Thesis
Reference
Evaluation de l'impact clinique et économique de l'itinéraire clinique sur l'insuffisance cardiaque au Département de médecine interne des
Hôpitaux Universitaires de Genève
ZAWODNIK, Alexis
Abstract
Les itinéraires cliniques ont été créés pour standardiser et améliorer la prise en charge de patients présentant une pathologie similaire tout en améliorant l'efficience. Un itinéraire clinique sur l'insuffisance cardiaque (ICIC) a été instauré au Département de médecine interne (DMI) des Hôpitaux Universitaires de Genève en 2008. L'objectif de cette thèse est de mesurer l'impact clinique et économique de cet itinéraire clinique au sein du DMI. L'évaluation a été effectuée en comparant la prise en charge, le pronostic et les coûts de patients insuffisants cardiaques avant et après le déploiement de l'ICIC. Une revue rétrospective des dossiers médicaux informatisés de patients de 2007 et 2009 a permis cette comparaison. Les résultats montrent une évolution positive de la prise en charge médicale après l'instauration de l'ICIC.
ZAWODNIK, Alexis. Evaluation de l'impact clinique et économique de l'itinéraire clinique sur l'insuffisance cardiaque au Département de médecine interne des Hôpitaux Universitaires de Genève. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2011, no. Méd.
10649
URN : urn:nbn:ch:unige-165407
DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:16540
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:16540
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Section de médecine clinique Département de médecine interne Service de médecine interne générale
Thèse préparée sous la direction du Professeur Arnaud PERRIER
" Evaluation de l’impact clinique et économique de l’itinéraire clinique sur l’insuffisance cardiaque au Département de médecine interne
des Hôpitaux Universitaires de Genève"
Thèse
présentée à la Faculté de Médecine de l'Université de Genève
pour obtenir le grade de Docteur en médecine par
Alexis Marc Antoine ZAWODNIK de
Genève et Lausanne (VD)
Thèse n° 10649 Genève
2011
Table des matières
Pages
1. Résumé 2
2. Introduction 3 ‐ 4
3. Evaluations de l’impact clinique et économique des itinéraires cliniques
3.1. Evaluations de l’impact clinique des itinéraires cliniques 5 – 6
3.2. Evaluations de l’impact économique des itinéraires cliniques 7 ‐ 9
4. Evaluation de l’itinéraire clinique « insuffisance cardiaque » des HUG
4.1. Objectifs 10
4.2. Méthodologie 10 – 13
4.3. Résultats 14 – 29
4.4. Discussion 29 ‐ 31
5. Conclusion 31
6. Remerciements 32
7. Abréviations 32
8. Bibliographie 33 ‐ 34
9. Annexes 35 ‐ 39
1‐ Résumé
Les itinéraires cliniques ont été créés pour standardiser et améliorer la prise en charge de patients présentant une pathologie similaire tout en optimisant l’efficience.
Un itinéraire clinique sur l’insuffisance cardiaque (ICIC) a été instauré au Département de médecine interne (DMI) des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) en 2008.
L’objectif de cette thèse est de mesurer l’impact clinique et économique de cet itinéraire clinique au sein du DMI.
L’évaluation a été effectuée en comparant la prise en charge, le pronostic et les coûts de patients insuffisants cardiaques avant et après le déploiement de l’ICIC. Une revue rétrospective des dossiers médicaux informatisés de patients de 2007 et 2009 a permis cette comparaison.
Les résultats montrent une évolution positive de la prise en charge médicale après l’instauration de l’ICIC. Les patients insuffisants cardiaques sont mieux pris en charge aux HUG après l’introduction de l’ICIC.
Les patients inclus dans l’ICIC bénéficient d’un taux sensiblement supérieur d’échographie cardiaque durant leur séjour. Cet examen permet un diagnostic plus précis et une prise en charge adaptée.
Les traitements démontrés comme étant efficaces dans l’insuffisance cardiaque, et fortement recommandés, sont prescrits plus fréquemment et à des doses mieux adaptées chez les patients inclus dans l’ICIC.
Ces améliorations s’accompagnent d’une stabilisation des durées d’hospitalisation, ainsi que d’une tendance à la diminution des taux de réadmission et de la mortalité intra‐hospitalière.
On note également une harmonisation des durées d’hospitalisation et des coûts chez les patients inclus dans l’ICIC.
2 ‐ Introduction
Une multitude de définitions a été proposée pour les itinéraires cliniques.1 Il est néanmoins admis qu’un itinéraire clinique est un plan de prise en charge idéale d’un problème de santé spécifique.2 Les étapes clefs sont définies par une équipe pluridisciplinaire et inscrites dans un cadre temporel optimal pour atteindre des objectifs cliniques précis.3 Les itinéraires cliniques ont été développés dans le but d’améliorer la prise en charge des patients présentant une pathologie similaire, de réduire la variation des pratiques de soins4, de réduire les risques et d’augmenter l’efficience.1
En établissant des buts via une séquence chronologique idéale, les objectifs cliniques de ces itinéraires sont de standardiser et d’appliquer les dernières recommandations internationales (guidelines) de prise en charge et de traitement5, de fluidifier les diverses interventions et de diminuer les durées d’hospitalisation.6 Au final, le nombre et la fréquence des réadmissions doit rester stable ou diminuer après l’intégration d’un itinéraire clinique.7
Pour atteindre des objectifs clairement déterminés, les concepteurs d’itinéraires cliniques doivent définir des indicateurs de qualité qu’ils évaluent régulièrement. Si les résultats ne sont pas concluants, un processus d’amélioration est mis en place.
Dans un climat d’augmentation des coûts de la santé, les objectifs économiques des itinéraires cliniques sont d’optimiser les ressources à disposition, qu’elles soient humaines, matérielles ou temporelles.8 Ils concernent également une réduction des coûts totaux liés à l’hospitalisation9 et aux réadmissions.
Depuis plus de 30 ans, de nombreux itinéraires cliniques ont démontré une certaine efficacité. Les bénéfices cliniques concernent une diminution des réadmissions10 sans impact sur le taux de mortalité intra‐hospitalière.6 Les durées d’hospitalisation peuvent se voir réduites6, particulièrement en chirurgie.11 Une prise en charge plus fluide entre les unités de soins, des prescriptions médicamenteuses plus appropriées et plus proches des guidelines sont également observées. Toutefois, la qualité des études réalisées est hautement variable et il n’est pas rare qu’aucune amélioration ne soit démontrée.12
Les avantages économiques sont moins bien démontrés. Plusieurs études montrent une diminution des coûts totaux d’hospitalisation et de la durée d’hospitalisation.7 Toutefois, la plupart de ces études ne prennent pas en considération les coûts de développement, de mise en place ni de maintenance que génèrent les itinéraires cliniques.
