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IL NE PEUT PAS LE DIRE ! Michel Husson,

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IL NE PEUT PAS LE DIRE !

Michel Husson, Politis, 13 Novembre 2003

« Pouvez-vous affirmer aux Français qu’avec la libéralisation du marché et l’ouverture du capital d’EDF, les prix n’augmenteront pas ? » Telle est la question légitime posée par Les Echos (1) à François Roussely, président d’EDF, dont la réponse a au moins le mérite de l’honnêteté : « bien sûr que non, je ne peux pas dire cela ». Bien sûr que non ? Mais cela veut dire que l’argument central, celui des bienfaits pour l’usager, n’était que du pipeau. Et d’où vient une telle certitude ? L’argument de Roussely mériterait de figurer en bonne place dans le bêtisier néo-libéral : « on ne peut pas avoir les tarifs du monopole avec la concurrence du marché ouvert ». Mais si le monopole est moins cher, alors surtout ne l’ouvrons pas à la concurrence ! Ainsi l’unanimisme de Chirac et Jospin au sommet de Barcelone en faveur de la libéralisation reposait sur une anarque. Il leur aurait pourtant suffi de demander à Roussely si les prix allaient baisser et il aurait aussitôt éclairé leur lanterne. Exit donc l’argument du prix. Y en a-t-il d’autres ? Faire-face-à-la-concurrence- mondialisée-qui-s’impose-à-nous ? C’est particulièrement absurde dans le cas de l’énergie électrique qui ne se stocke pas, et ne peut se transporter efficacement que sur de faibles distances. Dans ce secteur le marché mondial ne peut tout simplement pas exister, pour des raisons techniques incontournables. Cet exemple montre au passage que le dogme néo-libéral se déploie sans même se soucier de la vraisemblance de ses justificatifs.

L’ouverture à la concurrence ne peut qu’introduire une variation chaotique des cours, qui constituera un obstacle supplémentaire à la mise en œuvre de véritables politiques publiques. Il y a en effet des choix considérables à effectuer dans les années à venir en matière énergétique et être européen, c’est entre autres choses, souligner la nécessité de choix réellement coordonnés. On peut difficilement imaginer que l’Allemagne programme une sortie (très) progressive du nucléaire, tandis que la France se lancerait dans la construction de nouvelles centrales, à l’instigation de Nicole Fontaine (qui est à l’industrie ce que Roselyne Bachelot est à l’écologie). Ces questions ne peuvent être tranchées dans la clarté si elles sont parasitées par la marchandisation anarchique de la fourniture d’énergie. On ne peut concevoir une politique globale de réduction d’émissions et de transferts technologiques vers les pays en développement, si l’on se prive des leviers nécessaires à la mise en œuvre d’une politique publique ambitieuse. De manière plus terre à terre, les expériences récentes devraient faire réfléchir, qu’il s’agisse d’Enron, ou des récentes coupures enregistrées aux Etats-Unis et en Italie, auxquelles on a fort heureusement échappé pendant la canicule.

Il faut aller plus loin et bien comprendre que l’application aveugle du dogme nous envoie tout droit dans le mur. C’est la thèse d’un livre remarquable sur EDF (2) où l’on découvre que nos modernes Docteurs Folamour sont absolument conscients de la bêtise de leur politique, mais qu’ils se consolent en décrétant que tout cela est « inéluctable ». Et si le néo-libéralisme en était arrivé au point de n’être plus qu’une monstrueuse pathologie politique ? Que Prodi ait pu qualifier de « stupide » le Pacte de stabilité européen, et Chirac d’« imbécile » la charge de la cavalerie lourde contre les 35 heures, voilà des exemples récents de la schizophrénie néo-libérale. L’examen détaillé de projets qui portent sur des domaines aussi éloignés de l’électricité que par exemple l’assurance-chômage, conduit à la conclusion plutôt terrifiante que nous sommes face à une bande de cinglés assez redoutables. Bien sûr, l’analyse froide conduit à déceler derrière ces dérapages les effets d’une défense résolue d’intérêts sociaux très étroits et, en ce sens, il y a évidemment un fondement rationnel à l’offensive néo-libérale. Mais celle-ci acquiert une telle autonomie qu’elle prend les formes d’une barbarie euphémisée : ainsi, c’est pour les inciter à travailler que l’on enfonce un peu plus les gens dans la misère. La structure mentale des personnes qui conçoivent de telles politiques est la même que celles des technocrates qui, avec la libéralisation d’EDF, nous emmènent tranquillement vers la grande panne. C’est le talon d’Achille de ces orientations : elles tournent le dos, non seulement à la justice sociale, mais tout simplement à l’efficacité et à la raison.

Michel Husson

Conseiller scientifique à Attac.

(1) 3 octobre 2003

(2) François Soult, EDF, chronique d’un désastre inéluctable, Calmann-Lévy, 2003.

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