La politique et les syndicats ouvriers

Les Consulats suisses à l'étranger reçoivent le journal.

Septième Année. — N0 63.

P r i x d u n u m é r o 10 c e n t i m e s

Dimanche 6 Août 1893.

B u r e a u x : R u e d e la S e r r e , 27.

A B O N N E M E N T S

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Suisse . . . . Fr. 6>— Fr. 3»•

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et des Syndicats professionnels.

La politique et les syndicats ouvriers

Nous signalions, dans l'un de nos der- niers numéros, la tendance nouvelle des ouvriers, (rajouter au programme pure- ment professionnel, à l'origine, de leurs syndicats, un programme nettement poli- tique, transformant ainsi ces institutions en foyers d'agitation politique et électo- rale.

Ce n'est pas seulement dans la Suisse horlogère (pie ce phénomène nouveau est constaté. En France, à Paris surtout, il y a longtemps que les syndicats s'oc- cupent de tout autre chose que des in- térêts professionnels de leurs membres et c'est précisément ce qui a motivé la fermeture de la Bourse du Travail, ce palais mis à leur disposition par le gou- vernement.

La province ne pouvait manquer de suivre l'exemple de Paris et la région horlogère franc-comtoise parait vouloir se lancer dans le mouvement. C'est du moins ce que dénote l'affiche ci-dessous, qui a élé placardée mardi, sur les murs de Besançon :

Aux ouvriers horlogers,

Un groupe d'ouvriers horlogers de Besan- çon, estimant que jusqu'ici la question de l'horlogerie a été traitée surtout au point de vue commercial ou patronal, sans tenir compte des intérêts des travailleurs, qui ont été de plus en plus sacrifiés croit nécessaire, à l'ap- proche des élections législatives, d'organiser une grande réunion des ouvriers de l'industrie horlogère, enfin de discuter et d'établir, en de- liorsdes questions politiques.les revendications qu'ils ont a formuler.

Cette réunion contradictoire aura aussi pour but de connaître l'opinion des candidats députés sur la situation déplorable faite à la plus importante partie de la population bi- sontine.

Ouvriers horlogers, assistez à la réunion qui aura lieu le dimanche 6 août, à neuf heures et demie du matin, préau de l'école de Battant.

Les candidats à la députation dans la pre-

mière circonscription de Besançon ont été in- vités par lettre à assister à cette réunion.

*

Dans l'article que nous consacrions récemment à l'évolution des groupes pro- fessionnels vers la politique militante, nous nous demandions si ce nouveau groupement, fait au détriment de la force des partis anciens et contre eux, n'aurait pas pour conséquence de rallier dans un but de résistance et de défense, les élé- ments appartenant aux autres classes de la population.

A lire certains journaux de droite et de gauche, on pourrait croire que l'évé- nement donnera raison, dans une certaine mesure du moins, à la prévision que nous émettions.

Le Démocrate, journal radical qui pa- rait à Delémont, publiait il y a quelques jours une correspondance, dont l'auteur, un ancien député, constate que les radi- caux bernois sont en pleine réaction, mais que cette réaction est nécessaire.

Nous citons :

Il ne saurait d'ailleurs être question d'une réaction contre le régime libéral sous lequel nous vivons assez paisiblement depuis prés de quarante ans ; il s'agit simplement de faire face aux pernicieuses doctrines politiques et sociales qui tendent à s'accréditer dans le pays et par- ticulièrement dans les villes et dans les contrées industrielles. N'est-il pas urgent de réagir contre la propagande des écervelés qui peuvent machiner des émeutes comme celles de St.

Imier et de Berne, de garantir mieux les droits du citoyen et la liberté du travail, de protéger les laborieux contre les fainéants, les honnêtes gens contre les révoltés qui ne veulent plus re- connaître ni autorités ni lois?

Oh! je sais l'accueil que vont faire les émules deRavachol à ces mesures de salubrité sociale.

Englobant tous les citoyens qui n'admirent pas leurs sinistres exploits dans le dédaigneux qualificatif de «bourgeois», ils menaceront de violentes représailles et parleront de « la pro- chaine » comme si elle devait éclater de- main.

Ces rodomontades n'émotionnent que ceux qui n'ont pas de contact avec le vrai peuple.

Il se peut que nous soyons L le veille de graves événements, mais ce qui me tranquillise, c'est qu'ils prendront une tout autre tournure que celle rêvée par nos socialistes-anarchistes.

