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Jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005 : commentaire et inventaire

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Jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005 : commentaire et inventaire

MARCHAND, Sylvain

MARCHAND, Sylvain. Jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005 : commentaire et inventaire. In: Thévenoz, Luc & Bovet, Christian. Journée 2005 de droit bancaire et

financier . Genève : Schulthess, 2006. p. 71-99

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45157

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JURISPRUDENCE CIVILE BANCAIRE ET FINANCIÈRE 2004-2005- COMMENTAIRE ET INVENTAIRE

Sylvain Marchand*

PREMIÈRE PARTIE: COMMENTAIRE

1. La banque n'est pas le tuteur de son client A. Une pétition de principe rassurante mais coûteuse

Dans un arrêt du 13 février 2004, la Cour de justice de Genève a trouvé utile de rappeler que la banque n'est pas le tuteur de son client: "Le mandataire peut et même doit s'écarter des instructions reçues s'il est nécessaire qu'il agisse ainsi pour ne pas mettre en péril les intérêts du mandant. Pour ce faire, il faut cepen- dant que la situation n'ait pas été envisagée par les parties, que les circonstances ne permettent pas au mandataire de requérir des instructions complémentaires du mandant et que le comportement choisi par le mandataire corresponde à la volonté hypothétique du mandat( ... ). La jurisprudence du Tribunal fédéral a ce- pendant précisé que le banquier n'est pas le tuteur de son client."1

La banque concernée aura été soulagée de l'apprendre, mais désagréablement surprise de constater que cette remarque pleine de bon sens s'est retournée contre elle: il lui a en effet été fait reproche de s'être immiscée dans les relations entre le gérant externe du compte et le client, et d'avoir refusé d'exécuter certaines ins- tructions du gérant qui lui paraissaient dangereuses pour le client. Cet excès de zèle lui a coûté CHF 786'985.-(plus les dépens), ce qui sanctionne assez durement la prudence de la banque.

B. Une pusillanimité compréhensible

Pourtant, la pusillanimité de la banque n'était pas forcément déraisonnable au regard de la jurisprudence civile de l'année écoulée.

Professeur aux Universités de Genève et Neuchâtel.

Infra, Deuxième Partie, Inventaire, référence 33 (ci après Inventaire, N 33), con. 4a.

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La grande affaire de la jurisprudence civile en droit bancaire et financier, cette année comme les années précédentes, a été la question des obligations de diligence et d'information des banques et intermédiaires financiers2Dans la deuxième partie de cette contribution, le lecteur trouvera les références d'une trentaine de décisions qui ont été rendues durant cette année et qui concernent ces obligations3. Les exigences jurisprudentielles en la matière franchissent en- core une étape, et font une brèche remarquable dans le bastion traditionnel de l'absence d'obligation d'information de la banque dispensatrice de crédit4

C. Une relation de professionnel à consommateur

Le client, pour sa part, est épargné par ces exigences. Quelques décisions sou- lignent certes ses incombances générales de diligence, mais la barre est assez basse.

Bien sûr, un client porteur de chèques de voyage d'une valeur de USD 20'000.- laissés dans un sac entre ses jambes dans un bazar indien n'est pas pour rien dans la survenance de son dommage5Indubitablement, un client qui résili~ le mandat de la banque au prétexte que son portefeuille a perdu de sa valeur doit revendre les titres dévalués. Il ne peut les garder et faire supporter à la banque la perte sup- plémentaire survenue depuis la résiliation du contrat6Assurément, un client qui accepte depuis de longues années des pertes importantes ne peut prétendre qu'il ignorait totalement le caractère spéculatif de la stratégie d'investissement suivie par son banquier7

Fondamentalement pourtant, les exigences des tribunaux en rapport avec les obligations de diligence des banques sont sans commune mesure avec ce que les juges considèrent pouvoir attendre d'un client diligent. La relation entre la banque et son client s'affirme donc toujours plus comme la relation déséquilibrée d'un professionnel avec un consommateur. Cette vision du couple que forme un banquier et son client a des incidences proç:édurales lourdes, le client bénéficiant de toutes les facilités procédurales garanties à un consommateur8•

Pour éviter d'alourdir le style de ce commentaire, les banques et intermédiaires financiers seront sans distinction désignés sous le vocable de "banque". L'inventaire qui suit (Deuxième partie) reprendra la distinction.

Inventaire, N 14 à 43.

Inventaire, N 25. Inventaire, N 48.

Inventaire, N 50.

Inventaire, N 47.

Infra, ch. IV. B.

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Jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

Il. Devoirs d'information et de diligence de la banque

A. Des sources pléthoriques pour une obligation incontournable Le devoir d'information et de diligence de la banque est au cœur de la relation entre la banque et son client. Un arrêt genevois de janvier 20049 en rappelle les sources multiples:

- Le contrat de mandat et l'art. 398 CO, - L'art. 11 LBVM10,

- Les règles de conduite pour négociants en valeurs mobilières de l'Association suisse des banquiers,

- Et, au cas où cela ne suffirait pas, le principe de la responsabilité fondée sur la confiance.

Ce devoir de diligence et d'information existe malgré une convention de banque restante, même si la banque se contente d'exécuter les instructions de son client, y compris lorsque la banque n'est que le dépositaire d'un compte géré par un ges- tionnaire indépendant, également dans le cas d'une banque dispensatrice de cré- dit pour une affaire non bancaire, à l'égard du client mais aussi à l'égard de tiers, et contre le texte même du contrat. Autant dire que la banque n'y échappe pas.

B. Une obligation d'information malgré une convention de banque restante

Une convention de banque restante ne permet pas toujours à la banque de consi- dérer avoir rempli son obligation d'information au client par une communication conforme au contrat. Ce principe jurisprudentiel a été confirmé cette année par deux décisions. Selon le Tribunal fédéral, la banque ne bénéficie pas de la fiction selon laquelle le client a été pleinement informé par une communication "banque restante" lorsqu'elle agit sciemment au détriment du client, lorsqu'elle s'écarte de ses instructions, ou lorsqu'elle sait que le client n'approuve pas ses décisions11De façon beaucoup plus vague, une cour tessinoise a considéré que la banque ne peut se prévaloir d'une convention de banque restante lorsqu'elle est fautive12

Cette jurisprudence ne signifie pas en réalité que la banque doit effectivement prendre contact avec le client: on connaît les soucis de discrétion qui justifient les conventions de banque restante, et il serait dommage que la banque violât son obligation de discrétion pour respecter son obligation d'information. En réalité,

Inventaire, N 14.

10 Voir à ce sujet CHAPPUIS B. 1 WERRO F., "Le devoir d'information de l'article 11 LBVM et son rôle à la lumière des règles de conduites de I'ASB", AJP/PJA 2005, p. 560.

