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Submitted on 1 Jan 1965
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Symétrie des interactions fortes
C. Itzykson, M. Jacob
To cite this version:
C. Itzykson, M. Jacob. Symétrie des interactions fortes. Journal de Physique, 1965, 26 (4), pp.199-216.
�10.1051/jphys:01965002604019900�. �jpa-00205952�
199.
MISE AU POINT
SYMÉTRIE DES INTERACTIONS FORTES Par C. ITZYKSON (1) et M. JACOB (1),
Stanford Linear Accelerator Center, Stanford, California
Résumé. - Nous présentons les recherches récentes concernant les propriétés de symétrie
des interactions fortes. Les idées générales sont introduites d’une manière très simple en
débutant par un bref rappel de propriétés bien connues comme l’indépendance de charge et la
notion de spin isotonique, et en généralisant le plus possible. Le modèle de l’octet de la symétrie
unitaire est introduit après une section consacrée aux algèbres de Lie. Les données expérimentales, multiplets, masses, sections efficaces sont ensuite comparées aux prédictions de la théorie. Les
hypothèses concernant la structure des courants électromagnétique et faible associés aux parti-
cules à interactions fortes sont brièvement présentées. Nous mentionnons finalement certaines
généralisations à des symétries plus vastes et en particulier l’introduction du groupe SU6. Nous indiquons par ailleurs quelques méthodes générales permettant d’étudier les propriétés des groupes rencontrés.
Abstract. - We review recent developments in strong interaction symmetries. We have
tried to emphasize a simple approach starting from very well known facts such as charge indepen-
dance and isotopic spin. We then present unitary symmetry after a short introduction to the
language of Lie Algebras. The experimental data, on masses, multiplets, scattering cross sections
are confronted with the theory. We briefly indicate certain hypothesis concerning the structure of
electromagnetic and weak currents of strongly interacting particles. Finally we mention some generalizations to higher groups and in particular the SU6 symmetry. We have also tried to sketch general methods to study the properties of the groups involved.
LE PHYSIQUE 26, 1965,
I. Introduction.
-Presenter une mise au point sur
un domaine de la physique en plein d6veloppement
est une tache delicate. Il est difficile de d6gager
1’essentiel et ais6 de negliger certains aspects qui peuvent s’av6rer int6ressants par la suite. Les succès rencontr6s par l’application de la th6orie des groupes
a l’étude des particules a interactions fortes suscitent
cependant A 1’heure actuelle un tel intérêt qu’un expose sur ce sujet peut etre utile meme s’il est condamn6;k parattre mal equilibre d’ici quelque temps.
Le nombre des particules, qu’on appelait encore
r6cemment elementaires, s’est demesurement accru dans les dernieres annees. Le fait qu’on puisse aujour-
d’hui rassembler 18 baryons dans un meme multiplet,
et dans un autre 17 mesons, donne ais6ment une idee des chiffres atteints depuis la decouverte des premieres particules etranges. II serait d6jA trop long dans le
cadre de cet expose d’en dresser une liste complete
et nous renvoyons le lecteur a Particle de Rosenfeld [1]
ou elles sont presentees en detail. L’examen des donnees ainsi accumul6es fait ressortir des regularites remarquables. Plusieurs particules de meme spin et
meme parite, mais de charge et d’etrangete différentes,
se presentent ainsi avec des masses voisines et des
interactions fortes similaires. Une telle famille d’etats
quantiques peut resulter d’interactions fortes admet- tant un groupe d’invariance dont chaque multiplet
(1) Adresse permanente : Service de Physique Theorique, saday, B. P. n° 2, Gif-sur-Yvette, Seine-et-Oise, France.
correspond a une representation irreductible [2]. Les particules d’un meme multiplet sont identiques pour les interactions qui ob6issent au groupe d’invariance mais se diff6rencient n6anmoins par l’intermédiaire de forces qui distinguent I’ étrangeté et la charge. Ces
forces 6tant relativement faibles, ne brisent cependant
pas enti6rement l’unit6 du multiplet. On ramene aussi
un grand nombre de particules a un petit nombre de multiplets.