La majorité des études concernant les itinéraires cliniques a été réalisée aux Etats‐Unis d’Amérique, dont le système de santé diffère passablement du nôtre. Notamment, les durées d’hospitalisation sont globalement plus courtes. Bien qu’une littérature européenne commence à émerger sur ce sujet, l’expérience suisse est très restreinte et l’on sait peu de chose de l’efficacité des itinéraires cliniques dans ce contexte.
A Genève, un itinéraire clinique sur l’insuffisance cardiaque (ICIC) été développé par une équipe pluridisciplinaire dans le but d’améliorer et de standardiser la prise en charge des patients et de réduire les journées d’hospitalisation inappropriées.13 Cet itinéraire clinique a été implanté en 2008 via le programme informatisé de prescriptions médicales PRESCO des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Il n’existe, dans la littérature médicale, que très peu d’itinéraires cliniques informatisés sur l’insuffisance cardiaque.14
Quatre étapes clefs représentatives du parcours standard d’un patient présentant une décompensation cardiaque ont été définies. Les critères de passage d’une phase à la suivante sont explicites. La figure 2.1 illustre ces différents aspects. Des captures d’écrans des différentes phases de l’ICIC se trouvent en annexe (figures 9.1.1 à 9.1.4).
Figure 2.1 : Phases et critères de passage de l’ICIC
Plusieurs indicateurs de qualité de l’ICIC ont été déterminés :
- Proportion de patients chez qui une échographie cardiaque est réalisée.
- Délai d’obtention de l’échocardiographie.
- Durée du séjour hospitalier en milieu de soins aigus.
- Taux de prescription à dose cible d’Inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion de l’Angiotensinogène (IEC) ou d’Antagonistes du Récepteur de l’Angiotensine II (ARA) à la sortie.
- Taux de prescription de β‐bloquants à la sortie.
- Taux de réadmission à 30 jours et à 90 jours après la sortie.
- Taux de mortalité intra‐hospitalière, à 30 jours et à 90 jours après la sortie.
Cet itinéraire clinique ainsi que son développement sont décrits en détails dans le travail de thèse de doctorat de la Dre Maryam Zare.15 Elle constatait alors que la prise en charge des patients insuffisants cardiaques était sous‐optimale aux HUG en 2007. Ses résultats sont rappelés dans le présent travail et comparés à ceux de 2009. L’auteure concluait qu’une
« prise en charge de l’insuffisance cardiaque multidisciplinaire était nécessaire afin que les recommandations internationales soient mieux appliquées » et que l’ICIC était un « outil potentiellement utile pour augmenter la qualité des soins et optimaliser l’usage des ressources. »
L’objectif de ce travail est de mesurer l’impact clinique et économique de l’ICIC au Département de médecine interne (DMI) des HUG. Cette thèse commence par une revue de la littérature de ce type d’évaluations et se poursuit par l’évaluation de l’ICIC.
3 – Evaluations de l’impact clinique et économique des itinéraires cliniques
3.1 – Evaluations de l’impact clinique des itinéraires cliniques
On trouve dans la littérature scientifique une multitude d’évaluations de l’impact clinique des itinéraires cliniques. En fonction de la pathologie concernée, des indicateurs de qualité sont déterminés et comparés. La plupart des études compare la prise en charge des patients inclus ou non dans un itinéraire clinique. Différents designs d’études sont possibles :
- Etude clinique randomisée contrôlée ; il s’agit en général d’une randomisation par
« cluster », c'est‐à‐dire par groupe d’hôpitaux.
- Etude clinique contrôlée.
- Etude clinique avant – après.
Les indicateurs de qualité les plus fréquemment choisis sont :
- Les complications intra‐hospitalières.
- La qualité de la documentation.
(Dossier médical, consentements, informations au patient) - La durée d’hospitalisation.
- Le taux de mortalité.
- Le taux de réadmission.
Il n’existe que très peu de données sur la validité des outils d’audit et d’évaluation des itinéraires cliniques. Vanhaecht and al.16 ont analysés 15 outils d’audit. Ils estiment qu’aucun de ces outils n’a été utilisé dans une publication scientifique peer‐reviewed pour évaluer l’effet d’un itinéraire clinique. Seul The Integrated Care Pathway Appraisal Tool17 a été validé par publication mais n’a jamais été cité dans un autre article scientifique évaluant un itinéraire.
Les évaluations d’itinéraires cliniques ne sont donc pas standardisées et les résultats publiés pour un itinéraire donné ne peuvent être généralisés.
Toutefois, une revue systématique des évaluations d’itinéraires cliniques a été publiée dans The Cochrane Library par Rotter et al. en 2010.6 27 études ont été intégrées dans cette méta‐analyse qui conclut que les itinéraires cliniques sont associés à une réduction des complications intra‐hospitalières, et une amélioration de la documentation sans impact (négatif ou positif) sur la mortalité ou le risque de réadmission. La majorité des itinéraires inclus montrait une diminution de la durée de séjour et des coûts ; cependant, une méta‐
analyse n’a pas pu être effectuée sur ces deux critères de jugement en raison d’une hétérogénéité entre les différentes études.
Quelques études évaluent spécifiquement l’efficacité des itinéraires cliniques sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque.
Panella et al. ont utilisé une randomisation d’hôpitaux par cluster pour comparer la mortalité intra‐hospitalière chez des patients souffrant d’insuffisance cardiaque.18 Quoique largement positifs en faveur de l’itinéraire clinique, les résultats doivent être pris avec circonspection. L’itinéraire clinique diminue la mortalité de 15% dans le groupe contrôle à 5% dans le groupe expérimental, soit une taille d’effet largement au‐delà de ce qui est habituellement observé. Il est peu plausible que le simple fait d’implémenter un itinéraire clinique dans certains hôpitaux puisse faire chuter d’autant la mortalité.
