• Aucun résultat trouvé

Le mythe d Antigone dans Loin de Médine d Assia DJEBAR. Approche mythocritique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le mythe d Antigone dans Loin de Médine d Assia DJEBAR. Approche mythocritique"

Copied!
64
0
0

Texte intégral

(1)

Institut des lettres et des langues

Département des lettres et langue françaises

Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme de master Option : Littérature contemporaine

Sujet de recherche :

Le mythe d’Antigone dans Loin de Médine d’Assia DJEBAR – Approche mythocritique –

Présenté par : Encadré par :

M. ATTAR Mohamed Amine M. TALEB Sidi Mohamed

Devant le jury :

Présidente : Dr. ISSAD Djawida, Maitre de conférence (B), CUAT.

Rapporteur : M. TALEB Sidi Mohamed, Maitre assistant (A), CUAT.

Examinateur : M. YOUSFI Chakib Khalil, Maitre assistant (A), CUAT.

Année universitaire : 2015/2016

(2)

Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme de master Option : Littérature contemporaine

Sujet de recherche :

Institut des lettres et des langues

Département des lettres et langue françaises

Présenté par : Encadré par :

M. ATTAR Mohamed Amine M. TALEB Sidi Mohamed

Le mythe d’Antigone dans Loin de Médine d’Assia DJEBAR – Approche mythocritique –

Devant le jury :

Présidente : Dr. ISSAD Djawida, Maitre de conférence (B), CUAT.

Rapporteur : M. TALEB Sidi Mohamed, Maitre assistant (A), CUAT.

Examinateur : M. YOUSFI Chakib Khalil, Maitre assistant (A), CUAT.

Année universitaire : 2015/2016

(3)
(4)

Tout d’abord, je tiens à remercier le bon Dieu de m’avoir aidé à terminer ce modeste travail.

Je ne saurai jamais remercier suffisamment mes chers parents.

Je tiens à adresser des remerciements particuliers à mon encadrant

M. TALEB Sidi Mohamed pour l'investissement très important qu'il a mis dans l'encadrement de ce mémoire de Master .

J’exprime l’honneur qui m’a été témoigné par les membres de jury pour avoir accepté d’examiner ce travail et notamment Dr. ISSAD Djawida.

Je n’oublie pas de remercier M. YOUSFI Chakib Khalil pour son aide, et pour ses conseils bénéfiques dans le domaine littéraire ainsi que

méthodologique.

Enfin je remercie tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à ce

mémoire et veillé à sa bonne marche.

(5)

Ce travail est dédié à la mémoire de mon regretté père.

Spéciale dédicace à la personne qui m’est la plus chère au monde : ma douce mère à qui je dois le respect, qui m’a aidé péniblement pendant toute ma vie et m’a soutenu moralement et financièrement.

Je dédie ce modeste travail aussi à Mes chers frères et ma chère sœur, l’adorable nièce HIBA ainsi que son père Kouider.

À Mon directeur M. MIRAZI Abbes.

À Touts mes amis surtout Ibtissem, Nabil, Halima, Mokhtaria,

Yasmine, Oussama,Touria & Mennad.

(6)

Chapitre I: Maghrébinité et Algérianité ………...…………12

I.1. La littérature : un mode d’expression privilégié : ... 13

I.2. La littérature maghrébine d’expression française : ... 14

I.3. La littérature algérienne d’expression française : ... 20

I.4. L’oralité comme procédé polyphonique : ... 28

Chapitre II: Mythocritique et intertextualité ………..………..………29

II.1 Le Mythe et ses différents aspects: ... 30

II.1.A. Le mythe : ... 30

II.1.B. Aspects du mythe : ... 32

II.1.B.a. Hétéroclites mythes : ... 32

II.1.B.b. Postérité du mythe : ... 32

II.1.B.c. Notion de réécriture : ... 33

II.2. Théorie Girardienne : ... 33

II.3.Panorama sur les mythes dans la littérature : ... 34

II.3.A. Le Mythe de l’Androgyne : ... 34

II.3.B. Le mythe de la caverne : ... 35

II.3.B. Le Mythe du Labyrinthe : ... 35

II.3.C. Le mythe d’Antigone : ... 35

II.4. La mythocritique et l’intertextualité comme approches littéraires : ... 36

II.4.A. La mythocritique : ... 36

II.4.B. L’intertextualité : ... 38

II.4.B.a. Développement ultérieurs : ... 39

II.4.B.b. Intertextualité et littérarité : ... 41

II.4.B.d. Intertextualité et mythe : ... 41

Chapitre III: Loin de Médine: une œuvre romanesque ou mythe romancé…….43

III.1. Présentation du corpus : ... 44

III.2. Assia DJEBAR écrivaine et Algérienne : ... 45

(7)

III.5. Le mythe d’Antigone : stratégie de la féminité dans Loin de Médine : ... 50

Conclusion générale : ... 54

Références bibliographiques : ... 58

I. Corpus : ... 58

II. Autres Œuvres d’Assia Djebar : ... 58

II.1. Romans et nouvelles ... 58

II.2. Poèmes ... 58

II.3. Essais ... 58

II.4. Filmographie ... 59

II.5. Théâtre ... 59

III. Documents consultés cités et non-cités : ... 59

III.1. Articles périodiques : ... 59

III.2. Dictionnaires de spécialités : ... 61

III.3. Dictionnaires de langue : ... 61

III.4. Mémoires et thèses de Magistères et doctorats : ... 61

III.5. Œuvres littéraires , Ouvrages théoriques et critiques : ... 62

 

             

(8)

Introduction générale

   

(9)

La littérature algérienne d’expression française est très riche en qualité et surtout en quantité. Cela lui permet d’occuper une grande place dans le champ littéraire universel. De grands auteurs ont marqué le parcours littéraire de cette aire géographique et culturelle, tels que : Mouloud FERAOUN, Jean AMROUCHE, Mouloud MAMMERI, Kateb YACINE, Mohamed DIB et Malek HADDAD. Cette littérature, dominée par le masculin, a donné aux femmes une bouffée d’air frais pour prendre la parole, de s’exprimer afin de s’imposer dans un monde qui a tendance à les oublier. Des noms de femmes ont marqué l’émergence de cette littérature comme : Assia DJEBAR, Meriem BEN, Nadia GUENDOUZ…

Depuis des siècles, les femmes en Algérie ont souffert du mépris, du silence, de négligence, d’enfermement et de claustration. C’est contre tout cela qu’Assia DJEBAR a pris la plume pour combattre les injustices et abolir ces tracas qui l’accompagnent toute sa vie.

Assia DJEBAR, écrivaine et historienne algérienne ainsi que académicienne1 a marqué l'écriture de la littérature algérienne d’expression française par une esthétique de la subversion et l'engagement, où son œuvre Loin de Médine2, témoigne de la voie thématique et de la poétique de DJEBAR, dont ce travail intitulé : Le mythe d’Antigone dans Loin de Médine d’Assia DJEBAR – Approche mythocritique – va porter sur l’étude de ce roman.

Le choix de ce thème vient du fait que la réécriture des mythes nous interpelle. En ce qui concerne le choix du corpus, cela est lié à l’intérêt que nous portons à la lecture des œuvres littéraires maghrébines écrites en langue française, et en particulier les œuvres de la romancière et académicienne Assia

      

1 Membre de l’Académie française.

2 DJEBAR Assia, Loin de Médine, Paris, Albin Michel, Coll. « Livre de poche », 1991.

(10)

DJEBAR. C’est l’intertextualité mythique dans le roman Loin de Médine, qui a actionné en nous une réflexion avec laquelle nous étions poussés à ce choix précis du corpus. Notre choix s’est porté sur ce roman à l’exclusion des autres, du fait, qu’il constitue un champ de recherche propice et intéressant par rapport à notre démarche. Nous pouvons le considérer comme un passage vers une nouvelle dimension spatiale et temporelle, une nouvelle écriture où nous remarquons la réécriture de l’histoire religieuse en constatant qu’Assia DJEBAR a fait appel aux mythes pour une ou plusieurs raisons. Ce qu’il est bien remarquable c’est qu’il existe une intertextualité mythiques, et à titre d’exemple le mythe d’Antigone.

