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Academic year: 2022

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Texte intégral

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27 | 1996

Syntaxe et figuration du monde

Le vide des choses

The emptyness of things

Michèle Noailly

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/praxematique/2999 DOI : 10.4000/praxematique.2999

ISSN : 2111-5044 Éditeur

Presses universitaires de la Méditerranée Édition imprimée

Date de publication : 2 janvier 1996 Pagination : 73-90

ISSN : 0765-4944 Référence électronique

Michèle Noailly, « Le vide des choses », Cahiers de praxématique [En ligne], 27 | 1996, document 4, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 08 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/

praxematique/2999 ; DOI : https://doi.org/10.4000/praxematique.2999 Ce document a été généré automatiquement le 8 septembre 2020.

Tous droits réservés

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Le vide des choses

The emptyness of things

Michèle Noailly

1 Les travaux de linguistique générale qui abordent les problèmes fondamentaux de la transitivité (Hopper et Thomson, Lazard, Creissels par exemple) proposent tous une conception scalaire de ce phénomène. Selon ces études, il y a un objet prototypique, et il est humain, défini, référentiel, pleinement affecté. Un objet non individué et non référentiel, dans le cadre d’un procès habituel, tendra en revanche « à entrer en coalescence avec le verbe » (Lazard, p. 246). Les langues décrites dans ces travaux sont assez différentes du français, mais on peut observer en français même des faits syntaxiques qui restituent quelque chose de ces grands principes.

2 Je voudrais parler ici de la représentation zéro (désormais ø), dans le système anaphorique. A. Zribi-Hertz dans le chapitre XIV de sa thèse a déjà traité de façon détaillée des séquences ø de certaines prépositions (dites alors « prépositions orphelines »), montrant que ce traitement affectait de manière exclusive le monde des choses1. Un exemple donnera une illustration succincte de la question, et permettra de mesurer la différence d’acceptabilité entre :

a) Paul est arrivé avec son parapluie, mais il est reparti sans.

3 et

b) ? Paul est arrivé avec sa sœur, mais il est reparti sans. (vs. : sans elle).

4 On peut parler à ce propos du « vide des choses ». Je ne reprendrai pas ici le problème dans son ensemble, mais me limiterai à quelques observations sur les représentations ø de l’objet du verbe transitif.

1. L’emploi absolu

5 L’existence d’anaphores ø dans la complémentation du verbe transitif est maintenant admise de façon générale, mais le principe n’est pas toujours assez soigneusement distingué de celui d’« emploi absolu » (la distinction étant jugée délicate par P. Le Goffic, et par M. Riegel et alii). Je commencerai donc par revenir rapidement sur cette

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dernière notion. Par « emploi absolu » d’un verbe, on entend des emplois où le complément du verbe transitif, direct ou indirect, est absent, sans que cela implique que le verbe en question ait globalement changé de sens : son sémantisme continue d’impliquer la présence d’un « objet » sur lequel va porter l’action verbale, mais cet objet, s’il est nécessairement existant dans l’univers de référence, est linguistiquement considéré comme sans pertinence. Un peu de la même façon, mutatis mutandis, que, dans les phrases passives, l’agent, bien que nécessairement à l’origine de l’action, peut figurer dans la construction ou en être absent. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, la langue construit son expression indépendamment de l’ordre des choses : agent et objet, référentiellement nécessaires, sont linguistiquement facultatifs.

6 Je ne prétends pas toutefois qu’un tel traitement du verbe soit sans incidence aucune sur ses conditions d’emploi, peut-être même cela a-t-il « nécessairement des implications sémantiques », comme l’affirme D. Creissels (p. 237), mais il serait tout à fait contre-intuitif de prétendre (hypothèse que cet auteur semble rejeter lui aussi) que ce n’est pas vraiment au même verbe qu’on a affaire. J’hésiterais même pour ma part à parler d’emploi « intransitif » dans de tels cas, et préfère m’en tenir à la dénomination d’emploi absolu (je ferai appel également plus loin à l’idée de « vacance d’objet »).

7 Ces emplois absolus, donc, sont bien représentés en français, et sont possibles avec une large majorité de verbes transitifs, mais avec des probabilités d’occurrences très variables, selon le type lexical du verbe lui-même, et selon le contexte d’insertion. En gros, l’objet peut être absent dans deux situations : ou bien cet objet n’est pas exprimé parce qu’on se situe dans la représentation d’un procès habituel, et alors l’objet est frappé d’indéfinition, comme lorsqu’on dit :

(1) Paul lit, écrit, fume, etc.

Lise chante, brode, dessine, etc.