D’autres études randomisées contrôlées, présentant des résultats moins éclatants, ont été publiées. Philbin et al. ont montré en 2000 que l’intégration régionale d’un programme d’amélioration de qualité chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque contenant un itinéraire clinique n’a conduit qu’à une réduction non significative de la durée d’hospitalisation, sans changement sur les charges hospitalières, la mortalité, le taux de réadmission ou la qualité de vie.19
Enfin, l’existence probable d’un biais de publication (les études positives sont sélectivement publiées) incite également à la prudence lorsqu’on s’intéresse à l’efficacité globale des itinéraires cliniques.
De nombreux hôpitaux ont implanté des itinéraires cliniques sans preuve solide que ceux‐ci soient cliniquement ou économiquement efficaces.3 Les itinéraires cliniques sont des outils conçus à la fois pour améliorer la qualité des soins et pour en réduire les coûts. C'est essentiellement ce dernier objectif qui intéresse les gestionnaires. La multiplication de publications superficielles faisant état d'économies substantielles a créé un véritable engouement pour les itinéraires.20
3.2 ‐ Evaluations de l’impact économique des itinéraires cliniques
Les itinéraires cliniques cherchent à optimiser l’utilisation des ressources à disposition, qu’elles soient humaines, matérielles ou temporelles.8
La plupart des études publiées compare les durées de séjour et les coûts totaux d’hospitalisation avec ou sans itinéraire clinique. Elles s’apparentent plus à des analyses de coûts qu’à des évaluations médico‐économiques complètes telles que décrites par Drummond et al.21 Ces derniers décrivent trois types d’évaluations médico‐économiques complètes :
- Analyse coût‐efficacité
Les coûts et les conséquences de programmes de santé ou de traitements sont examinés. La mesure d’efficacité varie en fonction de l’étude, elle peut être, par exemple, en « année de vie sauvée » dans le cas d’un programme de dépistage du cancer ou en « diminution de la tension artérielle » dans l’évaluation d’un traitement antihypertenseur. Ce type d’analyse est souvent utilisé pour prendre la décision d’introduction ou non d’un nouveau programme ou traitement quand plusieurs options existent et qu’un budget est fixé.
- Analyse coût‐utilité
Contrairement à l’analyse coût‐efficacité dont la mesure d’efficacité varie, l’analyse coût‐utilité contient, comme mesure de l’effet, une unité standardisée. Typiquement, les QALYs (Quality‐Adjusted Life‐Years) sont utilisés. Il s’agit d’une unité de mesure de la qualité de vie. Une année en pleine santé vaut, par exemple, trois ans de vie avec une maladie bénigne. Les résultats de ces études sont exprimés en coût par QALY.
Grace à cette unité, il est possible de comparer des programmes très différents, par exemple, le dépistage du cancer du col de l’utérus avec le traitement antirétroviral de patients séropositifs. Ceci peut être très utile pour se faire une idée de la valeur
« absolue » d’une intervention. Toutefois, la qualité de vie est difficile à définir et son interprétation varie grandement entre les individus. Les QALYs ont donc une certaine subjectivité intrinsèque.
- Analyse coût‐bénéfice
Cette analyse nécessite que les conséquences d’un programme ou d’un traitement soient quantifiées en unité monétaire. Il est ainsi possible de comparer le coût d’une intervention et ses bénéfices économiques au coût potentiel de l’absence de cette intervention. Ceci permet de décider de l’allocation de ressources et de comparer également des programmes « non médicaux ».
L’évaluation économique globale des itinéraires cliniques est complexe. Il est nécessaire de prendre en considération les coûts des ressources humaines pour le développement (qu’elles soient médicales ou informatiques dans le cas d’itinéraires cliniques informatisés), les coûts de mise en place, les coûts de formation du personnel ainsi que du suivi et
finalement les coûts d’évaluation, de retouche ou de correction. Ces coûts sont à mettre en perspective avec les bénéfices attendus.
Il n’existe actuellement dans la littérature scientifique que très peu d’évaluations de ces coûts. Comried a estimé en 1996 le coût de développement et d’implantation d’un itinéraire clinique concernant les césariennes à environ USD 20'000.22
Quand il s’agit d’analyses médico‐économiques, il est fondamental de se positionner d’un point de vue sociétal et non uniquement institutionnel. En effet, un patient donné peut rapporter financièrement à une institution de soins mais provoquer d’importants coûts pour la société dans son ensemble, que ce soit dû à des coûts directs (traitement, réadmission, soins à domicile), mais également des coûts indirects (jours sans travail, surcharge pour ses proches). Les besoins d’encadrement de ces patients ont également un coût humain très important, que ce soit pour les familles, les amis ou le personnel d’aide à domicile.
Par ailleurs, il est important d’observer si les coûts éventuellement économisés ne se déplacent pas d’un secteur à l’autre, comme cela peut être le cas si un patient consomme plus de ressources à l’extérieur de l’hôpital qu’il ne le ferait en restant hospitalisé.
Les conclusions de Rotter et al. dans leur méta‐analyse6 sont que la plupart des études montrent une réduction des coûts hospitaliers significative mais qu’aucune étude ne permet de savoir si cette réduction s’accompagne d’un glissement des coûts vers un autre secteur de soins.
Dans une autre méta‐analyse7 incluant 17 études, Rotter et al. estiment que les études reportant des données économiques ont un niveau d’évaluation très limité. Toutefois, la plupart des études montre quand même un impact positif quant à la durée de séjour et aux coûts hospitaliers. Les itinéraires cliniques concernant des procédures invasives montrent une réduction de la durée de séjour plus importante.
Cette réduction est probablement due au fait que des prises en charge bien standardisées (chirurgie, gestes techniques) sont plus faciles à traduire sous la forme d’un itinéraire clinique que des pathologies pour lesquelles une grande variation de prises en charge existe.
Si les étapes « critiques » sont bien définies, il est concevable d’observer plus de fluidité et donc une rapidité de prise en charge accrue et finalement une diminution de la durée d’hospitalisation.
Une diminution de la durée de séjour ne s’accompagne pas forcément d’une réduction des coûts totaux d’hospitalisation. Si de nombreux examens onéreux sont effectués lors d’une hospitalisation de courte durée, les coûts totaux peuvent dépasser ceux d’une hospitalisation plus longue comprenant moins d’examens.
Des bénéfices plus subtils peuvent être conséquents à un itinéraire clinique. Par exemple, si ce dernier intègre de manière standardisée un choix d’examens ou de médicaments respectant les guidelines moins onéreux que ceux habituellement effectués, on peut imaginer une diminution des coûts globaux.