Ce constat, nous a poussé à poser la question suivante : comment les mythes sont-ils représentés dans Loin de Médine d’Assia DJEBAR, et à quelle fin cette représentation s’inscrit-elle dans la stratégie scripturale de l’auteure ?

Pour répondre à notre problématique, nous nous sommes basés sur une hypothèse qui nous a semblé la plus logique : est que l’auteure a fait appel aux mythes pour l’affirmation d’une identité féminine dynamique, combative et revendicatrice.

Pour la bonne réalisation de ce travail, la démarche la plus adéquate est la démarche analytique où nous allons analyser le corpus pour dégager la représentation des mythes et ses implications herméneutiques dans le texte d’Assia DJEBAR ; nous allons faire appel à l’approche intertextuelle en se basant essentiellement sur la mythocritique.

Notre travail s’étale sur trois chapitres. Dans le premier chapitre intitulé Maghrébinité et Algérianité, nous allons voir la présentation de la littérature comme un mode privilégié, un aperçu sur la littérature maghrébine d’expression française en générale et l’algérienne d’expression française en particulier et leur évolution. Et on parlera enfin -pour introduire le chapitre suivant- de la notion

(11)

d'oralité qui est très présente dans la littérature maghrébine d’expression française.

Dans le deuxième chapitre, nous allons d'abord essayer de définir la notion du mythe en essayant de faire ressortir ses aspects, après cela, nous allons présenter un panorama sur les différents mythes qui sont les plus importants et les plus pertinents dans la littérature. Ensuite nous allons donner un aperçu sur la mythocritique, après nous allons définir ce qu`est l’intertextualité en montrant son lien avec le mythe.

Enfin le troisième chapitre intitulé Loin de Médine : une œuvre romanesque ou un mythe romancé ? Nous allons faire une présentation du corpus suivi de celle de l’auteure qui est Assia DJEBAR, ensuite nous verrons les traces d’Antigone dans notre corpus, et voir comment peut-on considéré Fatima Zahraa comme une Antigone et une Amazone de l’Islam, et pour finir ce dernier chapitre nous allons voir comment le mythe d’Antigone est une stratégie d’écriture de la féminité dans Loin de Médine.

 

(12)

Chapitre I : Maghrébinité

et Algérianité

(13)

I.1. La littérature : un mode d’expression privilégié :

L’emploi du mot « littérature » pour désigner les ouvrages qui portent la marque de préoccupations esthétiques est assez récent. Il est apparu au XVIIe siècle, s’est répandu au XVIIIe avant de devenir dominant au XIXe siècle.

Auparavant, ce mot désignait le savoir en général : à la Renaissance, un

« Homme d’une grande littérature » était un érudit.

« Le terme a d’ailleurs longtemps gardé une acception large. Ainsi l’essai De la littérature de Mme de Staël (1802) envisageait les ouvrages faits pour le plaisir et toutes « les productions de l’esprit » qui passent par des textes, notamment la philosophie. Aujourd’hui encore on parle de « littérature juridique » ou de « littérature grise », signe que le mot peut évoquer tout ce qui relève des pratiques de l’écrit, en accord avec la signification de l’étymon litterae, litteratura »3.

De plus, sur la longue durée, on a parlé de « lettres », de « bonnes lettres » et « Belles-lettres » avant que le terme « littérature » ne s’impose de sorte à s’attacher étroitement au seul terme moderne et à son sens restreint serait tombé dans un nominalisme qui réduirait dangereusement l’objet, alors même qu’il ne saurait y avoir de réflexion conséquente qui ne prenne en compte tout l’art verbal, l’ensemble des pratiques et des corpus correspondants. Si les noms ont varié au fil du temps, c’est que les pratiques elles-mêmes ont varié.

« L’observation doit donc porter d’abord sur ces variations historiques, et sur les jalons majeurs qui ont marqué l’évolution de la littérature ».4

La littérature, c’est raconter la vie, ses faiblesses, ses forces, événements, troubles et pulsions.

      

3 LOTTERIE Florence, « Madame de Staël. La littérature comme «philosophie sensible». », Romantisme , 2/2004 (n° 124) , p. 19

4 VIALA Alain, « Littérature », in Encyclopaeedia universalis 2011.

(14)

Notre travail se penchera cependant plus sur la littérature orale, mode opératoire par excellence qui a façonné les intentionnalités esthétiques et éthiques de la littérature maghrébine d’expression française.

I.2. La littérature maghrébine d’expression française :

Les rapprochements sont toujours possibles entre le concept de la littérature et de la littérature maghrébine. Celui de la Littérature maghrébine d’expression française offre des perspectives de lecture et de recherche fécondes en éléments linguistiques et culturels. Il suffit de considérer que le concept énergique d’écriture chez les écrivains maghrébins d’expression française ne va pas de soi car il désigne une littérature produite dans une langue qui pour être la langue de l’Autre n’est pourtant pas tout à fait étrangère.

« La question de sa légitimité, notamment au plan de la langue, est dès lors prégnante. L’hybridité linguistique traverse ainsi l’essence de cette littérature dont le rattachement à un espace géographique particulier, l’appartenance à une aire culturelle différente, appellent des savoirs encyclopédiques qui sollicitent chez le lectorat un effort interprétatif supérieur.

C’est affirmer de fait la tendance du lecteur à donner vie aux univers de sens et de signification sous-jacents au drame de l’écriture maghrébine »5.

Aussi, l’écrivain maghrébin maghrébinise-t-il la langue de l’Autre ? Maghrébiniser la langue française d’emprunt et se l’approprier, vieux rêve des écrivains maghrébins qui engendrent et embellissent ainsi des textes rhizomes dont l’expression se conjugue en une mouvance langagière et culturelle propre à une littérature à l’expérience incontestablement ouverte sur l’Altérité.

      

5 Information publiée le Mercredi 29 Septembre 2010 par Bérenger Bouley (Source Mme Aissi Radhia http://Sem.UNiv-Batna.Dz/Edaf/Importance.Html

(15)

« De surcroit, cela suppose une communauté rapprochée d’écrivains-lecteurs maghrébins pour laquelle l’identité du dire de l’auteur dépend de manière irréfragable de l’identité du lecteur réclamé par le texte maghrébin ».6

C’est une littérature qui est née principalement vers les années 1945-1950 dans les pays du Maghreb arabe : l’Algérie le Maroc, la Tunisie. Les auteurs de cette littérature sont des autochtones, c’est-à-dire originaires du pays.

La littérature maghrébine deviendra une forme d’expression reconnue après la 2ème guerre mondiale.

Dans la littérature maghrébine, le pluriel s’impose toujours. Il existe en effet un vaste ensemble de textes dont la trame principale est tissée par les différentes mouvances de l’histoire, la géographique et de différentes influences socio culturelles ayant marqué cet ensemble, mais selon des principes de filiation très divers comme le lieu de naissance des écrivains, le lieu de dissémination des traditions orales, la participation à un imaginaire spécifique à l’Afrique du Nord, lui insufflant, grâce à cette diversité une richesse indéniable.

La littérature maghrébine a connu plusieurs phases : tout d’abord vient la génération des fondateurs de cette littérature, durant la période coloniale, qui ont conduit une réflexion critique sur leurs sociétés, doublée d’une prise de conscience identitaire et qui se manifeste par une remise en cause de l’autorité des traditions, et dont l’écriture est essentiellement critique et revendicative, souvent engagée, sinon de combat.

Cette période voit éclore nombre d’auteurs assurant le rôle d’écrivain public qu’assume entre autres Mouloud Feraoun dans son roman Le fils du Pauvre.

      

6 Ibid.

(16)

Il y eu aussi le rejet des inégalités que nous retrouvons dans la trilogie de Mohamed Dib, La Grande maison, L’Incendie, Le Métier à tisser .