8 pour dire que « Paul et Lise sont des gens qui ont l’habitude de lire, écrire, fumer, chanter, broder, dessiner, etc ». Dans ce cas de figure, le verbe fonctionne comme

« verbe de propriété », (ce qu’on appellerait « state verb », dans la terminologie de Z.

Vendler). Il y a bien à chaque fois des objets lus, écrits, fumés, chantés, brodés, dessinés, etc., mais ce point est considéré comme sans pertinence, puisque tout ce que l’on veut retenir, c’est que Paul ou Lise se livrent de façon régulière (et donnée pour caractéristique de leur comportement) à telle ou telle de ces activités.

9 A l’autre extrêmité, le même type de formulation peut intervenir dans des situations spécifiques, où la prise en compte linguistique de l’objet est de même considérée comme inutile. Ainsi, lorsque, à une requête concernant l’activité en cours de Paul ou de Lise, on répond en disant ce que l’un ou l’autre est en train de faire :

(2) Paul lit, ne le dérange pas.

Lise va dessiner encore un quart d’heure, et ensuite, elle viendra te retrouver.

10 Le complément absent est forcément un objet de référence spécifique, au même titre que l’activité décrite elle-même. On peut de façon naturelle, dans de tels contextes, questionner l’interlocuteur pour lui demander ce que Paul lit, ou ce que Lise chante :

(3) Ah bon, il lit, et il lit quoi ?

Bien, et qu’est-ce qu’elle est en train de dessiner ?

11 Même avec les prédicats habituels, où l’objet semble pourtant moins facilement restituable, on peut généralement poser le même type de question : ainsi après ceux de (2) : « – Et il lit quoi ? – Eh bien il lit surtout des romans, plus rarement des essais. » ou bien : « Elle dessine quoi ? – Elle a un penchant pour les portraits »2. Mais cette

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demande de précision peut aussi se révéler, au moins communicativement, sans pertinence, puisque les assertions qui précèdent ces éventuelles questions s’intéressent à l’activité en tant que telle, et non à l’« objet » sur lequel elle s’exerce.

12 En règle générale, l’emploi absolu semble plus aisé, plus naturel et plus fréquent dans les contextes habituels que dans les contextes spécifiques. Cela est assez logique : c’est dans l’expression de ces vérités durables que l’activité considérée a de bonnes chances d’être prise en elle-même, indépendamment des objets divers auprès desquels elle trouve un domaine d’application. Ainsi nous relevons de nombreux exemples dans des

« chroniques » radiophoniques fustigeant sur le mode ironique les travers coutumiers de telle ou telle population :

(4) Nos compatriotes ne vissent qu’avec modération. En revanche, ils font grand usage de la ponceuse vibrante. La ponceuse vibrante sert à poncer, c’est-à-dire à lisser et décaper…

Le Français broie, et que broie-t-il ? Le Français broie du noir. Il ponce, c’est un maître à poncer. Quand les Français se décident à montrer leur façon de poncer, il ne fait pas bon s’y frotter (France-Culture, 8h, 1/12/95, Chronique matinale de Jean- Louis Ezine).

13 Le statut lexical du verbe joue un rôle également. On peut remarquer que les verbes d’achèvement s’accommodent en général moins bien de la construction absolue que les verbes d’accomplissement, surtout en contexte spécifique : si l’on peut rencontrer

« Moi, je casse ! », au sens de « Moi, je suis maladroite ! » (interprétation habituelle), il semble difficile de produire un énoncé comme « Ce matin, j’ai cassé ». De même pour épouser : de Don Juan, « épouseur à toutes mains » comme dit Molière, on peut dire qu’il

« épouse facilement », exprimant là une prédication habituelle, ou présumée telle par Sganarelle. On dira très difficilement en revanche « Lise a épousé l’année dernière »3.

14 Au-delà, on trouve des verbes d’achèvement, comme franchir, qui semblent rebelles à toute forme d’emploi absolu, quel que soit le type de contexte : « *Paul sait franchir »,

« *Paul a franchi ce matin ». Le type d’action que décrivent les verbes d’achèvement n’étant réalisé que si le processus atteint son terme, on comprend que l’objet qui indique ce terme ait une importance particulière dans la construction du sens. Des phénomènes de ce type ont été repérés par Lazard et par Hopper et Thomson également.

15 Quoi qu’il en soit, l’aperçu très simple que je viens de donner suffit à faire apparaître que, dans le cadre de ce type de prédication, on choisit un mode de production du sens qui néglige toute identification de l’objet, ce dernier étant postulé néanmoins par le sémantisme verbal. Cela n’empêche pas que cet objet-de-fait puisse être présent ailleurs, quelque part dans le contexte proche, avant ou après, indifféremment, et de façon tout à fait facultative – ce qui montre bien qu’on n’est pas là dans une situation de reprise anaphorique. On peut en juger par ces exemples empruntés aux Misérables, col. Folio :

(5) Il s’aperçut alors que jusqu’à ce moment il n’avait pas plus compris son pays qu’il n’avait compris son père. Il n’avait connu ni l’un ni l’autre, et il avait eu une sorte de nuit volontaire sur les yeux. Il voyait maintenant ; et d’un côté il admirait, de l’autre il adorait (Hugo, Tome II, p. 209).