11 Inventaire, N 18.

12 Inventaire, N 19.

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cette jurisprudence doit être comprise en ce sens que la banque doit être parti- culièrement prudente dans ses décisions de gestion lorsqu'elle sait que le client n'en prendra réellement connaissance que plus tard. C'est la violation de cette prudence qui est sanctionnée par cette jurisprudence, plus que la violation de l'obligation d'information.

C. ... même si la banque se contente d'exécuter les instructions de son client

Le fait que la banque se contente d'exécuter les instructions de son client, sans assumer de responsabilité de gestion, devrait en principe exclure une obligation d'information et de conseil de la banque. Ce point a été confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral de 200413, mais largement nuancé par un arrêt de la même juri- diction du 25 février 200514, selon lequel une obligation de conseil peut néanmoins résulter de la relation de confiance particulière entre le client et la banque.

Le critère est flou. Il est rare en effet qu'un client ne fasse pas "particulièrement confiance" à la banque à laquelle il confie son argent. La détermination du degré de confiance justifiant un conseil ou une information n'est pas des plus limpides pour le banquier, qui espère légitimement jouir de la pleine confiance de tous ses clients.

D . ... y compris lorsque la banque n'est que le dépositaire d'un compte géré par un gestionnaire indépendant

Traditionnellement, la banque dépositaire d'un compte géré par un gestionnaire de fortune indépendant n'assume pas d'obligation d'information du client sur les risques de la gestion. Un arrêt de la Cour de justice de Genève du 12 novembre 2004 a néanmoins relativisé ce principe, en indiquant que la banque doit être vigilante lorsqu'il s'avère que le gestionnaire adopte une stratégie plus spéculative que prévu, ou met manifestement en danger les intérêts du client15

La banque n'est pas le tuteur du client16; elle est néanmoins le discret gardien de ses intérêts. Trop pusillanime, la banque est responsable, trop indifférente, elle l'est également. Entre Charybde et Scylla, la banque doit emprunter une route étroite. Sa réserve doit être bienveillante, ses interventions mesurées. Périlleux exercice d'équilibriste que celui du banquier, dont la diligence doit suivre le mince fil qui sépare la pusillanimité de l'indifférence.

13 14

15 16

Inventaire, N 21.

Inventaire, N 20.

Inventaire, N 22.

Inventaire, N 33, supra, ch. 1.

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jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

E. . .. également dans le cas d'une banque dispensatrice de crédit pour une affaire non bancaire

La banque dispensatrice de crédit pour une affaire non bancaire n'assume en principe pas d'obligation d'information et de conseil à l'égard de son client. Il s'agit là encore d'une règle jurisprudentielle qui a été confirmée plusieurs fois en 2004 par le Tribunal fédéraP7, puis remise en cause par un arrêt du 14 août 200518 L'affaire était certes particulière, puisque la banque octroyait un crédit à une per- sonne physique, en sachant que ce crédit serait investi dans une société peu sol- vable également financée par la banque. Ce conflit d'intérêts a conduit le Tribunal fédéral à considérer que la banque dispensatrice de crédit aurait dû informer de manière étendue le client des risques liés au crédit.

Si on peut comprendre cette pesée d'intérêts, on distingue mal la base légale de cette obligation de conseil: le contrat était un prêt de consommation, et non un mandat auquel l'art. 398 CO aurait été applicable. Le Tribunal a écarté (à juste titre) une responsabilité fondée sur la confiance ou une responsabilité précontrac- tuelle, laissant la source de la responsabilité contractuelle de la banque dans un flou peut être artistique, mais assez peu juridique.

F. . .. à l'égard du client mais aussi à l'égard de tiers

L'obligation de diligence de la banque est d'abord une obligation contractuelle à l'égard de son client, reposant sur une relation de confiance. Pourtant, la juris- prudence n'exclut pas que la banque soit tenue à des obligations de diligence à l'égard de tiers et invite le banquier à une un méfiance de bon aloi à l'égard de son client. Dans un arrêt du 8 avril 20099, Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que la banque doit vérifier le pouvoir de disposer du constituant d'un gage, lorsque l'objet du gage est exceptionneL A défaut, le gage n'est pas valablement constitué.

La banque ne peut se contenter de la présomption liée à la possession20

En règle générale, le créancier gagiste n'a pas à se renseigner sur l'origine de la chose mise en nantissement lorsqu'il n'a pas de raison particulière de douter du droit du débiteur21Il semble que la nature originale de l'objet mis en gage (des pièces d'or anciennes) ait été considérée comme une raison particulière de douter du droit du débiteur. L'extension de cette jurisprudence a tout objet ancien et de valeur pourrait néanmoins impliquer un travail de vérification assez coûteux pour la banque bénéficiaire d'un droit de gage.

17 Inventaire, N 23 et 24.

18 Inventaire, N 25.

19 Inventaire, N 42.

20 Art. 930 CC.

21 ATF 72 Il 242; 78 Il 265; 83 11126.

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G . ... contre le texte même du contrat

Enfin, le texte même du contrat ne protège pas le banquier: le droit contractuel de la banque de clore le compte si des marges suffisantes ne sont pas versées par le client dans le cadre de transactions sur des options ne la protège pas néces- sairement de sa responsabilité pour le dommage résultant de cette clôture. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré dans un arrêt de mars 200522 que la banque ne pouvait se prévaloir de ce droit contractuel, en raison du fait qu'un directeur de la banque avait accepté d'examiner la demande du client de fournir une garantie réelle en lieu et place de la marge requise. Cette simple entrée en matière a fait perdre à la banque le droit de clore le compte comme le prévoyait le contrat. Le mieux étant l'ennemi du bien, il semble que la banque aurait mieux fait de clore le compte sans entrer en matière sur la proposition du client. Le fait de discuter

d'une solution alternative n'était pourtant pas susceptible d'impliquer une modi-

fication du contrat, et il ne semble pas que la banque ait laissé croire au client que cette entrée en matière impliquait une renonciation à ses droits contractuels. La quantification du dommage et le lien de causalité entre ce dommage et la clôture du compte reste, à la lecture de l'arrêt, un complet mystère.

Dans le même esprit, le fait que les obligations d'un intermédiaire financier soient précisément décrites dans le mandat n'a pas suffit à exclure qu'il en assu- mât d'autres. Dans un arrêt du 25 février 200523, le Tribunal fédéral a ainsi repro- ché à une fiduciaire d'avoir respecté à la lettre le mandat qui lui avait été donné (transférer une somme d'argent aux fins d'investissement et recevoir la garantie de la société d'investissement), et de ne pas avoir, au-delà de la lettre du man- dat, vérifié la garantie fournie. Cette obligation supplémentaire implicite résultait d'une interprétation du contrat selon le principe de la confiance.

