-03B22 qu’il
transporte dans son intérieur etl’énergie
de mouve-ment de translation et on peut leur
appliquer
les remar-ques faites aux
paragraphes
3 et 4.Mais, pendant
les états transitoires où un corps étendu est lesiège
d’unflux de chaleur
(et également
dans les cas où il y a une variation du volumeVo
.avec flux de
compression)
uneséparation
nette entre la chaleurtranspor-
tée etl’énergie
de translation d’ensemble devientimpossible
et, commeces cas sont très
importants
dans toutes lesapplications
de lathermody- namique usuelle,
c’estlà,
mesemble-t-il, l’origine
des discussionsqui
onteu lieu entre savants
qualifiés
ausujet
de la validité de la formuleCependant,
celle-ci esttoujours
valable dès que le corps chaud est revenudans un état
d’équilibre homogène
ettouj ours applicable
à un corpsquasi- ponctuel.
On doit d’ailleurs remarquer que la formule
Q = Q°
-
défendue(1) La formule de transformation de la chaleur Q = entraîne la formule de transformation de la température T = en raison de l’invariance de l’entropie.
(2) Voir à ce sujet la note complémentaire à la fin du présent article.
par divers auteurs est certainement inexacte. On peut le voir
[4]
en remar- quant que,si 03B2
tend vers1,
la formule de transformation relativiste des vitesses montre que toutes lesparticules
contenues dans le corps chaud tendent à devenir immobiles par rapport à l’ensemble du corps; la chaleur interne contenue dans le corps dans lesystème R,
où il a la vitesse~c,
tend donc vers
zéro,
la presque totalité del’énergie
des corps tendant àprendre
la forme d’uneénergie
de translation d’ensemble comme celase voit immédiatement sur les formules
(23)
et(24).
La chaleur internetransportée
par le corps tendant ainsi vers 0quand 13
tend vers1,
la for- muleQ
= ‘Q°
n’est
évidemment pasacceptable.
On peut d’ailleursaussi remarquer que, si la formule
Q = .
était exacte, ’ la chaleurinterne
transportée
par le corps seraitégale
à sonénergie totale,
cequi
entraînerait la
conséquence inacceptable
que, dans lesystème
de réfé-rence R où le corps est en mouvement avec la vitesse c, son
énergie
detranslation d’ensemble
Et
serait nulle.7. LES ORIGINES
DE LA
MÉCANIQUE
ONDULATOIREQuand j’ai
eu, en1923-1924,
mespremières
idées sur lamécanique
ondulatoire
[5], j’ai
étéguidé
par le désir de faire une véritablesynthèse physique
valable pour toutes lesparticules
de la coexistence des ondes et desparticules
découverte par Einstein pour lesphotons
dans sa théoriedes quanta de lumière
(1905).
Je ne mettais pas alors un instant en doute le caractère de réalitéphysique
de l’onde et de laparticule.
Une remarque m’avait
beaucoup frappé.
Laphase
d’une ondeplane monochromatique
écrite sous la formepermet
de définir unquadrivecteur
« Onde » decomposantes - , v 03B103BD c, 03B203BD c, 03B303BD c.
Cela montre que la
fréquence
v de l’onde se transforme comme uneénergie
par la formule v
= , ~
alors que lafréquence
d’unehorloge
se1 - [32
99 THERMODYNAMIQUE RELATIVISTE ET MÉCANIQUE ONDULATOIRE
transforme suivant la formule v =
/32
comme cela résulte de la théorie relativiste du ralentissement deshorloges (fi
=.
