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La sorcellerie envers et contre tous/Witchcraft in the Face of All

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Academic year: 2022

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Au plus fort de la mondialisation, la sorcellerie et ses variations contemporaines sont devenues un objet privilégié des études sur l’Afrique. Ce renouveau d’intérêt s’appuie sur la visibilité, de plus en plus grande, acquise par ces phénomènes dans les villes et villages, au sein des populations scolarisées et souvent chrétiennes.

Le terme sorcellerie ne traduisait pas toujours adéquatement les notions locales et avait l’inconvénient de charrier des consonances morales proprement occidentales, cependant, les populations africaines l’ont adopté pour désigner des pratiques disparates, effectives ou imaginaires, s’exerçant de l’intimité des familles au plus haut niveau de l’État. C’est la sorcellerie qu’on évoque pour expliquer la victoire aux élections d’un homme politique ou le succès d’une équipe de football, la réussite d’un pasteur ou la richesse d’un entrepreneur ; la sorcellerie encore qui est censée motiver les « voleurs de sexe », les trafiquants d’organes et ceux d’enfants ; la sorcellerie qui désigne la réactualisation de pratiques rituelles anciennes (sacrifices, consommation de chair humaine) lors des conflits armés ; la sorcellerie toujours qui justifie que des familles s’entre-déchirent dans les Églises pentecôtistes, jettent leurs vieillards à la rue ou sacrifient leurs enfants. Ces pratiques et imaginaires du pouvoir, souvent caractérisés par une extrême violence dont « radio-trottoir » et les médias nationaux ou internationaux se font régulièrement les caisses de résonance complaisantes, sont les révélateurs et les langages de changements sociaux de première importance.

Tout en étant depuis longtemps un thème privilégié de l’anthropologie, la sorcellerie continue de poser des problèmes d’ordre épistémologique. Ainsi, depuis une dizaine d’années, une idée implicite dans les analyses est de relier le foisonnement actuel de la sorcellerie à l’histoire de longue durée du contact avec les Européens. La sorcellerie y est appréhendée soit comme une réponse à la « modernité », soit comme un de ses éléments constitutifs. Toutefois, la « modernité », comme catégorie d’analyse reste problématique et son lien à la sorcellerie n’est pas aussi évident que certains titres le laissent suggérer, car les schèmes de transformation du processus (diabolisation, moralisation) existaient avant l’arrivée des Européens comme l’illustre bien la diffusion de l’islam dans les sociétés africaines. Dans la perspective que nous proposons d’adopter, il s’agirait plutôt de comprendre comment les croyances spirituelles et morales se sont transformées et comment sous des formes contemporaines s’expriment des dynamiques très anciennes qui éclairent les contextes socio-économiques et politiques du IIIemillénaire. Ainsi, la sorcellerie qui se présente à la fois comme système, pratique et théorie, ne peut être appréhendée comme un aléa de l’histoire. Elle est partie intégrante du système social, y occupant une place de médiation entre les individus et les groupes, indiquant le sens des hiérarchies et des relations de pouvoir. Révélant le corps social à la

At the height of globalization witchcraft and its contemporary variations have become a subject of great attention in African studies. This renewed interest rests on the growing visibility acquired by these phenomena in cities and villages, in the heart of modern educated and often Christian populations. Although the term witchcraftdoes not always adequately translate local notions and has the drawback of carrying with it strictly western moral consonances, African populations have adopted it to refer to disparate practices, effective or imaginary, present from the privacy of the family to the highest levels of the state. It is witchcraft that is evoked to explain the electoral victory of a politician or the talent of a football team, the success of a minister or the wealth of a businessman; witchcraft as well that is supposed to motivate

“genital thieves” and organ and child traffickers; again witchcraft that refers to the resurgence of older practices (sacrifices, consumption of human flesh) during armed conflicts; always witchcraft that in Pentecostal churches explains why families come apart, abandon their elderly to the street or sacrifice their children.

These practices and imaginaires of power, often characterized by extreme forms of violence which rumors and sympathetic national and international media contribute to amplify, reveal and are the language of important social changes.

While being a well-established theme of anthropology, witchcraft continues to pose problems of an epistemological nature. For the last decade, there has been in anthropological analyses an implicit connection between the current profusion of witchcraft and the long history of contact with Europeans. Witchcraft is in this case understood either as a response to “modernity” or as one of its constituent elements. However, “modernity” as a category of analysis remains problematic and its connection to witchcraft is not as obvious as certain titles would suggest, for the forms which the transformation of the process of witchcraft take (demonization, moralization) existed before the arrival of Europeans, as illustrated by the spread of Islam in African societies.