Cependant l’œuvre la plus emblématique de cette période serait Nedjma de Kateb Yacine.

Parmi les plus dévoués de cette génération d’écrivains nous retrouvons Driss Chraïbi, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Mohamed Dib, Ahmed Sefrioui, Kateb Yacine.

La génération qui suit et celle des années d’indépendance qui s’est penchée sur les mêmes thèmes que son aînée propose cependant une écriture plus violente ce que les auteurs qualifient de littérature de transgression. On peut citer pour illustrer cette deuxième vaque d’auteurs maghrébins : Abdelatif Laabi, Tahar Benjelloun, Tahar Djaout, tous nés dans les années trente et quarante du XXème siècle.

Ensuite vient la troisième génération d’auteurs maghrébins d’expression française, qui est celle de la littérature de l’amertume ou bien celle des espoirs déçus et des désillusions.

« Cette littérature est plus engagée dans la réalité politique et sociale actuelle. Elle pose un regard lucide sur la complexité des réalités maghrébines dans leurs relations multiformes et mouvementées avec le monde extérieur y compris avec la France et la langue française ».7

Cette troisième génération d’écrivains maghrébins se penche, entre autres ; sur la place de l’individu dans la société. Les personnages réclament une

      

7 BELKADI Yasmine et BELLIA Randa, Intertextualité entre Mythe et Romans Maghrébins, SBA, Université Djilali Liabes, 2011.

(17)

autonomie ; le phénomène doit être associé à l’émergence de l’individu d’une société civile.

Les œuvres de cette période mettent en scène des marginaux et autres personnages atypiques, loin des personnages positifs des premières heures des indépendances.

Parmi les écrivains les plus en vue de cette génération nous retrouvons Rachid Mimouni avec Le Fleuve détourné et Tombéza, Abdelhak Serhane avec Les Enfants des rues étroites, Fawzi Mellah avec Le Conclave des pleureuses .

Et après, on retrouve la quatrième génération d’écrivains maghrébins d’expression française qui vient de voir le jour avec l’avènement du XXIème siècle, c’est l’ère de la littérature dite de dénonciation qui apparaît, selon les auteurs, dans les années 1990 pour dénoncer l’islamisme qui ronge les sociétés maghrébines, en particulier en Algérie où il y a tentative d’instaurer une république islamique.

À travers cette littérature, les écrivains prennent leurs responsabilités pour témoigner du « désordre des choses » comme le rappelle Rachid Boudjedra et où est évoquée une résistance à la déferlante islamiste et à la violence inouïe qu’elle impose.

La littérature maghrébine c’est peut-être aussi ces jeunes talents qui éclosent sur la terre d’accueil que ce soit en France ou ailleurs. Ainsi, des écrivains d’origine maghrébine nés ou installés depuis leur tendre enfance sur le sol français, écrivent leurs parcours, en langue française et soulignent les rapports, à la fois, passionnels et ambigus à la terre d’accueil et sa langue, dans ce cas nous trouverons comme auteurs Nina Bouraoui, Salim Bachi…

Cette tranche de la littérature maghrébine d’expression française est consacrée à la lecture critique du passé, évoquant par la même occasion l’élargissement et le renouvellement où nous pouvons citer le poète tunisien

(18)

Chems Nadir, AbdeAziz Belkhodja, Alia Mabrouk, Sophie El Goulli, Hédi Bouraoui, Djamel Amrani et bien d’autres, du passé proche ou lointain, comme les caractérisent les auteurs.

N’oublions pas de consacrer un passage pour « les Voix féminines du Maghreb ». Des écrivains femmes ont été des précurseurs et ont devancé tant les écrivains hommes. Nous pouvons dire que la littérature maghrébine d’expression française a commencé avec ces femmes précurseurs que sont : Elisa Chimenti, Elissa Rhaïs, Rosine Boumendil, Marie-Louise Taos Amirouche, Djamila Debèche et qui ont toutes, présenté des miroirs grossissants, qui étalent et améliorent la visibilité. Ces femmes ont été les pionnières de la littérature féminine d’expression française au Maghreb, comme d’autres, encore plus nombreuses, ont écrit les souffrances, les aspirations et les rêves des femmes à travers des personnages-féminins et masculins tiraillés entre l’émergence de l’individu en tant qu’entité libre de ses choix et le poids d’une société qui a tendance à dissoudre l’individualité, jusqu’à l’effacer, dans le groupe.

« Les écrivains maghrébins se servent de la langue de l’autre pour exprimer leur sensibilité et leur originalité maghrébine. Ils traduisent et transcrivent littéralement certains mots arabes ou berbères, ainsi que des expressions, des proverbes, des versets. du Coran et des Hadiths »8.

Ils reproduisent, d’une façon élégante, la tradition et la façon dont le peuple parle leur langue et celle de l’autre. Ils insèrent, quelquefois, mot à mot, des expressions relevées directement de leur propre héritage pour peindre l’empreinte de la culture arabo-maghrébine et la spontanéité de leur texte.

      

8 Hafsa Benmchich, La littérature maghrébine en française[en ligne] : url : http://ecrits- vains.com/points_de_vue/hafs_benmchich.htm. Consulté le 30 janvier 2016.

(19)

Nous constatons que l’occidentalisation pour ce genre d’écrivains :

« Signifie bien une aliénation, une manière de devenir, de se dédoubler, […] cette transformation pourrait être positive ou négative selon l’idéologie adoptée. »9

Certains écrivains ont donc soif de leur culture, de leur langue et de l’originalité de celles-ci. Ils cherchent à travers leurs écritures d’être eux-mêmes, tout en apprenant de l’autre ce qui convient pour un avenir meilleur.

La réalité propose une culture générale et originale pour semer l’idée de liberté universelle. L’échange mutuel est un apport culturel en lui-même. Les œuvres maghrébines de langue française en témoignent.

Dans un entretien, Tahar Ben Jelloun n’hésite pas à rappeler qu’il utilise la langue française qui n’est pas la sienne pour s’exprimer, et nous le citons « un pays qui est le mien »10. Il réclame l’apprentissage des langues pour enrichir réciproquement les deux cultures et donner un aperçu vivant de soi et de l’autre.

Il précise qu’ « En principe (il reste) opposé au fait de n’avoir qu’une seule langue (car) le bilinguisme offre l’avantage d’une ouverture sur la différence »11.

Ben Jelloun déclare à ce propos « J’essaie de faire découvrir les déférences, de dialoguer avec les deux cultures, de faire connaître la culture arabe par mes articles, de créer des échanges »12. Qui est métissé et pluriculturelle.

Enfin la littérature maghrébine qui n’est ni greffée ni importée, c’est celle qui s’impose comme plurielle, diverse et diversifiée, englobant un ensemble d’œuvres qui ont en commun le fait de naître des profondeurs de l’âme maghrébine où qu’elle soit.

      

9 BEN JELLOUN Tahar, Entretien In, Pèlerin Magazine, Paris 27 Novembre, 1987.

10 Ibid.

11 Ibid.

12 BEN JELLOUN Tahar, « Dossier consacré aux Evadés de l’empire » in Les nouvelles littéraires, 1976.

(20)

En effet, la recherche du soi maghrébin et énorme. Les écrivains essaient toujours de dire leurs mots. Alors, il est rare de trouver un auteur maghrébin sans qu’il évoque les thèmes qui touchent sa société. L’auteur francophone du Maghreb traite des sujets sensibles quelquefois, ambigus et violents, du fait qu’ils ne peuvent les exprimer que par la littérature, car socialement rejeté de par leur caractère tabou, voir même religieux, à l’image de Nedjma qui transcende le tabou de l’inceste et L’enfant de Sable qui dévoile le statut obscurantiste et patriarcal de la place de la femme de la société maghrébine conservatrice.