A l’inverse, l’implantation d’un itinéraire clinique peut théoriquement aboutir à des coûts de traitement supérieurs en cas d’application antérieure insuffisante d’une intervention coûteuse mais recommandée par les guidelines, ou d’un rationnement implicite d’une prestation coûteuse. Dans notre cas, l’évaluation par ultrasonographie (US) cardiaque du type d’insuffisance cardiaque ajoute un coût supplémentaire si cet examen est effectué.
Un itinéraire clinique bien conçu peut également être utile à la formation continue du personnel soignant. En effet, si l’itinéraire est mis à jour fréquemment en lui intégrant les dernières directives de prise en charge, il peut économiser du temps aux médecins. Ce temps passé initialement à la mise à jour des connaissances pourra être consacré à une autre activité (clinique, recherche, enseignement).
Il est bien entendu quasiment impossible de quantifier réellement ces apports indirects, mais on peut présumer qu’ils apportent une plus‐value aux itinéraires cliniques.
C’est dans ce contexte que l’on a décidé d’effectuer la première évaluation de l’impact clinique et économique de l’itinéraire clinique sur l’insuffisance cardiaque (ICIC) au Département de médecine interne (DMI) des Hôpitaux Universitaires de Genève. Il s’agit du premier itinéraire clinique à avoir été instauré au sein du DMI. Cette étude cherche à comparer la prise en charge, le pronostic et les coûts des patients avant et après l’intégration de l’ICIC.
4 ‐ Evaluation de l’itinéraire clinique « insuffisance cardiaque » des HUG
4.1 ‐ Objectifs
Déterminer si l’introduction d’un itinéraire clinique sur l’insuffisance cardiaque a une influence sur des critères de qualité de prise en charge et/ou sur la consommation des ressources.
4.2 ‐ Méthodologie
Deux cohortes de patients atteints d’insuffisance cardiaque ont été incluses. La première intègre tous les patients sortis du DMI en 2007, la seconde les patients sortis en 2009.
En 2007, les patients ayant un diagnostic de sortie principal contenant l’un des codes CIM‐10 suivants ont été inclus :
I 50.0 Insuffisance cardiaque congestive I 50.1 Insuffisance cardiaque gauche I 50.9 Insuffisance cardiaque sans précision I 11.0 Cardiopathie hypertensive avec IC
I 13.2 Cardionéphropathie hypertensive avec insuffisance cardiaque congestive
Entre 2007 et 2009, une modification des codes CIM‐10 a eu lieu. Le nouveau codage inclut plus de précision quant aux symptômes du patient. Les codes CIM‐10 suivants ont été retenus pour l’année 2009 :
I 50.00 Insuffisance cardiaque congestive
I 50.01 Insuffisance ventriculaire droite secondaire I 50.11 Insuffisance ventriculaire gauche: Sans symptôme
I 50.12 Insuffisance ventriculaire gauche: Avec symptôme en cas d'effort important I 50.13 Insuffisance ventriculaire gauche: Avec symptôme en cas d'effort léger I 50.14 Insuffisance ventriculaire gauche: Avec symptôme au repos
I 50.19 Insuffisance ventriculaire gauche: Non précisée I 50.9 Insuffisance cardiaque sans précision
I 13.20 Cardionéphropathie hypertensive, avec insuffisance cardiaque (congestive) et rénale; Sans mention de crise hypertensive
I 13.21 Cardionéphropathie hypertensive, avec insuffisance cardiaque (congestive) et rénale; Avec mention de crise hypertensive
I 11.00 Cardiopathie hypertensive, avec insuffisance cardiaque (congestive): Sans mention de crise hypertensive
I 11.01 Cardiopathie hypertensive, avec insuffisance cardiaque (congestive): Avec mention de crise hypertensive
Critères d’inclusion :
- Patient présentant une dyspnée nouvelle ou en aggravation comme motif d’hospitalisation.
- Diagnostic d’insuffisance cardiaque gauche ou globale retenu dans la lettre de sortie.
Critères d’exclusion :
- Transfert aux Soins Intensifs depuis le Service des Urgences.
- NT‐proBNP à l’admission < 300 ng / l.
Trois groupes principaux ont été définis:
o Patients de 2007 (non exposés à l’ICIC).
o Patients de 2009 non inclus dans l’ICIC (traitement standard).
o Patients de 2009 inclus dans l’ICIC.
Les analyses principales comparent entre eux ces trois groupes et tentent de déterminer si une évolution de la prise en charge des patients insuffisants cardiaques est présente.
Pour déterminer la contribution de changements éventuels dans la population ou dans la prise en charge survenus au cours du temps, un 2e groupe d’analyses compare tous les patients de 2007 à tous ceux de 2009 (inclus ou non dans l’ICIC).
Des comparaisons s’intéressant uniquement aux patients de 2009 (inclus dans l’ICIC versus non‐inclus) ont aussi été effectuées afin de tester si une différence systématique entre ces deux types de patients pourrait être un facteur de confusion dans la relation entre l’inclusion dans l’itinéraire clinique et les critères de jugements principaux et secondaires.
Enfin, des analyses de sous‐groupe concernant uniquement les patients avec une FEVG diminuée ont été faites. En effet, les prescriptions médicamenteuses à la sortie étudiées dans ce travail bénéficient essentiellement à ce type de patients.
Les éléments suivants ont été comparés :
- Proportion d’US cardiaque effectués lors du séjour.
- Proportion de patients dont la prescription médicamenteuse à la sortie est conforme aux guidelines.
- Evolution des patients (décès, réadmission, durée de séjour).
- Durée d’hospitalisation.
- Coûts d’hospitalisation.
Score de qualité :
Nous avons élaboré un score de qualité en fonction de l’adhérence aux guidelines de prise en charge de l’insuffisance cardiaque. Un point a été attribué pour chacun des éléments suivants :
- Réalisation d’un US cardiaque en cours d’hospitalisation.
- Prescription d’un β‐bloquant à la sortie.
- Prescription d’une dose‐cible (forte dose) de bloqueur du système Rénine‐
Angiotensine‐Aldostérone (RAA) à la sortie.