Il est certes heureux que le Tribunal fédéral revienne au principe de la confiance plutôt qu'à de nébuleuses responsabilités extracontractuelles fondées sur la confiance24On peut cependant se demander quelle circonstance par- ticulière permettait en l'espèce au client de considérer qu'il avait droit à cette prestation supplémentaire. Si celle-ci découlait du simple rapport de confiance entre le client et la fiduciaire, alors il devenait assez délicat de savoir quels étaient les limites de ces obligations implicites et quel en était le contenu. Le principe de la confiance ne devrait pas avoir pour résultat d'empêcher un prestataire de services de prévoir avec suffisamment de certitude l'étendue de ses obligations contractuelles.

22 23

Inventaire, N 43.

Inventaire, N 27.

24 Voir à ce sujet notre critique de la confusion entre les deux notions: MARCHAND S., "Respon- sabilité fondée sur la confiance: vie et mort d'un ornithorynque juridique", in Journée de /o responsabilité civile 2000, CEJE, p. 170

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jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

Ill. Technicités contractuelles A. Remarque introductive

Si les obligations d'information et de diligence du banquier sont le corps mou du droit bancaire, la jurisprudence laisse toujours une plàce aux technicités contrac- tuelles, nettement plus précises. De nombreux arrêts publiés cette année per- mettent de mieux cerner des constructions juridiques comme la cession de créance aux fins de garantie25, les rapports de solidarité26, ou l'étendue des clauses contractuelles classiques des contrats bancaires27

Deux questions méritent une brève mise en perspective: la question classique de la distinction entre un cautionnement et une garantie autonome, et la portée des clauses contractuelles après la fin du contrat.

B. Cautionnement et garantie indépendante

Les fidèles de la Journée de droit bancaire et financier n'auront sans doute pas le souvenir d'une année où la chronique de jurisprudence civile n'a pas donné à son auteur l'occasion d'aborder la sempiternelle question de la délimitation entre le cautionnement et la garantie indépendante. La question n'est pas théoriqu~: la forme du contrat, les obligations de diligence du créancier28, les conséquences juridiques de l'engagement dépendent de cette qualification.

La cuvée 2004-2005 n'est à cet égard pas un grand cru. La question est à nou- veau abordée, mais le mystère reste entier. Dans un arrêt du 31 mai 200529, le Tribunal fédéral a apporté au débat l'information nouvelle (mais à vrai dire pas révolutionnaire), selon laquelle un Etat ou une collectivité publique peuvent émettre une garantie indépendante. Pour le reste, la référence dans l'acte de garantie au contrat de base n'est pas un élément déterminant, le caractère irrévo- cable de la garantie non plus, l'expression "à première demande" et la renoncia- tion aux exceptions et objections ne sont que des indices (en faveur de la garantie indépendante), mais pas des critères déterminants. Bref, rien ne permet de conclure avec certitude dans un sens ou dans l'autre.

On peut comprendre la volonté du Tribunal fédéral de ne pas être contraint par des critères trop fixes qu'il aurait posés lui-même. On doit comprendre le besoin des usagers du droit de connaître les conséquences juridiques des contrats qu'ils concluent, et donc leur qualification. Il n'est pas concevable qu'un contrat

25 Inventaire, N 3 et 4.

26 Inventaire, N 6, 7 et 8.

27 Inventaire, N 9 à 13.

28 Voir à ce sujet Inventaire, N 40.

29 Inventaire, N 5.

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de garantie à première demande, irrévocable, avec une renonciation claire aux exceptions et objections, puisse encore potentiellement être qualifié de cau- tionnement. Il est regrettable que le Tribunal fédéral n'ait pas au moins posé ce standard minimum.

Il est compréhensible que le Tribunal fédéral hésite à priver un justiciable de la protection de la forme authentique. La protection de la forme doit cependant découler de la qualification, et non la qualification du besoin de protection. L'in- certitude qui ressort de la jurisprudence n'assure pas la prévisibilité juridique que les justiciables doivent pouvoir attendre d'un système juridique de qualité.

L'abstraction de la garantie indépendante ne doit certes pas prendre par sur- prise un usager du droit peu averti. Tel est l'enjeu principal de la distinction entre cautionnement et garantie indépendante. La reconnaissance par le garant de l'abstraction de l'acte devrait dès lors être le critère déterminant. La clause de renonciation aux exceptions et objections, clairement énoncée, informe sans ambiguïté les deux parties de l'abstraction de la garantie consentie. Cette clause devrait être retenue comme un critère certain de garantie indépendante.

C. Obligations survivant au contrat

Deux arrêts du Tribunal fédéral concluent à l'inapplication d'une clause contrac- tuelle après la résiliation du contrat.

Le premier arrêt concerne un contrat de compte courant30La clause de compte courant permet une intégration par novation des intérêts dans le capital et constitue dès lors l'une des rares exceptions au principe de l'interdiction de l'anatocisme. Le Tribunal fédéral a cependant considéré que cette exception ne valait plus pour les intérêts qui étaient dus par le client en raison de la résiliation du contrat: la clause de compte courant n'était plus en vigueur. Le principe de l'interdiction de l'anatocisme, revenu en force, interdisait dès lors que la banque intégrât ces intérêts au capital.

Le second arrêt concerne une clause fixant des intérêts moratoires supérieurs à l'intérêt légal de l'art. 104 C031Après la dénonciation du prêt, cette clause n'était plus en vigueur et ne pouvait donc s'appliquer à la demeure du client relative à la créance en remboursement du prêt.

Ces deux arrêts ont conduit à des solutions défavorables aux banques qui auraient fort aisément pu être évitées par des clauses de survivance au contrat.

Ces clauses contractuelles sont classiques et parfaitement admissibles32Les

'0 Inventaire, N 10.

31 Inventaire, N 12.

32 Voir à ce sujet FONTAINE M., "Les obligations 'survivant au contrat"', in La fin du contrat, Ed. Larcier, 2001

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jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

rédacteurs de contrats, et singulièrement de contrats bancaires, gagneraient à les utiliser régulièrement pour toutes les dispositions du contrat susceptibles de s'ap- pliquer à la liquidation des rapports contractuels.

IV. Technicités procédurales A. Le plaideur trop zélé

Les obligations de diligence et d'information de la banque et la technicité des contrats bancaires conduisent inévitablement à de nombreux litiges, dont cette chronique est le témoin.

De nombreux arrêts permettent cette année de préciser les modalités du cal- cul du dommage du client lése3Un arrêt du Tribunal fédéral du 23 février 200534 est à cet égard assez sévère avec le client, à qui il est fait reproche d'avoir agi trop vite. La banque, à travers un gestionnaire indélicat, avait investi la fortune de son client dans un fonds de placement qui a été rapidement mis en liquidation. Le client agissant en dommages et intérêts a été renvoyé dans son foyer, au motif que le dommage n'était pas certain tant que la part de liquidation lui revenant n'était

pas connue. .

