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La justice militaire en temps de paix : L’activité judiciaire du conseil de guerre de Tours (1875-1913)

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La justice militaire en temps de paix : L’activité judiciaire du conseil de guerre de Tours (1875-1913)

Boris Battais

To cite this version:

Boris Battais. La justice militaire en temps de paix : L’activité judiciaire du conseil de guerre de Tours (1875-1913). Histoire. Université d’Angers, 2015. Français. �NNT : 2015ANGE0033�. �tel-01475756�

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Boris BATTAIS

Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Docteur de l’Université d’Angers

sous le label de L’Université Nantes Angers Le Mans

École doctorale :Sociétés, Cultures, Échanges Discipline : Histoire

Spécialité : Histoire contemporaine

Unité de recherche : CERHIO Angers UMR CNRS 6258 Soutenue le 10 décembre 2015

Thèse N° : 24795

La justice militaire en temps de paix

L’activité judiciaire du conseil de guerre de Tours (1875-1913) VOLUME 1

JURY

Rapporteurs : Xavier ROUSSEAUX, Professeur, Université Catholique de Louvain

Odile ROYNETTE, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté Examinateur : Frédéric CHAUVAUD, Professeur, Université de Poitiers

Directeur de Thèse : Yves DENÉCHÈRE, Professeur, Université d’Angers Co-encadrant : Éric PIERRE, Maître de conférences, Université d’Angers

(3)

L’auteur du présent document vous autorise à le partager, reproduire,

distribuer et communiquer selonles conditions suivantes :

- Vous devez le citer en l’attribuant de la manière indiquée par l’auteur (mais pas d’une manière qui suggérerait qu’il approuve votre utilisation de l’œuvre).

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Consulter la licence creative commons complète en français : http://creativecommons.org/licences/by-nc-nd/2.0/fr/

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ENGAGEMENT DE NON PLAGIAT

Je, soussigné(e) Boris Battais

déclare être pleinement conscient(e) que le plagiat de documents ou d’une partie d’un document publiée sur toutes formes de support, y compris l’internet, constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée.

En conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées pour écrire ce rapport ou mémoire.

signé par l'étudiant(e) le 05 / 10 / 2015

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Thèse de doctorat

Boris BATTAIS

Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Docteur de l’Université d’Angers

sous le label de L’Université Nantes Angers Le Mans

École doctorale : Sociétés, Cultures, Échanges Discipline : Histoire

Spécialité : Histoire contemporaine

Unité de recherche : CERHIO Angers UMR CNRS 6258 Soutenue le 10 décembre 2015

Thèse N° : 24795

La justice militaire en temps de paix

L’activité judiciaire du conseil de guerre de Tours (1875-1913)

VOLUME 1

JURY

Rapporteurs : Xavier ROUSSEAUX, Professeur, Université Catholique de Louvain

Odile ROYNETTE, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté

Examinateur : Frédéric CHAUVAUD, Professeur, Université de Poitiers Directeur de Thèse : Yves DENÉCHÈRE, Professeur, Université d’Angers Co-encadrant : Éric PIERRE, Maître de conférences, Université d’Angers

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Remerciements

Je tiens tout d'abord à remercier Éric Pierre qui, après m'avoir proposé de m'engager sur le terrain de la justice militaire, m'a accompagné, conseillé et encouragé de façon constante tout au long de ces années de recherche. Merci à Yves Denéchère, qui a accepté d’inscrire ce travail sous sa direction.

Mes remerciements vont également à Jacques-Guy Petit et Xavier Rousseaux, membres du comité de suivi de thèse, pour l'intérêt qu'ils ont porté à mes travaux.

Remerciements aussi à Jean-François Tanguy qui m'a transmis et permis d'utiliser sa très riche communication sur les fonds du conseil de guerre de Rennes faite en 2005 à l'occasion du séminaire de recherche « Les justices militaires en Europe de l’ancien Régime à nos jours ».

Ce travail n'aurait pas non plus pu être mené sans la disponibilité et l'efficacité des personnels des Archives départementales d'Indre-et-Loire à Tours et du Service historique de la Défense à Vincennes.

Enfin, et avec une mention particulière à Emmanuelle, je remercie aussi

chaleureusement tous mes proches, famille et amis, pour leurs contributions diverses à

ce travail.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION...p. 1 Chapitre 1 – HISTORIQUE, CODE DE JUSTICE MILITAIRE ET COMPÉTENCE PERSONNELLE...p. 21 I- Aperçu historique et législatif de la justice militaire (1789-1857)...p. 22 A- La justice militaire pendant la Révolution : entre instabilités et tâtonnements...p. 22 B- La loi du 13 brumaire an V et la création des conseils de guerre permanents...p. 28 C- Vers le code de justice militaire de 1857...p. 31 II- Le code de justice militaire de 1857 ou la justice militaire comme garantie de l'autonomie de l'armée...p. 41 A- L'armée en République, un monde à part ?...p. 45 B- Les conseils de guerre et les armées permanentes : des vestiges de la réaction à supprimer ?....p. 51 C- Du maintien des tribunaux militaires et du partage de compétence...p. 62 III- Réformer la compétence des conseils de guerre : entre tentatives et échecs (1898-1913)...p. 68 A- Un partage de compétence rendu très délicat par les désaccords sur la définition d'une infraction militaire...p. 69 B- Le projet de loi de 1907 du cabinet Clemenceau : suppression ou réforme ?...p. 74 Chapitre 2 - L’INSTRUCTION...p. 82 I- Les ressorts d'« une justice dans l'urgence » ...p. 82 A- Les deux phases de la procédure prévue par le code de justice militaire...p. 82 B- Entre dépendances et incompétences, une organisation de l'instruction largement critiquée...p. 85 II- Les grands axes de la réforme de l'instruction...p. 97 A- Donner davantage de garanties à la défense...p. 98 B- Le contrôle de l'instruction et la question de la création d'une Chambre des mises en accusation pour la justice militaire...p. 102 C- La création d'un corps de magistrats militaires ?...p. 105 III- Ordre de mise en jugement ou ordonnance de non-lieu ? Second « filtre » et véritable révéla - teur social...p. 109 A- Les dysfonctionnements administratifs...p. 111 B- Le profil des prévenus...p. 112 C- La nature de l'infraction...p. 131 Chapitre 3 – PRÉVENUS ET INFRACTIONS JUGÉS PAR LE CONSEIL DE GUERRE DE TOURS (1875-1913)...p. 144 I- Portrait général des prévenus...p. 146 A- Appelés et engagés, des prévenus jeunes...p. 146 B- … et issus du rang...p. 150 C- Des prévenus issus, pour beaucoup, des couches sociales inférieures...p. 153 D- Les origines géographiques des prévenus comme reflet d'un recrutement de plus en plus régional...p. 154 II- Les infractions poursuivies...p. 155 A– La justice militaire comme « complément des moyens de discipline »...p. 156 B- Une inégale répression selon les catégories d'infractions...p. 161 C- Aperçu statistique général des infractions poursuivies...p. 164 Chapitre 4 – À L'AUDIENCE...p. 175 I- La procédure lors de l’audience...p. 175 A- L'organisation générale prévue par le code de justice militaire de 1857...p. 175 B- Se défendre et être défendu devant le conseil de guerre...p. 184 C- La question du jugement et du délibéré...p. 191 II- Composition du conseil de guerre...p. 195 A- La procédure de désignation des membres du conseil de guerre...p. 195 B- Être jugé par ses chefs et non par ses pairs...p. 197 C- La composition du conseil de guerre de Tours : statistiques, réalités et dimension budgétaire..p. 200 D- Une critique constante : la question de la (non) formation juridique des membres des conseils de guerre...p. 203 III- La question de l'appel et du recours...p. 212