Si une révolution doit éclater prochainement en Suisse, elle sera faite, soyez-en sur, plutôt par les paysans que par les socialistes. On ne s'en doute peut-être pas dans certains bureaux du Palais, au Grûtli et dans d'autres milieux où se cultivent les doctrines collectivistes; mais les paysans et les artisans — qui forment les quatre cinquièmes de la population suisse — sont plus que las de la faiblesse du gouverne- ment fédéral en face de quelques énergumé- nes qui ont la prétention de parler au nom des ouvriers. La grande masse du peuple ne con- çoit pas que les pouvoirs publics s'apitoient si volontiers sur.le sort d'individus dont le seul mérite est de savoir dépenser 6 francs lors- qu'ils n'en ont su ou voulu gagner que 5, et qu'en revanche ces mêmes pouvoirs restent d'ordinaire insensibles aux plaintes de la classe agricole.

Des manifestations non équivoques de ce profond mécontentement se sont déjà produites dans divers cantons et notamment à Zurich.

Mais, patience, cette réaction-là est trop juste, trop légitime, pour qu'elle ne deviennepas bien- tôt générale. C'est alors qu'il faudra craindre que l'indignation populaire n'aille trop loin et que la réaction ne profite finalement aux en- nemis de la liberté et du progrès. En tout cas, le règne des politiciens socialistes sera passé et bien passé; car non seulement le peuple balaiera de nos administrations publiques ceux qui s'ingénient à miner, à démolir nos plus respectables institutions, mais sa colère s'appesantira sur ceux là aussi qui par couar- dise ou par intérêt, encouragent les apôtres du socialisme et autres fauteurs de désordres.

En vérité, je vous le dis, le temps n'est pas loin où le paysan, ne s'armant que de sa houe, aura bientôt fait de fermer la bouche aux collectivistes et de mettre à l'odre tous les dynamitards.

Enfin, le Berner lagblatt, l'organe des vieux conservateurs bernois, dans un ar- ticle de fond très remarqué intitulé : Serrez les rangs, propose carrément l'u- nion des deux vieux partis bernois, radi- cal et conservateur. Il dit que les diver- gences d'autrefois n'existent plus que sur quelques points insignifiants et demande que tous les bons patriotes, radicaux et

268 LA FEDERATION HOKLOGERE SUISSE conservateurs, oubliant leurs anciennes

rancunes, s'unissent contre les « canailles internationales. »

Nous ne voulons pas attaclier plus d'importance qu'ils n'en méritent à ces appels de l'extrême droite, dictés par la peur ou par le désir d'entraîner les pro- grossistes dans un mouvement de réaction contraire à leurs aspirations et à leur rôle historique dans le développement de nos institutions. -Jamais plus qu'aujour- d'hui le sang-froid n'a été nécessaire et il faut se garer tout autant des invites de l'extrême droite que des élucubrations des énergumènes de l'extrême gauche.

Et pourtant, voilà à quel résultat final, pourraient aboutir les excitations qui ont provoqué les émeutes de St-Imier et de Berne. De plus, il faut reconnaître que certaines des résolutions prises dans les réunions de délégués des sections du Grutli, à la fête fédérale de Neuchàtel, ne sont pas faites pour diminuer chez les libéraux évolutionnistes, les appréhen- sions que leur cause l'orientation nou- velle de la Société suisse du Grutli, qui la conduira fatalement, à abandonner l'idée de Patrie pour se lancer dans le cosmopolitisme importé d'outre-Rhin.

La cause ouvrière ne peut rien gagner, selon nous, à ce que l'on place les ques- tions sur le terrain de la lutte de classe et les sectateurs de la doctrine du tout ou rien, qui gagnent en influence depuis quelque temps, finiront par provoquer une levée en masse de ceux — et ils forment la grande majorité du peuple suisse — qui veulent le progrès dans l'ordre et le développement normal de nos institutions en dehors des utopies dangereuses et des intrusions étrangères.

11 est encore temps de réagir et d'em- pêcher le mouvement de réaction fatale au vrai libéralisme, qui se dessine dans certains milieux jusqu'ici franchement progressistes. Ceux qui dirigent le mou- vement ouvrier se résigneront-ils à pro- céder aux amputations douloureuses mais nécessaires? C'est ce que nous voudrions pouvoir espérer, pour le plus grand bien de la cause ouvrière et du progrès sain et durable dans notre Patrie.

Information

Les fabricants d'horlogerie qui rece- vront des demandes d'échantillons ou de prix-courant du nommé

M. S a r r o n , n é g o c i a n t e n h o r l o g e r i e à C h a m p - F o r g e r o n , B e s a n ç o n sont invités à prendre des informations au Bureau du secrétariat de la Chambre cantonale, rue de la Serre 27, à La Chaux-de-Fonds.

Secrétariat de la Chambre.

Prière aux journaux de la région hor- logère de bien vouloir reproduire.

