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Neuropsychologie des traumatismes : comprendre, faire face, aider

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Academic year: 2022

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Journal Identification = NRP Article Identification = 0532 Date: December 5, 2019 Time: 11:37 am

doi:10.1684/nrp.2019.0532

REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE

NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES

247

Éditorial

Rev Neuropsychol

2019 ; 11 (4) : 247-9

Neuropsychologie des traumatismes :

comprendre, faire face, aider The neuropsychology of trauma:

Understanding, coping, and supporting

Pour citer cet article : Giffard B, Eustache F. Neuropsychologie des traumatismes : comprendre, faire face, aider. Rev Neuropsychol 2019 ; 11 (4) : 247-9 doi:10.1684/nrp.2019.0532

Le traumatisme :

une thématique nouvelle en neuropsychologie ?

Ce numéro de la Revue de neuropsy- chologie recueille les textes d’un cer- tain nombre de conférences données dans le cadre de la 25eédition du sémi- naire Jean-Louis Signoret qui s’est tenue à Caen au printemps 2019, avec le sou- tien de l’université de Caen Normandie – notamment les UFR de psychologie et de santé –, le cancéropôle Nord-Ouest, la région Normandie, la communauté urbaine de Caen la mer, le département du Cal- vados, et B2V Observatoire des mémoires.

Le nombre de participants, plus de 500, et l’intensité des échanges ont clairement montré que cette thématique du trauma- tisme était attendue et qu’elle correspondait même à un manque. Peu de travaux ou d’ouvrages traitent en effet de l’ensemble du domaine, incluant le concept de trau- matisme psychique, ses conséquences, le concept de traumatisme physique ou crânio-cérébral, et les multiples situations qui sont en quelque sorte à la frontière de l’un et l’autre, mais aussi tous les aspects dont il faut tenir compte pour compren- dre les plaintes des patients et leur venir en aide.

Les questions induites par les trau- matismes ne sont pas réservées aux neuropsychologues et aux professionnels de santé. Les traumatismes concernent la société tout entière avec une vision renouvelée de leurs impacts, de leur dyna- mique, négative comme positive, et de leurs prises en charge. Une récente enquête d’opinion, réalisée en été 2019, par l’IFOP

en partenariat avec l’Observatoire B2V des mémoires sur un échantillon de plus de 1500 personnes adultes, représentatives de la population franc¸aise, fournit des résultats très intéressants. Au total, ce sont plus de 25 questions qui ont été posées à ce panel de participants, toutes orientées sur les conséquences d’un traumatisme psychique et sur les possibilités d’y faire face. Mani- festement, les attentats ont profondément marqué la société franc¸aise ces dernières années avec le 11-Septembre 2001, puis l’année 2015 avec Charlie Hebdo et le Bataclan comme figures de proue. On constate un discernement sur le rôle positif comme négatif des médias qui participent à la construction de la mémoire collective.

Les liens avec la mémoire sont omnipré- sents et celle-ci n’est pas perc¸ue comme figée, mais au contraire très évolutive au plan individuel comme au plan collectif, ce qui ouvre des perspectives pour les prises en charge des victimes (voir [1]).

Une enquête d’opinion sur le traumatisme psychique

La première question posée était volon- tairement très large et survenait sans définition préalable du traumatisme. Il était simplement demandé d’associer des mots ayant un lien avec le traumatisme. Cette question a conduit à des réponses de dif- férentes natures, certaines portant sur les conséquences du traumatisme psychique, et d’autres sur les causes. La dépres- sion, de fac¸ona priori surprenante, arrive en tête des conséquences et même de l’ensemble des réponses. Ce terme de dépression est familier et générique pour

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désigner un trouble psychique, en l’occurrence ici comme étant la conséquence d’un traumatisme psychique. Dans l’opinion publique, un traumatisme entraîne un change- ment – une pathologie – dans le fonctionnement psychique.

Les termes qui désignent des causes potentielles sont beaucoup plus diversifiés et comprennent «accident», à rapprocher de«choc». Harcèlement, violence et maladie sont également fortement représentés.

La deuxième question est plus précise puisqu’elle est focalisée sur les manifestations, à distance, d’un trauma- tisme psychique. Le résultat conforte en partie les résultats obtenus à la première question, puisque la dépression est la première manifestation mentionnée. Elle est complé- tée par un ensemble de symptômes psychopathologiques, ce qui montre que les troubles psychiques consécutifs à un traumatisme sont connus ou au moins pressentis. À noter que seules trois réponses étaient autorisées pour cet item. L’analyse en fonction des données démographiques montre que ces connaissances sont largement partagées, sans disparités notoires entre les différents sous-groupes.

Les femmes fournissent tout de même un pourcentage plus important de réponses pour plusieurs items : anxiété, res- sassement, isolement.