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B- Les recours et les pourvois formés contre les jugements du conseil de guerre de Tours...p. 216 C- L’impossible appel ?...p. 219 Chapitre 5 - LES PEINES ET LEUR EXÉCUTION...p. 226 I– Un code de justice militaire et des pénalités anachroniques...p. 226 A- Les peines prévues par le code de justice militaire...p. 226 B- Des pénalités militaires au coeur de « l'effort réformiste »...p. 231 II- Les peines prononcées par le conseil de guerre de Tours et leur exécution (1875-1913)...p. 236 A- Le traitement des infractions non prévues par le code de justice militaire...p.237 B- Le traitement des atteintes à la discipline...p. 257 C- Le traitement de l'insoumission et de la désertion...p. 285 D- Le traitement du vol militaire...p. 305 CONCLUSION...p. 313

Table des tableaux...p. 323 Table des graphiques...p. 326 Sources manuscrites...p. 327 Sources imprimées...p. 337 Bibliographie...p. 340 Table de matières...p. 348 Annexes... Volume 2

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INTRODUCTION

La justice militaire constitue un champ historique encore peu exploré, y compris par les spécialistes qui pourtant, depuis maintenant plusieurs décennies, se penchent sur l’histoire de la justice en France. Si l'historien peut compter sur des articles et des études relativement récentes, force est de constater l’ampleur des recherches encore à mener et le fait que, dans l'ensemble, « une histoire de la justice militaire reste à faire pour l’époque contemporaine »

1

.

Depuis 2005, le séminaire de recherche « Les justices militaires en Europe de l’ancien Régime à nos jours », sous la direction de René Lévy (CESDIP et GERN), témoigne de la prise de conscience de cet état de fait et de l'intérêt actuel des historiens pour la question. S'inscrivant dans le cadre du programme scientifique « Histoire de la prison du Cherche-midi » (Maison des Sciences de l'Homme) et cherchant à dynamiser les recherches dans une perspective internationale, il a donné lieu en 2013 à une publication consacrée aux Justices militaires et guerres mondiales

2

. La variété des approches, des périodes ou des espaces étudiés ainsi que les multiples pistes évoquées témoignent d'une actualité historiographique réelle

3

, d'autant que les recherches sur la justice militaire peuvent aussi embrasser d'autres champs que l'histoire de la justice.

Comme le soulignaient aussi, en 2010, les organisateurs du colloque « De l'histoire militaire aux études de défense et aux politiques de sécurité des années 1960 à nos jours », l'histoire militaire a connu ces dernières décennies des bouleversements historiographiques profonds et majeurs. Ils rappelaient qu'il n'est bien sûr plus question de l'aborder sous l'angle classique de l'histoire-bataille, les études sur la défense ou les politiques de sécurité étant privilégiées et les thèmes de recherche s'étant largement diversifiés. Les renouvellements réalisés ont aussi permis des approches en relation avec d'autres sciences humaines

4

. Les études sur la justice militaire ont bien sûr toute

1 Jean-Claude FARCY., L'Histoire de la justice française de la Révolution à nos jours : trois décennies de recherches, Paris, P.U.F., 2001, p. 214.

2 Jean-Marc BERLIÈRE, Jonas CAMPION, Luigi LACCHE et Xavier ROUSSEAUX (eds), Justices militaires et guerres mondiales. Europe 1914-1950, Military Justices and World Wars. Europe 1914- 1950, Presses Universitaires de Louvain, Louvain-la-Neuve, 2013, 424 p.

3 Nous tenons d'emblée à remercier très sincèrement M. Jean-François Tanguy qui a accepté de nous transmettre l'ensemble de la communication qu'il a faite en 2005 sur les fonds du conseil de guerre de Rennes, à l'occasion de ce séminaire.

4 Hubert HEYRIÈS (s.d.), Histoire militaire. Études de défense et politiques de sécurité des années 1960 à nos jours. Bilan historiographique et perspectives épistémologiques, Paris, Broché, collection Bibliothèque stratégique, 2012, 504 p.

(13)

leur place au sein de ce renouvellement historiographique.

Les références générales sur l’histoire militaire de la France depuis la Révolution française (Jean-Paul Bertaud, Jean-François Chanet, André Corvisier, Olivier Forcade, Jean-Charles Jauffret, William Serman) ainsi que les études concernant la conscription (et ses résistances), sont marquées par des approches variées, qu'il s'agissent d'analyses locales ou nationales. Certaines s'intéressent davantage aux aspects politiques et institutionnels, alors que d'autres se penchent sur les articulations entre comportements individuels, autorités, société et justice (Louis Bergès, Yolande Cohen, Annie Crépin, Jean Delmas, Alan Forrest, Bernard Schnapper).

De même, les travaux portant sur la justice militaire pendant la Première Guerre mondiale multiplient les angles et les objets d'étude. Qu'il s'agisse de la répression exercée par la justice militaire, de ses motivations, des peines prononcées, des erreurs judiciaires, des victimes ou bien sûr des mutins de 1917 et de leur (im)possible intégration à la mémoire nationale, ils n'ont pas manqué de susciter des débats au sein du cercle des spécialistes et parfois bien au-delà (Robert Attal, André Bach, Jean-Yves Le Naour, Nicolas Offenstadt, Guy Pédroncini, Denis Rolland, Emmanuel Saint- Fuscien, Leonard-V. Smith, Vincent Suard). Enfin, d'autres études portent sur des thèmes plus directement liés à la discipline et la justice militaire, voire aux conseils de guerre pendant la Troisième République. Si toutes ne couvrent pas notre période ou ne traitent pas la France, certaines n'en sont pas moins très intéressantes par les problématiques soulevées, les pistes méthodologiques ou les conclusions proposées.

Faisant le point sur l'origine historique des conseils de guerre, sur le contexte de leur

création, leur fondement juridique, leur compétence, les règles de procédure ou encore

leur fonctionnement, elles mettent aussi en évidence des convergences entre les justices

militaire et « civile » à la fin du XIX

e

siècle et au début du XX

e

siècle, interrogent les

catégories d'infractions retenues par les autorités militaires dans une perspective

d'histoire sociale et/ou politique, soulignent par exemple les phénomènes

d'acculturation à l'oeuvre, examinent la place de l'infrajudiciaire (André Bach, Eric

Bastin, Jean-Claude Farcy, Stanislas Horvat, Xavier Rousseaux, Odile Roynette, Axel

Tixon). Même si peu d'entre elles proposent une véritable étude des pratiques

judiciaires, notamment des conseils de guerre en temps de paix pour la période des

débuts de la III

e

République, certains de ces travaux, en particulier ceux d'Odile

Roynette, nous sont très vite apparus essentiels tant par la précision des analyses que la

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qualité des pistes de recherches ouvertes

5

. Nous aurons largement l'occasion d'y revenir.

