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Le mythe d’Antigone : stratégie de la féminité dans Loin de Médine :

Chapitre III: Loin de Médine: une œuvre romanesque ou mythe romancé

III.5. Le mythe d’Antigone : stratégie de la féminité dans Loin de Médine :

En lisant Loin de Médine, nous avons bien remarqué le personnage Fatima, la fille du Prophète, s’impose aux hommes et cela pour permettre aux femmes d’obtenir leur part d’héritage. Cela est bien remarquable à travers le titre du chapitre : « Celle qui dit non à Médine » avant de lire le contenu.

« Ce « non » Fatima va le reprendre renforcé, multiplié non certes pour sa défense de femme […]. Elle va dire « Non » pour tous, pour Ali, pour ses enfants, pour sa famille, pour tous les aimés du Prophète, un « Non » en plein cœur de Médine, un « Non » à la ville même du Prophète ».

Le « Non » de Fatima est pour revendiquer sa liberté. Il ouvre, paradoxalement, la voie à l’affirmation de soi, il est le reflet d’une parole singulière qui refuse toute imposition..

Fatima, la fille du Prophète, à travers son opposition aux hommes de

« J’écrivais donc Loin de Médine, narration à plusieurs niveaux pour me rapprocher de « ce vieux temps remis debout » mais pour me rapprocher aussi des passions de la parole libre et multiple des femmes de Médine, humbles ou connues mais transmettrices et actrices de cette Histoire islamique »56.

Dans Loin de Médine, ces femmes si remarquables, Assia Djebar, en tant qu’historienne et romancière, les enlève à la tradition pour leur conférer une véritable dimension mythique grâce à l’introduction de références multiculturelles : elle réécrit, réinvente ces héroïnes d’après les modèles qu’elle emprunte à la mythologie grecque ou biblique.

L’auteure a clairement fait recours à la figure mythique d’Antigone, fille d’Œdipe. Cette héroïne défendait en Grèce antique les lois non écrites du devoir moral contre la fausse justice de la raison d’État.

En comparant Fatima à Antigone, Assia Djebar la réinscrit dans la grande lignée des femmes exceptionnelles et au message intemporel.

Fatima-Antigone retrouve ainsi sa place au sein de la tradition religieuse mais aussi dans la littérature et dans l’imaginaire arabo-musulman.

En accédant au langage public, les deux héroïnes tendent la main à Assia Djebar, intellectuelle, historienne et romancière, qui veut elle aussi, par l’écriture et la littérature faire entendre la voix des « sans voix ».

Ce « non » de Fatima qu’elle va s’entêter à dire, ce « non » né de la bouche d’Antigone, Assia Djebar s’en saisit, se l’approprie dans son corps et dans son esprit. Dire « non », c’est, pour Assia Djebar, s’inscrire dans

      

56 DJEBAR Assia, Loin de Médine, Paris, Albin Michel, Coll. « Livre de poche », 1991, p.6.

une longue lignée de femmes, qui, pour préserver leur identité se sont élevées contre le pouvoir. Au moment où l’Algérie s’enfonce dans le terrorisme, où l’islamisme dénature l’islam, Assia Djebar interrompt son quatuor pour se tourner vers Médine, la vie du Prophète et des femmes qui l’ont entouré et soutenu. Le projet de la romancière est clair : montrer que les femmes ont joué un grand rôle dans la naissance de l’Islam, que leur place est au cœur même de la société et non seulement dans la maison.

Mais cette prise de position très générale ne doit pas faire oublier que la liberté des femmes comme celle de tout être humain passe par la maîtrise du oui et du non, c’est-à-dire au-delà de ces simples mots, par la maîtrise de la parole et du discours.

Assia Djebar décide des lors de parler pour toutes celles qui n’en ont pas les moyens, d’être la voix de toutes celles qui sont forcées de se taire.

La cause féminine est omniprésente dans ses œuvres, avec cette volonté toujours plus grande de comprendre les femmes pour transmettre au mieux leurs paroles.