(5 bis) Fantine …vit M. Madeleine debout qui regardait quelque chose audessus de sa tête. Ce regard était plein de pitié et d’angoisse et suppliait (Hugo, Tome I, p. 27).

16 Il s’agit dans les deux cas de constructions absolues, mais dans des contextes où figurent de façon précise (son pays, son père) ou approximative (quelque chose)

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l’indication préalable de l’« objet ». Par un effet à la fois hardi et habile, Hugo choisit de dissocier l’action de son objet et de séparer énonciativement les deux opérations, pour mettre en valeur l’« absolu » du sémantisme verbal, indépendamment de la spécificité de ses applications. On verra plus loin d’autres exemples où, à l’inverse, l’information sur l’« objet » concerné, au lieu d’être donnée préalablement, est reportée à une phrase ultérieure (cf. ex. 18 bis).

17 Les exemples (5) et (5 bis) – autre différence avec ceux qui les précèdent – font intervenir des verbes qui peuvent avoir (admirer, adorer) ou ont nécessairement (supplier) un objet ( + HUM). Cette restriction sur l’objet n’a aucune incidence, semble-t- il, sur la construction. Dans une autre série de verbes à objet [ + HUM], ceux que l’on appelle ordinairement les verbes « psychologiques », l’emploi absolu se rencontre aussi très régulièrement, en particulier bien sûr chez les moralistes classiques, Chamfort par exemple :

(6) En général, si la société n’était pas une composition factice, tout sentiment simple et vrai ne produirait pas le grand effet qu’il produit : il plairait sans étonner.

Mais il étonne et il plaît… (Chamfort, Maximes et Pensées, Folio, p. 24).

18 mais aussi tous les autres (par exemple Pascal, cf. début de la citation (12 bis) ci- dessous.

19 D’autres verbes viennent confirmer les mêmes possibilités, verbes qui relèvent de catégories sémantiques par ailleurs fort diverses4. Le propos n’est pas ici de développer ce point, mais seulement de montrer que la nature sémantique de l’objet n’est pas un critère pertinent pour justifier de la probabilité, pour un verbe donné, d’emplois absolus. Ce sont des déterminations tout à fait différentes qui font l’acceptabilité meilleure ou moindre, comme l’aspect lexical du verbe, ou le caractère habituel ou non du procès, etc. Le problème de l’anaphore ø se pose très différemment, c’est ce qu’on va voir maintenant.

2. L’anaphore zéro

20 Dans les cas que je vais considérer désormais, la construction est pleinement transitive et saturée ; seulement le complément, au lieu d’être représenté par un pronom anaphorique de forme pleine, est anaphorisé par une proforme vide. Quels sont les verbes susceptibles de proposer ou d’imposer ce modèle curieux de représentation pronominale, et quels sont les contenus des antécédents qui déclenchent ce genre de reprise ? Ce sont tout d’abord, outre savoir, les verbes d’opinion : penser, croire, imaginer, supposer, espérer, et aussi trouver, quoique de façon un peu différente. Ces verbes, dans des schémas d’enchaînement immédiat, de deux propositions (type principale / subordonnée) ou de deux phrases (type question / réponse), admettent l’anaphorisation d’un contenu antérieur par le pronom le neutre, ou par ø :

(7) Est-ce que Paul est là ? – Je ne le sais pas / Je ne sais pas.

– Je le pense / Je pense.

– Je le crois / Je crois.

– Je l’imagine / J’imagine.

– Je le suppose / Je suppose.

– Je l’espère / J’espère.

Tu ne trouves pas que Paul a bonne mine ? – Si, je trouve5.

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21 La solution anaphorique ø s’exerce, il est vrai, avec des restrictions curieuses de temps et de personne, comme le signale L. Tasmowski-de Ryck, mais je ne prendrai pas en considération ce point, le schéma présenté ici étant, quoi qu’il en soit, extrêmement courant. Par ailleurs, et bien que ce problème ne soit pas au centre de mon propos, on remarque que ce ne sont pas tous les verbes d’opinion qui se prêtent à la double solution anaphorique. Certains s’en accommodent un peu moins bien que d’autres, par exemple ignorer moins bien que savoir ; quelques-uns y répugnent encore davantage, du moins en français standard, et parmi eux, plusieurs qui gouvernent des complétives au subjonctif, mais cette observation n’a pas non plus une régularité absolue. Ainsi craindre et souhaiter ne permettent pas l’anaphore ø, mais la locution verbale transitive indirecte avoir envie, si :

(8) Est-ce que Paul est là ? – Je l’ignore / ? J’ignore.