Les durées de séjour ont été évaluées sur la base du dossier médical informatisé des patients inclus dans cette étude. Elles sont définies par la durée totale d’hospitalisation en milieu de soins aigus, c’est‐à‐dire au sein du bâtiment principal (site Cluse‐Roseraie) des HUG. Elles incluent les unités du SMIG, du Service de Cardiologie, des Soins Intermédiaires, des Soins Intensifs, mais également des transferts éventuels dans des unités spécialisées (Chirurgie, Dermatologie, etc.) Les transferts en Réhabilitation (Hôpital de Beau‐Séjour) ou en Gériatrie (Hôpital des Trois‐Chêne) n’ont pas été comptabilisés dans ces analyses.
Les données économiques ont été obtenues auprès du Service d’Informations Médico‐
Economiques des HUG (SIMECO). Les coûts des patients ont été déterminés sur la base de la facturation, qui est effectuée par code DRG (Diagnosis Related Group). Ces codes correspondent aux diagnostics finaux cités dans la lettre de sortie des patients. Seuls les diagnostics, les interventions et les comorbidités qui ont le Cost Weight le plus élevé sont conservés car il n’est pas possible de cumuler les codes.
Les codes DRG sont associés à un nombre de points (Cost Weight), eux‐mêmes reliés à un montant. C’est ce montant qui sera facturé à l’assurance‐maladie du patient. Il correspond en partie aux coûts, pour notre société, de l’hospitalisation d’un patient présentant la pathologie codée. En effet, une grande partie du coût de fonctionnement des HUG est payé directement par l’Etat et non facturé aux assurances. Cette somme étant globale, elle ne peut être attribuée à un patient donné et n’a donc pas été prise en compte dans notre analyse économique.
Les codes DRG ne tiennent pas compte du coût des examens effectués ni des traitements administrés durant l’hospitalisation. Les coûts réels pour l’institution de soins ne sont donc pas définis avec précision. Les coûts d’un patient donné pour les HUG sont définis à distance de son hospitalisation par extrapolation des coûts pour tous les patients ayant effectué le même type de séjour : durée de séjour, interventions, lieux d’hospitalisation, etc. Ces coûts ne sont donc pas extrêmement précis pour un patient donné.
Le montant facturé est légèrement influencé par la durée de séjour. Les outliers, patients dépassant clairement les durées moyennes de séjour pour un code DRG donné, se voient attribuer davantage de points et ont donc une facture plus élevée. Toutefois, seules les valeurs extrêmes sont considérées.
La facturation par DRG a pour principal objectif de diminuer les coûts de la santé en comparant les hôpitaux et en les incitant à améliorer leur efficience.
Les montants facturés par DRG ont été comparés entre 2007 et 2009 en corrigeant le prix du point DRG pour l’année 2009, soit CHF 4'443.‐ par point pour les patients en classe commune. Les patients au bénéfice d’une assurance privée ou semi‐privée ont été exclus de cette analyse de coût.
Les décès ont été déterminés sur la base du site internet de l’état civil de la République et Canton de Genève (www.geneve.ch/etatcivil) et du Dossier Patient Informatisé des HUG.
Evaluation des traitements :
Les doses de traitements cardioactifs ont été définies conformément aux recommandations européennes. Le tableau de conversion se trouve en annexe (Tableau 9.2.1).
Pour déterminer le taux d’Inhibiteur du système Rénine‐Angiotensine‐Aldostérone (RAA) à l’admission et à la sortie, les patients ayant des doses inconnues d’IEC ou d’ARA ont été exclus. Une dose faible d’IEC ou d’ARA a été considérée comme dose faible d’inhibiteur du RAA. Une dose moyenne d’IEC ou d’ARA ou une dose faible d’IEC et une dose faible d’ARA ont été considérées comme dose moyenne d’inhibiteur du RAA. Des dosages supérieurs d’IEC et d’ARA ont été considérés comme des doses fortes d’inhibiteur du RAA.
Analyses statistiques :
Les données ont été extraites rétrospectivement des dossiers médicaux informatisés des patients éligibles. Les variables catégoriques ont été comparées au moyen d’un Chi Carré.
Les variables continues ont été comparées au moyen d’un T‐Test après transformation logarithmique en cas de distribution non Gaussienne.
Une courbe de survie selon Kaplan‐Meier a été effectuée pour visualiser le risque de décès ou de réadmission entre les groupes. La significativité statistique a été évaluée par un test de Log Rank.
Pour étudier l’impact de l’itinéraire sur le risque de réadmission, nous avons restreint l’analyse au sous‐groupe des patients rentrés directement à domicile. Une régression de Poisson a été utilisée afin de modéliser le rapport entre l’inclusion dans l’itinéraire et le taux d’événements après la sortie (réadmission ou décès), en ajustant pour les principaux confondants. La régression de Poisson a été préférée à un modèle de Cox au vu du croisement initial des courbes dans le Kaplan‐Meier.
La régression de Poisson est utilisée pour décrire le nombre d’occurrences d’un événement dans une période de temps donnée, quand ces événements surviennent par hasard et sont indépendants l’un de l’autre. Ceci est le cas des réadmissions et des décès des patients inclus dans notre étude.
Les analyses ont été effectuées avec les logiciel SPSS 15.0, SPSS Statistics 17.0 et STATA 10.0.
4.3 ‐ Résultats
752 patients ont été analysés, 336 pour l’année 2007, 416 pour l’année 2009. La figure 4.3.1 illustre le diagramme d’inclusion des patients. Certains patients ont été exclus pour plusieurs motifs.
Figure 4.3.1 : Diagramme d’inclusion des patients
L’augmentation du nombre de patients est probablement induite par le changement dans les codes diagnostics CIM‐10 entre 2007 et 2009, plus précis et plus nombreux pour l’année 2009. Toutefois, comme nous pouvons le constater ci‐dessous, les patients sont en tous points comparables quant à leurs caractéristiques démographiques et comorbidités à l’admission.
Caractéristiques démographiques et comorbidités à l’admission
Les tableaux 4.3.1 et 4.3.2 illustrent les caractéristiques démographiques des patients à leur admission. Le tableau 4.3.3 montre les comorbidités des patients inclus. La notion d’insuffisance rénale chronique dans le dossier médical et une créatininémie à l’admission supérieure à 150 µmol/l. ont été utilisés pour définir la comorbidité « IRC ».
Tableau 4.3.1 : Proportion de sexe masculin
Tableau 4.3.2 : Age des patients
Tableau 4.3.3 : Comorbidités à l’admission
Les patients analysés en 2007 et 2009 présentent les mêmes caractéristiques démographiques et comorbidités. Il s’agit d’une population globalement âgée et polymorbide.
