G. K REWERAS
Une dualité élémentaire souvent utile dans les problèmes combinatoires
Mathématiques et sciences humaines, tome 3 (1963), p. 31-41
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1963__3__31_0>
© Centre d’analyse et de mathématiques sociales de l’EHESS, 1963, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Mathématiques et sciences humaines » (http://
msh.revues.org/) implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.
numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est consti- tutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit conte- nir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
UNE DUALITE ELEMENTAIRE SOUVENT UTILE DANS LES PROBLEMES COMBINATOIRES G. KREWERAS
A.-
APPLICATIONS
D’UN ENSEM BLE DANS UN AUTRE1 )
Pour illustrer la notiond’application
d’un ensemble K(de
kéléments)
dans un ensemble N
(de
néléments),
nous utiliserons indifféremmentsoit: a)
lareprésentation classique
à l’aide deflèches artant
de K(dé- part)
pour aboutir en N(arrivée)
de
chaque élément
de Kpart
uneflèche
et une seule versquelque
élément deN,
mais en un élément de N il se
peut qu’aboutisse
exactement uneflèche,
y ouqu’il
n’en aboutisse aucune, ou
qu’il
en aboutisseplusieurs.
soit:
b) l’image
d’uneéquipe
de kemployés emménageant
dans unétage
den
bureaux; chaque employé
s’installe dans un bureau et unseul,
y mais ilpeut
y avoir des bureauxoccupés
par un seulemployé,
d’autresvides,
y d’autresoccupés
par
plusieurs employés.
C2)
Uneapplication
estinjective (ou
est uneinjection)
si pour tout élément.de N le nombre de
flèches qui y
aboutissent estinférieur
ouégal
à 1(jamais plu-
sieurs
flèches
demême extrémité).
-
Une
application
estsurjective (ou
est unesurj ection)
si pour tout élémentde N le nombre de
flèches qui
y aboutissent estsupérieur
ouégal
à 1(jamais
d’élément
où n’en aboutitaucune).
-
Il y a
emménagement injectif
sichaque employé
a un bureau pour lui toutseul;
il y aemménagement surjectif
si aucun bureau n’est laissé vide.3)
Pourqu’une application
de K dans Npuisse
êtreinjective,
il faut quek
n. Pourqu’elle puisse
êtresurjective
il f aut que k >, n. Mais bien entenduces conditions ne sont pas suffisantes: une
application
définie sansprécautions particulières
a de fortes chances de n’être niinjective
nisurjective.
Ilpeut
enfin exister des
applications
de K dans N à la foisinjectives
etsurjectives (on
lesappelle bijectives):
il est pour cela nécessaire(mais toujours
pas suf-fisant)
que k = n.4)
Il est bien connu que, y K et N étantdonnés,
il existenk applications
dis-tinctes de K dans
N;
eneffet,
pour en définir une, on fait àartir
de chacun des koints
de K un choix entren possibilités,
d’où au totalnfmanières
de caracté- riserl’ensemble
de ces choix.B.- PARTIES ET PARTITIONS
1 °)
Dans un ensemble N de néléments,
chacun sait ce que c’estqu’une partie
de N. On dit aussi sous-ensemble au lieu de
partie (*).
Il est utile de considérer que N a deux
parties
un peuspéciales:
une"partie pleine", composée
de néléments, qui
n’est autre que Nlui-même;
et une"partie vide",
y définie conventionnellement commecomposée
de zéro élément.2° )
Dans un ensemble K de kéléments,
y onappelle artition
R unsystème
cohé-rent de
réponses
à toutes lesquestions
de la fonne "x et y sont-ils ou non de lamême classe ?",
ou enabrégé
"a-t-on ou nonxRy?"
x et ydésignent
l’un et l’autre dans cesquestions
des élémentsquelconques
de K. Parsystème
cohérent derépon-
ses, nous entendons que l’on a
toujours
(*)
On employait autrefois le mot "combinaison", dans une locution promise à la désuétude mai-s qui laisse des traces pers’istantes: quand une partie de N se composait de p éléments’(p n),
on
l’ appela i t curieusement
"combinaison de n éléments p à p". Ce.langage
est à écarter com- meéquivoqué
et quasiment absurae. ’Nous util iserons
cependant
plus,lo,in,
pour une raison decommodité,
la lettre C bien qu’ellene soit pas l’initiale du mot "partie".