Le choix d’étudier l’activité judiciaire du conseil de guerre de Tours en temps de paix (1875-1914) relève de motivations variées. Tout d'abord, cet objet d'étude, novateur dans le domaine de la recherche sur l’histoire de la justice, s'intègre parfaitement aux problématiques développées par le CERHIO-Université d’Angers qui privilégie l’histoire sociale et la question des régulations sociales. Ensuite, depuis la loi de création des conseils de guerre (13 Brumaire an V) et quels que soient les découpages régionaux militaires successifs, Tours demeure un quartier général de division militaire (pendant tout le XIX

e

siècle) et, en tant que tel le siège d'un conseil de guerre. Cette continuité permet d’imaginer, dans l'avenir, des comparaisons sur l'ensemble du siècle. Or, les découpages successifs du territoire national en grandes régions militaires modifient les espaces soumis à la juridiction du conseil de guerre de Tours. À la suite du décret du 27 janvier 1858, font partie de la 18

e

division militaire (dont le quartier général est à Tours) les départements de l’Indre-et-Loire, de la Sarthe, du Loir-et-Cher et de la Vienne, tandis que la loi d’organisation militaire du 24 juillet 1873, en plus de faire de Tours un des grands commandements (de corps d’armée), lui confirme le statut de quartier général d’une nouvelle et vaste région militaire (la IX

e

) regroupant l’Indre-et-Loire, le Maine-et-Loire, les Deux-Sèvres, la Vienne et l’Indre. Si une étude sur l'ensemble du XIX

e

siècle suppose bien sûr de prendre en considération ces évolutions territoriales, le nombre élevé d’affaires traitées par le conseil de guerre nous a très vite conduits à considérer comme irréalisable une telle étude dans le cadre d’une thèse. Ajoutons que le décret d’application de la loi d’organisation militaire du 24 juillet 1873, loi qui régit l’armée de la III

e

République jusqu’à la Première Guerre mondiale, est publié le 6 août 1874, d'où le choix de fait débuter notre étude en 1875.

La question d'y intégrer ou non la Grande Guerre, voire même la période d’après guerre (jusqu’à 1928, date de la suppression des conseils de guerre), s'est posée au début de nos recherches. Si la justice militaire en temps de paix est pensée pour préparer à l'état de guerre (ou de siège), les travaux déjà menés montrent que les circonstances exceptionnelles des combats ont bien sûr influencé le fonctionnement de la justice militaire dès les premières semaines du conflit, qu'il s'agisse d'ailleurs de la

5 Parmi les travaux d'Odile Roynette, son article consacré aux conseils de guerre revêt une importance particulière. Nous y ferons fréquemment référence dans le développement.

Odile ROYNETTE, « Les conseils de guerre en temps de paix entre réforme et suppression (1898- 1928) », Vingtième siècle, 73, janvier-mars 2002, p. 51-66.

(15)

nature des infractions poursuivies ou des moyens octroyés à l'armée pour régler « ses » affaires

6

. Intégrer cette période à notre étude nous est donc très vite apparu inopportun du point de vue méthodologique, statistique ou même problématique. Nous avons préféré nous concentrer sur la période antérieure - plus délaissée par les historiens - nous intéresser à la justice militaire en temps de paix, dans le contexte particulier des quatre premières décennies de la III

e

République, le tout semblant garantir davantage de cohérence.

La défaite de Sedan et la fin de l'Empire en 1870 ouvrent la voie au processus de mise en place de la III

e

République et, comme le relève Jean-François Chanet

7

, il est aujourd'hui acté que 1871 constitue une frontière entre la « vieille armée » et l' « armée nationale »

8

. Ce « désastre », qui incite de nombreux contemporains à repenser l'institution militaire française en copiant le modèle prussien, basé sur le service obligatoire, implique aussi très vite comme une nécessité absolue la constitution d'une nouvelle armée. Les lois organiques de 1872 à 1875 sont alors le fruit d'un

« compromis laborieux » et les réformes militaires ainsi que les conquêtes républicaines de la décennie 1870 permettent l'enracinement d'un lien profond entre les institutions militaires et politiques

9

. Sans redire ce que d'autres études ont très bien montré sur les débats, les enjeux ou les modalités des réformes touchant l'armée lors de la décennie 1870 et des suivantes, soulignons simplement qu'au lendemain de la défaite, trois lois viennent réorganiser l'armée française et établir les fondements de ce qu'elle sera jusqu'en 1914

10

. La loi du 27 juillet 1872 constitue un premier pas vers l'armée nationale mais elle « n’instaure pas un service militaire obligatoire et égal pour tous les jeunes gens valides », ce que regrettent les républicains favorables à la mise en place d’un service universel mais plus court dans l’armée active tandis que certains « conservateurs et des officiers (…) [demandent] un service actif d’au moins sept ans, afin de constituer une troupe quasi professionnelle »

11

. La loi fixe, « entre quantité et qualité » disent-ils, à cinq ans la durée du service dans l’armée active, à

6 Voir sur ce point :

Robert ATTAL et Denis ROLLAND, « La justice militaire en 1914 et 1915. Le cas de la 6e armée », Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, Mémoires, T.41, 1996, p. 133-158.

André BACH, Fusillés pour l'exemple, 1914-1915, Paris, Tallandier, 2013, p. 187.

7 Jean-François CHANET, Vers l'armée nouvelle. République conservatrice et réforme militaire, 1871- 1879, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, p. 12.

8 Raoul GIRARDET, La société militaire de 1815 à nos jours, Paris, Perrin, 1998, 341 p.

9 Jean-François CHANET, Op. Cit., p. 12-14.

10 Ces trois lois sont celle de 1872 sur le recrutement, celle de 1873 sur l’organisation de l’armée et enfin celle de 1875 sur les cadres de l’armée.

11 William SERMAN et Jean-Paul BERTAUD, Nouvelle Histoire militaire de la France (1789-1919), Paris, Fayard, 1998, p. 509-510.

(16)

quatre ans celui dans la réserve et onze ans celui dans la territoriale (cinq ans puis six ans dans sa réserve), soit vingt ans d’obligations militaires pour tous. Bien que le remplacement soit alors supprimé, la loi prévoit en réalité de possibles dispenses

12

. Financer l’incorporation de tout le contingent pendant cinq ans étant impossible, un tirage au sort prévoit que « les mauvais numéros font cinq ans de service », les autres n'effectuant qu'une période de six à douze mois

13

. Le principe d’universalité progresse avec la loi du 17 juillet 1889

14

. Annie Crépin a montré comment le processus à l'œuvre fait alors de la caserne la seconde école du citoyen achevant ainsi « l'intégration à la nation par un brassage géographique et social (…) rendu possible par une démocratisation des conditions du service ». Considérant la loi de juin 1889 sur la nationalité

15

et celle militaire du mois suivant, elle souligne bien que « l'acculturation, que le service [doit] achever, selon les républicains, ne se [fait] (...) plus tant autour d'une culture commune stricto sensu qu'autour de valeurs idéologiques et politiques et par la participation à une institution publique civique ». On arrive à « un nationalisme d'inclusion » tandis qu'au regard d'une armée considérée comme « la seconde école du citoyen », il semble « difficile de ne pas y inclure ceux qui [ont] fréquenté la première sans discrimination »

16

. Finalement, en organisant le service selon le principe républicain d’égalité, la loi du 21 mars 1905 s'avère être l'aboutissement du processus à l’œuvre depuis trois décennies

17

.

Raoul Girardet, notamment, a montré que « jusqu'en 1870, l'armée [demeure]

12 William Serman et Jean-Paul Bertaud précisent que le système de dispenses partielles ou totales concerne notamment les ecclésiastiques, les enseignants, certaines professions libérales ou d'autres jeunes hommes comme les soutiens de famille par exemple.

Ibid.

13 Jean DELMAS, « L'armée française au XIXe siècle : entre conscription et tirage au sort », in Maurice VAÏSSE (dir.), Aux Armes, citoyens ! Conscription et armée de métier des Grecs à nos jours, Paris, Armand Colin, 1998, p. 127.