I.3. La littérature algérienne d’expression française :

Les Algériens se mettent à écrire après la première guerre mondiale. Ils s’aventurent dans le journalisme, publient des essais et des témoignages sur plusieurs sujets socio-politiques. Certains critiquent l’influence négative du colonialisme sur la vie des Algériens, d’autres vantent la mission civilisatrice de la France. Bientôt apparaissent les premiers romans. Jean DEJEUX les caractérise comme « médiocres et décevants » et témoigne qu’ « entre 1920 et 1945 les Algériens en publient une douzaine : Ahmed Ben Mustafa, le goumier (1920) de Caïd Ben Cherif, Zohra, la femme d’un mineur (1925) d’Abdelkader Hadj-Hamou et d’autres »13. Tous ces romans sont exotiques et moralisants. Les écrivains décrivent la vie quotidienne, recourent souvent au folklore et s’adressent toujours au lecteur français. Leur critique retenue ne touche que certains aspects de la morale. D’une façon générale, les romans des années 20 et 30 constituent, selon les chercheurs presque unanimes, la période d’assimilation, d’acculturation ou de mimétisme dans l’histoire de la littérature algérienne. A cette époque, les Algériens maîtrisent suffisamment le français pour pouvoir créer des œuvres littéraires en imitant leur écrivain préféré.

      

13 DEJEUX Jean, La littérature algérienne contemporaine, 2ème éd., Paris, PUF, 1979, Coll. Que sais-je?, p. 59.

(21)

Une nouvelle étape du développement de la littérature algérienne de langue française commence après la deuxième guerre mondiale.

« Elle est d’abord caractérisée par l’accroissement de l’activité littéraire des Algériens. Ils créent des cercles, des clubs, des associations littéraires, travaillent dans les rédactions des journaux et des revues. Ils maintiennent également des contacts plus ou moins étroits avec l’Ecole nord-africaine dont ils se séparent bientôt. Bref, la deuxième moitié des années 40 et le début des années 50 est, pour les écrivains algériens, un moment de « scolarité », d’initiation active à la littérature. En même temps, c’est le moment de rupture avec la littérature précédente, puisque l’époque d’assimilation est dépassée et les romanciers des années 20 et 30 n’écrivent plus. Seul Jean Amrouche continue à produire et s’impose comme maître aux yeux de la nouvelle génération des écrivains algériens »14.

La parution des romans Le Fils du Pauvre (1950) et La Terre et le Sang (1953) de Mouloud Feraoun, La Grande Maison (1952) de Mohammed Dib et La Colline oubliée (1952) de Mouloud Mammeri est donc la conséquence de l’accroissement de l’activité littéraire des Algériens après la deuxième guerre mondiale. Ces romans ont marqué le début d’une littérature nouvelle que plusieurs chercheurs considèrent comme authentiquement algérienne. Le trait commun de la nouvelle littérature est son caractère ethnographique, et la période est souvent nommée, elle-aussi, ethnographique. Irina Nikiforova affirme que les romans ethnographiques algériens « sont très proches des essais dont ils dérivent en effet »15. Et c’est vrai, car il est possible d’imaginer Le Fils du Pauvre comme une série d’essais ethnographiques liés entre eux par la présence d’un héros.

      

14 HAFSAOUI Ourda, Le qui aux fleurs ne répond plus, un prototype de littéraure algérienne, Batna, Université El Hadj Lakhdar, 2008.

15 NIKIFOROVA Irina, Le roman africain. Moscou, Naouka, 1977, p. 186.

(22)

Jean DEJEUX note de même que L’Incendie de DIB est basé sur « un reportage effectué par le romancier lui-même sur une grève d’ouvriers agricoles dans la région d’Aïn-Taya » 16.

Certains critiques accusent la littérature ethnographique de régionalisme et d’exotisme. Abdelkébir KHATIBI déclare que « les romans ethnographiques poursuivent la tradition des algérianistes français »17. Ghani MERAD considère « les années 50 comme prolongement de la période d’assimilation »18. Jean DEJEUX, par contre, note que ces romans possèdent

« un sens de dévoilement et de contestation »19. Irina Nikiforova, elle-aussi, définit la fonction ethnographique de ces romans comme « idéologique par excellence »20. D’après elle, « la description affectueuse toute seule de la vie traditionnelle agressée par le colonialisme avec sa politique d’assimilation témoignait de l’opposition de l’écrivain à cette époque-là »21. La contradiction signalée provient du fait que la contestation anticolonialiste des romans ethnographiques est exprimée seulement au niveau de la morale, ce qui rend indirect et atténue son impact politique. Face au lecteur européen, les romanciers algériens affirment le droit à l’existence du mode de vie national, ce qui est présenté comme tout à fait juste du point de vue de la morale humaine, et refoulent le colonialisme comme amoral.

Les romans ethnographiques décrivent la vie traditionnelle et dessinent le

« portrait collectif » du peuple, en même temps ils sont biographiques et rappellent le roman d’apprentissage européen qui suit l’évolution du héros depuis son enfance et adolescence. Mais par rapport au roman européen, le héros ne se révolte pas contre la société, tout au contraire, c’est le milieu national qui forme son caractère et sa vision du monde. Cependant la perception du monde de héros

      

16 DÉJEUX Jean. « A l’origine de L’Incendie de Mohammed Dib ». In: Présence francophone. Paris, 1975, p. 5.

17 KHATIBI Abdelkébir, Le roman maghrébin. Paris, Maspéro, 1968, p. 28.

18 MÉRAD Ghani, La littérature algérienne d’expression française. Paris, Oswald, 1976, p. 40 19 DÉJEUX Jean, Littérature maghrébine de langue française. Sherbrooke, Naaman, 1980, p. 37.

20 NIKIFOROVA Irina, Le roman africain. Moscou, Naouka, 1977,p 192.

21 Ibid., p. 187.

(23)

est toujours subjective, par conséquent, le roman ethnographique algérien est toujours psychologique, car la vie du peuple y est décrite le plus souvent à travers les sentiments du héros. L’émergence du psychologisme chez les romanciers algériens peut être considérée comme un véritable exploit parce que, comme témoigne Dib, « les Algériens élevés dans un milieu musulman considèrent l’introspection comme un peu malsaine »22. Les écrivains algériens ont transgressé donc la tradition nationale qui interdit l’expression publique des sentiments intimes, et la description psychologique subjective de la réalité devient le trait pertinent de leur littérature.

La période ethnographique, très courte, a été, selon l’observation de Galina DJOUGACHVILI, « une période d’essai »23. La parution des romans ethnographiques a été dictée avant tout par la volonté de s’exprimer. Les écrivains ont essayé de raconter leur enfance et leur jeunesse, de parler de leurs problèmes et de leurs sentiments, de décrire la vie du peuple dont ils faisaient une partie intégrante. La période suivante, période de guerre, commence, d’après Ghani Mérad, à partir de 1952. Il prend pour critère la polémique autour du roman La Colline oubliée de Mammeri qui, pense-t-il, a témoigné de l’accroissement de la contestation anticolonialiste et qui a poussé les écrivains à s’engager dans la lutte pour la libération nationale. Galina Djougachvili rattache le début de cette période au premier novembre 1954, date de la déclaration par le FLN de la lutte armée. Jean Déjeux préfère l’année 1956. D’après lui, « les événements dans les Aurès ne pouvaient se répercuter automatiquement sur la littérature ». La parution de Nedjma de Kateb Yacine est pour lui un événement plus important. Abdelkébir Khatibi reporte le début de la période à une date encore plus éloignée, à 1958.

      

22 ACS Claudine, « DIB Mohamme », In: L’Afrique littéraire et artistique, Paris, août 1971, p. 10.

23 DJOUGACHVILI Galina. Le roman algérien de langue française. Moscou, Naouka, 1976, p. 52.

(24)

Les écarts dans la datation s’expliquent par la transition progressive d’une littérature à l’autre, car l’ethnographie n’a pas disparu subitement et la contestation anticolonialiste, comme nous l’avons vu, a été également observée dans le roman ethnographique. Peut-être Galina Djougachvili a-t-elle plus raison puisqu’elle s’appuie sur les critères de même nature historique, quoique approximatifs, 1954 et 1962.