L’œuvre d’Assia Djebar met également en valeur la présence de l’écoute et de l’interprétation des silences. Ces silences peuvent être ceux de ses héroïnes oubliées des historiens, mais aussi ceux des femmes qu’elle côtoie au quotidien. L’auteure joue un rôle de porte-parole.

Conclusion

générale

Notre étude portait sur l’analyse du roman Loin de Médine d’Assia DJEBAR, à travers une étude où nous avons fait appel à l’approche mythocritique, en se basant sur le mythe d’Antigone.

Comme nous l’avons bien mentionné dans l’introduction de notre mémoire, nous avons opté à une problématique qui est : Comment les mythes sont-il représentés dans Loin de Médine d’Assia DJEBAR, et à quelle fin cette représentation s’inscrit-elle dans la stratégie scripturale de l’auteure ?

Cependant, la complexité et la largeur de notre objet de recherche lui-même, nous a obligé de délimiter et de cerner notre travail sur la représentation du mythe d’Antigone seulement.

Au cours de notre dernier chapitre où nous l’avons commencé par la présentation du corpus suivi par la biographie d’Assia DJEBAR, nous avons entamé la recherche d’une réponse à la première partie notre problématique, où nous avons tenté de chercher les traces du mythe d’Antigone dans notre corpus. Cela nous a poussé à trouver les ressemblances entre Loin de Médine et le mythe d’Antigone.

Incontestablement, nous avons pu ressortir ce lien ou d’un autre terme l’intertextualité entre les deux. Cela apparait clairement net dans les récits consacrés à Fatima, fille du Prophète Mohammed, dans notre corpus Loin de Médine.

La même description physique et morale, la prise de positon, l’opposition à l’injustice et au mépris, ainsi que l’intonation dans leur langage avec la population. Il est aussi si-remarquable le refus commun entre le récit de Fatima et celui d’Antigone, où elles disent « non » aux lois

imposés par les hommes de la société grecque (pour Antigone) et la société arabo-musulmane (pour Fatima).

Cette analyse nous a emmené à considérer Fatima la fille du Prophète Mohammed, comme une vraie Antigone et Amazone arabo-musulmane, du fait qu’elle a consacré sa vie à combattre l’injustice qui frappait les femmes de son époque. Son opposition passe par la transgression des codes et des lois sociaux imposés par le sexe masculin, en montrant que les femmes ont le droit de s’exprimer publiquement et qu’elles prennent positon et elle défendent leurs droit, et cela est tout à fait la même chose pour l’Antigone grecque.

Comme nous l’avons bien mentionné, Loin de Médine a été écrit dans l’urgence en l’an 1991, dans un contexte où l’Algérie a connu un bouleversement social et politique. Une époque où le Front Islamique du Salut a imposé son idéologie d’islamisation, en méprisant la liberté féminine dans tous les domaines, au point où la femme algérienne n’avait aucun droit !

L’opposition d’Assia DJEBAR aux lois imposées par ces hommes, l’a poussé à écrire ce roman qui, à travers son titre « Loin de Médine » nous constatons le fait d’être loin des lois. Son but était de dire aussi « non » à cette manipulation méprisante. Pour faire ressortir son message de refus au public, Assia DJEBAR a fait appel ces personnages féminins qui ont marqué l’Histoire par leur courage. Elle met en place des procédés littéraires pour permettre au lecteur et notamment les lectrices de s’influencer pour réagir après. Elle fait appel au mythe d’Antigone où elle réincarne ce personnage fictif (Antigone) dans un autre personnage existant qui est Fatima la fille du Prophète Mohammed, à fin de montrer le courage

de parler et de revendiquer les droits que possède la femme en s’opposant à toute injustice masculine et cela même sous le toit de l’Islam.

À ce stade, nous espérons avec toute modestie que nous avons bien répondu aux deux parties de notre problématique, et que nous avons affirmé notre hypothèse, en laissant le champ ouvert à d’autres recherches et d’autres études, qui pourront être la continuité du résultat que nous l’avons atteint, ou bien le contredire.

Bibliographie

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