In the perspective that we propose to adopt, it is of greater concern to understand how spiritual and moral beliefs are transformed and how older dynamics manifest themselves in contemporary forms that highlight the political and socio- economic contexts of the third millennium. In this way witchcraft, which presents itself at the same time as a system, a practice, and a theory, cannot be understood as an accident of history. It is an integral part of the social system as it occupies a place of mediation between individuals and groups, indicating the directions and meanings of hierarchies and relations of power. Revealing the social body through the greatest intimacy of its individuals in its political

La sorcellerie envers et contre tous Pratiques et imaginaires du pouvoir

en Afrique contemporaine

Witchcraft in the Face of All Practices and Imaginaires of Power

in Contemporary Africa

Appel à contribution Call For Papers

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fois dans l’intimité la plus profonde de ses individus et dans ses aspects politiques (comme celui de l’État et des gouvernants par exemple) ou encore économiques (dans la marchandisation des corps et des objets), la sorcellerie permet d’embrasser les dynamiques sociales locales et globales dans une même unité d’analyse. Ce numéro spécial entend privilégier les études de cas et les travaux théoriques ouvrant vers de nouvelles pistes de recherche et permettant de dépasser les habituelles oppositions tradition/modernité, occulte/visible, précolonial/colonial, local/global, etc., qui tendent à réduire la portée des analyses actuelles.

Sans que cette liste soit limitative, les faits de sorcellerie pourraient être étudiés dans ces différentes perspectives :

a) du religieux qui induit des processus de diabolisation et de moralisation. On sait que la diffusion du christianisme sur le continent et, tout dernièrement, la massive implantation d’Églises évangéliques ont joué un rôle déterminant dans la recomposition de l’imaginaire sorcellaire, mais il ne faut pas négliger l’impact de l’islam sur les sociétés africaines subsahariennes au cours des siècles qui ont précédé la conquête coloniale européenne ; b) du juridique dans ses différentes procédures et modalités de construction de droits. Les procès en sorcellerie provoquent l’affrontement entre tribunaux « coutumiers », où s’expriment les pratiques et imaginaires « populaires », et tribunaux civils, directement régis par le droit occidental, induisant des problématiques nouvelles où se pose la question de la protection des individus ;

c) de la personne et de ses rapports interpersonnels. À travers toutes les situations interprétées en termes de sorcellerie, les protagonistes se constituent comme sujets. Il s’agit d’observer comment de nouvelles logiques et pratiques de mises en accusation et de « détection » peuvent dénoter des changements dans les processus d’individuation ;

d) du politique qui renforce les modalités d’exercice et de légitimation du système de domination. Il s’agit d’appréhender le politique dans son sens le plus large de rapports de forces et rapports de pouvoirs dans les différents systèmes de gouvernement (lignager, autocratique, démocratique, de transition) dans des situations pacifiques et de guerres civiles : par exemple, toutes les pratiques et tous les imaginaires de blindage des corps (cannibalisme, sacrifices humains, vol des sexes, métamorphose et métempsycose) ;

e) de l’économique où s’articule dans les échanges la marchandisation des sujets et des objets. Aborder des cas différents de la consommation « occulte » et de la consomption des corps individualisés permet de présenter comment la sorcellerie informe les modalités de circulation ou de rétention des pouvoirs et des biens.

(state and leaders, for example) or economic aspects (in the commercialization of bodies and goods), witchcraft allows one to embrace local and global social dynamics within one unit of analysis. This special issue intends to favour case studies and theoretical works that open onto new paths of research and allow one to move beyond the habitual oppositions tradition/modernity, occult/visible, pre-colonial/colonial, local/global, etc. that tend to reduce the range of current analyses.

A few perspectives for the study of witchcraft include, but are by no means limited to:

a) The religious sphere, which leads to processes of demonization and moralization. We know that the spread of Christianity on the continent and, most recently, the massive establishment of evangelical churches, have played a determining role in the recomposition of the imaginaireworld of witchcraft. But one should not neglect the impact of Islam on sub-Saharan African societies over the course of the centuries that preceded the European colonial conquest.

b) The legal sphere, in its different procedures and modalities of the construction of rights. Witchcraft trials provoke conflicts between “customary” courts, where “popular” practices and imaginaires are expressed, and civil courts, directly ruled by Western law, leading to new interrogations about the protection of individuals.

c) The person and interpersonal relationships. Through all situations interpreted as witchcraft, the protagonists constitute themselves as subjects. In this context it is important to observe how new logics and practices of indictment and “detection” can denote changes in the process of individuation.

d) The political sphere, which reinforces modalities of exercise and legitimation of the domination system. In this context it is necessary to grasp the term “political” in its largest sense, of relationships of force and power in different systems of government (of lineage, autocracy, democracy, or transition), in situations of peace and of civil war. Examples of these relationships include all the practices and imaginairesof armoring and protecting the body (cannibalism, human sacrifice, stealing of genitals, metamorphosis, metempsychosis, etc.).

e) The economic sphere, in which the commercialization of people and goods is articulated through exchange. Broaching different cases of “occult” consumption and of the consumption of individualized bodies helps to show how witchcraft informs modalities of circulation or retention of powers and possessions.

Les propositions d’articles (titre et résumé) sont à renvoyer à la Rédaction

avant le 31 mars 2006.

Les articles définitifs devront parvenir à la revue

avant le 30 septembre 2006.

Propositions for written articles (one page) should be sent to the Editorial board

before 31 March 2006.

Final submissions should be sent to the journal

before 30 September 2006.

Cahiers d’Études africaines

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