Malgré la contestation anticolonialiste présente dans la littérature algérienne entre 1945 et 1962, il est impossible de la qualifier comme littérature d’engagement nationaliste, car les écrivains n’oublient pas de dévoiler aussi les tares de la société nationale. La discussion politique autour de La Colline oubliée, ainsi que les accusations des nationalistes proférées contre Malek Haddad et Assia Djebar en disent long. On trouve l’explication d’une telle intolérance de la critique dans les paroles de Mohammed Dib : « On nous a appris à apprécier davantage la dignité que la vérité. Or, le roman exige d’aller au-delà; il faut attenter à la dignité pour aller vers quelque chose qui est parfois cruel, parfois laid: la vérité »24 . Les romanciers algériens ont donc transgressé encore une tradition, et cela dans une conjoncture défavorable, quand toute atteinte au mode de vie national était qualifiée de traîtrise. La contestation sociale bien prononcée des romans de la période de guerre témoigne donc de leur maturité.

Depuis l’indépendance, c’est la nouvelle période dans l’évolution de la littérature algérienne qui se manifeste par une deuxième rupture. Mouloud Feraoun est assassiné à la veille de l’indépendance. Malek Haddad s’est tu refusant d’écrire en français. Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Assia Djebar publient un roman chacun, œuvres conçues sans doute avant l’indépendance, puis changent d’activité : Mammeri choisit l’enseignement, travaille sur la résurrection de la culture berbère, Kateb fonde une troupe de théâtre et s’occupe de la mise en scène de ses pièces en arabe dialectal, Djebar travaille à la

      

24 ACS Claudine, « DIB Mohamme », In: L’Afrique littéraire et artistique, Paris, août 1971, p. 10.

(25)

télévision nationale et fait du cinéma. Seul Mohammed Dib fait l’exception : installé en France, il continue à produire, comme jadis Jean Amrouche.

« Les années 60 sont les années de transition parce qu’une nouvelle génération d’écrivains prend la relève. Ils sont nombreux et publient essentiellement des nouvelles, des témoignages, des mémoires. Aux périodes de transition le roman cède sa place aux petits genres prosaïques qui réagissent plus vite aux changements sociaux. Dans les années 60 les écrivains de la

“génération de guerre” posent des problèmes plus complexes dans leurs romans. Les auteurs y réfléchissent sur le destin des hommes et sur l’évolution de la société algérienne toute entière. Dans son roman L’Opium et le Bâton (1965), Mouloud Mammeri décrit la guerre du point de vue d’un intellectuel algérien à travers ses doutes et ses prises de position. Dans Les Alouettes naïves (1967), Assia Djebar parle du courage des Algériennes qui ne veulent pas rester à l’écart des événements politiques et participent activement dans la lutte. Le Polygône étoilé (1966) de Kateb Yacine présente l’histoire de l’Algérie depuis le début de la colonisation jusqu’aux temps nouveaux »25.

L’évolution de la littérature algérienne de langue française se présente à peu près ainsi. Après la première guerre mondiale les essais et les témoignages des Algériens font naître une douzaine de romans exotiques. Après la deuxième guerre mondiale la littérature exotique est refoulée comme trop bienveillante au colonisateur. Une rupture s’opère donc entre les romans des années 20 et 30 et les romans ethnographiques qui prennent leur source, eux-aussi, dans des témoignages, mais qui, peu à peu, sont évincés par les romans de meilleure qualité pendant la guerre d’Algérie.

« A l’indépendance, on observe encore une rupture parce que la littérature des années de guerre est considérée comme insuffisamment engagée. Alors, les écrivains de la nouvelle génération de l’Algérie

      

25 SILINE Vladimir, LE DIALOGISME DANS LE ROMAN ALGÉRIEN DE LANGUE FRANÇAISE, Paris,1999.

(26)

indépendante s’adressent de nouveau aux témoignages, mais cette fois-ci aux témoignages sur la guerre d’Algérie. Cette tendance commence à produire des romans plus ou moins intéressants. D’autres témoignages qui portent sur la confrontation de deux civilisations en Algérie post-coloniale constituent la base des romans moralisants simplistes »26.

Mais la deuxième rupture dans l’évolution de la littérature algérienne n’a pas été fatale parce que vers la fin des années 60 on observe chez certains écrivains une volonté subite de reprendre tout ce qu’il y a de plus intéressant dans la littérature nationale précédente. Ce phénomène a touché tous les courants de la littérature algérienne, mais il est surtout manifeste dans la “nouvelle vague”.

D’abord, c’est le psychologisme particulier qui prend sa source dans le roman ethnographique et qui tourne vers une narration subjective et déformante et, en même temps, touchante par sa franchise. Au récit objectif, lent et plat, les romanciers algériens préfèrent le monologue intérieur d’un narrateur aliéné, psychiquement traumatisé ou naïf. Deuxièmement, lorsque le roman algérien dépasse le didactisme de la littérature ethnographique et oppose le héros à son entourage, c’est la contestation sociale qui devient sa propriété pertinente, car les romanciers contemporains n’épargnent aucun aspect de la vie nationale à leur jugement souvent très sévère. Troisièmement, c’est l’exemple de Kateb qui a été le premier à emprunter la dure voie du roman moderne avec toute sa technique complexe et à y introduire de l’oralité nationale d’une façon originale. Enfin, c’est l’exemple de Dib qui a préféré la liberté d’expression à l’engagement politique.

L’aperçu de l’histoire de la littérature algérienne de langue française démontre que l’évolution du roman algérien a été rapide, qu’il a brûlé les étapes faisant son propre choix, trouvant ses propres préférences en quête d’originalité.

« Il démontre également que tout ce qu’il y a de plus original et de plus intéressant dans le roman algérien est concentré dans la “nouvelle vague” qui

      

26 Ibid.

(27)

continue la tradition de Kateb et de Dib »27. Apparemment, tous ces écrivains sont différents. Que ce soit Kateb, Dib, Boudjedra, Farès ou Mimouni, chacun d’eux possède sa propre manière reconnaissable où l’on peut, si l’on veut, relever des indices de l’influence de tel ou tel romancier connu. C’est tout à fait possible, car la littérature algérienne est ouverte à tous les vents. Pourtant, tous ces écrivains ont quelque chose de commun.

« Dans mes travaux, j’ai noté une sorte de dédoublement structurel propre à la plupart de leurs oeuvres. J’ai relevé tout d’abord la présence très fréquente d’un narrateur aliéné, porteur d’un point de vue subjectif irrationnel. Son aliénation est expliquée rationnellement, par un choc psychique quelconque, et se manifeste dans son monologue intérieur hallucinant, délirant ou fabulant. La réalité romanesque présentée d’un point de vue pareil est alors déformée, insolite. En même temps, j’ai constaté la présence d’une conscience non-aliénée qui véhicule une vision du monde rationnelle exprimée indirectement, dans le symbolisme des images insolites, fantastiques ou bien dans des mythes implicites. Alors, j’ai fait la conclusion que ces romans tendent vers l’intellectualité propre à la littérature mondiale contemporaine caractérisée, premièrement, par un désir de l’universalité qui se manifeste dans sa relation étroite avec la philosophie, psychologie, sociologie, mythologie etc.; deuxièmement, par une diversité idéologique parce que la littérature moderne ne donne pas de réponses toutes faites aux problèmes soulevés, mais les expose en toute leur complexité sous deux ou plusieurs perspectives »28.

      

27 Vladimir Siline, « La littérature algérienne de la “nouvelle vague” ». In: Regards russes sur les littératures francophones, Paris, Harmattan, 1997, p. 63

28 Vladimir Siline. « Les principes artistiques des écrivains algériens de la “nouvelle vague” ». In: Procédés et courants dans les littératures africaines, Moscou, Naouka, 1990, p. 175

(28)

I.4. L’oralité comme procédé polyphonique :

Bien avant d’être consignés par écrit, les récits, légendes, épopées, sages que l’on a coutume d’englober sous le nom de mythes ont traversé les siècles grâce à ce qu’on appelle la tradition orale qui était l’apanage des conteurs.