J’avais alors
remarqué
que lequadrivecteur
défini par legradient d’espace-
temps de la
phase
d’une ondeplane monochromatique pouvait
être misen relation avec le
quadrivecteur impulsion-énergie
d’uneparticule
enintroduisant la constante h de Planck et en posant
pour relier
l’énergie
W à lafréquence
v et laquantité
de mouvement p à lalongueur
d’onde À. J’étais donc amené àimaginer
que laparticule,
constamment localisée en un
point
de l’ondeplane monochromatique, possédait
cetteénergie
et cettequantité
de mouvement etqu’elle
décrivaitl’un des rayons
rectilignes
de l’onde.Mais,
et ceci n’estjamais rappelé
dans lesexposés
habituels de la méca-nique ondulatoire, j’avais
aussiremarqué
que, si laparticule
est considéréecomme contenant au repos une
énergie
interneMoc2 = hvo,
il était naturel de l’assimiler à unepetite horloge
defréquence
propre vo de sorte que,quand
elle est en mouvement avec la vitesse safréquence
différente de celle de l’onde estvodl -
J’avais alors facilement démontréqu’au
cours de son mouvement dans
l’onde,
laparticule
avait une vibrationinterne
qui
restait constamment enphase
avec celle de l’onde.L’exposé
fait dans ma Thèse avait l’inconvénient de nes’appliquer qu’au
casparticulier
de l’ondeplane monochromatique qui
n’estjamais rigoureusement
réalisée dans la nature en raison de l’existence inévitable d’unelargeur spectrale.
Jevoyais
bien que si une ondecomplexe est repré-
sentée par une
intégrale
deFourier,
c’est-à-dire par unesuperposition
de composantes, ces composantes n’existent que dansl’esprit
du théoricienet que, tant que ces composantes n’ont pas été
séparées
par un processusphysique qui
détruit lasuperposition initiale,
c’est lasuperposition qui
estla réalité
physique.
Je fus doncamené,
peu detemps après
mathèse,
àgénéraliser
les idéesqui
m’avaientguidé
dans ce travail d’une part en consi- dérant le cas d’une ondequi
n’est pasmonochromatique plane
et d’autre part endistinguant
l’ondephysique
réelle de ma théorie de l’onde fictive ’II àsignification statistique
et arbitrairement norméequ’à
la suite des travaux d’ErwinSchrôdinger
et de Max Born oncommençait
à introduiresystéma- tiquement
dans lesexposés
de lamécanique
ondulatoire. C’est ainsi quemes réflexions m’ont amené à exposer dans un article du Journal de
Phy-
sique
de mai 1927[6]
sous le nom de « théorie de la double solution » unenouvelle
interprétation
de lamécanique
ondulatoire et àgénéraliser
pour le cas d’une ondequelconque
la loi du mouvement de laparticule
queje
n’avaisjusqu’alors envisagée
que dans le casparticulier
de l’ondeplane monochromatique.
8. LA
THÉORIE
DE LA DOUBLE SOLUTIONET LA LOI DU GUIDAGE
Je ne veux pas exposer ici en détail la théorie de la double solution et
je
me borne à renvoyer le lecteur aux
exposés que j’ai publiés
sur cesujet depuis
que,après
les avoirlongtemps abandonnées, j’ai repris
les idéesesquissées
dans mon article de 1927[7]. J’indiquerai
seulement les deux idéesprincipales
surlesquelles
repose cette théorie.a)
L’ondeétant,
selonmoi,
une ondephysique
de très faibleamplitude qui
ne peut évidemment pas être arbitrairementnormée,
doit donc être distincte de l’onde W normée àsignification statistique
du formalisme usuel de lamécanique quantique.
Jedésigne
ici par v cette ondephysique
et
je
relie l’ondestatistique
W à l’ondephysique
v par la relation W = Cv où C est un facteur de normalisation. C’est cettedistinction,
à mon avisessentielle,
entre les deux solutions v et W del’équation
des ondesqui
m’avait fait donner à cette théorie le nom de théorie de la double solution.
Pour une étude
plus approfondie
de cettequestion, je
renvoie auxpubli-
cations
indiquées
ci-dessus[7].