Le général Delmas précise que « les mauvais numéros font théoriquement cinq ans de service mais, après un an, ne sont maintenus sous les drapeaux que ceux dont le nombre est déterminé par le ministre de la Guerre, en fonction des besoins et surtout des impératifs budgétaires. Car, avec cinq ans de service, si on maintenait toute la classe sous les drapeaux, on atteindrait un effectif de 800 000 hommes, ce qui serait une dépense insupportable pour les dépenses publiques ».

14 La durée du service militaire actif était réduite à trois ans et il n’y avait plus de dérogations totales. Le tirage au sort était maintenu. Les « bons numéros » n’effectuaient qu’un an de service actif alors que tous les privilégiés payaient une taxe militaire compensatoire.

15 La loi du 26 juin 1889 étend le droit du sol en donnant la nationalité française à tout individu étranger né sur le sol français et qui y réside jusqu'à sa majorité.

Citations tirées de : Annie CRÉPIN, « Conscription, citoyenneté, intégration (1818-1889) », in Maurice VAÏSSE (dir.), Aux Armes, citoyens ! Conscription et armée de métier des Grecs à nos jours, Paris, Armand Colin, 1998, p. 144-145.

16 Ibid.

17 Le service actif est ramené à deux ans tandis que toute dispense est impossible, à l'exception de quelques cas (pour raison de santé par exemple). Les années précédant la Grande Guerre voient de nouveaux débats ressurgir et le service est rallongé à trois ans en 1913.

(17)

un monde étranger à la grande majorité des Français » et que « l'expérience concrète des réalisations militaires [reste] l'apanage d'une fraction restreinte de la population »

18

. Il reste, qu'en quelques décennies, l'armée, devenue la garante de l'ordre social, est devenue un élément essentiel de la défense des régimes successifs. Dans les années 1830, « dans la lutte contre les forces révolutionnaires, dans la répression des insurrections, à Paris, à Lyon, dans la plupart des grandes villes, l'armée [est] appelée à jouer un rôle essentiel »

19

. La répression militaire contre les Canuts, menée par Thiers en 1834 (déjà !), le souligne : l'armée est un agent incontournable de la lutte des classes. Aussi les milieux conservateurs portent-ils un regard nouveau sur ce soldat qui,

« héritier redouté des traditions jacobines » après 1815, devient progressivement un acteur majeur « pour la défense du régime établi et le maintien de l'ordre social ».

L'auteur de La Société militaire de 1815 à nos jours insiste bien entendu sur « le tournant décisif » de 1848 en soulignant « l'ampleur de la panique qui [s'empare] alors de la grande masse, profondément conservatrice de la société française » qui craint

« que non seulement le régime social existant, que non seulement l'ordre établi [soient]

emportés, mais avec lui la civilisation tout entière, la morale traditionnelle, le sens et le respect de la vie humaine ». Reprenant les mots de Victor Cousin, il souligne bien comment les classes dominantes, la bourgeoisie en tête, voient alors dans l'Église

« l'ultime sauvegarde […] de l'ordre social », tandis que les militaires s'occupent de briser l'insurrection

20

. L'emphase avec laquelle Gabriel de Chénier rend hommage à l'armée témoigne non seulement de la dette des tenants de l'ordre social à l'égard de l'institution militaire mais aussi d'une volonté manifeste de la doter de véritables moyens pour assurer sa mission, notamment contre ses ennemis intérieurs :

« on ne réfléchit pas en France, et l'on oublie tout, particulièrement les services rendus à la chose publique. (…) Cette justice militaire, (…) il est vrai que l'on veut bien lui faire l'honneur de songer à elle au jour du danger, on l'appelle au secours de la société menacée et en péril, on l'invoque comme palladium de la sûreté publique, on compte alors sur son inébranlable énergie, sur le prestige de son action ferme et rapide pour étouffer l'hydre de l'insurrection sanglante (…). On la flatte, on l'exalte pendant que la tempête gronde ; mais quand elle a bravé les coups de la foudre et frappé de son glaive la tête hideuse de l'anarchie, on ne lui donne plus même un souvenir »21 .

18 Raoul GIRARDET, Op. Cit., p. 131.

19 Ibid., p. 28.

20 Ibid., p. 28-29.

21 Louis-Joseph-Gabriel CHÉNIER (de-), De la Justice militaire en Europe, Paris, Impr. de L. Martinet, 1849, p. 17-19. Il y dénonce les critiques à l'égard du décret du 3 mai 1848 relatif aux parquets militaires. Ce dernier prévoit davantage de fixité à la position des commissaires du gouvernement, rapporteurs et greffiers des conseils de guerre.

(18)

La loi sur l'état de siège du 9 août 1849, dont Chénier est l'un des rédacteurs, constitue une réponse aux journées de juin 1848 et 1849

22

. Le fait de confier à l'armée la répression des mouvements révolutionnaires est alors, en ce milieu du XIX

e

siècle, générale en Europe et comme le rappelle le colonel Ambert, cité aussi par Raoul Girardet, : « Je ne dirai pas où naissent les révolutions, je me bornerai à rappeler comment elles meurent : il suffit de citer quelques noms propres : Windischgraetz, Radetsky, Filangieri et Narvaes. Vous avez vu tour à tour, depuis peu, la France, l'Espagne, l'Autriche, la Prusse, l'Italie sauvées par les régiments ». Triomphe donc, notamment dans les milieux conservateurs, l'image d'une armée perçue comme la garante de l'Ordre et même de la civilisation contre la barbarie. « Comme le Vandale du V

e

siècle, le socialiste du XIX

e

disait : "Je veux mon rayon de soleil, je veux ta maison car je veux jouir" »

23

. L'influence grandissante des milieux conservateurs dans les cadres de l'armée à la fin du Second Empire et pendant les premières décennies de la III

e

République est un élément mis aussi en avant par Raoul Girardet et aujourd'hui bien connu. Il en résulte

« un inévitable réseau de relations mondaines et familiales, de camaraderies de collège, de liens nés d'une communauté d'origine sociale, d'éducation et de formation (…) qui (…) n'ont pu manquer de faire sentir leur influence sur toute la vie de la société militaire.

Influence d'autant plus efficace que l'on doit tenir compte du mécanisme très particulier qui jusqu'en 1899, règle l'avancement dans l'armée – mécanisme organisé de telle sorte qu'il constitue une sorte de système fermé de cooptation, échappant presque complètement à l'action des pouvoirs publics ».

Force est donc de constater que « les liens n'ont cessé de se renforcer et de se

22 Comme nous le verrons par la suite, André Bach souligne « le lien très fort qui lie la loi du 9 août 1849 à celle du 4 août 1857 qui met en oeuvre le Code de justice militaire ». Il note que parmi les juristes qui sont alors mobilisés pour la rédaction dudit code, figurent des hommes qui « ne brillaient pas pour leur tendresse envers la République et ses idéaux. Conservateurs, ils envisageaient l'existence des tribunaux militaires comme une utile nécessité pour contribuer à la répression légale des troubles. Le risque pour la société de ces troubles si redoutés rendait pertinent le fait que cette même société devait se doter de moyens pour les étouffer rapidement. Le plus célèbre de ces juristes fut Louis, Joseph, Gabriel de Chénier. Initialement avocat à la Cour royale de Paris en 1831, il devint ensuite chef du Bureau de la justice militaire au ministère de la Guerre ». André Bach liste ensuite ses ouvrages et cite un long passage de son commentaire de la loi sur l'état de siège de 1849 dont Chénier, qu'André Bach définit à juste titre comme « un défenseur de l'Ordre avec un grand O », est l'un des principaux rédacteurs.

André BACH, Op. Cit., p. 158-159.