Toutes les traditions connues l’attestent, le conteur fut, de tout temps, un personnage privilégié, honoré, pour ne pas dire vénéré et à ca titre, il portait surtout la responsabilité de conserver et de transmettre les récits et les mythes.

Pour mesurer l’importance du rôle qu’il jouait dans la société, il suffit de rappeler la remarque de César selon laquelle, en Gaule, récits mythiques et épopées ne devaient en aucun cas être consignés par écrit : leur transcription était interdite sous peine de mort.

Il est intéressant de préciser qu’elles ont pu être les exigences et les techniques que recouvre, cette expression, et aussi son degré de fiabilité. Il serait impossible d’imaginer de le faire si certaines civilisations n’avaient évolué plus lentement que d’autres, laissant aux chercheurs quelques exemples relativement récents.

(29)

Chapitre II :

Mythocritique et

Intertextualité

(30)

II.1 Le Mythe et ses différents aspects:

II.1.A. Le mythe :

Le terme Mythe vient du grec « Mythe » qui désigne « récit », « fable » et, plus en amont « parole » : le mythe est donc une histoire fabuleuse qui se raconte. « Ces histoires établies en tradition offrent en général, sous une forme allégorique, des explications de l’inexprimable ».29 « Le mythe a perdu peu à peu à travers le temps, son sens originel pour décrire au final un récit qui ne peut pas exister réellement ».30 Mais qui reste toujours entre la réalité et l’imaginaire.

D’après le dictionnaire de l’Académie Française le sens premier du mot Mythe, apparu au XIXème siècle est un récit fabuleux, pouvant contenir une morale implicite.

« Au sens plus courant il désigne tout récit fondé sur des croyances fabuleuses, et qui éclaire un trait fondamental des conduites humaines ».31

« Le mot mythe recouvre tout un éventail de significations qu’il prendrait sous la plume d’un anthropologue»32 ou dans les vocables des conteurs selon leur culture et leur origine et qui varient aussi dans la temporalité.

Un mythe est un récit se veut illustratif et créateur d’une pratique sociale.

Il est porté à l’origine par une tradition orale, qui propose une explication pour certains aspects fondamentaux du monde et de la société qui l’a forgé ou qui le véhicule.

      

29 Dictionnaire du Littérature, Article Mythe, page 387.

30 MERCIA Eliade, Aspects du Mythes, Gallimard, 1963, PP 11-12.

31 Dictionnaire du Littérature, Article Mythe, Page 387.

32 HAMMEL Jean Pierre, L’ homme et les mythes, Hatier, 1997, P. 13.

(31)

« Nous pouvons dire que la fonction du mythe et de donner une signification au monde et à l’existence humaine. Grâce aux mythes, le monde se laisse saisir en tant que cosmos parfaitement intelligible ».33

Les mythes traitent toujours les questions qui se posent dans les sociétés qui les véhiculent. Ils ont un lien direct avec la structure religieuse et sociale du peuple, et avec leur cosmogonie (la création du monde).

Cependant les différentes sociétés, même sans contacts culturels, présentent des mythes qui utilisent les mêmes archétypes. Un mythe implique souvent plusieurs personnages merveilleux tels que des dieux, des animaux chimériques ou savants, des hommes de natures particulières tels que mi-homme mi-bête à l’exemple du centaure, bisexués mi-femme mi-homme comme l’hermaphrodite, des anges, ou des démons, et l’existence d’autres mondes.

« Le mythe appartient tout à la fois à chaque individu et à une importante communauté à laquelle il sert de ciment, de véhicule de communication ».34

Tous les mythes ne sont pas spécifiques à une littérature particulière mais se retrouvent de façon apparente ou sous jacente dans toutes les littératures car hérités par l’intertextualité caractérisant toute œuvre littéraire.

« Un mythe est d’emblée démultiplié selon des variantes qui, tout en impliquant un canevas commun, permettant des écarts, des innovations. Cette constatation se vérifié même lors du passage de traditions orales en versions poétiques écrites »35.

      

33 MIRCEA Eliade, Aspects du Mythes, Gallimard, 1963.

34 HAMMEL Jean Pierre, L’homme et les mythes, Hatier, 1997.

35 WUNENBURGER Jean-Jacques, « MYTHO-PHORIE: FORMES ET TRANSFORMATIONS DU MYTHE », in RELIGIOLOGIQUES, n° 10, 1994, pp. 49-70

(32)

II.1.B. Aspects du mythe :

La naissance du mythe se situe dans un temps primordial et lointain, un temps hors de l’histoire.

Le mythe relate non seulement l’origine du monde, des animaux, des plantes et de l’homme, mais aussi tous les événements à la suite desquels l’homme est devenu ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire un être de nature diversifiée et dans tous les cas, mortel, sexué, organisé en société, obligé de travailler pour vivre, et vivant selon certaines règles.

II.1.B.a. Hétéroclites mythes :

Le mythe n’est pas spécifique et se manifeste sous plusieurs types dont nous ne citerons à titre d’exemple que les plus marquants encore de nos jours et dans littérature en particulier, il y a tout d’abord la cosmogonie qui nous raconte la création du monde, et il y a aussi la théogonie qui raconte la naissance des dieux et dans la littérature de personnages qui sont les calques de dieux ou des êtres mi dieu mi hommes et autres. Nous retrouvons aussi l’anthropogonie qui va nous raconter la création de l’homme et c’est un sujet très récurent dans la littérature de toute culture, ensuite nous avons aussi le mythe de régénération qui nous raconte une recréation du monde et enfin on a le mythe eschatologique, racontant la fin de l’univers. Tous ces thèmes nous les retrouvons réinvestis dans un champ et une trame purement littérature et que nous ne pouvons faire transparaitre qu’avec des outils théoriques comme celui de l’intertextualité.

II.1.B.b. Postérité du mythe :

« De nos jours, l’observance actuelle du monde, avec la montée des fondamentalismes religieux (extrémismes), les populations qui en sont affectées ; n’éprouvent aucune difficulté à considérer que certains aspects de leurs textes sacrés relèvent

(33)

du mythe. Cette considération n’enlève rien au fait qu’ils contiennent aussi un grand nombre de vérités religieuses, divinement inspirées mais révélées au moyen des catégories de pensées et de langage d’une culture et d’une époque donnés »36.

Ceci, bien sur n’implique aucun jugement de valeur sur la foi qu’ils proposent.

II.1.B.c. Notion de réécriture :

De nombreuses œuvres, notamment les tragédies antiques qui donnent lieu à des mythes, ont été réécrites au fils des siècles. D’après Gaston Bachelard :

« Tout mythe est un drame humain condensé. Et c’est pourquoi il peut si facilement servir de symbole pour une situation dramatique actuelle ».

L’approche comparatiste montre que chaque aire culturelle produit les archétypes qui seront utilisés en tout ou en partie puis embellis et complétés dans les mythes de chaque de ces civilisations. Quelques uns d’entre eux survivent à la civilisation qui leur a donné naissance par le recyclage littérature ou théologique (Intertextualité sous jacente).

II.2. Théorie Girardienne :

L’anthropologue contemporain René GIRARD, dans sa théorie donne une explication rationnelle de la genèse du mythe. Le mythe raconte, d’une façon déformée, un événement réel à l’origine de l’ordre social régit la communauté.

L’analyse que Girard fait de très nombreux mythes dans son œuvre permet de comprendre le caractère surprenant des figures du mythe, comme la jeune fille

      

36 BELKADI Yasmine et BELLIA Randa, Intertextualité entre Mythe et Romans Maghrébins, SBA, Université Djilali Liabes, 2011.