L’existence d’un groupe d’invariance est une pro-
pri6t6 extremement importante. Les dimensions des
representations irr6ductibles ont des valeurs bien d6termin6es. La comparaison avec les ensembles de
particules effectivement d6couvertes peut permettre
de d6celer ce groupe et de prevoir 1’existence de
nouveaux 6tats quantiques en compl6tant des multi- plets ébauchés. L’invariance des interactions fortes par rapport aux transformations du groupe permet simul-
tanement de prevoir des relations entre les amplitudes
de reaction associ6es a toutes les particules d’un
meme multiplet.
La d6couverte de ces dernieis doit 6tre considérée
comme tout a fait remarquable. Dans de nombreux
domaines une grande symetrie ne peut apparaitre que dans le cadre d’un theorie ddtaill6e. L’61ectron et le meson u sont ainsi des particules identiques vis-A,vis
de toutes leurs interactions, électromagnétiques et faibles, mais cette identite n’apparaf t que dans le cadre de la theorie des champs. Une description naive de leurs
interactions les rendrait tr6s diff6rents. Pour les parti-
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphys:01965002604019900
cules A interactions fortes, ou hadrons, au contraire,
aucune theorie n’est encore capable de rendre compte
de fagon satisfaisante de leur dynamique, mais l’iden-
tit6 entre particules semble apparaitre dans le grou-
pement des masses et dans la similitude des reactions observ6es. La theorie des groupes a pu ainsi s’introduire
avec succ6s dans le domaine des particules a interac-
tions fortes, même en 1’absence d’une connaissance
precise de leurs interactions.
Le but de cet article est de montrer comment l’on
peut d6duire les consequences principales d’un groupe de symetrie et d’illustrer, en pr6sentant bri6vement un
grand nombre des particules r6cemment decouvertes,
le mod6le de l’octet de la symetrie unitaire [3]. I1
semble a 1’heure actuelle le mieux adapt6 a 1’6tude des interactions fortes. De fagon a ce que cet expose puisse aussi servir de base pour la lecture de travaux r6cents consacr6s a ce sujet, nous avons rassemble
quelques résultats- importants de theorie des groupes qui sont couramment utilises. Pour donner une base intuitive a de nombreux resultats cites sans d6mons-
tration, nous commençons par une etude de 1’inde-
pendance de charge qui est associee au groupe d’inva- riance S U2. Ces resultats sont ensuite generalises a des
groupes plus vastes et la troisi6me section rassemble
quelques propri6t6s des algebres de Lie. Nous les illustrons par 1’exemple de S U 3. Cette section n’a
aucune pr6tention mathématique et nous renvoyons le lecteur soucieux d’une presentation plus complete à
1’excellent expose de Racah [4]. Dans la quatrieme
section nous d6veloppons le modele de l’octet de S U3.
Nous indiquons comment les hadrons se classent en multiplets de symetrie unitaire. Dans la einqui6me
section nous indiquons comment on peut effectivement construire les differentes representations d’un groupe unitaire et d6comp?ser le produit de plusieurs repre-
sentations. Ici aussi nous n’avons fait que rassembler des resultats utiles pour les sections suivantes et
frdquemment employes dans la litterature. Une pr6sen-
tation rigoureuse peut etre trouv6e dans le livre de
Weyl « Classical Groups D [5]. Dans la sixieme section,
nous appliquons la symetrie unitaire a 1’etude des reactions. La septi6me section est consaer6e aux
« formules de masse» qui relient les masses des membres d’un meme multiplet en supposant que les violations de la symetrie sont dues a des interactions
qui différencient les 6tats d’etrangete mais qui sont
nettement plus faibles que les interactions invariantes par S U3. Le succ6s de ces formules de masse, bien
qu’encore difficilement comprehensible, est tout a fait
remarquable. La huiti6me section montre comment
les courants électromagnétiques et les courants faibles
semblent avoir une structure tres simple yis-A-vis de
la symetrie unitaire. Nous donnons les relations entre moments magn6tiques et entre masses qui en resultent.
,8 U 3, groupe due symetrie interne, est totalement dissgci6 des propri6t6s des particules vis-A-vis des
transformations du groupe de Lorentz. Les particules
d’un meme multiplet ont meme spin et meme parite
et ne doivent leurs differences de masse qu’aux viola-
tions de la symetrie.