6~
Pourmoi,
laparticule toujours
bien localisée dansl’espace
au coursdu temps constitue dans l’ onde v une très
petite région
de haute concentra-tion de
l’énergie
que l’on peut, enpremière approximation,
assimiler àune sorte de
singularité
mobile. Des considérationsqu’il
serait troplong
de
reproduire
ici conduisent à admettre que le mouvement de laparticule
doit être défini comme il suit. Si la solution
complexe
del’équation
desondes
qui représente
l’onde v(ou,
si l’onpréfère,
l’onde~P,
cequi
revientau
même,
raison de la relation W =Cv)
est écrite sous la formeoù a et qJ sont des fonctions
réelles, l’énergie
W et laquantité
de mouve.THERMODYNAMIQUE RELATIVISTE ET MÉCANIQUE ONDULATOIRE 101
ment p de la
particule quand
elle occupe laposition
x, y, z, à l’instant t sont données parce
qui
donne bien dans le cas de l’ondemonochromatique plane
où l’on ales
expressions (25)
de W et de p. Si dans les formulesgénérales (27),
onécrit W et p sous la forme
on obtient
On peut
appeler
cette formulequi
détermine le mouvement de la par- ticule la « formule deguidage
». Elle segénéralise
facilementquand
laparticule
est soumise à unchamp
extérieur.Introduisons maintenant
l’idée, qui
remonte, nous l’avonsrappelé,
aux
origines
de lamécanique ondulatoire,
suivantlaquelle
laparticule
peut être assimilée à unepetite horlo g e
defré q uence
propre2014~2014
etattribuons-lui la vitesse définie par la formule
(28).
Pour un observateurqui
voit passer laparticule
sedéplaçant
dans son onde à la vitesseflc,
lafréquence
interne de lapetite horloge
est v =p2 d’après
la for-mule de ralentissement des
horloges
en mouvement. Et cela permet de démontrer facilement que, même dans le casgénéral
d’une ondequi
n’estpas
monochromatique plane,
la vibration interne de laparticule
resteconstamment en
phase
avec l’ondequi
la porte. Cerésultat, qui
contientcomme cas
particulier
celuiqui
avait étéprimitivement
obtenu dans lecas de l’onde
plane monochromatique,
peut être considéré comme lecontenu essentiel de la loi du
guidage.
La théorie montre alors facilement que la masse propre
Mo qui figure
dans les
expressions
de W etde p
n’est pas engénéral égale
à la massepropre mo usuellement attribuée à la
particule.
On la trouveégale
àoù qo est dans le
système
propre de laparticule
une variationpositive
ounégative
de sa masse propre. Lagrandeur
qo,qui
est « lepotentiel
quan-tique »
de la théorie de la doublesolution,
a une valeurqui dépend
de laforme de la fonction d’onde. Dans les documents
[7]
et[8],
on trouveral’expression
de qo pour l’électronquand
onemploie
pourreprésenter
sononde,
soitl’équation
relativiste deKlein-Gordon,
soitl’équation
nonrelativiste de
Schrôdinger,
soit enfin leséquations plus complètes
deDirac,
et aussi pour le
photon quand
onemploie
pourreprésenter
l’onde électro-magnétique
leséquations
de Maxwellcomplétées
par un trèspetit
termede masse propre.
9. ASSIMILATION DE
L’ÉNERGIE
PROPRED’UNE PARTICULE A UNE CHALEUR
CACHÉE
L’idée de considérer une
particule
comme unepetite horloge,
si on lacompare aux
conceptions
dethermodynamique
relativistedéveloppées plus haut,
conduit à penser quel’énergie
interne de masse propreMoc2
d’une
particule pourrait
être assimilée à une chaleur cachée. Eneffet,
une
petite horloge
contient dans sonsystème
propre uneénergie d’agita-
tion
périodique
internequi
nes’accompagne
d’aucunequantité
de mouve-ment
d’ensemble,
cequi
est conforme à la définition que nous avonsadoptée
pour un corps contenant de la chaleur en
équilibre homogène.