(34)

transformée en vache ou en nymphe est probablement une victime de sacrifice humain.

Bien des personnages et bien des œuvres permettent de repérer le cheminement des mythes au travers de la littérature et la zone de recoupement nécessaire ou leurs raisons d’être se rejoignent : caractère exemplaire du récit et production d’un sens assimilables par tous à l’image du mythe de l’Androgyne.

II.3.Panorama sur les mythes dans la littérature : II.3.A. Le Mythe de l’Androgyne :

Les sources différentes en ce qui concerne la naissance du mythe de l’androgyne dans la mythologie, l’une des versions sera celle de Cybèle, un être androgyne qui naîtra de la semence de Zeus tombé au sol. Il engendrera un être hermaphrodite, possèdent des organes mâles et femelles, que les dieux l’émasculeront et transformeront en la déesse Cybèle. Les organes génitaux mâles, tombés à terre, donneront naissance à un amandier. Un fruit tombera dans le sein de Nana, la fille du dieu-fleuve Sangarios, et donnera vie à un fils du nom d’Attis.

« Le mythe de l’Androgyne est un mythe qu’on retrouve dans toute les cultures et qu’on (…) retrouve chez presque tous les peuples : les Iraniens (avec Gayomart), les Indiens (avec Purusha), les Hébreux eux-mêmes car, d’après certaines traditions rabbiniques, Adam était lui-aussi une créature androgyne [..], il était homme du côté droit et femme du côté gauche mais Dieu l’a fendu en deux moitiés ».37

      

37 LACARRIÈRE Jacques, Au cœur des Mythologies, P. Lebaud, 1994, P 119.

(35)

II.3.B. Le mythe de la caverne :

La caverne symbolique le monde sensible où les hommes vivent et pensent accéder à la vérité par leurs sens. Mais cette vie ne serait qu’illusion.

Platon vient en témoigner par une interrogation permanente, ce qui lui permet d’accéder à l’acquisition des connaissances associées au monde des idées comme le prisonnier de la caverne accède de la réalité qui nous est habituelle. Mais lorsqu’il s’évertue à partager son expérience à ses contemporains, il se heurte à leur incompréhension conjuguée à l’histoire des personnes bousculées dans le confort de leurs habitudes.

II.3.B. Le Mythe du Labyrinthe :

La figure du labyrinthe n’a pas toujours eu dans la littérature la présence multiple qu’on lui suppose aujourd’hui. Epoque labyrinthique, le XXe siècle voit des labyrinthes même là où l’idée est tout à fait absente. Il est vrai que l’on trouve des dessins de labyrinthes dès la préhistoire et que la figure est attestée dans les lecteurs les plus variées.

II.3.C. Le mythe d’Antigone :

Antigone est la fille d'Œdipe et de Jocaste, souverains de Thèbes. Après le suicide de Jocaste et l'exil d'Œdipe, les deux frères d'Antigone, Étéocle et Polynice se sont entretués pour le trône de Thèbes. Créon, frère de Jocaste est – à ce titre – le nouveau roi et a décidé de n'offrir de sépulture qu'à Étéocle et non à Polynice, qualifié de voyou et de traître. Il avertit par un édit que quiconque osera enterrer le corps du renégat sera puni de mort. Personne n'ose braver l'interdit et le cadavre de Polynice est abandonné à la chaleur et aux charognards.

Seule Antigone refuse cette situation. Malgré l'interdiction de son oncle, elle se rend plusieurs fois auprès du corps de son frère et tente de le recouvrir

(36)

avec de la terre. Ismène, sa sœur, ne veut pas l'accompagner car elle a peur de Créon et de la mort.

Antigone est prise sur le fait par les gardes du roi. Créon est obligé d'appliquer la sentence de mort à Antigone. Après un long débat avec son oncle sur le but de l'existence, celle-ci est condamnée à être enterrée vivante.

A la fin les gardent venant l’exécuter la découvre pendue dans sa chambre. En apprenant cela, Hémon le fils de Créon et le futur époux d’Antigone se suicide. Morte de chagrin, sa mère Eurydice et l’épouse de Créon se suicide aussi, laissant le roi seul méditant sur ses actes.

II.4. La mythocritique et l’intertextualité comme approches littéraires:

II.4.A. La mythocritique :

Au sens le plus large, la mythocritique est considérée comme approche où son objet d’étude est les liens relationnels entre le mythe et la littérature.

« La mythocritique étudie les causes, modalités et effets de la présence de formes mythiques dans un texte, un corpus ou une forme littéraire (…) Dans l’analyse d’un texte littéraire particulier, la mythocritique repère les mythèmes, c’est-à-dire les éléments signifiés (éléments thématisés : personnages, espaces, objets, événements, situations, mais aussi structures : allégories, etc.) et/ou signifiants (par exemple, l’emploi de tel mot typique) qui sont constitutifs d’un ou de plusieurs mythes »38.

Ces mythèmes peuvent être plus ou moins explicites ou implicites, directs ou indirects.

« Les appariements ont pour pendants négatifs, les éléments du texte et du mythe qui ne correspondent pas. La mythocritique montre comment les

      

38 HÉBERT Louis, L’ANALYSE DES TEXTES LITTÉRAIRES : UNE MÉTHODOLOGIE, Quebec, 2013, p 41.

(37)

éléments appariés sont transformés ou non par rapport au mythe type ou à une de ses manifestations particulières, comment ils s’intègrent dans la signification de l’œuvre et la contraignent ou l’ouvrent. Elle doit, en toute logique, montrer également les causes et effets possibles de la non-intégration de certains éléments du mythe. Nous dirons que la mythocritique, lorsqu’elles’applique au contenu d’une œuvre, est une forme spécifique de l’analyse thématique (au sens large), puisqu’elle s’attarde à une sorte de thème particulière, et qu’elle est intertextuelle, car elle compare généralement différentes formes d’un thème dans différents textes (fut-ce seulement entre le texte analysé et un autre texte comportant le mythe repéré). Si l’analyse convoque plusieurs cultures, elle est alors également comparativiste »39.

En considérant que tout mythe est un topos, cette approche littéraire fait part de cette zone d’étude thématique nommer l’analyse topique ; pourtant tout topos n’est pas forcément un mythe, l’emple de L’arroseur arrosé.

« La mythocritique constitue un courant interprétatif aussi bien dans les études littéraires que dans le champ plus large des sciences de la culture. A vrai dire, ce courant se présente comme une variante spécifique, comme une branche du courant plus englobant de la critique thématique dans les études littéraires et de l’herméneutique dans les sciences de l’interprétation et en philosophie. Il leur emprunte leur approche et leur méthode, qu’il met à l’épreuve sur ces objets singuliers que forment les mythes ».40

Dans l’objectif de cette approche, le texte est vu comme un concept dialectique dans lequel le texte original et les autres versions sont indissociablement ancrés : « un texte peut toujours en cacher un autre » dit Gérard Genette. C’est ce que les enquêtes contemporaines sur le phénomène littéraire semblent mettre en évidence.

      

39 Ibid.

40 SIROIS Antoine, Lecture mythocritique du roman québécois, Montréal, 1999, P132.

(38)

II.4.B. L’intertextualité :

La notion d’intertextualité est issue de la renaissance de la pensée critique au cours dans les années soixante. Ce concept est aujourd’hui un des importants outils critiques dans les études littéraires. « Sa fonction est l’élucidation du processus par lequel tout texte peut se lire comme l’intégration et la transformation d’un ou de plusieurs autres textes »41.

Les enjeux de l’intertextualité au niveau de la narration est de caractériser un personnage dans son contexte, d’inclure une mémoire culturelle et de faire revivres les mythes.

L’intertextualité a été tout d’abord un néologisme de Julia Kristeva mais qui reprenait la notion de dialogisme de Mikhaïl Bakhtine qu’il a développé au dix huitième siècle.