Il s'agit ici d'une application stricte des principes généraux selon lesquels le dommage futur n'est réparable que s'il est certain35Les va-t-en-guerre des palais de justice et les Don Quichotte du moulin bancaire sont ainsi rappelés à une saine patience: la précipitation n'est pas bonne conseillère et la preuve du dommage incombe toujours au lésé.

B. Le consommateur procédurier

Le dernier arrêt sur lequel il nous a semblé utile de faire porter cette synthèse de la jurisprudence 2004-2005 est un arrêt allemand. Cette décision est assez inquiétante pour les banques suisses et susceptible de donner des idées à leurs clients mécontents.

Dans un arrêt du 23 juin 200436, une juridiction de Hambourg a considéré que le client de la banque, démarché par un gestionnaire de compte indépen- dant, devait être considéré comme un consommateur et mis au bénéfice de

33 Inventaire, N 56 à 60.

34 Inventaire, N 59.

35 Voir l'arrêt de la Cour de Justice de Genève du 15.09.1995 (AJC/1128/1995-C/1862/1993),

Assista lex 1995, n' 2697.

" Inventaire, N 61.

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l'art. 13 ch. 3 de la Convention de Lugano37Selon cette disposition, le consomma- teur d'une prestation de service peut agir au for de son domicile contre le pres- tataire de services, s'il a reçu une proposition ou de la publicité en ce for, et si les actes de conclusion du contrat y ont eu lieu. L'art. 15 ch. 1 de la Convention de Lugano prévoit que les parties ne peuvent déroger à ce for que postérieurement à la naissance du litige. Au regard de ces principes, le tribunal allemand s'est dé- claré compétent pour se prononcer sur une prétention du client allemand d'une banque suisse, et cela malgré une élection de for en Suisse antérieure à la surve- nance du litige.

Cet arrêt est évidemment inquiétant pour les banques suisses, en raison de la multiplicité des procédures à l'étranger qu'il peut laisser présager. Il a été pré- cédé par un arrêt du Tribunal fédéral posant le même principé8, mais qui a été beaucoup moins remarqué car la situation était inverse: le client suisse d'un né- gociant en valeurs mobilières anglais a été autorisé à introduire une action en Suisse, conformément au for de l'art. 13 ch. 3 de la Convention de Lugano. L'arrêt allemand n'est que le pendant de cette jurisprudence fédérale, et si la décision a surpris tout le monde, elle était parfaitement prévisible.

C. Perspectives d'avenir sur la protection du client-consommateur La Convention de Lugano limite les dégâts par les conditions de rattachement de son art. 13. La situation risque d'empirer nettement avec le Règlement européen 44/2001 du 22 décembre 200039, selon lequel le for du consommateur existe dès que le contrat est conclu entre un consommateur et "une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'Etat membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces acti- vités (notamment) vers cet Etat membre"40. Le Règlement 44/2004 prévoit égale- ment que les clauses d'élection de for antérieures au litige ne permettent pas de déroger au for du consommateur41L'application de ces principes permet poten- tiellement à tout client européen d'une banque suisse d'agir au for de son domi- cile, sans respecter la clause d'élection de for contenue dans le contrat bancaire.

Dans le même esprit, l'élection de droit suisse pourrait être contestée en Suisse au regard des principes de l'art. 120 LDIP, en particulier 120 al. 1let. c LDIP. Elle serait par contre sauvée en Europe par l'art. 5 al. 4let. b42 (et 243) de la Convention

37 Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'ex~cu·

ti on des décisions en matière civile et commerciale, RS 0.275.11.

'8 ATF121111336-344.

39 Règlement 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JOCE L 12/1.

40 Art. 15 al. 1let. c du Règlement 44/2001.

41 Art. 17 du Règlement 44/2001.

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jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles44Cela conduit à ce paradoxe que le client-consommateur européen pourrait choisir, soit de porter le litige contre la banque en Suisse pour contester l'élection de droit suisse, soit de porter le litige à l'étranger malgré l'élection de for suisse, mais sans plus pouvoir contester l'élection de droit suisse. Les délices de la ratiocination juridique sont inépuisables. Il n'est pas impossible que leur caractère ludique échappe aux banques concernées.

Une solution pourrait consister dans le recours à une clause compromissoire.

Le litige entre le client et la banque est arbitrable45. Cette solution va dans le sens du droit européen, qui tend à favoriser la résolution extrajudiciaire (y compris par l'arbitrage) des conflits de consommation46. L'arbitrage n'est soumis ni à la Convention de Lugano47 ni au règlement européen48

V. Remarque finale

La jurisprudence civile bancaire et financière de cette année confirme sur le fond comme sur la procédure que la relation entre la banque et son client relève du droit de la consommation. Alors que le client ne se voit imposer qu'un standard de dili- gence très bas, la banque voit toujours augmenter les exigences jurisprudentielles quant à sa diligence. Certains îlots de tranquillité, où la banque pouvait croire

4l

"

L'art. 5 de la Convention de Rome, qui régit la loi applicable au contrat conclu avec un consom- mateur, ne s'applique pas au contrats de fourniture de services lorsque les services doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle.

La loi désignée par la Convention de Rome s'applique même si cette loi est celle d'un Etat non contractant, comme la Suisse.

44 Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, du 19 juin 1980.

" Voir par exemple l'arrêt 4P.168/2004 du 20 octobre 2004 (prétention d'un client contre la

banque pour un détournement de fonds); 4P.64/2004 du 2 juin 2004 (garantie bancaire). La question de savoir si le for impératif de l'art. 114 al. 2 LDIP pour les litiges avec des consom- mateurs exclut l'arbitrabilité du litige est contestée, certains auteurs plaidant pour l'autonomie de l'arbitrage (BRINNER, (Bas/er) Kammentar, Internationales Privatrecht, Art. 177, N 12) alors que d'autres sont plus restrictifs (VISCHER (Zürcher) Kommentar zum IPRG, Art. 177, N 12, 13).

En droit interne, BOHNET ("Les conflits individuels de travail et les litiges en matière de bail et de droit de la consommation seront-ils arbitrables sous l'empire de la loi fédérale de procé- dure civile?", in Mélanges en l'honneur de François Knoepfler, Collection Neuchâteloise, 2005, p. 161 ss, not. p. 171, 172) propose d'exclure l'arbitrage pour les contrats de consommation, malgré le silence de la Lfors et du projet de PCS sur le sujet. Cette position ne nous semble pas aller dans le sens du droit européen.

46 Voir à ce sujet la Communication de la Commission du 4 avril2001 relative à l'élargissement de l'accès des consommateurs aux autres systèmes de résolution des litiges, COM (2001) 161.