Il semble meme au’une propriete d’invariance plus
vaste soit uresente, des multiplets différents montrant des analogies que S U3 seul ne prevoit pas. Les octets et singulets de mesons vecteurs et pseudo-scalaires peuvent ainsi etre respectivement rassemblés dans un
meme multiplet d’un groupe plus large. Nous montrons
brievement dans la neuvieme section les consequences
d’une telle symétrie. Cette section est avant tout consaer6e a un d6veloppement qui semble tres int6-
ressant a l’heure actuelle ou le spin est traite sur le
meme pied que les variables internes, spin isotopique
et 6tranget6. Les multiplets rassemblent alors des
particules de spin différents. Nous essayons d’en
presenter les resultats les plus marquants tout en esquissant les nombreux probl6mes qui se posent
encore.
Au cours de cet expose nous avons fait grand usage de notes en bas de page. Certaines donnent quelques complements sur les propri6t6s des groupes utilises.
Le lecteur soucieux avant tout de connaitre les resultats du modele de l’octet peut les passer entierement.
D’autres rassemblent quelques propri6t6s des parti-
cules class6es dans les multiplets.
Nous esp6rons que ces quelques pages, qui b6n6-
ficient des r6centes confirmations de la symetrie
unitaire présentent un panorama assez complet de
1’etat actuel de la question [6].
II. Ind6pendance de charge.
-La premiere sym4-
trie interne a etre introduite en physique nuel6aire,
fut l’ind6pendance de charge [7]. Elle trouve son origine dans la grande ressemblance entre le proton
et le neutron, dont les propri6t6s électromagnétiques
et la 16g6re difference de masse paraissent n6gligeable
dans 1’etude de leurs interactions fortes. L’indepen-
dance de charge s’exprime tres simplement dans le
formalisme du spin isotopique introduit par
Heisenberg. Le proton et le neutron sont consid6r6s
comme deux etats d’une meme particule, le nucléon, auquel on associe une observable T3, pouvant prendre
deux valeurs (± 1/2 par exemple). Par analogie ,avec
le spin cette observable est consid6r6e comme une
composante d’un opérateur vectoriel appele spin isoto- pique. La charge Q et T3 sont relies par
Les 6tats du nucleon sont repr6sent6s par des
spineurs dans un espace appele espace des charges.
Proton et neutron se transforment entre eux par
« rotation » dans cet espace. Si l’on n6glige les inte-
ractions électromagnétiques et la difference de masse
neutron proton, un systeme de nuel6ons sans inte- raction est invariant lorsque l’on transforme ses
protons en neutrons et vice versa au cours d’une telle rotation. Son impulsion et son energie restent les
memes. Ceci est aussi vrai d’une transformation qui change proton et neutron en deux combinaisons lin6aires des 6tats proton et neutron. Elle doit cepen- dant conserver la norme des 6tats et par consequent
etre unitaire. C’est le cas d’une ( rotation )) dans
l’espace des charges.
En d’autres termes, le Lagrangien libre du systeme
de nucleons
est invariant par toute transformation unitaire
dans la mesure ou l’on peut negliger la diff6rence de
masse m2 - MI (2).
Chaque transformation est representee par une matrice unitaire 2 x 2, U. Ces matrices forment un
groupe, le groupe unitaire U2. Elles realisent en fait
une representation a deux dimensions de ce groupe.
L’identit6 du proton et du neutron est ainsi traduite par une propriete d’invariance par rapport a un groupe de transformations unitaires. On pr6f6re exclure
de ce groupe une transformation particulierement simple, qui est la meme pour le proton et le neutron,
et qui, d’apres la propriete d’unitarit6, ne peut etre
que la multiplication par une phase commune, ou transformation de jauge. Une matrice unitaire U
pouvant s’ecrire :
of Q est une phase r6elle et U une matrice unitaire unimodulaire (de determinant 1), on ne considere en
fait que les transformations unitaires unimodu- laires (3). Ces transformations forment un groupe
appel6 S U2. L’invariance par rapport aux transfor-
mations de jauge correspond a la conservation du nombre. de nucl6ons. C’est une propriete supposee
entierement dissoci6e de l’ind6pendance de charge.
L’invariance par rapport aux transformations unitaires
unimodulaires particulieres correspondant a la multi- plication par deux phases opposees des 6tats proton
et neutron entraine la conservation de la charge [8].
Elles sont repr6sent6es par les matrices du type
exp KpT’3. L’invariance par rapport a toute autre transformation de S U2 traduit l’identit6 entre proton
et neutron. C’est la symetrie la plus vaste que l’on
puisse observer lorsque les nucleons interagissent.