– Je le crains / ? ?Je crains.

– Je le souhaite / ? ?Je souhaite.

(8 bis) Est-ce que tu viendras ? – Oui, j’en ai envie / Oui, j’ai envie.

22 A côté de ces verbes d’opinion, auprès desquels la représentation ø renvoie à un contenu de forme Que P, (ou si P), l’autre grande catégorie de verbes à entrer dans ce modèle me semble être celle des verbes ordinairement classés comme semi-auxiliaires de modalité ou d’aspect : d’une part, pouvoir, vouloir, oser, parfois aussi devoir, et encore aimer dans certains emplois limités aux temps conditionnels (j’aimerais, j’aurais aimé + Vinf.) ; d’autre part, commencer, continuer, arrêter, cesser. On aura ainsi des enchaînements comme :

(9) On prend un café ? – Non, je ne peux pas.

Tu devrais accepter cette proposition. – Non, je ne veux pas.

Je devrais lui parler, mais je ne sais pas si je vais oser.

Tu dis que tu ne veux pas y aller ; pourtant je crois que tu devrais.

Viens au cinéma avec moi. – J’aimerais / J’aurais aimé, mais je dors debout.

(10) Je fais du piano depuis longtemps. J’ai commencé à cinq ans.

Tu faisais du chant l’année dernière. – Eh bien, je continue.

Et le tennis ? – J’ai arrêté, l’année dernière.

tu cours toujours ? – Non, j’ai cessé, par manque de temps.

23 Les verbes de la série (9) – sauf aimer – admettent, en alternance avec ø, un complément pronominal de forme le, comme les verbes d’opinion. Les verbes de la série (10) ainsi que aimer, ne tolèrent en revanche aucune autre forme de représentation du complément de contenu processif que ø (ni le, ni même le pronom démonstratif neutre ça). Il faut donc bien admettre que, dans ces cas-là, ø entre de plein droit dans la série des pronoms compléments représentant des contenus « neutres ».

24 Ici précisément, qu’anaphorise la marque ø ? Le complément représenté est, non plus une proposition de forme Que P, mais un infinitif : ces verbes en effet – sauf vouloir et aimer – n’admettent pas de complément sous la forme d’une proposition à un mode personnel. Parfois, dans des contextes légèrement différents, ø paraît anaphoriser non plus un contenu « processif », mais un nom. On dira par exemple :

(11) J’aimais le chant, mais j’ai arrêté, faute de temps.

Une autre tasse de café ? – Non, je ne veux pas, je te remercie.

25 La différence n’est pourtant que superficielle, à mon avis : au niveau de l’interprétation, arrêter le chant, ou ne pas vouloir un café veulent dire « arrêter de faire du chant », « ne pas vouloir boire un café » – de même que certains sujets, sous l’apparence de

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substantifs purs, peuvent fonctionner aussi, au point de vue sémantique, comme des prédicats nominalisés : cf. J. J. Franckel : 158). Dans tous les cas répertoriés sous cette rubrique, ø anaphorise donc, il me semble, le contenu d’un procès.

26 Que le verbe se présente comme saturé est, dans tous ces cas-là, une donnée de l’intuition : on le comprend sans l’ombre d’un doute comme relié organiquement au contexte antérieur dans une relation anaphorique. Cela peut aussi être vérifié par le fait que toute question rajoutée à de tels contextes et portant sur l’objet, est perçue ici comme irrégulière. Si l’on reprend par exemple les contextes de (9) et (10), on ne saurait les poursuivre par des demandes de précision supplémentaire : toute tentative de ce genre serait perçue comme incongrue, puisque la relation à l’objet est construite immédiatement par le rapport anaphorique :

(9 bis) On prend un café ? – Non, je ne peux pas. – *Tu ne peux pas quoi ?

Viens au cinéma avec moi. – J’aimerais / J’aurais aimé, mais je dors debout. – *Tu aurais aimé quoi ?

(10 bis) Je fais du piano depuis longtemps. J’ai commencé à cinq ans.

– *Tu as commencé quoi ?

Tu faisais du chant l’année dernière.

– Eh bien, je continue. –*Tu continues quoi ?

27 Les verbes concernés par l’anaphore ø sont peu nombreux. Le panorama approximatif que nous venons d’en dresser fait apparaître que cette catégorie couvre l’ensemble que D. Leeman-Bouix (p. 127) range dans les « périphrases de modalité ». Comme elle le fait remarquer, ces verbes ont de fortes propriétés syntaxiques communes, un sujet [ + HUM], un caractère « statif », une inaptitude (relative, selon moi) à l’emploi impératif.