23 Joachim AMBERT, Soldat, Paris, J. Corréard, 1854, p. 111-113.

Raoul Girardet cite d'autres passages de l'ouvrage du colonel Ambert. Il évoque cependant celui cité ici : « En Autriche et en Bohême, les troupes de Windischgraetz vont sauver la monarchie habsbourgeoise ; en Italie, le vieux maréchal Radetzky va écraser la révolte de la Lombardie ; les émeutes berlinoises, un peu plus tard, seront elles aussi étouffées sous la mitraille des soldats de Frédéric-Guillaume ».

Raoul GIRARDET, Op. Cit., p. 29.

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multiplier entre les hautes sphères de l'armée et les milieux dirigeants du monde conservateur »

24

. Il faut dire, ajoute-t-il, que l'armée devient alors, tant socialement que politiquement, « un refuge nécessaire » pour les représentants des vieilles familles frappées par « la vaste dépression qui commence à s'abattre sur toute l'économie rurale ». À partir de 1879, la « républicanisation » des grands corps d'État ne leur laisse que peu de marge et l'armée, peu touchée (au moins jusqu'au début du XX

e

siècle), leur offre donc « le débouché le plus facile et le plus attrayant, celui pour lequel on se trouve traditionnellement le mieux préparé, celui aussi qui bénéficie du prestige extérieur le plus éclatant et qui n'exige, d'autre part, à l'égard d'institutions tenues pour suspectes qu'un minimum de compromission »

25

. L’armée, « leur chose », devient naturellement, pour le camp conservateur, l'outil d'une revanche politique rêvée. « Agent essentiel de conservation sociale », « instrument décisif d'une future rénovation politique », elle « en vient à cristalliser autour d'elle toutes les aspirations de la France conservatrice. (…) Dernière institution, dernière force sociale qu'ils ont encore le sentiment de contrôler, elle seule peut leur permettre d'envisager la possibilité d'une revanche victorieuse »

26

. Rien d'étonnant donc à ce que ces milieux conservateurs restent, en particulier après 1875, farouchement attachés à ce qui constitue et doit rester, pour eux, un ilôt d'autorité et de réaction dans une France en voie de républicanisation et de démocratisation. Attachement aussi et surtout à tout ce qui garantit l'exception militaire et donc à l'autonomie complète de la justice militaire, cette dernière étant pensée et défendue comme la condition essentielle de la cohésion de l'armée et de l'autorité des chefs.

La loi de 1857 sur le code de justice militaire repose sur quatre principes fondamentaux, présentés par André Taillefer, et prévoit notamment au sujet de la compétence, une séparation entre juridictions civiles et militaires, les secondes ayant à connaître toutes les infractions commises par les militaires et les assimilés qui, seuls, en sont justiciables. Le second principe repose, nous y reviendrons largement, sur le fait qu'un inférieur ne doit pas se retrouver en situation de juger l'un de ses supérieurs.

La justice doit aussi être rapide et exemplaire, ce qui impose une procédure réduite et simplifiée. Enfin, les peines, bien que moins rigoureuses que par le passé, doivent, par leur sévérité, être exemplaires et ne pas « affaiblir ni désarmer la puissance

24 Ibid., p. 148-149.

25 Ibid., p. 149-150.

26 Ibid., p. 151.

(20)

militaire »

27

. La justice militaire, appelée à garantir, en temps de paix, la cohésion de la nouvelle armée nationale, alors en gestation, reste donc organisée après 1870, dans le cadre républicain par un héritage de l’Empire prévu pour la « vieille armée »

28

. À partir des années 1880 et surtout au moment de l'affaire Dreyfus, cette situation ne manque pas d'alimenter les débats autour des réformes à apporter à un texte considéré comme le vestige d'un temps révolu et, plus largement, à une justice militaire d'exception, parfois dénoncée comme archaïque et dépassée.

La défaite de 1870 est aussi interprétée par nombre de responsables comme un signe de dégénérescence. Consécutive d'une crise de la masculinité pour certains, la défaite nécessite une « revirilisation » de la jeunesse et une « régénération » nationale auxquelles l'institution militaire est appelée à concourir via le service militaire

29

. Mais, pour qu'une telle entreprise fonctionne, encore faut-il que la cohésion de l'institution ne soit pas remise en cause par des éléments troublants et gênants. La question du maintien de la discipline au sein de l'armée constitue une préoccupation de premier ordre et suscite bien entendu de nombreux débats. Si la discipline demeure évidemment essentielle pour le maintien de la cohésion interne, les évolutions structurelles de l'institution militaire ne sont bien évidemment pas sans incidences sur le regard qu'elle porte sur elle-même et donc sur la discipline ou encore le fonctionnement même de la justice militaire. De nombreuses questions se posent dès lors sur le sort à réserver à ceux qui, disposant de droits et de libertés dans la vie civile, participent à un service militaire défini et ressenti par les Républicains de la fin du XIX

e

siècle comme un « élément moteur » et révélateur d'une citoyenneté qu'il doit lui- même contribuer à consolider

30

.

Nous le disions plus haut, certains travaux, notamment ceux d'Odile Roynette, analysent avec précision - outre la vie dans les casernes - les débats sur la justice militaire et les conseils de guerre au cours du premier quart du XX

e

siècle. Ils posent

27 André TAILLEFER, La justice militaire dans l'armée de terre. Historique. État actuel. Organisation.

Compétence. Procédure. En France et dans les principaux pays, thèse de doctorat, Droit, Paris, L.

Larose, 1895, p. 117.

28 Le code est modifié par la loi du 18 mai 1875, puis par différentes lois à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Voir sur ce point : Humbert RICOLFI, Le Code de justice militaire du 9 mars 1928 : historique, discussion devant le Parlement, principes de la réforme, commentaires, texte de la loi, Paris, Charles-Lavauzelle, 1928, 179 p.

Voir annexe 1, p. IV.

29 Odile ROYNETTE, « La construction du masculin. De la fin du 19e siècle aux années 1930 », Vingtième siècle, 75, juillet-septembre 2002, p. 88-89.

30 Annie CRÉPIN, « Conscription, citoyenneté, intégration (1818-1889) », in VAÏSSE Maurice (dir.), Aux Armes, citoyens ! Conscription et armée de métier des Grecs à nos jours, Paris, Armand Colin, 1998, p. 143-144.

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par exemple la question de la légitimité d'une telle justice d'exception dans le cadre d'une société démocratique, a fortiori en temps de paix. Le soldat est-il « un citoyen ordinaire (...) un justiciable comme un autre » ? Les évolutions à l'oeuvre dans la justice civile sont-elles (in)applicables à la justice militaire ? Cette dernière doit-elle, et peut-elle, être considérée comme en dehors du temps qui passe ?

31

Ces travaux montrent que, dans le cadre de la mise en place d'une armée nationale, les évolutions législatives dans le champ du droit pénal militaire tendent alors à se rapprocher, avec des décalages dans le temps, de celles observées dans le champ du droit pénal ordinaire (ou civil)

32

. Dans quelle mesure peut-on donc parler, comme Axel Tixhon et Éric Bastin le font pour la Belgique d'un « processus de « civilisation » croissante de la justice militaire »

33

? Si la question de la compétence des tribunaux militaires constitue alors un enjeu majeur des débats, ceux-ci embrassent en réalité, au tournant du siècle, tous les échelons de la justice militaire (enquête de police au sein de la caserne, instruction, procès, pénalités, exécution des peines) sans oublier les questions liées par exemple aux droits de la défense (garanties procédurales, équité lors des procès, composition des conseils de guerre, place des témoins, recours, appel), au manque d'indépendance ou de culture juridique des militaires appelés à intervenir à quelque niveau que ce soit. Comment, dès lors, les différents points de réforme s'organisent-ils entre eux pour donner lieu à des projets cohérents de refonte générale de la justice militaire ? Quelles en sont les logiques, les impératifs... ou les freins (dans la mesure où aucun de ces projets n'aboutit véritablement jusqu'à la Grande Guerre) ? Mais au-

31 Ces questions sont donc déjà posées par Odile Roynette qui aborde également dans ses travaux les évolutions législatives concernant la justice militaire au tournant du siècle.