Si
Qo
=Moc2
est uneénergie calorifique
interne de laparticule
dansson
système
propre, la chaleurqu’elle
transporte à son intérieur dans lesystème
où elle est en mouvement avec la vitesseflc
seraLa
particule
nousapparaît
alors à la fois comme unepetite horloge
defréquence v
= et comme unpetit
réservoir de chaleur de contenuQ
=132 en
mouvement avec la vitesse Et c’est l’identité de forme des formules de transformation relativiste pour la chaleur et pour lafréquence
d’unehorloge qui
rend ce double aspectpossible.
THERMODYNAMIQUE RELATIVISTE ET MÉCANIQUE ONDULATOIRE 103
Quand
laparticule
sedéplace
dans son onde suivant la loi duguidage,
si l’onde n’est pas
plane monochromatique,
la masse propreMo
varie d’unefaçon qui
est donnée par la formule(29) quand
on connaît la forme de l’onde. Le mouvement de laparticule
doit donc êtreréglé
par ladynamique
du corps à masse propre variable et, comme nous avons vu que cette
dyna- mique
est intimement reliée à lathermodynamique relativiste,
nous pres- sentons que la théorie de la double solution va nous conduire à introduire des considérations dethermodynamique
enmécanique
ondulatoire. Nouspréciserons
cette idée dans lesparagraphes suivants,
mais nous allonsdès maintenant montrer que la formule fondamentale
(12)
de la thermo-dynamique
relativiste est en relation étroite avec leprincipe
essentiel de la théorie duguidage.
Pour le
voir, rappelons
que si ç est laphase
de l’onde écrite sous la forme la théorie duguidage
nous dit que l’on aD’autre part, la formule
(12)
de Planck-Laue peut s’écrireEn portant
(30)
dans(31),
nous obtenonsMais,
si laparticule
est assimilable à unehorloge
defréquence
propre interneM0c2h,
laphase
de sa vibration écrite sous la formea1et 03C61
estet l’on aura
d’où résulte que l’on a constamment = lp. Il existe donc un lien étroit entre le
principe
de la théorie duguidage
et la formule fondamentale(31)
de la
thermodynamique
relativiste. Ce fait est d’autantplus remarquable
que la formule
(31)
résulte des travaux de Planck et Lauequi
sont trèsantérieurs à
l’apparition
de lamécanique
ondulatoire et de la théorie de la double solution.10. LA
THERMODYNAMIQUE CACHÉE
DES PARTICULES
Après
tout cequi
vient d’êtredit,
ilparaît
tout naturel de raisonnercomme il suit. La
dynamique
relativiste nousapprend
que la fonction deLagrange
d’uneparticule
de masse propreMo
en mouvement avec lavitesse
flc
est ~ = 2014pz
et quel’intégrale
d’action estgrandeur qui
est invariantepuisque
dto
étant l’élément de temps propre de laparticule.
Il est donc tentantd’établir une relation entre les deux invariants fondamentaux que sont l’action et
l’entropie, mais,
pourpouvoir
lefaire,
il faut donner àl’intégrale
d’action une valeur bien définie en choisissant convenablement l’intervalle
d’intégration
dans le temps. Avec nosidées,
il est alors naturel de choisircomme intervalle
d’intégration
lapériode Ti
de la vibration interne de laparticule
de masse propreMo
dans lesystème
de référence où elle a la vitesse03B2c. Comme on a 1 Ti = m0c2 h1-03B22;
on définit ainsi une inté-grale
«cyclique»
d’action en remarquant que, lapériode T;
étanttoujours
très
petite,
onpeut
considérer queMo
et~3
sont très sensiblement constants dans l’intervalled’intégration
et en posantL’on est alors amené à définir
l’entropie
de l’état de laparticule
parTHERMODYNAMIQUE RELATIVISTE ET MÉCANIQUE ONDULATOIRE 105
où k et h sont
respectivement
la constante de Boltzmann et celle de Planck.On a
alors, puisque Qo
=Moc2 - moc2
Nous sommes ainsi parvenus à attribuer au mouvement de la
particule
dans son onde une certaine
entropie
et, parsuite,
une certaineproba-
s
bilité P donnée par la formule de Boltzmann écrite sous la forme P =
ek.