La question suivante porte sur l’impact potentiel du traumatisme psychique sur la mémoire. La réponse est positive (74 %) de fac¸on massive, ce qui souligne la bonne connaissance du lien entre traumatisme psychique et mémoire. Les pourcentages sont encore plus importants chez les personnes qui déclarent avoir des connaissances sur le trouble de stress post-traumatique ou qui ont fait l’objet d’un traumatisme personnel (et d’un suivi). Quand il est demandé de préciser, le sondage montre que les personnes interrogées ont globalement une bonne connais- sance des effets sur la mémoire puisque sont mentionnés par ordre décroissant : les flashbacks, les remémora- tions incontrôlées de l’événement et l’oubli d’informations en lien avec l’événement. Le traumatisme entraîne des troubles de la mémoire diversifiés et même opposés, à types d’hypermnésie et d’amnésie. Les oublis fréquents concernent des informations en lienavec l’événement, et non les informationssans lienavec l’événement.

Après avoir fourni une définition du traumatisme psy- chique individuel, une question porte sur la prise en considération du traumatisme aujourd’hui par rapport à il y a dix ans. Les réponses vont massivement dans le sens d’une augmentation de sa prise en compte en dix ans (69 %) avec quelques disparités selon les catégories socio- démographiques, plus précisément des pourcentages de réponses positives plus élevés chez les femmes par rapport aux hommes, et chez les personnes les plus âgées.

La question suivante porte sur les situations qui conduisent à un traumatisme psychique individuel. Glo- balement, les pourcentages sont ordonnés de cette fac¸on, par ordre décroissant : agression sexuelle (ce qui corres- pond bien aux résultats de la littérature scientifique), décès d’un proche, violences physiques, situation de harcèlement, annonce d’une maladie ou d’un handicap. Ce qui ressort

avant tout de l’analyse sociodémographique est la grande différence entre les hommes et les femmes avec des pour- centages beaucoup plus élevés chez les femmes pour les items : agression sexuelle, violences physiques et harcèle- ment. Les pourcentages sont plus élevés chez les hommes pour les situations d’annonce de maladie ou de handicap, de divorce ou d’épisode de chômage.

Le concept de trouble de stress post-traumatique (TSPT) est ensuite introduit. Globalement, 76 % des personnes interrogées déclarent en avoir entendu parler. Les données sociodémographiques montrent des disparités importantes entre les hommes et les femmes (83 % chez les femmes et 69 % chez les hommes). Les pourcentages sont également plus importants dans les classes sociales les plus élevées (catégorie socioprofessionnelle, niveau d’étude) et, comme attendu, chez les personnes qui ont été victimes d’un trau- matisme personnel. Une personne victime d’un événement traumatique développe-t-elle systématiquement un TSPT ? Les réponses à cette question sont nuancées : oui, proba- blement à 45 % et non, probablement pas à 31 %. Ces réponses équivoques correspondent d’ailleurs aux positions nuancées des chercheurs sur ce sujet très complexe.

Une autre question difficile porte sur la possibilité de la transmission d’un traumatisme entre générations. Il s’agit manifestement d’une thématique émergente. Globa- lement, même si les réponses sont plutôt négatives, on note de grandes disparités dans les réponses : les femmes fournissent beaucoup plus de réponses positives que les hommes, et les groupes correspondant à des niveaux sociaux élevés ont également des pourcentages de réponses positives plus importants.

La dimension collective du traumatisme est ensuite introduite. Selon les personnes interrogées, les trauma- tismes collectifs qui ont le plus marqué la France au cours des dix dernières années sont les attentats (88 %). La même question posée pour l’international fournit des pourcen- tages de 64 % pour un attentat, 47 % pour un conflit armé et 28 % pour des violences sexuelles de guerre, sans dispa- rités majeures entre les catégories sociodémographiques.

Les attentats sont largement mentionnés au niveau natio- nal comme au niveau international, avec, pour la France le Bataclan etCharlie Hebdo, et, à l’international, les guerres, la Syrie et le 11-Septembre 2001 aux États-Unis.

Une question porte sur la nécessité du travail sur la mémoire pour la reconstruction d’un pays après un trau- matisme. Les réponses sont massivement positives (74 %), avec des pourcentages plus élevés pour les personnes de niveau socioculturel élevé et chez les personnes qui ont fait l’expérience d’un traumatisme personnel. Les personnes qui ont répondu positivement estiment que ce travail a aussi un effet préventif.

L’impact de la diffusion d’images et de récits en continu viales médias et les réseaux sociaux est souligné. Pour 70 % des personnes interrogées, cette situation amplifie le déve- loppement du traumatisme psychique existant, et pour 68 % des participants, elle contribue à l’apparition d’un trauma- tisme psychique. Ces pourcentages sont plus élevés encore

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chez les personnes qui ont fait l’objet d’un traumatisme personnel.