A partir de l’hypothèse empruntée au critique soviétique Mikhaïl Bakhtine de l’intertextualité : « Tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes dont il est à la fois la relecture, l’accentuation, la condensation, le déplacement et la profondeur » et de là la théorie de Mikhaïl Bakhtine ce n’est que le point de départ de plusieurs théoriciens tel que Kristeva, Sollers, Genette, Barthes et biens d’autres.

La notion d’intertextualité tel qu’on la connait aujourd’hui naît dans les années 1960, et se fonde sur une idée : on ne peut pas envisager un texte sans penser à ceux qui ont été écrits auparavant.

Il y a toujours un texte original, un texte premier qui a écrit des thèmes qui se transmettent de nos jours par effet d’intertextualité.

      

41 Pierre-Marc de BIASI, « THÉORIE DE L’INTERTEXTUALITÉ », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 02 mai 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/theorie-de-l-intertextualite

(39)

Mais l’intertextualité établit aussi une véritable connivence avec le lecteur, car il lui appartient de repérer les indices de l’intertexte. Dans un texte il y a toujours omniprésence des discours antérieurs, de « déjà dit » semble orienter tout acte d’énonciation vers la réitération. Au contraire, si l’intertextualité est définie comme une activité d’écriture et de lecture qui implique la transformation d’allusion et d’emprunts à des textes antérieurs, elle apparaît comme plus restrictive.

Julia Kristeva, dans Sémiotiké (Le Seuil, 1969), nous définit l’intertextualité comme une « permutation de textes », en conséquence « dans l’espace d’un texte plusieurs énoncés pris à d’autres textes se croisent et se neutralisent ». Ainsi, l’auteur construirait n’est pas à proprement parler conçue comme un phénomène d’imitation, il s’agit moins de citer les textes antérieurs que d’en retrouver des traces, parfois disséminées inconsciemment par l’auteur.

On comprend dès lors que la parodie42, le pastiche43, l’allusion44 participent et son des promoteurs de l’intertexte.

II.4.B.a. Développement ultérieurs :

La notion d’intertextualité sera fortement reprise dans les décennies 1970 et 1980. En 1974, Roland Barthes l’officialise dans l’article « Théorie du Texte » de l’Encyclopoedia universalis. Il souligne ainsi que "Tout texte est un intertexte ; d'autres textes sont présents en lui, à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure et ceux de la culture environnante ; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues. […] L'intertexte est un champ général de formules anonymes, dont

      

42 la transformation d’un texte dont le sujet noble est appliqué à un sujet vulgaire, son style étant conservé. En un sens plus large, la parodie désigne tout détournement à visée ludique ou satirique d’une œuvre.

43 Ce terme de pastiche ne fut introduit en France qu’à la fin n du XVIIIe siècle, par référence aux imitations des grands maîtres, courantes en peinture. Pasticher ne relève plus de la transformation comme pour la parodie, mais de l’imitation pure du style.

44 L’allusion complète la citation : « Une citation proprement dite n’est jamais que la preuve d’une érudition facile et commune ; mais une belle allusion est quelquefois le sceau du génie » (Charles Nodier, Questions de litétrature légale, Crapelet, 1828). L’allusion repose sur l’implicite, et suppose que le lecteur comprenne qu’il s’agit d’un jeu de mots ou d’un clin d’œil.

(40)

l'origine est rarement repérable, de citations inconscientes ou automatiques, données sans guillemets."45

Par la suite la notion a pu être élargie et affaiblie au point de revenir à la critique des sources telle qu’elle était pratiquée auparavant. L’évolution de la notion est marquée ensuite par les travaux de Michaël Riffaterre qui recherche la

« Trace intertextuelle » à l’échelle de la phrase, du fragment ou du texte bref, l’intertextualité est pour lui « fondamentalement liée à un mécanimse de lecture propre au texte littérature »46. Le lecteur identifie le texte comme littérature parce qu’il perçoit « les rapports entre une œuvre et d’autres qui l’ont précédée ou suivie »47.

Gérard Genette apporte en 1982 avec Palimpsestes un élément majeur à la construction de la notion d’intertextualité. Il l’intègre en effet à une théorie plus générale de la transsexualité, qui analyse tous les rapports qu’un texte entretient avec d’autres textes. Au sein de cette théorie le terme d’«intertextualité » est réservé aux cas de « présence effective d’un texte dans l’autre ». A cet égard il distingue la citation, référence littérale et explicite ; le plagiat, référence littérale mais non explicite puisqu’elle n’est pas déclarée ; et enfin l’allusion, référence non littérale et non explicite qui exige la compétence du lecteur pour être identifiée.

Ce concept assez récent mais qui a pris place très importante dans le champ littérale est donc en cours d’élaboration théorique depuis les années 1970.

Pierre-Marc de Biasi considère que « loin d’être parvenu à son état d’achèvement, [l’intertextualité] entre vraisemblablement aujourd’hui dans une nouvelle étape de redéfinition ».

      

45 BARTHES Roland, « Théorie du Texte », Encyclopaedia universalis, 1973, p6 46 RIFFATERRE Michaël, "La trace de l'intertexte", in La Pensée, n°215, octobre 1980.

47 Ibid.

(41)

II.4.B.b. Intertextualité et littérarité :

Deux conceptions s’affrontent concernant le rapport entre intertextualité et littérature.

Pour certains auteurs l’intertextualité est intrinsèquement liée au processus littéraire. Elle permettrait même de définir la littérarité d’un texte dans la mesure où le lecteur reconnaitrait un texte littéraire à ce qu’il identifie ses intertextes.

D’autres considèrent au contraire que cette notion peut et doit être élargie à l’ensemble des textes. L’intertextualité n’est alors qu’un cas particulier de l’ « interdiscursivité » pensé comme carrefour de discours ou du dialogisme tel que l’a théorisé Mikhaïl Bakhtine.

II.4.B.d. Intertextualité et mythe :

« Nous connaissons les mythes à l’état de « documents » littéraires, et artistiques et non pas en tant que sources ».48

Il est impossible de remontrer aux mythes tels qu’ils étaient institués depuis le commencement des temps car de tradition orale, ils ne sont devenus mythes connus et transmis que parce qu’ils ont été transcrits, le mythe a perdu sa première version originelle au contact de l’écriture. En effet, nous sommes confrontés aux mythes en tant que production poétique laissée. Les plus grands mythographes (Homère, Sophocle, Euripide…), s’accordent à affirmer que chacun possède sa version des mythes.

L’écriture a littérarisé les mythes, elle leur a permis de vivre et d’assurer ainsi leur éternité même si cela était au gré des modifications et donc de la perte de la quintessence même.

      

48 MIRCEA Eliade, Aspects du mythe, p 196.

Références

Documents relatifs

En effet, l’intérêt pour la peinture chez Assia Djebar 2 commence par Femmes d’Alger dans leur appartement (1980) 3 où deux peintres, Delacroix et Picasso, façonnent le

§4 Plus de dix années de silence la séparent de sa dernière œuvre romanesque Les Alouettes naïves (1967), et sa parenthèse cinématographique sera entrecoupée par

Dans Le Blanc de l’Algérie, Djebar veut décrire et comprendre son pays en don- nant la parole aux absents, ces intellectuels algériens dont le patrimoine est important pour elle

En tant que traductrice de L’Amour, la fantasia, la première traduction en japonais d’Assia Djebar parue en 2011, je me pencherai d’abord sur ce qu’a apporté

Le français est, pour Assia Djebar, la langue de son univers romanesque, elle reconnaît : «j’écris en français, langue de l’ancien colonisateur, qui est

3 Il faut entendre par communication littéraire cette situation d’échange entre locuteur et son allocutaire dans le texte mais aussi cette forme de communication entre l’écrivain

C’est peut être là la raison pour laquelle tout au long du récit, Djebar ne cesse d’interpeller l’histoire et d’interroger ses liens avec les langues arabe

Pour la narratrice la passion ne peut s’exprimer que dans le silence et comme la passion présuppose la confrontation avec le sexe opposé, la narratrice met