Ils ont donc aussi la caractéristique d’anaphoriser par ø leur « complément » infinitif.

28 Il est à noter en outre et parallèlement, que ces mêmes verbes, pour l’essentiel d’entre eux, sont à peu près inaptes à l’emploi absolu. Ce n’est pas qu’on ne puisse les y rencontrer, mais c’est de loin en loin, et à la faveur d’un coup de force syntaxique : il faut être Pascal ou Hugo pour oser leur donner l’« absolu « de leur signification :

(12) L’Ecclésiaste montre que l’homme sans Dieu est dans l’ignorance de tout et dans un malheur inévitable. Car c’est être malheureux que de vouloir et ne pouvoir.

Or il veut être heureux et assuré de quelque vérité, et cependant il ne peut ni savoir ni ne désirer point de savoir (Pensées, éd. Garnier : 190).

(12 bis) Trop de plaisir incommode, trop de consonances déplaisent dans la musique et trop de bienfaits irritent…. Voilà notre état véritable. C’est ce qui nous rend incapables de savoir certainement et d’ignorer absolument (id. : 251).

(13) Ces femmes pensent-elles ? non. Veulent-elles ? non. Aiment-elles ? non. Vivent- elles ? non (Hugo, Les Misérables, Tome II : 81).

(13 bis) Ce second infini est-il intelligent lui aussi ? Pense-t-il ? aime-t-il ? veut-il ? Si les deux infinis sont intelligents, chacun d’eux a un principe voulant, et il y a un moi dans l’infini d’en haut comme dans l’infini d’en bas (id. : 87).

(13 ter) Dire : la plante veut, au lieu de : la plante croît, cela serait fécond, en effet, si l’on ajoutait : l’univers veut. Pourquoi ? C’est qu’il en sortirait ceci : la plante veut, donc elle a un moi ; l’univers veut, donc il a un Dieu (id. : 88).

29 En (12 bis), Pascal explicite la valeur qu’il entend donner aux verbes savoir et ignorer, au moyen des adverbes : la présence, en particulier, d’absolument, au sens que cette forme avait dans la langue classique (« de façon absolue »), à la fois nous oblige à cette interprétation « absolue » de deux verbes peu disposés à cet emploi, et en même temps, nous fait mieux mesurer la violence faite, non certes à la langue, mais à l’usage ordinaire. En (13 bis) de même, Hugo rend explicite la valeur absolue du verbe vouloir,

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en l’assimilant à « un principe voulant » ou, si on préfère, à l’existence d’une volonté animant « l’infini d’en haut » et manifestant son intelligence.

3. Le problème du verbe aimer (et de quelques autres)

30 De fait, on peut approximativement classer les verbes en deux catégories : cette liste limitée de ceux qui déclenchent l’anaphore ø, et de l’autre côté, l’ensemble infiniment plus monumental de ceux qui permettent peu ou prou l’emploi absolu, mais il faut reconnaître l’existence de certains cas limites. Il ne s’agit pas d’emplois un peu exceptionnels comme ceux que je viens de mentionner, mais de faits ordinaires, concernant quelques verbes difficiles à traiter dans une perspective de répartition exclusive. Parmi ceux-là, nous ferons un sort particulier au verbe aimer : ici, la coexistence de cas d’anaphore ø et d’emplois absolus peut servir de test pour mieux faire le départ entre deux acceptions du même item lexical, acceptions que bien d’autres propriétés séparent par ailleurs6. On peut ainsi opposer le verbe aimer employé aux temps conditionnels, et susceptible d’anaphore ø avec un sens proche de « vouloir bien », et le verbe aimer dans ses emplois prototypiques, au sens de « éprouver de l’amour pour ». Dans la liste des acceptions proposées pour aimer, on a sans doute là les deux points extrêmes, de l’intensité la plus faible à l’intensité la plus forte. Et le comportement de ces deuxaimer à l’égard de la transitivité est bien contrasté : dans le premier cas, on a donc, dans la langue standard, des emplois limités au temps conditionnel, inaccompli et accompli, et à un complément de forme infinitive et/ou de sens processif :

(14) Voulez-vous vous joindre à nous ? – J’aimerais (bien), mais je ne peux pas.

Prendrez-vous un café ? – J’aimerais (bien), mais je n’ai pas le temps.

31 A un niveau de langue plus familier, sans aucun doute, cette saturation de aimer, par le fait d’une anaphore ø, est plus libre, et la possibilité s’étend à tous les temps, et à la représentation de compléments de nature plus diverse, mais toujours de type processif, en dépit des apparences, les noms anaphorisés en (15) et en (16) identifiant non des personnes à proprement parler, ni même des « choses », mais des œuvres à écouter ou à lire, ou des vins à boire, c’est-à-dire une activité :

(15) Et Mahler ? – J’aime, mais pas trop longtemps.

