Journées Observatoires SNES 29 – 30 juin, 2006 Langues vivantes : principaux changements
Le CECRL
Les langues vivantes sont un terrain d’expérimentation pour le MEN .Le nouveau plan LV sera appliqué à la rentrée 2006. Il se traduira notamment par la mise en place du Cadre européen commun de référence en langues (CECRL), dont les collègues de collège sentiront les effets immédiatement car les nouveaux programmes de Palier 1 (niveau A1) entrent en vigueur. Au départ, le CECRL a été conçu par le Conseil de l’Europe comme un outil d’évaluation, une manière d’harmoniser l’enseignement des LVE partout en Europe. Le Cadre propose différents niveaux (A1, A2 ,B1, B2,..)qui correspondent à différentes étapes de l’apprentissage. La déclinaison de ces niveaux se fait autour de cinq compétences, car à la place de la simple expression orale on distingue désormais la prise de parole en continu et l’interaction orale (prendre part à une conversation). Il est à regretter que les objectifs culturels spécifiques à chaque langue n’apparaissent pas dans les grilles du CECRL, dont les objectifs sont purement linguistiques. Cet aspect fondamental de notre métier - l’ouverture culturelle dans la formation de futurs citoyens - est complètement mis à l’écart en faveur d’une logique professionnalisante. La circulaire du 31 mai 2006
1essaie de rectifier le tir (« les contenus culturels constituent une entrée privilégiée dans la manière d’aborder les apprentissages »), mais les références à ces contenus culturels dans le CECRL sont très vagues, par exemple, une liste des traits distinctifs d’une société européenne
2. On peut craindre que les descripteurs du CECRL soient utilisés de manière utilitariste par de futurs employeurs qui exigeront tel ou tel niveau pour accéder à une formation ou à un poste. Dans les réunions d’information (hélas, ponctuelles, superficielles et loin des vraies formations dont nos collègues ont besoin) auxquelles certains de nos collègues ont été conviés, les IPR présentent avec zèle le CECRL comme solution à tous les maux du système français. L’accent est mis sur l’évaluation positive, en fonction des besoins des élèves. C’est dans la mise en place du CECRL que l’on voit des dangers potentiels, notamment dans la préconisation de groupes de compétence et la délivrance de certificats correspondant aux divers niveaux par des organismes privés ou semi-privés.
Groupes de compétence : collèges et lycées sont concernés.
C’est dans le décret d’août 2005 que les groupes de compétence sont mentionnés pour la première fois : « Les enseignements de langues vivantes étrangères peuvent être dispensés en groupes de compétences, indépendamment des classes ou divisions. »
3Outre le fait que l’éclatement des compétences linguistiques est un non-sens pédagogique, nous craignons que de tels groupes se transforment vite en groupes de niveau (peu motivants pour les groupes ‘faibles’), et que leur mise en place selon les conditions stipulées dans la circulaire, c’est-à-dire qu’un élève puisse passer d’un groupe à l’autre en cours d’année une fois la compétence en question atteinte, pose d’énormes problèmes et pour les équipes pédagogiques (qui devront faire passer et corriger des évaluations permettant aux élèves de changer de groupe) et pour l’administration (difficultés d’alignement d’emplois du temps…). Mais le Ministère persiste et signe : dans la circulaire de rentrée 2006, on lit au sujet des groupes de compétence qu’ « il convient désormais de les installer dans un nombre plus important d’établissements. […]Il convient de faire connaître et de développer de manière significative ces modes d’organisation pédagogique. »
4Dans la circulaire de mai 2006, le MEN semble plus nuancé en admettant qu’à l’école primaire ainsi qu’au collège, « le regroupement des
1
Circulaire No. 2006-093 du 31-5-2006, publiée au B.O. no. 23 du 8 juin, 2006.
2
Conseil de l’Europe, Cadre européen commun de référence pour les langues, Didier, 2005, pp. 82-83.
3
Décret no. 2005-1011 du 22 août 2005, publié au B.O. no. 31 du 1
erseptembre 2005.
4
Circulaire No. 2006-051 du 27 mars 2006, publiée au B.O. no. 13 du 31 mars, 2006.
élèves peut se faire sur la base de la classe ». Ne soyons pas dupes : la logique louable du CECRL de tirer l’enseignement des langues vers le haut se trouve confrontée en France à une autre logique, plus pernicieuse celle-là, qui consiste à éclater le groupe classe afin de faire des économies par la mise en place des groupes de compétence et l’uniformisation des pratiques pédagogiques des professeurs des LVE. De plus ,au collège, nous voyons déjà que nous allons vers une école à deux vitesses. Les élèves qui suivront l’enseignement du socle commun auront comme objectif le niveau A2 du CECRL, alors que l’objectif pour les autres à la fin de la 3
esera le niveau B1 (qui sera nécessaire pour accéder au lycée).
Certifications.
Les épreuves de LVE au baccalauréat auront-elles une utilité, voire une légitimité face à la mondialisation du marché de travail, d’ici cinq ou dix ans ? A en croire le Ministère, on peut avoir des doutes. La circulaire d’août 2005 précise qu’ « A compter de la rentrée 2007, une possibilité de certification en langues vivantes étrangères, gratuite et reconnue, calée sur le cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) sera offerte aux élèves au cours de leur scolarité. La certification sera conçue en étroite relation avec un organisme international reconnu, choisi à cet effet pour chaque langue. ».
5Cette certification a été expérimentée en allemand cette année dans 500 collèges et lycées de France. Les élèves de 3
eont eu la possibilité de passer une certification correspondant au niveau A2 du cadre, et les élèves de 2
ndeune certification correspondant au niveau B1. Les épreuves ont été rédigées par le Goethe-Institut et validées par des inspecteurs d’allemand.
Les enseignants d’allemand ont été obligés de faire passer ces épreuves et de les corriger sans rémunération. En 2007 il est prévu d’étendre cette certification à d’autres langues, les épreuves d’anglais étant rédigées en toute probabilité par l’organisme Cambridge ESOL (English for Speakers of Other Languages), et les épreuves d’espagnol par l’Instituto Cervantes. A terme, on craint qu’elle soit étendue à d’autres niveaux aussi, notamment au niveau B2 à la fin de la Terminale, rendant ainsi les épreuves de LVE au bac caduques. Le CECRL devient ainsi la seule référence en matière d’enseignement des LVE (aux dépens des programmes nationaux ?), et il y a une introduction en catimini d’organismes privés (ou semi-privés) dans le système français de certification en LVE : nous avons toutes les raisons de rester vigilants !
Bruno Auer
Thérèse Jamet-Madec
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