47 Art. 1 ch. 4 de la Convention de Lugano.

" Art. 1 ch. 2 let. d du Règlement 44/2001.

-

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échapper à ces obligations, sont pris d'assaut par la jurisprudence. La banque dis- pensatrice de crédit, la banque dépositaire d'un compte géré par un gestionnaire de fortune indépendant ou le banquier se contentant d'exécuter des instructions précises se voient reprocher par le juge d'avoir manqué à leurs obligations de conseil et d'information. Ce juge réprobateur n'est pas toujours celui qui a été choisi par les parties lors de la conclusion du contrat.

La banque n'est peut-être pas le tuteur du client49, mais le client, consomma- teur de prestations bancaires, est protégé par un législateur bienveillant et un juge paternel.

49 Supra, ch. 1.

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jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

DEUXIÈME PARTIE: INVENTAIRE

1. JURISPRUDENCE RELATIVE À LA QUALIFICATION ET À LA VALIDITÉ DES CONTRATS OU DES CLAUSES CONTRACTUELLES

A. Qualification des relations contractuelles

a. Contrat entre le gestionnaire de fortune indépendant et la banque dépositaire

Le contrat entre le gérant de fortune indépendant et la banque dépositaire des fonds, intitulé "contrat de représentation" et "contrat de collaboration", et selon lequel le gérant s'oblige à présenter à la banque tout ou partie de ses clients moyen- nant une rémunération, est un contrat innommé présentant certains éléments du contrat de mandat. Il ne s'agit pas d'un contrat d'agence ou de distribution.

TF 31.03.2005; 4C.447/2004; SJ 2005 1 417; Bretton Chevallier, www.unige.

ch!cdbf, actualité no 333 du 24.06.2005

b. Contrat entre une société fiduciaire chargée de procéder à un investissement et son client

Le contrat ressortit aux règles du mandat et du dépôt irrégulier (art. 481 CO). La 2 société fiduciaire a une obligation de diligence et de loyauté comparable à celle d'une banque, même en l'absence d'un mandat de gestion.

TF 25.02.2005; 4C.357/2004; SJ 20051409 (résumé); Meregalli Do Duc, www.

unige.ch/cdbf, actualité no 324 du 09.05.2005

c. Cession de créance aux fins de garantie

Une cession de créance aux fins de garantie permet au cessionnaire d'agir contre 3 le débiteur, qui est libéré par le paiement fait au cessionnaire s'il a été informé de la cession. La convention entre le cédant et le cessionnaire limitant la possibilité d'agir contre le débiteur n'a pas d'effet dans les rapports entre le cessionnaire et le débiteur.

TF 09.06.2004; 4C.84/2004

Une cession fiduciaire de créance aux fins de garantie a tous les effets d'une ces- 4 sion de créance, et ne peut conduire à une à dissociation entre la prétention maté- rielle et le droit d'agir en justice. Le cédant perd la légitimation active pour faire valoir la créance en justice.

' TF 2704.2004; 4C.2012004; ATF 130 111417; SJ 20041533; JdT 2004/268;

RSDIE 2004 271; Landry, www.unige.ch/cdbf, actualité no 214 du 16.06.2004

-

(15)

d. Distinction entre cautionnement et garantie autonome

5 Lorsque la réelle et commune intention des parties ne peut être établie, il faut qualifier la garantie selon le principe de la confiance. La référence au contrat de base ne permet pas à elle seule de conclure à l'existence d'un engagement acces- soire. Le caractère "irrévocable" de l'engagement du garant n'est pas un critère déterminant. L'expression "à première demande" constitue un indice en faveur d'une garantie indépendante. La renonciation à opposer les exceptions n'exclut pas la qualification de cautionnement. Le fait que le garant soit une banque est un indice en faveur de l'engagement autonome, de même que le caractère inter- national du contrat. Une garantie autonome peut être émise par une collectivité publique ou un Etat.

TF 31.05.2005; 4C.380/2004

e. Solidarité

6 Les associés d'une société simple ne sont solidairement responsables vis-à-vis de la banque, en vertu d'un prêt de consommation contracté par un des associés pour la société simple, que si:

- il s'agit d'une opération s'inscrivant dans la gestion ordinaire de la société. Dans ce cas, la présomption de représentation de l'art. 543 al. 3 CO s'applique.

Un prêt d'un montant important par rapport à la fortune de la société ne s'ins- crit pas dans la gestion ordinaire de cette dernière; ou

- tous les associés ont ratifié le prêt contracté.

TF 15.06.2004; 4C.191/2003; Pra 2005 497 N 65

7 La solidarité des emprunteurs se déduit des circonstances ou du contexte. Lors- que le but du prêt est de répondre aux besoins d'une communauté conjugale, le prêteur peut de bonne foi considérer que les époux sont débiteurs solidaires du remboursement.

TF 16.12.2004; 4C.342/2004

8 La solidarité ne se déduit pas d'une référence aux art. 143 ss CO dans une formule pré-imprimée de la banque.

TCVD 15.01.2004; JT 200411102

B. Validité du contrat ou des clauses contractuelles a. Respect de la loi sur le crédit à la consommation

9 La simultanéité d'un contrat de vente et d'un contrat de location portant sur le même objet permet de qualifier l'opération de vente à crédit soumise à la LCC. Si

(16)

jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

le contrat n'est pas valable selon la LCC, le transfert de propriété au prêteur n'a pas eu lieu, faute de cause valable.

TF 19.07.2004; 4C.146/2004

b. Interdiction de l'anatocisme

Le principe de l'interdiction de l'anatocisme ne s'applique pas en matière de 10 compte courant dans la mesure où, conformément à l'accord entre les parties, les intérêts sont intégrés au capital par novation. Par contre, les intérêts et commis- sions dus en raison de la résiliation du contrat ne peuvent être intégrés au capital et porter intérêts, car l'accord de compte courant a pris fin.

TF 09.09.2004; 4C.131/2004; ATF 130 111694; 5120051101; P1A 2005 220; Pra 2005 492 N. 64; Landry, www.unige.ch/cdbf, actualité no 251 du 26.10.2004

c. Respect de la forme écrite

Lorsque le contrat prévoit que l'appel à la garantie doit revêtir la forme écrite, une 11 demande de paiement par télécopie respecte cette forme.

T/18.08.2004; NRCP 2004 256

d. Portée d'une clause déterminant les intérêts moratoires

12. Une clause contractuelle portant les intérêts moratoire à un taux supérieur au 12 taux légal n'est valable que pendant la durée du contrat et ne s'applique donc pas à la demeure du débiteur en remboursement du prêt après dénonciation du crédit.