On m’a offert (fait lire) Malraux, mais je n’aime pas du tout7.

(16) Le bordeaux. Je n’aime pas. Enfin, pas trop (billet de Cl. Sarraute, dans Le Monde, 19/3/94 : 29).

32 Mais par ailleurs, ce (même ?) verbe, lorsqu’il sert à évoquer le sentiment amoureux, malgré le caractère nécessairement unique et à chaque fois spécifique de la personne aimée, peut se rencontrer en emploi absolu dans des contextes « habituels », contextes qui, comme nous l’avons vu en 1, favorisent ce type de prédication : cela est tout à fait courant dans la langue classique :

(17) Il y a plus de gens qui veulent être aimés que de gens qui veulent aimer eux- mêmes (Chamfort, Maximes et Pensées ; Folio :110).

(17 bis) – Dire qu’on aime est une chose qu’on fait tous les jours… – Je ne crois pas qu’il soit facile de dire qu’on aime… – Je ne trouve rien de plus humiliant pour un homme que de dire qu’il aime… (Crébillon fils, Les égarements du cœur et de l’esprit, Pléiade, p. 21).

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33 Il peut même être rencontré en contexte spécifique, par exemple chez le même auteur, ou, avec plus de force et d’originalité, chez Hugo :

(18) Mais que vous êtes jeune, me dit-elle avec un air de bonté : je ne puis plus douter que vous n’aimiez… (id. : 24).

(18 bis) Elle travailla pour vivre ; puis, toujours pour vivre, car le cœur a sa faim aussi, elle aima.

Elle aima Tholomyès (Hugo, les Misérables, Folio, Tome I : 190).

Ce prologue lui plut et Blachevelle aima. Celle qu’il aima était Favourite (id. : 206).

34 Dans le style classique, l’emploi absolu de aimer est codé : de la part de Madame de Lursay, qui parle en (18), c’est coquetterie que de laisser dans le non-dit l’« objet » du sentiment amoureux et elle sait bien que c’est à elle que vont les sentiments du jeune Meilcour ; c’est d’ailleurs ce qu’elle cherche à lui faire dire : elle fait en sorte, sans succès, qu’il « se déclare ». Chez Hugo, c’est très différent : il s’agit de donner plus de force au verbe aimer, et pour le faire comprendre au sens propre comme un « absolu », dans ces contextes éminemment spécifiques (cf. les passés simples), l’auteur dissocie en deux prédications successives d’un côté l’annonce du sentiment, tel qu’il se déclare chez Fantine ou Blachevelle, de l’autre celle de l’« objet » de ce sentiment, isolant ainsi la force de l’impulsion « aimante » du terme sur lequel elle se porte, en dépit de la simultanéité des deux opérations8.

35 Le cas de aimer n’est pas totalement isolé en français. On retrouvera un peu la même alternative avec d’autres verbes qui, à la différence de celui-là, ont un sémantisme plus uniforme, relevant tantôt de perceptions / affections, tantôt d’opérations de l’intellect.

Par exemple, regarder, ou encore oublier. Ils ont des emplois absolus, au moins en contexte habituel :

(19) Lise est curieuse, partout où elle passe, elle regarde. Lise a une mémoire capricieuse, elle oublie beaucoup.

36 Et ils connaissent aussi l’anaphore ø. Dans les cas où doit se construire une représentation anaphorique, la réalisation de l’anaphore va dépendre de la nature du terme anaphorisé : s’il s’agit de représenter un objet, on recourt au système pronominal classique ; si c’est un processus, à l’anaphore ø. Ainsi dans les exemples suivants :

(20) – Et l’éclipse ? – Je n’ai pas pu la regarder. ( ?Je n’ai pas pu regarder)

– Tu regarderas si j’ai du courrier… – Oui, je te promets que je regarderai ( ? ?Oui, je te promets que je le regarderai).

(20 bis) Je me suis souvenue longtemps de ces vers, mais finalement je les ai oubliés ( ?j’ai oublié).

Je voulais passer chez le pâtissier avant de venir, et puis j’ai oublié ( ? ?et puis je l’ai oublié).

37 Comme pour aimer, la représentation d’un complément nominal est « pleine », et c’est le complément processif seul qui donne lieu à l’anaphore ø9. Avec ces verbes-là, la représentation du complément processif d’une part, et l’emploi absolu d’autre part, peuvent donc se réaliser par le même vide superficiel, et c’est alors le contexte et lui seul qui règle l’interprétation.