Bimétallisme américain

Le Journal de Genève publie sur cet intéressant sujet, " une correspondance dont nous reproduisons la fin, qui a trait à l'attitude que, *elon lui, la Suisse doit prendre dans cette question :

Quant à nous, latins, nous ne pouvons qu'assister passifs à la grande bataille que se livrent l'or et l'argent personnifiés par leurs champions respectifs, l'Angle- terre et l'Amérique, nous devons forcé- ment en attendre l'issue pour régler notre conduite. A notre grand regret et à notre grand dommage, nous constatons chaque jour un avantage remporté par l'or sur

son adversaire, nous voyons chaque jour une nouvelle défection. Hier c'était l'Allemagne, aujourd'hui l'Autriche et les Indes passent à l'ennemi, et qu'est-ce que la mesure proposée par l'auteur de l'article ? C'est la constatation de la dé- faite, ce n'est pas la paix.

Notre petite Suisse n'a rien à gagner à se jeter dans la mêlée. Si, à la rupture de l'Union, il se forme un nouveau grou- pe européen bimétallisle destiné à sauve- garder en quelque mesure les graves intérêts compromis par la baisse de l'ar- gent, elle devra examiner sans parti pris s'il lui convient de s'y joindre, ou, si ses intérêts ne lui commandent pas d'aborder courageusement la démonétisation totale de l'argent et de se joindre aux pays monométallistes à étalon d'or.

Le congrès monétaire de Chicago Le Congrès monétaire a reçu le rapport du comité de résolution qui se défend de faire dépendre la politique financière des Etats-Unis de l'opinion ou de la politique d*un gouvernement étranger. Le rapport déclare que le seul remède à la crise actuelle consiste à ouvrir l'hôtel des mon- naies a l'or et à l'argent dans les pro- portions de 16 parties d'argent et 8 par- ties d'or. Le rapport déclare que la situa- tion n'est pas imputable à la loi Sherman.

Contrebande

On mande de Besançon que la police française vient de mettre la main sur un contrebandier qui faisait passer des montres de Suisse en France. Cette cap- ture a amené, des révélations intéres- santes. On affirme à Besançon que, depuis le mois d'août 1892 jusqu'à février 1893, une seule entreprise de contrebande a pu faire passer la frontière à plus de 22,000 montres, représentant une valeur de deux millions de francs.

Les timbres dominicaux belges

Les nouveaux timbres dominicaux de 2, 20 et 25 centimes ont été mis en vente mardi, sui- vant le programme arrêté, dans tous les bu- reaux de poste de Belgique.

Outre la bande traditionnelle <c Ne pas déli- vrer le dimanche » les timbres sont totalement

différents des anciens. Le timbre de 2 centimes est de couleur orange, et MU lieu du grand chiffre 2 au milieu se trouvent les armes de la Belgique; le chiffre est placé dans les deux angles inférieurs. Il est horrible de teinte et de composition.

Le timbre de 0 centimes est de couleur réséda malade, dit VIndépendance belge, et le chiffre se trouve en diagonale au coin gauche au-dessus et au coin droit au-dessous. La tète du roi Léopold II est au milieu d'une bande circulaire plus sombre sur laquelle on lit :

« Postes Belgique », « Belgie Posierijen i>.

(Depuis quelques années le mouvement/ZJ- mingand s'est dessiné en Belgique et ses parti- sans ont obtenu l'adjonction des termes fla- mands aux termes français dans toutes les inscriptions officielles, timbres, monnaies, etc.)

Le timbre de 25 centimes est tout pareil au précédent, sauf qu'il est de teinte bleue et tout différent de l'ancien, qui était bleu rosé.

Les syndicats de la Bourse du travail

Mardi prochain 8 août, commencera devant la 8e chambre correctionnelle, pour occuper plusieurs audiences, l'affaire des syndicats professionnels de la Bourse du travail. Soi- xante-dix prévenus appartenant ή quarante- deux syndicats sont cités à comparaître. Ils sont poursuivis pour avoir, en organisant des syndicats professionnels, enfreint les formali- tés prescrites par la loi de m a r s 1884 dont l'article 9 est ainsi conçu :

Les infractions aux dispositions des articles 2,3,4, 5 et 6 de la présente loi seront poursui- vies contre les directeurs ou administrateurs des syndicats et punies d'une amende de 16 à 200 francs. Les tribunaux pourront en outre, à la diligence du procureur de la République, prononcer la dissolution des syndicats et la nullité des acquisitions d'immeubles faites un violation des dispositions de l'article 6. Au cas de fausse déclaration relative aux statuts et aux noms et qualités des administrateurs ou directeurs, l'amende p o u r r a être portée à oOO francs.

Au début de l'affaire cent dix-sept personnes avaient été impliquées dans les poursuites.