TF 09.09.2004; 4C.131/2004; ATF 130 111694; 5120051101; P1A 2005 220; Pra 2005 492 N. 64; Landry, www.unige.ch/cdbf, actualité no 251 du 26.10.2004

e. Portée d'une clause d'exclusion de responsabilité en cas d'erreur de transmission

La clause est valable sauf en cas de faute grave (art. 100 CO). Elle ne s'applique 13 cependant pas dans un cas où l'ordre a été compris, mais mal exécuté.

TF 07.09.2004; 4C.191/2004; 5120051174

Il. JURISPRUDENCE RELATIVE AUX OBLIGATIONS DE LA BANQUE OU DU GESTIONNAIRE DE FORTUNE

A. Obligation d'information

a. Fondements juridiques de l'obligation d'information

Le devoir d'information de la banque quant aux risques liés à une opération ou à 14 une stratégie d'investissement repose:

(17)

- sur le contrat de mandat, - sur l'art. 11 al. 1 LBVM,

- sur les règles de conduite pour négociants de l'ASB, - sur le principe de la responsabilité fondée sur la confiance.

Cour de Justice GE 16.01.2004; NRCP 2004 284

b. Circonstances permettant de déterminer l'étendue de l'obligation d'information

15 Pour déterminer l'étendue de son obligation d'information, la banque doit tenir compte:

- de l'inexpérience du client,

- de la part de sa fortune investie dans l'opération spéculative.

Cours de iustice GE 16.01.2004; NRCP 2004 284

c. Etendue de l'obligation en cas de changement de stratégie d'investissement

16 En cas de changement de stratégie de placement, la banque ne peut se contenter d'une information au client sur la nouvelle structure du portefeuille, mais doit informer le client sur les risques inhérents à ce changement de stratégie.

TF 03.12.2004; 4C.18/2004; SZW 2005 146

d. Remise au client des brochures d'information de la banque

17 Le fait que la banque n'ait pas remis au client sa brochure d'information générale sur le commerce de valeurs mobilières peut être un élément constitutif de la vio- lation de son obligation d'information.

Cour de iustice GE 16.01.2004; NRCP 2004 284

e. Obligation d'information effective du client malgré une convention de banque restante

18 La banque commet un abus de droit en faisant valoir l'approbation implicite du client découlant d'une convention de banque restante alors que:

- la banque agit sciemment au détriment du client, ou - la banque s'écarte des instructions orales du client, ou

- la banque sait que le client n'approuve pas les actes communiqués banque restante.

TF 30.05.2005; 4C.378/2004; de Gottrau, www.unige.ch/cdbf, actualité no 332 du 23.06.2005

(18)

Jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

En cas de faute grave de la banque (paiement à un fondé de procuration sur la 19 base d'instructions en blanc apparemment signées par le titulaire du compte), la présomption de ratification des opérations dont les relevés ont été conservés par la banque en vertu d'une convention de banque restante n'est pas opposable au client.

Tribunale d'Appel/a Tl 09.11.2004, www.cammercialarbitratian.ch ~ Diritta Ban-

caria~ 05.03.2005, abs. Trezzini

f. Obligation d'information en cas d'exécution d'instructions ponctuelles sans mandat de gestion

En principe, la banque ou l'intermédiaire financier qui exécute des instructions 20 ponctuelles sans avoir un mandat de gestion n'assume pas d'obligation de si- gnaler au client les risques liés à un investissement déterminé. Cependant, une telle obligation découle d'une relation de confiance particulière qui autorise le client à s'attendre à une telle information. La violation de cette obligation donne lieu à une responsabilité contractuelle, et non à une responsabilité fondée sur la confiance.

TF 25.02.05; 4C.357/2004; SJ 2005 1409; Meregalli Do Duc, www.unige.ch/

cdbf, actualité no 324 du 09.05.2005

En l'absence d'un mandat de gestion, la banque qui doit uniquement respecter 21 les instructions du client n'assume pas de devoir général d'information ou de conseil à l'égard du client, sauf à la demande expresse de celui-ci.

TF 26.01.2004; 4C.298/2004

g. Obligation d'information d'une banque dépositaire

Une banque dépositaire d'un compte géré par un gestionnaire de fortune indé- 22 pendant assume une obligation d'information d'autant moins importante que:

- le gestionnaire est expérimenté,

- la banque n'est pas rémunérée pour la stratégie de gestion mais uniquement pour le dépôt et la gestion administrative,

- la banque ne connaît pas la situation du client ni la stratégie globale de ce client, ce qui fait qu'elle n'est pas à même de juger du caractère déraisonnable ou non d'une opération spéculative.

La banque dépositaire assume néanmoins une obligation d'information du client sur les risques liés à une opération spéculative menée par le gestionnaire, lorsque:

- Cette opération implique un changement de stratégie de placement, ou - Les intérêts du client sont manifestement mis en danger par les agissements

du gérant.

(19)

Cour de justice GE 12.11.2004; C 10599/2002 ACJC/13571045; NRPC 2004 258; Merega/li Do Duc, www.unige.ch/cdbf, actualité no 289 du 13.01.2005

h. Obligation d'information de la banque dispensatrice de crédit

23 Lorsqu'un crédit à la consommation est octroyé par une banque pour financer une opération sans connotation bancaire, cette dernière n'a pas de devoir général de conseil (en l'espèce sur les limites de l'assurance de remboursement du solde en cas de décès ou perte d'emploi).

TF 14.09.2004; 4C.202/2004; SJ 2005 1164

24 Dans un crédit hypothécaire qui n'est pas lié à une affaire à connotation bancaire, la banque n'a pas d'obligation d'information du client sur les risques liés à l'affaire et sur sa faisabilité (en l'espèce, sur la capacité financière de l'emprunteur).

TF 16.07.2004; 4C.153/2004; SZW 2005 146

25 Lorsqu'une banque octroie un crédit garanti par un gage immobilier dont le mon- tant est destiné à être investi dans une société obérée qu'elle finance, ses obliga- tions d'information et de diligence à l'égard de l'emprunteur sont accrues en rai- son du conflit d'intérêts. Cette circonstance conduit à se départir de la règle selon laquelle la banque dispensatrice de crédit n'assume en principe pas d'obligation d'information et de conseil à l'égard du client. Dans cette situation particulière, la banque est tenue à un devoir de loyauté l'obligeant à informer le client de ma- nière étendue.

TF 04.08.2005; 4C.82/2005

B. Autres obligations de la banque ou du gestionnaire de fortune a. Gestion de fortune: obligation de moyen et non de résultat

26 En cas de contrat de gestion de fortune, la banque assume une obligation de moyen et non une obligation de résultat. Ce contrat est en effet rattaché aux contrats de mandats.