Traitements à l’admission
Les tableaux 4.3.4 à 4.3.8 illustrent les traitements des patients et leur dose à l’admission.
Tableau 4.3.4 : Taux d’Inhibiteur de l’Enzyme de Conversion de l’Angiotensinogène (IEC) à l’admission [%]
2007 (n = 336)
2009 (n = 416)
% % Valeur P
57.1 54.8 0.521
Moyenne Médiane Ecart‐type Moyenne Médiane Ecart‐type Valeur P
77.8 80 10.7 77 79 10.5 0.323
2007 2009
2007 (n = 336)
2009 (n = 416)
% % Valeur P
HTA traitée 76.2 75.5 0.821
Maladie coronarienne 45.5 44.7 0.821
FA 46.4 49.5 0.399
IRC 24.4 24 0.907
Diabète traité 27.4 32.2 0.151
Tabagisme actif 17.3 16.8 0.875
BPCO 15.8 20.9 0.072
Aucun Dose faible Dose moyenne Dose forte Dose inconnue Valeur P
2007 56.6 11.1 14.5 15.7 2.2
2009 56.5 8.5 14.7 17.6 2.7 0.785
Tableau 4.3.5 : Taux d’Antagoniste du Récepteur de l’Angiotensine II (ARA) à l’admission [%]
Tableau 4.3.6 : Taux d’Inhibiteur du système Rénine‐Angiotensine‐Aldostérone (RAA) à l’admission [%]
Les taux de β‐bloquant à l’admission sont illustrés dans le tableau 4.3.7. Les patients ayant des doses inconnues de β‐bloquant ont été exclus.
Tableau 4.3.7 : Taux de β‐bloquant à l’admission [%]
Tableau 4.3.8 : Autres traitements à l’admission
52.6 % des patients de 2009 inclus dans cette étude ont été intégrés dans l’ICIC. La comparaison des patients inclus ou non dans l’ICIC ne montre aucune différence significative quant aux variables démographiques, comorbidités et traitements à l’admission. Les résultats ne sont donc pas publiés ici.
Aucun Dose faible Dose moyenne Dose forte Dose inconnue Valeur P
2007 77.8 2.5 11.4 6.8 1.5
2009 71.9 3.4 11.9 8.8 4 0.201
Aucun Dose faible Dose moyenne Dose forte Valeur P
2007 37.4 13.4 25.9 23.3
2009 32.8 12.5 26.8 27.9 0.472
Aucun Dose faible Dose moyenne Dose forte Valeur P
2007 60.7 27.1 10.3 1.9
2009 53 25.8 14.6 6.6 0.004
2007 2009
% % Valeur P
Diurétique de l'anse 58 66.5 0.021
Spironolactone 15.2 18.9 0.194
Pacemarker de resynchronisation 5.7 5 0.705
Taux de NT‐ProBNP à l’admission [ng/l.]
Figure 4.3.2 : Taux de NT‐ProBNP à l’admission de tous les patients
Figure 4.3.3 : Taux de NT‐ProBNP à l’admission des patients de 2009
On note une légère différence du taux de NT‐ProBNP à l’admission entre les patients de 2009 inclus dans l’ICIC et ceux non inclus. Cette différence n’a probablement aucune signification clinique.
Prise en charge
Le tableau 4.3.9 montre les différents examens complémentaires et procédures effectués lors de l’hospitalisation des patients inclus dans notre étude.
Tableau 4.3.9 : Prise en charge intra‐hospitalière de tous les patients
On remarque une nette augmentation du taux d’US cardiaque effectué durant le séjour hospitalier des patients entre 2007 et 2009. Ceci est probablement dû à l’informatisation de la demande d’US cardiaque pour les patients inclus dans l’ICIC. Comme nous pouvons le constater dans le tableau 4.3.10, les patients inclus dans l’ICIC ont eu nettement plus d’US cardiaque que les patients de 2007 ou les patients non inclus dans l’ICIC. Par ailleurs, on a effectué plus d’IRM, PET ou CT cardiaque en 2009 qu’en 2007. Parallèlement, moins de scintigraphie ou de ventriculographie ont été demandées. Ceci est dû à l’évolution des pratiques médicales.
Tableau 4.3.10 : Proportion de patients chez qui un ultrason cardiaque a été réalisé durant l’hospitalisation
Hormis le taux d’US cardiaque effectué, les autres éléments de la prise en charge ne présentent aucune différence entre les patients de 2009 inclus dans l’ICIC et ceux non inclus.
La comparaison des deux groupes n’est donc pas publiée ici.
Grâce à une meilleure prescription d’US cardiaque durant l’hospitalisation, la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) des patients est plus fréquemment déterminée en 2009 qu’en 2007.
2007 ( n = 336)
2009 (n = 416)
% % Valeur P
US cardiaque 51.2 67.8 <0.001
Scintigraphie / Ventriculographie 12.2 6.3 0.004
IRM / PET / CT cardiaque 2.7 6.3 0.021
Coronarographie / Cathétérisme cardiaque 11 13.5 0.310
Pacemaker 3.9 5.3 0.358
PTCA 2.7 3.4 0.587
Electrophysiologie 2.1 1.4 0.503
Pontage aorto‐coronarien 1.8 1.2 0.507
2007 (n = 336)
2009 non‐ICIC (n = 197)
2009 ICIC (n = 219)
% % % Valeur P
51.2 61.4 73.5 <0.001
US cardiaque
Le tableau 4.3.11 montre la proportion de patients dont la FEVG a été déterminée durant l’hospitalisation ou dans les six mois précédant l’hospitalisation. Toutes les méthodes permettant de déterminer la FEVG (US cardiaque, IRM cardiaque, scintigraphie cardiaque) ont été prises en compte.
Tableau 4.3.11 : Proportion de patients chez qui la FEVG a été déterminée en intra‐hospitalier ou dans les 6 mois précédant l’hospitalisation.
En 2009, plus de 85% des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque ont eu une évaluation de leur FEVG. Celle‐ci permet une meilleure prise en charge thérapeutique car les guidelines diffèrent en fonction de la FEVG.23 24
Par ailleurs, l’US cardiaque permet de rechercher une étiologie spécifique d’insuffisance cardiaque (valvulopathie, cardiopathie ischémique, etc.).
