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La réduction, une idée qui fait son chemin Michel Husson, octobre 1993

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La réduction, une idée qui fait son chemin Michel Husson, octobre 1993

projet de tribune (non publiée) pour Libération (1993)

Le fameux amendement Chamard-Larcher-Fourcade aura finalement rempli sa fonction, qui n'était pas de créer des emplois, mais d'occuper le devant de la scène durant quelques semaines, en donnant l'impression que la majorité parlementaire débattait sérieusement, et sur le fond, des moyens de faire reculer le chômage.

Apparemment, nous baignons donc dans une finesse tactique irréprochable : une loi quinquennale assez vide de contenu, puis un amendement feignant d'instituer le passage aux 32 heures, relayé conflictuellement par une campagne de promotion d'une espèce d'audit social bien vendu par un consultant.

La droite peut donc apparaître comme un véritable laboratoire d'idées, mais surtout se permettre de déstabiliser tous ceux qui avancent sous des formes diverses l'idée qu'une réduction de la durée du travail est l'un des axes essentiels du nécessaire combat contre le chômage. Cet effet de brouillage est sans aucun doute efficace à court terme : les partisans des 35 heures sont pris à contre-pied par ce débat sur les 32 heures, et il leur faut éviter le piège consistant à reconnaître leur supposé manque d'audace, et à prendre au sérieux les contre-feux de la majorité.

L'écran de fumée fonctionne donc, mais, en se dissipant, il risque de rendre la réalité du débat social encore plus crue. On commence déjà à percevoir que le débat à l'intérieur de la droite ressemble furieusement à un éclatement, à un aveu d'impuissance et à une réaction d'affolement. Eclatement, parce que le discours dominant de la raison économique est dorénavant miné de l'intérieur : des patrons, et non des moindres, des hommes politiques conservateurs, remettent en cause les dogmes intangibles de la raison économique. Aveu d'impuissance et réaction d'affolement, parce que ceux d'en haut ne savent plus très bien ce qu'il faut faire, et redoutent manifestement les conséquences possibles de leur incapacité à enrayer l'inexorable approfondissement de la désintégration sociale.

Il ne faudra pas un temps très long pour que celles et ceux qui veulent lutter contre le chômage tirent de cet épisode parlementaire quelques leçons quant aux bonnes questions à poser et quant aux vrais critères qui permettent de faire la distinction entre une mesure anti-chômage et un dispositif de partage du chômage. Les deux plus claires, en ce qui concerne cette première escarmouche, portent sur la compensation salariale et sur l'annualisation. Toute mesure de réduction de la durée du travail assortie d'une perte de salaire, et protégeant ainsi les revenus des "rentiers", constitue une forme plus ou moins habilement déguisée de chômage partiel. Toute mesure de réduction de la durée du travail qui s'accompagne de son annualisation tend à accroître la flexibilité du travail et à en baisser le coût, plutôt qu'à créer des emplois.

Et ce n'est pas tout. Plusieurs des thèmes de l'appel AC, signé récemment par des syndicalistes, des responsables d'organisations de chômeurs et de réseaux associatifs et des chercheurs ont traversé le débat. D'abord l'idée qu'il faut cesser de donner de l'argent aux chefs d'entreprise en les priant ensuite de créer des emplois. Le bilan de plusieurs années de mesures d'exonérations de toutes sortes met en lumière la triste

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réalité de l'"éthique" de l'entreprise ! Il faut donc procéder autrement et dire : créez des emplois, et, ensuite, on vous rétrocédera les économies que vos embauches permettront de réaliser sur les allocations-chômage. Et ce renversement de perspective conduit, de fil en aiguille, à d'autres remises en cause : et s'il fallait en passer par un cadre légal contraignant et suffisamment global ? C'est une question soulevée aussi bien par Riboud qui veut bien passer aux 32 heures, mais pas tout seul, ou par Larrouturou, qui propose de décréter la semaine de quatre jours pour dans 18 mois.

Enfin, l'argument selon lequel il faut une réduction massive et non une réduction imperceptible, qui serait récupérée sous forme d'intensification des cadences, apparaît aujourd'hui comme une quasi-évidence. Le débat social progresse donc de manière très rapide, même si ce n'est pas - on ne saurait se montrer trop exigeant - dans la clarté. Les conditions pour une mobilisation enracinée dans l'exigence d'une nouvelle citoyenneté sociale sont en train de se mettre en place. Merci aux sénateurs pour leur contribution.

Michel HUSSON, économiste, animateur du mouvement AC.

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