TF 03.12.2004; 4C.18/2004; SZW 2005 146

b. Obligations implicites résultant du devoir de diligence

27 Même si son mandat se limite à quelques opérations ponctuelles (transfert d'une somme d'argent aux fins d'investissement, réception d'une garantie), une société fiduciaire assume des obligations contractuelles implicites de diligence (vérifi- cation de la garantie) découlant du rapport de confiance avec le client et de son implication dans l'opération.

(20)

jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

TF 25.02.2005; 4C357/2004; SJ 2005 1409; Meregalli Do Duc, www.unige.

ch/cdbf, actualité no 324 du 09.05.2005

c. Etendue du devoir de diligence

Le devoir de diligence d'un gestionnaire de fortune doit être apprécié au regard 28 des actes que l'on pouvait attendre d'un mandataire diligent mis dans la même position. L'exigence de diligence est plus élevée lorsque le mandataire est un professionneL

TF 15.09.2004; 4C126/2004; Pra 2005 486 N 63

d. Choix des auxiliaires

La banque partie à un contrat de conseil en placement manque à son devoir de 29 diligence au sens de l'art 398 aL 2 CO lorsqu'elle laisse un auxiliaire insuffisam- ment qualifié donner des conseils en matière d'options.

Cour de iustice GE 16.01.2004; NRPC 2004 284

e. Obligation de diligence de la banque en cas d'abus apparent de pouvoir de représentation

Le principe selon lequel le pouvoir de représentation d'une société est soumis à 30 la lex societatis (art 154 et 155 LDIP) s'applique aussi pour les collectivités publi- ques étrangères. Lorsqu'en violation manifeste de son obligation de précaution, le bourgmestre d'une commune opère un retrait sur un compte bancaire ouvert au nom de la commune, ce retrait n'est pas opposable à cette dernière.

TF 02.11.2004; 4C157/2003; décision cantonale in: ZR 104 (2005) N 28

Un contrat de nantissement conclu par un administrateur de sociétés abusant de 31 façon reconnaissable de la signature individuelle qui lui a été conférée par plu- sieurs sociétés n'est pas valable (en l'espèce en nantissant les biens d'une société pour garantir un emprunt en faveur de sa propre société). La banque qui réalise l'objet du gage est responsable à l'égard des ayants droit.

Tribuna/e d'Appel/a Tl 01.02.2000, www.commercialarbitration.ch ~ Diritto Ban- caria~ 15.04.2004, obs. Trezzini

La bonne foi de l'agent de la banque en cas de dépassement des limites du pouvoir 32 de représentation d'un consul ayant signé des garanties au nom d'un Etat étran- ger permet de pallier au défaut du pouvoir de représentation.

TF 31.05.2005; 4C380/2004

(21)

f. Respect des instructions

33 Lorsqu'un gérant de fortune indépendant donne des instructions de placement à la banque dépositaire, celle-ci doit les respecter sans s'immiscer dans la relation entre le gérant de fortune et le client. Elle n'est pas le tuteur du client. Lorsque les intérêts du client sont en péril, elle doit tenir compte des éléments suivants pour déterminer l'opportunité de suivre les instructions du gérant:

- étendue de la procuration du gérant, - possibilité de joindre le client,

- éventuelle plaintes antérieurs du client sur la gestion du compte.

Cour de iustice GE 13.02.2004; NRCP 2004 274

34 En présence d'instructions, la banque doit se déterminer sur l'opportunité de les suivre ou non, mais ne peut pas décider de ne les suivre que partiellement. Cette attitude contradictoire implique une responsabilité de la banque.

Cour de Justice GE 13.02.2004; NRCP 2004 274

35 La banque qui exécute une instruction d'investissement spécifique du client doit le mettre en garde quant aux risques de l'opération lorsque:

- il est reconnaissable que le client n'a pas identifié le danger,

- le rapport particulier de confiance entre la banque et le client implique une telle mise en garde.

Cour de Justice GE, 16.01.2004; NRCP 2004 284

g. Obligation de vérification de la garantie offerte par une société d'investissement

36 Même si le contrat ne le prévoit pas expressément, une banque ou un intermé- diaire financier qui exécute une instruction d'investissement auprès d'une so- ciété panaméenne et s'engage à recevoir en son nom la garantie que cette société devait fournir a l'obligation de vérifier la validité de la garantie fournie. Cette obligation contractuelle implicite résulte d'une interprétation du contrat selon le principe de la confiance.

TF 25.02.2005; 4C.357/2004; SJ 2005 1409; Meregalli Do Duc, www.unige.

ch!cdbf, actualité no 324 du 09.05.2005

h. Fixation de marges insuffisantes

37 Les marges fixées par la banque dans le cadre d'une opération spéculative tendent à limiter les risques de la banque en cas d'insolvabilité du client. La banque n'as-

(22)

jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

sume donc pas de responsabilité vis-à-vis du client lorsqu'elle se contente d'une marge insuffisante (en l'espèce, 10% pour des opérations de spéculation sur le taux de change du yen).

TF 26.01.2004; 4C.298/2004

i. Obligations de la banque en matière de crédit documentaire

La banque confirmatrice ne viole pas ses obligations (art. 394 CO) en payant le 38 bénéficiaire d'un crédit à paiement différé avant son terme. Elle prend cependant à sa charge le risque que la banque émettrice s'oppose au paiement en cas d'abus de droit du bénéficiaire.

TF 01.06.2004; ATF 130 Ill 462; SJ 2004 1 549; de Gottrau, www.unige.ch/

cdbf, actualité no 234 du 19.07.2004

Une lettre de crédit stand by est soumise aux principes d'abstraction et de rigueur 39 documentaire. La banque peut refuser de payer en cas d'abus de droit, soit no- tamment lorsque les documents présentés sont des faux, et cela même si le béné- ficiaire du crédit est de bonne foi.

TF 09.03.2005; 4C.89/2004; ATF 131 111222; SJ 20051445; de Gottrau, www.

unige.ch/cdbf, actualité no 308 du 11.04.2005

j. Devoir de diligence de la banque vis-à-vis de la caution

Le principe de la poursuite sans interruption notable de l'art. Sll CO (caution- 40 nement pour un temps déterminé) doit être apprécié à l'aune de ce que ferait un homme d'affaires consciencieux, prudent et de bonne foi, et en tenant compte des circonstances. Le critère de quatre semaines de l'art. 510 al. 3 CO doit s'appliquer par analogie pour déterminer ce qu'est une interruption notable. Un délai de sept mois pour intenter une poursuite ordinaire contre le débiteur principal ne répond pas à cette incombance de diligence.

TF 09.06.2004; 4C.2/2004

k. Obligations de la banque découlant d'une cession de créance aux fins de garantie

41. L'accord entre le cédant et le cessionnaire limitant les possibilités de ce dernier 41 de poursuivre l'exécution de la créance n'a pas d'effet à l'égard du débiteur. La violation de cet accord entraîne cependant une responsabilité contractuelle du cessionnaire à l'égard du cédant.