Le type d’insuffisance cardiaque, à FEVG normale ou diminuée, est représenté dans les tableaux 4.3.12 et 4.3.13. On constate que les patients inclus dans l’ICIC souffrent d’avantage d’insuffisance cardiaque à FEVG diminuée. Ces patients sont plus à même de bénéficier des avantages de l’ICIC car les recommandations de prise en charge proposées s’adressent principalement à ce type de patients.
Tableau 4.3.12 : Proportion d’insuffisance cardiaque à FEVG normale ou diminuée chez tous les patients pour lesquels la FEVG a été déterminée
Tableau 4.3.13 : Proportion d’insuffisance cardiaque à FEVG normale ou diminuée chez les patients de 2009 pour lesquels la FEVG a été déterminée
2007 (n = 336)
2009 non‐ICIC (n = 197)
2009 ICIC (n = 219)
% % % Valeur P
67.3 81.7 89 <0.001
FEVG déterminée
2007 (n = 226 )
2009 (n = 356 )
% % Valeur P
FEVG normale 46 41.9
FEVG diminuée 54 58.1 0.323
non‐ICIC (n = 161)
ICIC (n = 195)
% % Valeur P
FEVG normale 49.1 35.9
FEVG diminuée 50.9 64.1 0.012
Traitements à la sortie
Les traitements à la sortie des patients sont illustrés dans les tableaux 4.3.14 et 4.3.15. Dans ces tableaux, tous les patients de notre étude sont inclus, indépendamment de leur FEVG, à l’exception des patients décédés durant leur hospitalisation. On note une tendance à l’augmentation du taux d’inhibiteur du RAA prescrit chez les patients de 2009. Cette progression est encore plus marquée chez les patients inclus dans l’ICIC. Les β‐bloquants présentent une progression significative de leur taux de prescription et de doses entre 2007 et 2009. De plus, les patients inclus dans l’ICIC sont mieux traités que ceux non inclus.
Tableau 4.3.14 : Taux d’Inhibiteur du système Rénine‐Angiotensine‐Aldostérone à la sortie chez tous les patients
Tableau 4.3.15 : Taux de β‐bloquant à la sortie chez tous les patients
Nous avons comparé les doses de β‐bloquant entre l’entrée et la sortie chez les patients insuffisants cardiaques. Les patients dont les doses sont inconnues à l’entrée ont été exclus de cette analyse. Un point est ajouté ou retiré à chaque passage d’une dose à l’autre. Par exemple, un patient sans β‐bloquant à l’admission qui sort avec une dose faible gagnera 1 point ; un patient avec une dose moyenne à l’entrée qui sort sans β‐bloquant perdra 2 points. Les tableaux 4.3.16 et 4.3.17 illustrent cette progression.
On remarque une nette augmentation des doses de β‐bloquant en cours d’hospitalisation chez les patients inclus dans l’ICIC par rapport à ceux non inclus. On constate que l’augmentation des doses entre 2007 et 2009 est due en totalité aux patients inclus dans l’ICIC.
2007 (n = 314)
2009 non‐ICIC (n = 187)
2009 ICIC (n = 215)
% % % Valeur P
Aucun 12.1 19.3 9.3
Dose faible 19.7 18.7 20.5
Dose moyenne 37.3 32.1 35.3
Dose forte 30.9 29.9 34.9
Inhibiteur RAA
0.126
2007 (n = 314)
2009 non‐ICIC (n = 187)
2009 ICIC (n = 215)
% % % Valeur P
Aucun 45.2 35.8 29.3
Dose faible 37.9 29.4 41.4
Dose moyenne 14 28.9 20
Dose forte 2.9 5.9 9.3
BB
<0.001
Tableau 4.3.16 : Evolution des doses de β‐bloquant durant l’hospitalisation
Tableau 4.3.17 : Progression des doses de β‐bloquant durant l’hospitalisation supérieure à 1 point
L’ICIC stimule donc l’introduction d’un β‐bloquant ou l’augmentation de sa dose en cours d’hospitalisation malgré le fait que les patients inclus dans l’ICIC présentent plus souvent une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection abaissée, situation clinique dans laquelle l’introduction d’un β‐bloquant est plus difficile. Cela peut être dû au fait qu’un β‐bloquant est systématiquement proposé dans l’ICIC informatisé.
On ne trouve aucune évolution quant au traitement par bloqueur du système Rénine‐
Angiotensine‐Aldostérone (RAA) entre 2007 et 2009. Les patients étaient déjà relativement bien traités en 2007 avec seulement 12% des patients ne recevant aucune molécule de cette classe.
Les analyses de sous‐groupe, restreintes aux patients avec une FEVG diminuée, sont illustrées dans les tableaux 4.3.18 et 4.3.19. Les patients décédés durant leur hospitalisation ont été exclus. On ne note pas de différence significative de prescription entre les trois groupes chez les patients avec une FEVG diminuée.
2007 (n = 220)
2009 non‐ICIC (n = 125)
2009 ICIC (n =137)
% % %
Moins 3 points 0.5 0.8 0
Moins 2 points 2.3 2.4 2.9
Moins 1 point 4.1 6.4 5.1
Statu quo 64.1 64 48.9
Plus 1 point 21.4 14.4 32.1
Plus 2 points 6.4 10.4 9.5
Plus 3 points 1.4 1.6 1.5
Progression BB
2007 (n = 220)
2009 non‐ICIC (n = 125)
2009 ICIC (n = 137)
% % % Valeur P
Augmentation ≥ 1 pt 29.1 26.4 43.1 0.006
Progression BB
Tableau 4.3.18 : Proportion de patients avec prescription d’Inhibiteur du système Rénine‐Angiotensine‐
Aldostérone à la sortie (patients avec une FEVG diminuée)
Tableau 4.3.19 : Proportion de patients avec prescription de β‐bloquant à la sortie (patients avec une FEVG diminuée)
Transfert
Les lieux de transfert après l’hospitalisation des patients inclus dans notre étude sont semblables pour tous les groupes comparés. Ils sont illustrés dans le tableau 4.3.20.