Odile ROYNETTE, « Les conseils de guerre en temps de paix entre réforme et suppression (1898- 1928) », Op. Cit., p. 51.

32 La récente thèse de sociologie de Thierry Cysique démontre que cette tendance est durable sur tout le XXe siècle. Comparant les évolutions des droits militaires en France et au Canada, il montre que

« dans les deux traditions juridiques, l'évolution du droit pénal militaire est caractérisée par une tendance sensible au rapprochement entre le droit pénal militaire et le droit pénal général, que cette tendance est régulière en temps de paix depuis un siècle et qu'elle s'est accélérée depuis une trentaine d'années ».

Thierry CYSIQUE, Les droits militaires en France et au Canada, étude sociologique de leur évolution comparée depuis un siècle, Thèse, Département de sociologie – Faculté des sciences sociales – Université de Laval – Québec, 2013, p. ii.

Concernant les lois sur le fonctionnement de la justice militaire en temps de paix, nous nous contenterons ici d'en évoquer quelques-unes sur lesquelles nous reviendrons ensuite plus en détail.

Un certain nombre de réformes introduites antérieurement dans la justice civile le sont ensuite en matière militaire : instruction contradictoire (1899), déduction de la durée de la détention préventive et extention à toutes les infractions contenues dans le code de justice militaires des circonstances atténuantes (1901), application du sursis à l'exécution de la peine (1904).

33 Axel TIXHON Axel et Éric BASTIN, « Délinquance ordinaire ou situation d'exception ? Les retombées de la guerre franco-allemande de 1870-1871 sur l'activité de l'auditorat militaire des provinces de Namur et de Luxembourg », Revue belge d'histoire contemporaine, 2006, p. 67.

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delà des débats mouvementés auxquels participent moult responsables politiques et spécialistes du droit, qu'en est-il de la pratique des conseils de guerre et du personnel militaire appelé à prendre part aux affaires (instruction, procès, exécution des peines) ? Dans le domaine, la mesure de l'intensité de la répression est bien entendu essentielle à appréhender, ce qui suppose de savoir si certaines fautes sont alors globalement priorisées et d'autres délaissées. Disons d'emblée que cette mesure de l'intensité ou de la sévérité de la répression ne peut être uniquement indexée sur le rythme des poursuites devant le conseil de guerre et qu'il est en fait indispensable de lier au rythme de ces dernières, non seulement les peines prononcées mais aussi l'exécution de celles- ci. Cela impose d'analyser les logiques de « filtres » dans la gestion des conflits, de préciser les articulations entre les voies disciplinaire et judiciaire ainsi que les moyens de régulation et d'« économie des peines »

34

, moyens qui diffèrent selon les périodes, au gré des évolutions législatives que nous évoquions plus haut. Selon les périodes et les contextes politiques et sociaux, intérieurs et extérieurs, peut-on dégager des continuités ou des ruptures dans les politiques et les stratégies pénales mises en oeuvre ? Si oui, pour quelles infractions ou quels types de prévenus, ponctuellement et particulièrement

« ciblés » ? Comment, pourquoi et avec quels effets ? La mesure de l'intensité de la répression suppose également de rechercher si, en l'absence de leviers juridiques permettant d'atténuer la rigueur de certaines peines particulièrement lourdes (et c'est globalement le cas avant le début du XX

e

siècle), les pratiques judiciaires sont marquées par des prises d'initiatives personnelles ou collectives. Là encore, cela implique d'analyser les niveaux concernés de la procédure, leur articulation et de préciser les modalités et les logiques de telles initiatives, de mesurer aussi leurs motivations, leurs proportions et leurs effets concrets. La justice militaire, en tant que justice d'exception, garante d'un monde à part, fonctionne alors aussi dans un contexte où la caserne, par l'universalisation progressive de la conscription, s'ouvre à toute la nation. Bien difficile donc, de l'imaginer rester complètement hermétique à ce qui se passe en dehors de ses murs. En quoi les débats et peurs sociales qui traversent la société française, et qui pour certaines, peuvent la menacer, résonnent-ils alors dans la justice militaire ? Sur ce point et en termes de politiques pénales, l'étude du lien et des convergences entre justices militaire et civile s'avère là aussi d'une importance

34 Emmanuel SAINT-FUSCIEN, « La justice militaire française au cours de la Première Guerre mondiale », in Jean-Marc BERLIERE, Jonas CAMPION, Luigi LACCHE et Xavier ROUSSEAUX (eds), Justices militaires et guerres mondiales, Europe 1914-1950, Military Justices and World Wars.

Europe 1914-1950, Presses Universitaires de Louvain, Louvain, 2013, p. 108.

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particulière. Quelle influence le passé judiciaire des prévenus militaires exerce-t-il sur le sort que lui réserve l'armée en cas d'infraction(s) ? Quelle place la justice militaire fait-elle à la mémoire judiciaire (civile) et quelles sont les logiques, les raisons et les conséquences de sa réactivation ? Qu'il s'agisse du traitement de la récidive, des politiques de relégation ou de préservation sociale, les logiques pénales à l'oeuvre dans la justice civile sont-elles transposées dans le champ militaire ? Cette justice d'exception qui s'abat principalement, comme nous le verrons, sur de jeunes soldats, peut-elle, et doit-elle, être finalement considérée comme une sorte de relais de la justice ordinaire dans le traitement de la délinquance ou la criminalité de la jeunesse ? L'institution militaire qui, dans son fonctionnement ou ses missions, est particulièrement génératrice de comportements violents met-elle par exemple en place des modes de gestion spécifiques dans le domaine ?

Une grande partie de notre travail a été réalisé aux Archives Départementales d’Indre-et-Loire à Tours. Ce qui frappe d'emblée l'historien qui s'intéresse à la justice militaire, c'est le contraste entre l'historiographie restreinte sur la question et la quantité d'archives disponibles dans les fonds d'un conseil de guerre comme celui de Tours

35

. Les archives des conseils de guerre ont été reversées, et c'est le cas partout en France, aux Archives départementales des villes dans lesquelles ils siégeaient. Au sein de la série R concernant les affaires et les organismes de temps de guerre (1800-1940), la très riche sous-série 2R est spécialement consacrée à l'organisation de l'armée et à la justice militaire. Regroupant des documents très variés portant par exemple sur les affaires générales, le casernement et le logement des troupes, les bâtiments et terrains militaires, les transports, les subsistances ou même... les pigeons voyageurs, elle contient des fonds sur les déserteurs, insoumis et réfractaires de l’an VII à 1870 (2R89 à 99)

36

, sur la justice militaire de l’an V à 1857 (2R101 à 105)

37

et sur le conseil de guerre de Tours de 1852 à 1940 (2R106 à 372). Ces fonds du conseil de guerre sont, pour l'essentiel, composés de registres de jugements, de dossiers de procédure et

35 Dans sa communication datant de 2005 citée plus haut, Jean-François Tanguy faisait naturellement le même constat à propos du conseil de guerre de Rennes en soulignant la quantité de traces laissées par la justice militaire et le côté « paperassier » de l'armée.