Mais, au cours de l'instruction, douze syndi- cats se sont soumis à la loi de mars 1884 et nombre d'autres ont opéré leur dissolu ion.

P a r suite, quarante-sept ordonnances de non- lieu sont intervenues.

Les socialistes catholiques en Allemagn e

Voici quelques-unes des revendications du parti :

Réduction des heures de travail; abolition graduelle du travail des femmes mariées d a n s les manufactures et entraves apportées :m travail des femmes en général; institution de commissions d'ouvriers avec des droits recon- nus par la loi; extension du régime «les cor- porations; limitation des propriétés foncières et abolition du « libre échange s a n s restriction ».

Le programme contient aussi d'autres deman- des : Repos le dimanche autant que faire se pourra; introduction de l'impôt sur le revenu et abandon graduel des contributions indirectes et des droits de douane, autant que cela sera possible avec la protection du travail national contre l'industrie étrangère.

D'après le correspondant berlinois du Times le programme en question est surtout intéres- sant parce qu'il constate qu'il existe dans la population catholique un courant démocrate contre lequel les leaders ecclésiastiques on publiant ce programme reconnaissent qu'ils sont impuissants à remonter.

LA FÉDÉRATION HORLOGERE SUISSE 269 Nouvelles d i v e r s e s

A f f a i r e X é n i i t z . — On lit clans le Genevois:

Cette affaire très malheureuse pour Ie com- merce genevois, ne se simplifie pas, au con- traire. Avant de porter un jugement sur Nemitz et son cas, il convient d'attendre certains éclaircissements.

— On annonce d'autre part que le commerce genevois ne ferait qu'une perte insignifiante.

T r a i t é d e c o m m e r c e . — Le Sénat, a a p - prouvé définitivement le traité de commerce hispano-suisse.

C o u r s p o u r b i j o u t i e r s à G e n è v e . — Une pétition avait été envoyée par la commission d'apprentissage des bijoutiers et joailliers au Conseil d'Etat pour lui demander la création

•de cours professionneles pour bijoutiers. Le département du commerce et de l'industrie a, à la suite de cette demande, convoqué pour hier a p r è s midi une commission composée de patrons et d'ouvriers. Cette réunion, présidée par M.le conseiller d'EtatDut'our, et à laquelle le Conseil administratif était représenté par M. Bourdillon, a décidé la création d'un cours de bijouterie pour apprentis et ouvriers, qui a u r a lieu le soir pendant la saison d'hiver. On d e m a n d e r a à la Ville de prêter à cet effet un local; il est probable que ce cours a u r a lieu au

"Grenier à Blé. Il sera fait gratuitement par des membres du comité d'initiative et les frais qui seront peu importants, seront partagés entre l'Etat et la Ville.

L e s S y n d i c a t s e n K u s s i e . — Le gouver- nement a décidé de procéder énergiquement contre les syndicats. A l'avenir, tous les pro- priétaires d'usines qui appartiendraient à un syndicat seront exclus des marchés passés par l'Etat, même si leurs offres sont plus

L e s d o u a n e s e u A u s t r a l i e . — Le con- férence fédérale qui doit s'occuper de l'abo- lition des barrières douanières entre les dif- férentes colonies australiennes s'est ouverte lundi, à Corawa. Le premier ministre de Victoria, le ministre des t r a v a u x publics de la Nouvelle-Galle du Sud et plusieurs autres hommes politiques assistaient à la réunion.

D a n s une réunion publique qui a eulieulesoir, on a volé en faveur de la Fédération des colo- nies de l'Australie·

A l l e m a g n e - R u s s i e . — Le gouvernement allemand ayant décidé, par ordonnance du 29 juillet écoulé et en application du § 6 de la loi sur le tarif douanier du 15 juillet 1879, de ré- pondre par une élévation de 50% des droits du tarif général allemand au tarif m a x i m u m russe qui frappe depuis le Ie"- août les produits de l'Allemagne et de ses colonies, le ministère russe des finances a arrêté le 2 courant qu'une augmentation ultérieure de 50% des droits du tarif maximum serait appliquée aux m a r c h a n - dises allemandes importées en Russie.

La circulaire envoyée par le ministère russe des finances a u x bureaux de douane re- lativement à l'entrée en vigueur du tarif maxi- mum prévoit que ce dernier ne sera provisoi- rement appliqué qu'à VAllemagne et à ses colonies.

La communication faite dans le n° 174 de notre feuille, du 29 juillet, qui reposait du reste sur une information officielle et d'apôs laquelle les marchandises de l'Autriche-Hongrie seraient aussi soumises au tarif maximum russe, doit donc encore attendre sa confirmation.

(Feuille officielle suisse du commerce.)

Cote de l'argent

du 5 Août 1893 fr. 124»-

Argent fin en grenailles le kilo.

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