Tableau 4.3.20 : Lieux de transfert des patients après leur hospitalisation au SMIG
Réadmission
Les patients insuffisants cardiaques sont fréquemment réhospitalisés en raison de leur pathologie et leurs comorbidités. Les résultats concernant tous les patients inclus dans notre étude sont montrés dans le tableau 4.3.21. Toutes les réadmissions au sein des HUG ont été considérées pour ces analyses, indépendamment du service. Seuls les patients rentrés à domicile au terme de leur hospitalisation initiale au SMIG ont été analysés, tandis que les patients transférés dans d’autres services ont été exclus. Les taux de réadmission sont similaires à ceux retrouvés dans la littérature médicale. Curtis et al. décrivent un taux d’environ 25% à 30 jours.25
2007 (n =112)
2009 non‐ICIC
(n =78)
2009 ICIC (n =122)
% % % Valeur P
Aucun 7.1 14.1 5.7
Dose faible 26.8 17.9 26.2
Dose moyenne 35.7 30.8 35.2
Dose forte 30.4 37.2 32.8
Inhibiteur RAA
0.313
2007 (n =112)
2009 non‐ICIC
(n =78)
2009 ICIC (n =122)
% % % Valeur P
Toutes doses 69.6 79.5 74.6 0.309
BB
2007 (n = 336)
2009 non‐ICIC (n = 197)
2009 ICIC (n =219)
% % % Valeur P
Retour à domicile / EMS 69.3 71.6 70.8 Réhabilitation / autre 30.7 28.4 29.2
Transfert
0.851
Tableau 4.3.21 : Taux de réadmission des patients rentrés à domicile
Les motifs de réadmission de ces patients sont variés. En 2007, 47.2% des patients réhospitalisés l’ont été pour une nouvelle décompensation cardiaque. En 2009, ce chiffre s’élève à 52.8%.
Si l’on restreint la comparaison aux patients de 2009 inclus ou non dans l’ICIC, les taux de réadmissions à 90 jours restent élevés avec 42% des patients non inclus dans l’ICIC contre 33.8% de patients inclus. Ces résultats ne sont pas significatifs (valeur P = 0.156), probablement en raison du manque de puissance de notre étude.
On voit donc une tendance non significative de diminution du risque de réadmission entre 2007 et 2009. La comparaison des patients ICIC et non ICIC suggère que l’ICIC pourrait diminuer le risque de réadmission.
Décès
L’insuffisance cardiaque est associée à une mortalité importante. Curtis et al. trouvent un taux de décès intra‐hospitalier d’environ 5% et de plus de 10% à 30 jours suivant l’hospitalisation.25 Les taux de décès de nos patients se trouvent dans le tableau 4.3.22.
Environ 15% des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque décèderont dans les 90 jours suivant leur hospitalisation. Ces taux sont donc similaires à ceux publiés dans la littérature médicale.
Aucune différence n’est trouvée entre les années 2007 et 2009. De plus, toutes les analyses de sous‐groupes effectuées (patients de 2009 inclus ou non dans l’ICIC, patients avec une FEVG diminuée) montrent des résultats semblables. Elles ne sont donc pas publiées ici.
Tableau 4.3.22 : Taux de décès des patients 2007
(n = 212)
2009 (n = 282)
% % Valeur P
A 30 jours 21.2 17.4 0.281
A 90 jours 42 37.6 0.323
Réadmission
2007 (n = 336)
2009 (n = 416)
% % Valeur P
Intrahospitaliers 6.3 3.4 0.062
A 30 jours 9.8 8.4 0.503
A 90 jours 15.8 14.7 0.673
Décès
Nous avons également étudié le risque de réadmission ou de décès chez les patients rentrés à domicile. Les courbes de survie selon Kaplan‐Meier (figure 4.3.4) montrent une diminution de ce risque pour les patients admis dans l’ICIC en comparaison aux patients non‐admis en 2009 et à la population de 2007. Cette diminution n’atteignait cependant pas la significativité statistique (valeur P = 0.08 par le test du Log Rank).
Figure 4.3.4 : Risque de décès ou de réadmission chez les patients rentrés à domicile
2007 ‐‐‐‐‐‐
2009 non inclus dans l’ICIC ‐‐‐‐‐‐
2009 inclus dans l’ICIC ‐‐‐‐‐‐
Tableau 4.3.23 : Rapport de taux d’incidence de l’ICIC ajusté pour les principaux confondants
En modélisant le taux d’incidence de réadmission ou de décès dans une régression de Poisson et en ajustant pour les facteurs de confusion, le groupe inclus dans l’ICIC présente une diminution de ce taux de 28 % (valeur P = 0.04). Ce résultat ne variait pas en utilisant un modèle de Cox. Les résultats sont illustrés dans le tableau 4.3.23.
En utilisant le même modèle avec comme catégorie de référence tous les patients admis en 2009, le rapport de taux d’incidence est de 0.82 (IC 95% : 0.62‐1.07, valeur P = 0.148), ce qui suggère que l’évolution temporelle ne joue pas un rôle significatif dans cette diminution du risque.
Score de qualité
Le score de qualité décrit dans le chapitre « méthodologie » a été utilisé pour déterminer l’adhérence aux guidelines de prise en charge de l’insuffisance cardiaque. Les patients n’ayant aucun point à ce score étant peu nombreux, ils sont analysés avec les patients ayant 1 point, ce qui donne trois niveaux d’adhérence aux guidelines. Le score de qualité pour chaque groupe est illustré dans le tableau 4.3.24.
Tableau 4.3.24 : Score de qualité
Une proportion nettement supérieure de patients se voit attribuer deux ou trois points en 2009, particulièrement les patients inclus dans l’ICIC. De manière attendue, ce score de qualité montre une association forte et progressive avec une diminution du risque de décès ou de réadmission après la sortie. Chaque point supplémentaire à ce score diminue le taux
Rapport de taux
d'incidence Intervalle de confiance Valeur P
ICIC 0.72 0.53 ‐ 0.98 0.040
Age (quartile) 0.90 0.80 ‐ 1.02 0.111
Sexe 1.05 0.78 ‐ 1.42 0.740
Maladie coronarienne 1.08 0.81 ‐ 1.44 0.603
IRC 1.33 0.98 ‐ 1.80 0.069
FA 1.17 0.89 ‐ 1.56 0.264
Diabète 0.81 0.59 ‐ 1.11 0.188
Durée de séjour 1.27 0.98 ‐ 1.65 0.067
2007 (n = 314)
2009 non‐ICIC (n = 187)
2009 ICIC (n = 215)
% % % Valeur P
1 point 55.7 47.1 35.3
2 points 32.2 38 45.6
3 points 12.1 15 19.1
Score de qualité
< 0.001