38 Le français semble ainsi connaître, sur ce point, une situation moins claire que celle que l’on trouve en roumain. Selon M. Iliescu en effet (p. 77), cette langue, un peu à la manière du français, offre, pour assurer la représentation des « COD neutres », la double possibilité soit d’une forme pronominale o, soit d’une anaphore ø. Mais, lorsque le même verbe a parallèlement des emplois absolus (ce qu’elle appelle « emploi

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indépendant »), l’anaphore ø est exclue, et on doit obligatoirement avoir recours, pour représenter un contenu processif, au pronom neutreo. Ainsi toute ambiguïté est levée par l’organisation grammaticale elle-même, là où en français, ce sont des facteurs contextuels qui permettent de savoir si on est dans le cadre d’une vacance d’objet ou dans la représentation vide d’un contenu processif.

4. Le vide des choses

39 Ce que j’appelle « le vide des choses », c’est cette capacité qu’ont les choses, et elles seules, à être anaphorisées par du vide. Dans le cas des séquences de prépositions, il s’agit bien des « choses » (-HUM vs + HUM). Ici, comme on l’a vu, la barre est en quelque sorte placée plus haut, et la représentation ø concerne moins des « choses », au sens d’objets matériels, que des procès, ou, pour le dire plus exactement, ne concerne que des contenus propositionnels. Dans la représentation pronominale, tout se passe comme s’il existait une échelle, dont l’une des extrêmités serait la représentation de l’humain spécifique, et l’autre celle des contenus processifs. Dans la conception scalaire de la transitivité, l’humain spécifique est un « meilleur » objet que des contenus propositionnels, dont on peut dire qu’ils ne sont ni définis, ni référentiels, ni affectés (cf. intr.). On peut coupler les deux types de réflexion, et considérer que plus l’objet est prototypique, plus il a de chances d’être représenté par une forme pleine. L’objet vide de l’anaphore ø est à l’inverse un objet qui, dans le monde, n’« existe », à proprement parler, pas. Ainsi donc, tout se passe comme si l’effacement matériel de la représentation du complément était en correspondance avec le degré d’abstraction de celui-ci. A ce moment-là, on pourrait considérer qu’un complément propositionnel est perçu cognitivement comme ce qu’il y a de plus abstrait, comme ce qui suscite le plus difficilement une représentation quelconque, et comme tel, comme ce qui est le plus proche d’une représentation nulle. Le mode de représentation anaphorique de l’objet d’un verbe, « figurerait » donc, en quelque sorte, le degré d’existence de cet objet.

40 Voilà comment, à ce niveau d’abstraction, on peut comprendre l’effet qu’exerce notre représentation du monde sur la forme syntaxique. Le point observé ici ne fait que confirmer une tendance générale dans la langue, à structurer le système de représentation à l’œuvre en fonction du degré de réalité des « choses ».

5. Pour conclure provisoirement

41 On peut donc, pour récapituler les observations antérieures, opposer, à l’anaphore ø, l’emploi absolu du verbe, qui le fait comprendre comme délibérément non saturé, ou, si on préfère, comme construisant une prédication avec vacance d’objet. Le français permet cette vacance, que ne permettent pas des langues comme le chinois, qui dans les mêmes circonstances, et indifféremment en contexte habituel comme spécifique, donnent au verbe un objet quelconque –par exemple, « riz » après « manger » – (M. C.

Paris, communication personnelle). En français, si les énoncés qui sont ainsi formés ne présentent pas de « manque », ce n’est pas parce que l’objet est dans certains cas restituable contextuellement, c’est parce que le mode de prédication retenu ne le prend pas en compte.

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42 A l’inverse, dans le cadre de l’anaphore ø, la construction, en dépit des apparences, est bel et bien saturée, comme quand on a une représentation pronominale « pleine ».

Quand un même verbe est susceptible d’avoir des compléments nominaux spécifiques aussi bien que des compléments propositionnels, c’est toujours la représentation des premiers qui est assurée par les pronoms clitiques (le, la les), comme s’il y avait

« priorité » de ceux-là sur les autres. De façon générale, la représentation des compléments de nature processive est très facilement « confiée » à un élément vide, qui, quelquefois, est commutable avec un pronom le neutre, et d’autres fois, intervient sans concurrence d’aucun autre moyen de représentation.

43 Dans l’ensemble, il n’est pas difficile de comprendre si un verbe transitif rencontré sans complément est en situation d’emploi absolu, ou pourvu d’un complément de forme ø : en général, ce ne sont pas les mêmes verbes qui sont concernés par les deux constructions. Il peut se rencontrer toutefois des cas incertains : on les a évoqués plus haut, mais sans aucun doute, il y a encore à dire, et c’est sur eux que portera la suite de cette recherche.