Toute symetrie r6siduelle doit en fait correspondre
a l’invariance par rapport a un sous-groupe de S U2
comme, par exemple, le groupe des rotations autour de 1’axe 3. C’est, nous 1’avons vu la seule invariance
possible lorsqu’on tient compte des propri6t6s électro- magn6tiques (4).
Le grand intérêt de S U 2 est qu’il repr6sente encore
un groupe d’invariance pour un systeme de nucleons en
interactions si l’on n6glige les forces electromagnetiques.
En d’autres termes non seulement le Lagrangien
libre (2) mais aussi les termes d’interactions sont invariants par S U2. Le processus fondamental dans 1’interaction entre nucl6ons 6tant 1’6mission et l’absorp-
tion d’un meson par un nucleon il est n6cessaire que le terme correspondant
(2) Rappelons que cette difference de masse est de 1,293 MeV tandis que la masse moyenne des nucleons est 939 MeV.
(3) 11 est clair que cette factorisation n’est pas unique.
Connaissant U, %Lest d6fini au signe pres dans le cas de U2 2
et dans le cas de Un a une racine n-ieme de 1’unite pres.
(4) SU2 et 03 (le groupe des rotations a trois dimensions)
ont en fait les memes propri6t6s infinitesimales (la meme algebre de Lie comme nous le verrons plus loin). Toutes les propri6t6s bien connues du groupe des rotations a trois
dimensions s’appliquent. SU2 et 03 se différencient cepen- dant par. des operations discr6tes. Une rotation de 2n
correspond a la multiplication par 1 pour 03, par - 1 pour
SU2. Les dimensions des representations de SU2 prennent
toutes les valeurs enti6res tandis que celles de 03 ne prennent que les valeurs impaires.
se comporte comme un scalaire selon S U 2. (Dk est un champ hermitique d6crivant, suivant l’indice k, les
mesons neutres ou les combinaisons lin6aires n+ + n-
de mesons charg6s. Le terme d’interaction (4) n’est
invariant par S U2 que si les produits 03C8i 4Yk peuvent
etre contractes avec Wj pour donner un scalaire. La combinaison retenue EOjik Ti 4)k doit donc se trans- former comme un spineur selon S U2 et pour cela 0 doit se transformer comme un vecteur ou comme un scalaire.
Les deux cas existent. Les mesons 7r forment un
vecteur de spin isotopique. Les trois 6tats de charge correspondent aux trois valeurs propres de T3. Pour
un méson 7t
On generalise (1) en ecrivant
of N repr6sente Ie nombre baryonique. Le meson , est
un scalaire de spin isotopique. L’indépendance de charge implique done que le terme d’interaction (4)
s’ecrit :
4$k (k = 1, 2, 3) repr6sente le champ des mesons 7t.
4Yo celui du meson . Les matrices de Pauli -ck intro-
duites ont la forme habituelle
11 en r6sulte que l’independance de charge entraine
des rapports bien d6finis entre le couplage des.mesons n
charges et neutre mais ne dit absolument rien sur le
rapport entre g et go.
Si Gabc désigne la constante dc couplage associ6e
au processus b + c 4’1 a, on obtient ainsi :
De meme l’ind6pendance de charge conduit a de
nombreuses relations .entre les amplitudes de reactions qui peuvent etre vérifiées experimentalement. Si les
forces entre deux particules sont invariantes par SU2
il n’y a qu’une amplitude de diffusion pour chaque representation irreductible obtenue a. partir du prpduit
direct des deux representations associ6es aux deux particules. L’amplitude de diffusion depend en general
du spin isotopique total (la dimension çle-Ia repr6sen- tation) mais ne peut d6pendre d’une de ses compo- sante, si ce n’est pas par rintermediaire de coefficients de Clebsch-Gordan qui n’ont,. rien ; a. voir avec. les proprietes dynamiques.
Le systeme n-nuc]éon, par exemple (triplet et doublet), possede six 6tats de charge. 11 est bien connu cependant que le produit, 3 @ 2 de S U2 se decompose
en un quadruplet (spin isofopique 3/2) et uh doublet (spin isotopique 1/21. Ceci s’ecrit
11 y a deux amplitudes de diffusion indépendantes, correspondant aux valeurs-3/2 et 1/2 du-spin isotopique total, pour d6crire 1’ensemble des huit reactions de
.