36 On trouve dans ces fonds des instructions, des pièces de correspondance, des extraits de jugements, des feuilles de signalement, des tableaux nominatifs, des registres et des recensements de réfractaires, des registres d'inscription de déserteurs, des pièces concernant les frais de justice et des états des sommes payées pour les garnisaires placés au domicile des réfractaires et déserteurs.

37 On y trouve de nombreux registres (de transcription des pièces de procédure, d'inscription des jugements), des extraits de jugements ainsi que des notifications aux familles des condamnés.

(24)

minutes de jugements. Les premiers, classés par année (notamment à partir de 1858), présentent, malgré quelques manques, une continuité certaine sur toute la deuxième moitié du XIX

e

siècle

38

. Les jugements sont référencés selon un système de double numérotation (une générale depuis la loi de 1857 et une par année), ce qui permet de retrouver le carton contenant le dossier de procédure correspondant. Si quelques registres, dont l’état matériel est inégal, sont incomplets

39

, ils fournissent toutefois des renseignements élémentaires sur les prévenus. L’article 140 du code de justice militaire est ainsi conçu :

« Le jugement fait mention de l'accomplissement de toutes les formalités prescrites par la présente section.

Il ne reproduit ni les réponses de l'accusé ni les dépositions des témoins.

Il contient les décisions rendues sur les moyens d'incompétence, les exceptions et les incidents.

Il énonce, à peine de nullité : 1° Les noms et grades des juges ;

2° Les nom, prénoms, âge, profession et domicile de l'accusé ;

3° Le crime ou le délit pour lequel l'accusé a été traduit devant le conseil de guerre ;

4° La prestation de serment des témoins ;

5°. Les réquisitions du commissaire du Gouvernement ; 6° Les questions posées, les décisions et le nombre des voix ; 7° Le texte de la loi appliquée ;

8° La publicité des séances ou la décision qui a ordonné le huis clos ; 9° La publicité de la lecture du jugement faite par le président.

Le jugement, écrit par le greffier, est signé sans désemparer par le président, les juges et le greffier ».

Outre les décisions du conseil de révision, on y trouve aussi parfois des notes de greffiers relatant le déroulement de la dégradation militaire et la lecture du jugement au condamné devant la garde rassemblée sous les armes, des notes concernant des grâces octroyées ou encore des extraits de minutes de cours d’appel mentionnant des réhabilitations de condamnés. Le nombre de dossiers constitués pour le conseil de guerre de Tours entre l’entrée en application du code de justice militaire de 1857 et la

38 Concernant les registres de jugements sur la période allant de la loi de 1857 instituant le code de justice militaire à 1914 (2R114 à 165), les fonds offrent en effet une continuité malgré des manques pour les années 1868, 1869, 1876 et 1887 auxquels il faut ajouter quelques lacunes ponctuelles comme en 1908.

Le carton 2R105 contient des extraits de jugements de conseils de guerre de toute la France et des notifications de condamnations envoyées aux familles des condamnés. Les différentes pièces ne concernent pas spécialement l'activité du conseil de guerre de Tours. Les cartons suivants (2R106 à 2R112 inclus) présentent un certain intérêt local malgré de grosses lacunes. Ils sont composés de registres et/ou de dossiers de procédure d’affaires traitées entre 1847 et 1857 par les 1er et 2e conseils de guerre de la 18e division militaire siégeant alors à Tours. S’il est cependant rare que nous disposions de fonds pour les deux conseils de guerre, il faut en plus ajouter des dossiers manquants pour certaines années. Ces fonds lacunaires ne peuvent être utilisés pour construire des données statistiques crédibles. Le carton 2R113 contient quant à lui deux répertoires des jugements, l’un pour la période de 1864 à 1873 (années incluses), l’autre pour celle d’octobre 1877 à février 1892.

39 C'est le cas pour l'année 1908.

(25)

fin de l’année 1913 s’élève, selon la numérotation évoquée plus haut, à 5 193. La base de données qualitative que nous avons constituée pour notre étude s’appuie en grande partie sur les registres complétés, dans la mesure du possible et en cas de manque, par les dossiers de procédure qui permettent bien sûr, quant à eux, une approche plus qualitative

40

. Ne pouvant pas traiter toutes les affaires entre 1875 et 1913

41

, nous avons fait le choix de recenser celles jugées par le conseil de guerre de Tours en 1875, 1878, puis tous les cinq ans

42

. Sur les 896 dossiers formés lors de ces années, nous avons pu recueillir des données sur 872 d'entre eux

43

. Pour la base de données, essentielle à une approche statistique, nous avons décidé de relever les éléments suivants : l'état civil du prévenu (nom, prénom, lieux de naissance et de résidence avant l'incorporation, profession déclarée, âge), son grade et le corps auquel il appartient, son statut (appelé, engagé ou réserviste principalement), la composition du conseil de guerre (nom, grade et corps d’origine de chaque juge et du président), le nom du défenseur de l'accusé (ainsi que son origine, son statut d’avocat ou de militaire, commis d'office ou choisi par le président), le délit ou le crime pour lequel l'accusé est poursuivi, le verdict et la peine prononcés (ainsi que les répartitions de voix), les antécédents civils et militaires de l'accusé et diverses informations sur l'exécution des peines, notamment les grâces octroyées

44

. Du point de vue méthodologique, le recueil de ces données a permis

40 Sur ce point, voir les sources manuscrites p. 327.

41 Le premier dossier de l’année 1875 porte le numéro 1395 et le dernier de l’année 1913 celui de 5193, ce qui correspond à 3 799 dossiers.

Voir p. 144-145, la répartition du nombre d’affaires par années entre 1875 et 1913.

42 Cela correspond donc aux années 1875, 1878, 1883, 1888, 1893, 1898, 1903, 1908 et 1913. Comme nous pourrons le voir dans le développement, nous avons aussi ponctuellement consulté des dossiers sur d’autres années lorsque le besoin s’en faisait sentir. A noter le cas particulier de l'insoumission.

Comme nous le verrons, les infractions susceptibles de bénéficier des circonstances atténuantes sont les plus nombreuses. L'évolution quantitative générale de ces infractions est en fait largement tributaire des poursuites pour insoumission. Pour diverses raisons sur lesquelles nous reviendrons, il est très vite apparu que la compréhension du traitement de cette infraction impliquait un relevé quantitatif année par année sur l'ensemble de la période, ce que nous avons fait.

43 Le registre pour l'année 1908 étant lacunaire, nous avons complété certaines données pour cette année avec les dossiers de procédure conservés. Nous avons ainsi récupéré des données pour 115 dossiers sur 139 constitués d'après la numérotation. Sur l'ensemble de la période, pour les 872 dossiers, nous avons aussi sept « doublons » (un en 1875, 1878, 1883, 1898, 1903 et deux en 1908).

Il s'agit d'affaires traitées en deux phases à la suite, la plupart du temps, de demandes de plus amples informés. Un dossier a été constitué lors de chaque audience. Nous disposons donc d'informations sur 865 affaires pour nos années recensées. Précisons aussi que certaines affaires mettent en scène plusieurs co-accusés. Il convient donc de bien garder en tête que le nombre d'affaires ne correspond pas au nombre de prévenus. Nous apporterons des précisions au cours du développement en fonction des besoins.

44 Voir l'exemple en annexe 2, p. VI.

Les registres sur lesquels on trouve la nature de la grâce ainsi que la date du décret sont essentiels pour appréhender la question de l’exécution des peines. Les dossiers de grâces militaires n'ont plus fait l'objet d'un classement spécial, au ministère de la Justice, depuis le Second Empire.