TF 09.06.2004; 4C.84/2004

(23)

1. Obligation de vérifier la qualité d'ayant droit du constituant d'un gage 42 Lorsque l'objet remis en gage est exceptionnel (en l'espèce des pièces d'or an-

ciennes), la banque a l'obligation de se renseigner sur sa provenance afin de vé- rifier que le constituant a le pouvoir d'en disposer. Elle ne peut se contenter de la présomption de propriété liée à la possession.

TF 08.04.2005; 5C.60/2004 (Union de l'Inde c. Crédit Agricole lndosuez (Suisse) SA)

m. Obligation de bonne foi de la banque dans la négociation d'une transaction amiable tendant à modifier le contrat

43 Lorsque la banque entre en négociation avec le client sur une offre de garantie réelle destinée à se substituer à un versement de marges relatif à une transaction sur options, elle ne peut plus clôturer le compte sans autre forme d'avertissement comme le prévoyait le contrat en cas de non versement des marges.

TF 16.03.2005; 4C.410/2004

Ill. JURISPRUDENCE RELATIVE AUX OBLIGATIONS OU INCOMBANCES DU CLIENT

A. lncombance de diligence du client

a. Désintérêt du client pour son compte bancaire et convention de banque restante

44 Les communications de la banque au client conformes à une convention de banque restante sont dans la règle opposables au client. Le client qui se désinté- resse pendant de longues années de son compte bancaire alors qu'il connaît les risques liés à sa stratégie d'investissement doit se laisser opposer une convention de banque restante.

TF 30.05.2005; 4C.378/2004; de Gottrau, www.unige.ch/cdbf, actualité no 332 du 23.06.2005

b. Mesure de la diligence pouvant être attendue du client

45 Dans les relations entre une banque dépositaire et un client, l'expérience du ges- tionnaire indépendant du compte est imputable au client.

Cours de Justice GE 12.11.2004 (C.10599/2002 ACJC/13571045); Meregalli Do· Duc, www.unige.ch/cdbf, actualité no 289 du 13.01.2005; NRCP 2004 258 46 Un client ayant une connaissance partielle des marchés financiers et étant

conscient des risques liés aux opérations spéculatives entreprises par la banque

(24)

jurisprudence civile bancaire et financière 2004-2005

selon ses instructions (spéculation sur le cours du yen) ne peut se plaindre du fait que la banque ne lui aurait pas suffisamment expliqué les risques liés à des marges insuffisantes, ou le mécanisme de liquidation des positions par des opérations swaps, auxquels il a consenti, et cela malgré son grand âge (80 ans)_

TF 26.01.2005; 4C.298/2004

c. lncombance de vérification de la stratégie d'investissement suivie

Le mandant n'est pas tenu à une obligation de vérification minutieuse de son 47 compte et de la stratégie suivie par le gestionnaire du compte. Cependant, on peut attendre de lui qu'il s'aperçoive de la structure de son portefeuille et des pertes en résultant S'il ne s'en plaint pas, c'est qu'il approuve implicitement cette stratégie.

Handelsgericht ZH 02.07.2004

d. lncombance de garde de chèques de voyage

Lorsque, d'après le contrat, le porteur de chèques de voyage doit en assurer la sau- 48 vegarde comme une personne prudente le ferait avec de l'argent liquide, il viole cette obligation en laissant des chèques de USD 20'000.- par terre entre ses jambes

dans un bazar indien. -

TF 27.04.2004; ATF 130 111417; Si 20041533; iT 20041 268; RSDIE 2004 271;

Landry, www.unige.ch/cdbf, actualité no 214 du 16.06.2004

B. Faute concomitante du client lésé a. Obligation de réduire le dommage

Le client qui s'aperçoit qu'une de ses instructions n'a pas été correctement exécu- 49 tée, mais qui ne donne pas de nouvelles instructions afin de réduire le dommage, commet une faute concomitante susceptible de conduire à une réduction de l'in- demnité qui lui est due.

TF 07.09.2004; 4C.191/2004; Si 20051174

L'obligation du client de réduire le dommage existe aussi après la fin de la relation 50 contractuelle, en ce sens que le client ne doit pas tarder à revendre des titres spé- culatifs (en l'espèce des warrants) pour diminuer ses pertes. En cas de violation grave de cette obligation, le lien de causalité entre le dommage et la violation de l'obligation de diligence du gestionnaire est interrompu pour les pertes survenues après la fin du contrat

TF 15.09.2004; 4C 126/2004; Pra 2005 486 N 63

(25)

b. Signature individuelle conférée à un administrateur indélicat

51 Lorsqu'une société confère une signature individuelle à un administrateur, em- pêchant ainsi la banque d'avoir d'autres contacts avec elle qu'à travers cet admi- nistrateur, elle commet une faute concomitante qui limite la responsabilité de la banque à son égard.

Tribunale d'Appel/a Tl 01.02.2000, www.commercialarbitration.ch -? Diritto Bancario-? 15.04.2004, obs. Trezzini

IV. JURISPRUDENCE RELATIVE AUX MOYENS DE DROIT, ACTIONS JUDICIAIRES ET PROCÉDURES DE POURSUITE

A. Moyens de droit

a. Responsabilité fondée sur la confiance ou responsabilité contractuelle

52 Un intermédiaire financier assume une responsabilité contractuelle à l'égard de son client lorsqu'il n'a pas fourni les informations ou procédé aux vérifications auxquelles le client pouvait s'attendre compte tenu de sa relation de confiance avec lui, même si ces obligations ne sont pas expressément prévues dans le contrat.

Une responsabilité fondée sur la confiance n'intervient qu'à titre subsidiaire, en l'absence de responsabilité contractuelle.

TF 25 02.2005; 4C.357/2004; SJ 2005 1409; Meregalli Do Duc, www.unige.

ch/cdbf, actualité no 324 du 09.05.2005

b. Enrichissement illégitime

53 Une banque qui paie une lettre de crédit stand by sur la base de faux documents dispose d'une action en répétition (art. 62 CO) contre le bénéficiaire du crédit, même si celui-ci ignorait que les documents étaient des faux.

TF 09.03.2005; 4C.89/2004; SJ 2005 1 445; de Gottrau, www.unige.ch/cdbf, actualité n° 308 du 11.04.2005

c. Résiliation du contrat

54 L'art. 404 CO est applicable à la relation contractuelle entre le gérant de fortune indépendant et la banque dépositaire des fonds (composée d'un contrat intitulé

"contrat de représentation" et d'un contrat intitulé "contrat de collaboration"), même si les parties ont prévu une durée déterminée.

TF 31.03.2005; 4C.447/2004; SJ 2005 1417; Bretton Chevallier, www.unige.

ch/cdbf. actualité no 333 du 24.06.2005

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