De ces
idées, j’ai
pu tirer deux résultatsqui
meparaissent
trèsimpor-
tants :
1 ~ le
principe
de moindre action n’estqu’un
casparticulier
du secondprincipe
de lathermodynamique;
20 leprivilège,
dontSchrôdinger
avaitsouligné
le caractèreparadoxal,
que lamécanique quantique
actuelleattribue aux ondes
monochromatiques planes
et aux états stationnaires dessystèmes quantifiés s’explique
par le faitqu’ils correspondent
auxmaximums de
l’entropie,
les autres états étant non pasinexistants,
maisseulement d’une bien moindre
probabilité.
Pour cesquestions, je
renvoieà mes
publications [1]
et[2] (Voir
aussi[9]).
Il. LE THERMOSTAT
CACHÉ
La
conception thermodynamique
d’uneparticule
que nous venonsd’exposer
conduit à penserqu’une particule,
mêmequand
elle nousparaît
isolée de tout corps
macroscopique susceptible
de lui fournir de lachaleur,
est
cependant
constamment en contactthermique
avec une sorte de ther-mostat caché dans ce que nous
appelons
le vide.Nous avons assimilé une
particule
à un corps contenant de la chaleur parce que nous la considérons comme unsystème
contenant uneénergie d’agitation
interne sansquantité
de mouvement d’ensemble.Mais,
cesystème
étant trèssimple,
ilparaît
difficile de lui attribuer uneentropie
et une
température.
Aucontraire,
le thermostat caché est, pardéfinition,
un
système
trèscomplexe
et l’on est amené à admettrequ’il
fournit de lachaleur à la
particule quand
la masse propre de celle-ci augmente avec variationpositive
dupotentiel quantique, ôqo
=ôMoc2
etqu’il reprend
de la chaleur à la
particule quand
la masse propre de celle-ci diminue avecvariation
négative
dupotentiel quantique. L’entropie
définie par les for- mules(35)
et(36)
doit donc êtrel’entropie
du thermostat caché et la quan-ANN. INST. POINCARÉ, A-lX-2 8
tité
qo
est à la fois dans lesystème
propre de laparticule
la variation dupotentiel quantique
et la variation de la chaleur interne de laparticule.
On peut donc écrire dans le
système
où laparticule
a la vitessele
signe - s’expliquant
par le fait que5Q
est la chaleurperdue
par le ther- mostat caché dont S estl’entropie. To
est définie parOn ne doit pas
trop
s’étonner de voir que latempérature
que le ther- mostatparaît
avoir pour laparticule dépend
de la masse propre mo. Eneffet,
c’est par l’intermédiaire de l’onde v dont la structuredépend
de mo que laparticule
est en contact avec le thermostat caché.Le
grand progrès accompli
autrefois enthermodynamique quand
on y a introduit la structure moléculaire de la matière et lamécanique
statis-tique
apermis
decomprendre
que,lorsqu’un
corpspossède
un état ther-modynamique stable,
il subit néanmoins constamment depetites
fluctua-tions de moyenne nulle autour de cet état. On a ainsi pu
développer
lathéorie de ces fluctuations et du mouvement brownien. Nous devons nous
attendre à trouver des circonstances
analogues
dansl’interprétation
dumouvement des
particules
par notredynamique
cachée.Pour l’étude de ces
questions, je
renvoie encore à mespublications [1]
et
[2]
etje
me contenterai derappeler
lepoint
suivant. J’ai montré[1]
(p.