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NOTES

1. A. Zribi-Hertz prend aussi en considération les constructions verbales, mais le problème étant beaucoup plus vaste, il reste beaucoup à dire.

2. Cf. aussi (4), un peu plus bas : « Le Français broie. Et que broie-t-il ? Le Français broie du noir ».

3. Mais pour exprimer le même fait éminemment "transitif", on aura facilement cette construction intransitive « Lise s’est mariée l’année dernière ». La langue, dans l’opération, considère dans un cas l’union de deux personnes, dans l’autre, le simple changement d’état civil d’une personne donnée.

4. Par exemple fusiller, qui lui aussi sélectionne un objet [ + HUM] – on ne « fusille » pas un lapin, même si on le tue avec un fusil – dans cette citation de La Condition Humaine : Pourtant, des salves, au loin. « On a recommencé à fusiller… » (Folio 244). De même pour vouvoyer : « Français Mitterrand vouvoyait. Il réservait le privilège de son tutoiement à quelques-uns… » (N. O., 9/1/96 :24).

5. Le cas de trouver est un peu différent de celui des autres verbes d’opinion, non seulement parce que ce verbe ne s’emploie pas dans les mêmes contextes que les autres – il suppose une vérification assurée par l’expérience –, mais aussi parce qu’il ne permet guère la représentation pronominale de l’objet propositionnel par le : dans je le trouve, on a tendance à comprendre trouver comme l’antonyme de chercher et non plus comme un verbe d’opinion ; et l’anaphorique le comme faisant de l’anaphore segmentale plutôt que résomptive, autrement dit, comme représentant un contenu nominal plutôt que propositionnel.

6. Cf. les articles de K. Lambrecht & Lemoine et de D. Van de Velde.

7. C’est un point que je ne développerai pas plus longuement ici, mais il est certain que le verbe aimer n’est pas le seul à permettre ainsi l’extension de l’anaphore ø dans le parler familier. Ces phénomènes propres à la langue orale demanderaient à eux seuls une étude particulière.

8. On notera en outre l’« effet » provoqué, en (18) par l’alinéa, qui sépare plus radicalement les deux opérations comme si elles étaient successives.

9. Dans d’autres cas enfin, on est confronté à des cas indécidables : par exemple, avec le couple accepter / refuser.L’emploi absolu est possible : "Dans la vie, il faut savoir quelquefois refuser".

L’anaphore ø sans doute aussi : "Lise a voulu que je l’accompagne et j’ai accepté". Mais que dire d’occurrences comme : « Si Paul te propose son aide, accepte ! » (vs « Si Paul te propose son aide, accepte-la ! »). La forme en italiques me semble plutôt illustrer un cas d’emploi absolu (accepter = donner son accord), mais je ne vois pas de test qui permette de le démontrer.

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RÉSUMÉS

Cet article traite de la représentation anaphorique zéro dans le cadre des constructions verbales transitives directes. La notion y est distinguée de celle d'“emploi absolu”, construction d'un verbe transitif avec “vacance” d'objet — qui est fréquente aussi bien dans des situations de discours très spécifiques (Donne !, – Mange !) que dans le cadre de prédications habituelles (Il faut manger pour vivre). L'anaphore zéro, elle, concerne en français une liste limitée de verbes, dont on montre qu'ils sont inaptes à l'emploi absolu. Ce sont des verbes d'opinion (savoir, croire, supposer, etc.), des semi-modaux (pouvoir, vouloir, oser, etc.) ou des verbes de modalité aspectuelle (commencer, continuer, finir, etc.). Le complément anaphorisé par zéro est le plus souvent un verbe à l'infinitif, et, de toute façon, toujours un processus. Par “le vide des choses”, on veut parler de l'inscription dans la grammaire d'une marque vide, qui a un rôle bien défini dans la représentation des “choses”, ou, plus abstraitement, des processus.

This paper deals with the fact that an anaphoric relation in modern French may be represented by the means of zero, especially when it is the direct complement in a transitive verb phrase.

This is quite different from what is called “absolute use”, where there is something like an unexpressed object, either in specific situations (– Donne !, – Mange !) or in common expressions (Il faut manger pour vivre).

Zero anaphora, on the oher hand, concern a closed list of verbs, which are inappropriate for absolute use. They are verbs of opinion, such as savoir, croire, supposer, etc., “semi-modals”

(pouvoir, vouloir, oser, etc.) or verbs of aspectual modality (commencer, continuer, finir, etc.).

The complement which zero anaphorizes most often is an infinitive verb, and in any case, is always a process, “Le vide des choses” refers to this inclusion, in the grammar, of an empty mark, which has a very precise role in the representation of things, or, more abstractly, of processes.

AUTEUR

MICHÈLE NOAILLY

Université de Brest / URA 1033 du CNRS

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