Après la proposition d’une brève définition du concept de résilience, il est demandé s’il est possible de retrouver un équilibre personnel durable après un traumatisme psy- chique. Les réponses sont globalement positives (67 %). Les pourcentages sont plus importants chez les personnes qui ont fait l’expérience d’un traumatisme. Chez les personnes qui ont fourni une réponse positive, il est demandé quels sont les moyens principaux pour y parvenir. Les réponses, par ordre décroissant, sont les suivantes : le soutien des proches (81 %), le soutien psychologique par un profes- sionnel (81 %) et le soutien d’une association de victimes (47 %).

Au total, les résultats de cette enquête d’opinion montrent la grande maturité de la population franc¸aise face à ce concept de traumatisme, le changement qui s’est opéré dans ce domaine, les événements qui y ont contribué et le caractère dynamique des processus en cause et, en consé- quence, les possibilités ouvertes pour prendre en charge les victimes.

Les analyses de la neuropsychologie

Le séminaire Jean-Louis Signoret est une rencontre de neuropsychologie sur une thématique qui a vu son cadre théorique et ses pratiques évoluer au cours des dernières années. Classiquement, il aborde des aspects fondamentaux avant de s’étendre sur les évaluations et les prises en charge cliniques. Il aborde également ici les capacités des patients à faire face aux situations traumatiques.

Le premier article apporte des éléments de physiolo- gie et de physiopathologie du stress exposés par Frédéric Canini (voirégalement [2]). Isabelle Chaudieu et ses col- laboratrices exposent ensuite l’implication de la réponse de peur dans le développement précoce du trouble de stress post-traumatique (TSPT). Enfin, pour compléter cette première partie consacrée au traumatisme psychique, Sté- phanie Khalfa traite de la prise en charge du traumatisme par la thérapie EMDR et des mécanismes cérébraux impliqués.

Les deux articles suivants traitent des conséquences des traumatismes crâniens (voir aussi [3]). Philippe Azouvi et ses collaboratrices abordent la problématique des troubles cognitifs et des modifications du comportement après un traumatisme crânien sévère. Puis Clémentine Piet-Robion, Franc¸oise Joyeux et Corinne Jokic exposent leur concep- tion holistique d’une prise en soins des patients avec un traumatisme crânien, telle qu’elle est appliquée à l’hôpital d’Aunay/Odon.

La suite de ce numéro spécial est focalisée sur le can- cer, pathologie emblématique à la jonction du traumatisme physique et du traumatisme psychique (voirégalement [4]

Lange etal., 2019).«Comment faire face au cancer ? Les dernières avancées dans le domaine de l’adaptation au can- cer et les modèles cognitifs qui les sous-tendent», tel est le titre proposé par Florence Cousson-Gélie. Sont abordés ensuite des questionnements en plein essor autour de la plainte cognitive dans le cancer non cérébral de l’adulte par Florence Joly, ainsi que les prises en charge actuellement mises à l’épreuve pour améliorer le fonctionnement cognitif par Sophie Jacquin-Courtois et Karen T. Reilly. Le dossier se referme par un article portant sur les patients souffrant d’une tumeur cérébrale : «dépression, anxiété, troubles cogni- tifs et fatigue chez les adultes atteints d’un gliome de haut grade»par Monica Ribeiro et Damien Ricard.

L’étendue des champs abordés autour de la notion des traumatismes a permis de rendre très vivant ce 25eséminaire et ce numéro spécial à destination tant des chercheurs que des cliniciens. Nul doute que le prochain séminaire, consacré à la«neuropsychologie des interven- tions non médicamenteuses», sera dans la même veine.

Caen, novembre 2019, Bénédicte Giffard et Francis Eustache

<benedicte.giffard@unicaen.fr>

<francis.eustache@unicaen.fr>

Liens d’intérêt

les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet éditorial.

Références

1.Eustache F, Amieva H, Thomas-Antérion C,et al. La mémoire, entre sciences et société. Paris : Le pommier, 2019.

2.Canini F, El-Hage W, Garcia R. Le trouble de stress post-traumatique. Villers-lès-Nancy : La réponse du psy, 2017.

3.Azouvi P, De Boissezon X, Pradat-Diehl P, Brun V. Les fonctions exécutives du traumatisme crânien adulte : De trouble cognitif aux troubles du comportement. Maisons-Alfort : éditions Sauramps, 2019.

4.Lange M, Castel H, Le Fel J,et al. How to assess and manage cogni- tive impairment induced by treatments of non-central nervous system cancer. Neurosci Biobehav Rev2019 ; 107 : 602-14.

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