80 à87)
que, pourjustifier,
le fait bien établi que, du moins avecl’équa-
tion de
Schrôdinger, l’expression ~ ~ 2 di représente
laprobabilité
depré-
sence de la
particule
dans l’élément de volume de à l’instant t, il fallait admettre que laparticule
saute constamment d’une destrajectoires
deguidage
sur une autre. Latrajectoire
définie par la loi duguidage
n’estdonc
qu’une trajectoire
« moyenne » ; elle ne serait réellement décrite que si laparticule
ne subissait pas de continuellesperturbations
dues à deséchanges
de chaleur aléatoires avec le thermostat caché.Une
comparaison simple
fera mieuxcomprendre
cela. Considérons l’écoulementhydrodynamique
d’un fluide. Ungranule placé
sur la surfacedu fluide se trouve entraîné par le mouvement d’ensemble de celui-ci.
Si le
granule
est assez lourd pour ne pas subir sensiblement l’action des chocs individuelsqu’il reçoit
des molécules invisibles dufluide,
il décrira l’une deslignes
de courant de l’écoulementhydrodynamique.
Si l’on assi-THERMODYNAMIQUE RELATIVISTE ET MÉCANIQUE ONDULATOIRE 107
mile le
granule
à uneparticule,
l’ensemble des molécules du fluide estcomparable
au thermostat caché de notre théorie et laligne
de courantdécrite par le
granule
est satrajectoire
deguidage. Mais,
si legranule
estsuffisamment
léger,
son mouvement sera constammentperturbé
par ses chocs individuels aléatoires avec les molécules du fluide. Il sera doncanimé,
en
plus
du mouvementrégulier
que tend à lui faireprendre
lelong
d’uneligne
de courant l’écoulementgénéral
dufluide,
d’un mouvement brownienqui
le fera constamment passer d’uneligne
de courant sur une autre(Voir [10] (1)).
12. CONCLUSION
GÉNÉRALE
Je pense que la
réinterprétation
de lamécanique
ondulatoire à l’aide desimages physiques précises
dontje
viensd’exposer
lesgrandes lignes
pourra conduire non seulement à retrouver les formalismes
statistiques
que l’on
enseigne aujourd’hui
sous les noms demécanique quantique
etde théorie
quantique
deschamps,
mais aussi de les rectifier sur certainspoints
et sans doute d’allerplus
loinqu’eux
eninterprétant
ou enpré-
voyant des
phénomènes qui
leuréchappent.
BIBLIOGRAPHIE
[1] La Thermodynamique de la particule isolée (ou Thermodynamique cachée des par- ticules). Gauthier-Villars, Paris, 1964.
[2] La Thermodynamique cachée des particules. Annales de l’Institut Henri Poincaré.
Vol. I, n° 1, 1964, p. 1-19; C. R. Acad. Sci., t. 257, 16 septembre 1963, p. 1822.
[3] C. R. Acad. Sci., t. 253, 19 décembre 1966, p. 1351.
[4] C. R. Acad. Sci., t. 264, série B, 10 avril 1967, p. 1041.
[5] C. R. Acad. Sci., t. 177, septembre-octobre 1923, p. 506, 548 et 630. Thèse de Doc- torat, Masson, Paris, 1924. Rééditée en 1963.
[6] Journal de Physique, série 6, n° 5, mai 1927, p. 225.
[7] Une interprétation causale et non linéaire de la Mécanique ondulatoire : la théorie de la double solution. Gauthier-Villars, Paris, 1956.
La théorie de la Mesure en Mécanique ondulatoire. Gauthier-Villars, Paris, 1957.
Journal de Physique, t. 20, décembre 1960, p. 963.
Étude critique des bases de la Mécanique ondulatoire. Gauthier-Villars, Paris, 1963.
Certitudes et incertitudes de la Science. Albin Michel, Paris, 1966.
C. R. Acad. Sci., t. 263, 5 septembre 1966, p. 645.
[8] Ondes électromagnétiques et photons. Gauthier-Villars, Paris, 1968.
[9] Journal de Physique, t. 28, mai-juin 1967, p. 481.
[10] C. R. Acad. Sci., t. 284, 10 avril 1967, p. 1041.
(1) Un des points les plus importants de cet ensemble théorique est le suivant : le mouvement de la particule dans son onde est régi par une dynamique relativiste à masse propre variable.