Renseignements pris dans les états généraux des fonds des Archives nationales (BB/23 et BB/24), les dossiers de grâces militaires concernant notre période sont fondus, aux Archives nationales, dans la

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ensuite de développer une seconde base de données. Afin de mieux sonder l'activité du conseil de guerre de Tours et l'intensité de la répression militaire, il nous est paru absolument nécessaire d' « aligner » clairement les éléments relatifs à la récurrence des chefs d'accusation poursuivis devant le conseil, les peines prononcées et les informations disponibles relatives à leur exécution (notamment les grâces octroyées).

Ce faisant, nous avons donc réparti chacune des infractions poursuivies dans trois grandes catégories : d'abord, celles non prévues par le code de justice militaire, puis celles susceptibles de bénéficier des circonstances atténuantes sur l'ensemble de la période et, enfin, celles qui ne le sont pas jusqu'en 1901. Comme nous le verrons, cela nous a permis de disposer d'informations particulièrement éclairantes sur les stratégies et les logiques répressives mises en oeuvre

45

. Tous les dossiers de procédure n'ont pas été conservés aux Archives départementales d'Indre-et-Loire. Les dossiers manquants ne sont toutefois pas légion et ceux conservés sont la plupart du temps complets.

Composés de documents d’intérêt varié et de rares pièces personnelles, ils sont a priori d’un aspect très formaté. Le fait est que, comme nous y reviendrons au cours du développement, la procédure prévue est expéditive. Si toutes les pièces suivantes ne figurent pas nécessairement dans l’ensemble des dossiers, ces derniers se composent généralement de la plainte adressée par le chef de corps au général de division commandant la division, des ordres d’informer (ouverture d’une information judiciaire) et de mise en jugement du général commandant la IX

e

région de corps d'armée, d’un

sous-série BB/24 contenant « des liasses composées aussi bien de dossiers de grâces accordées ou refusées que de grâces dites politiques ou militaires ». Il apparaît aussi, à la lecture de l'état général des fonds de cette sous-série que « les dossiers ont subi des triages sévères au XIXe siècle et au début du XXesiècle », d'où un ensemble vraisemblablement très lacunaire. Pour des raisons de temps, nous n'avons pas pu mener ces recherches qui pourraient toutefois apporter des informations qualitatives supplémentaires. Les recours formés par les condamnés à mort ont été classés à part et ont pu être consultés grâce aux inventaires index contenant une présentation sommaire des condamnés. Deux dossiers concernant le conseil de guerre de Tours entre 1875 et 1914 ont pu être consultés et reproduits. Il s'agit des dossiers de Jacques Brière et de Léon-Théophile Fortin respectivement condamnés à mort en 1875 et 1885. A vrai dire, les deux dossiers retrouvés ne sont composés que de quelques pièces seulement et offrent bien peu d'informations. A relever toutefois que les antécédents sont pris en compte pour justifier les commutations de peine et qu'on émet clairement la volonté de commuer la peine de mort de Brière en une peine de travaux forcés avec dégradation militaire pour l'exclure des rangs de l'armée.

Archives nationales, BB24/2041, dossier 5255 S75 (Jacques Brière).

Archives nationales, BB24/2060, dossier 10362 S85 (Léon-Théophile Fortin).

Voir annexe 3, p. XI.

Pour plus d'informations, consulter :

http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/pdf/sm/BB23_2007.pdf http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/pdf/sm/BB24_2007.pdf

45 Voir en annexe 4, p. XXIII.

Là encore, il convient de ne pas confondre les nombres d'affaires, de prévenus ou de chefs d'accusation. Un prévenu peut en effet par exemple être poursuivi pour plusieurs infractions différentes. Nous apporterons, sur ce point aussi, les informations nécessaires le moment venu.

(27)

état signalétique et de service de l’accusé, de son relevé des punitions (essentiel pour entrevoir son passé disciplinaire), de son casier judiciaire, des dépositions des témoins, des billets d’écrou, de divers procès-verbaux (notamment ceux des interrogatoires), des rapports des supérieurs directs (notamment l'officier de police judiciaire) et de celui du commissaire rapporteur qui résume l’affaire, des conclusions du commissaire du Gouvernement, du choix (ou de la désignation) du défenseur, parfois de quelques pièces plus personnelles (correspondances) et de rapports de gendarmerie (notamment dans les affaires de désertion et d’insoumission)

46

. Des dossiers de procédure se soldant par des non-lieux sont aussi conservés à Tours

47

. Si, aux dires du personnel des Archives départementales d'Indre-et-Loire, les fonds dont nous disposons sont incomplets, ils demeurent, du point de vue qualitatif, essentiels pour comprendre ce qui conduit (ou non) un militaire devant le conseil de guerre

48

. Les justifications explicites et implicites accompagnant la décision de non-lieu des généraux commandant la IX

e

région de corps d'armée, comme les argumentaires des rapporteurs et des commissaires du Gouvernement, révèlent notamment les « critères » expliquant le passage de la voie disciplinaire à celle judiciaire pour régler les conflits au sein de la caserne. Ce sont là des sources qui permettent non seulement d'interroger les catégories juridiques définies par le code mais aussi d'appréhender les faits dans une perspective sociale

49

.

Cet ensemble archivistique déjà très important a été complété par des sources du Service historique de la Défense. Les renseignements collectés aux Archives

46 Lors de son intervention relative au conseil de guerre de Rennes en 2005, Jean-François Tanguy faisait les mêmes constats et dressait évidemment grosso modo la même liste.

47 Archives départementales d'Indre-et-Loire, 2 R 341-367, dossiers de non-lieux (1857-1914).

48 Nous ignorons la proportion que représentent ces dossiers conservés par rapport au nombre réel de non-lieux ordonnés par les généraux commandant le corps d'armée. Compte tenu des archives disponibles et après avoir échangé avec le personnel des Archives départementales d'Indre-et-Loire, il apparaît que l'ensemble est sans doute lacunaire. Nous ignorons la quantité d'archives détruites ainsi que les logiques éventuelles d'une possible sélection. Nous ne pourrons par conséquent pas développer une analyse quantitative et statistique locale sur cette question. Nous nous en tiendrons, pour l'essentiel, à une étude qualitative, toutefois révélatrice de tendances intéressantes.

Nous avons relevé 10 dossiers d'affaires se soldant par des ordonnances de non-lieu pour l'année 1875 (2R347), 22 pour 1878 (2R348), 15 pour 1883 (2R350), 11 pour 1888 (2R351), 9 pour 1893 (2R354), 12 pour 1898 (2R356), 9 pour 1903 (2R358), 7 pour 1908 (2R359 et 2R360) et 5 pour 1913 (2R364), soit en tout 90 dossiers.

49 Des archives complémentaires ont aussi été ponctuellement consultées à Tours. Notons parmi elles, les documents concernant les informations sur l'attitude politique des officiers entre 1900 et 1913 qui témoignent certes de la présence d'éléments réactionnaires parmi le corps des officiers tourangeaux mais aussi de l'étroite surveillance dont ils font l'objet au tournant du siècle, une période marquée par l'affaire Dreyfus, les crises religieuses ou encore l'affaire des fiches. À vrai dire, s'ils peuvent s'avérer intéressants à bien des égards, leur apport est limité pour ce qui nous concerne. Comme nous le verrons, les juges amenés à siéger au sein du conseil de guerre de Tours, le sont principalement – et ce pour des raisons budgétaires - parce qu'ils font partie de régiments tourangeaux.

Archives départementales d'Indre-et-Loire, 1 M 310-314, Officiers militaires, information sur leur attitude politique (1900-1913).

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