’
,
Une
partition
R de K étantdonnée,
onappelle
classe l’ensemble de tous les,éléments
x de K pourlesquels
on axR a,
a étant un élément donnéquelconque.
Deux classes distinctes n’ont pas
d’éléments
communs et la réunion de toutes les classes forme K.(C’est pourquoi
unepartition
est aussiappelée
relation classi-ficatoire,
ou encore relationd’équivalence).
S’il y a p classesdistinctes,
(aucune
n’estvide)
nous dirons que R est unepartition
en p classes(p = 1, 2,
...,k).
L’ensemble de ces p classes estappelé l’ ens mble quotient
de K par la
partition R,
et se note souventK/R.
Sià chaque
élément de K onfait
correspondre
la classeà laquelle
ilappartient,
on définit ce quel’on
ap-pelle l’application canonigue
de K dansKIR.
C.- NOTATIONS ET CONVENTIONS DE CALCUL Dans
ce qui suit,
nousappellerons
e
le nombre departies
de Ncomposées
de k éléments(S1 . k n) j
n(sélection
ou choix de kparmi n)
Ik
n le nombred’injections
de K dans Ne
le nombre departitions
de K en n classes(Si k >,, n)
n
(classification
de k enn)
(Si k n;
Sk
le nombre desurj ections
de K dans Nn
Nous supposerons connu le fait que si k = n = p, on a
c’est le nombre des
bijections.
Nous admettrons en outre par convention
(plus
oumoins naturelle)
que si
qui
sique quel
que soit n >,_ oque et que
quel
que soitk~, 1
que et que
quel
que soitk >, 1
que
Nous choisirons enfin de
présenter
les tableauxnumériques
des 4 familles de nombres(Cy Ik
yPk
yo)
demanière
que le nombre1f
soitinscrit
dans lan n n n n
case où se
coupent
lali ne
n et la colonnek;
il résultera alors des con-v-en-tions(a)
et que dans les tableaux C et I tous les nombres au "nord-est" de ladiagonale
sont nuls et que dans les tableaux P et S tous les nombres au "sud- ouest" de lad.iagonale
sont nuls(l’habitud,e générale
est de ne pas écrire ceszéros) :
Pour chacun de ces
quatre
tableauxnumériques
nous établirons une re-lation de "double récurrence"
qui permettra
d’enremplir
les cases deproche
enproche;
nous verrons que cesquatre relations,
toutestrès simplets,
y ont de gran- des ressemblances entre elles.On
peut ajouter
uncinquième tableau,
noté B(bijection),
etqui
sera définipar:
Bk -
o sin 4 k;
etBn =
n! =Sn = In .
’
n ~ ’ ~ n n n
D.- COMPTAGE DES PARTIES ET DES INJECTIONS
Di
La relation laplus
connue estOn
l’établit
enconsidérant
que lesdk parties
de N formées de kéléments
sont de deux sortes. n
10)
Cellesqui comprennent
un certainélément
a deN,
fixé à l’avance :cune d’elles
peut
se définir par ses éléments autres que a,lesquels
sont au nom-bre de k-1
prélevés parmi
les n-1 éléments de N autres que a. Le nombre de par- ties de cettepremière
sorte est doncdk-11 .
n-120)
Cellesqui
necomprennent
pas a : chacune d’elles est définie par unprélèvement
de k élémentsparmi
les n-1éléments
de N autres que a. Le nom-bre de
parties
de cettedeuxième
sorte est donce - ’
n-1 ,On a donc bien la formule
(1), qui permet
de former deproche
enproche
lecélèbre "triangle
dePascal" :
D2
nombre1 k peut
y on lesait
y s’obtenir par un calculdirect simple a par- D2
Le nombre
In peut,
on lesait,
s obtenir par un calcul directsimple
à par-tir de n et k : c’est le
produit
de k entiers consécutifs décroissants àpartir
de n,
1n =
n( n-1 ) .. , . (n-k+1 ).
Nous ne nous servironspratiquement
pas de cetten q p
formule
yqui
n’intervient pas dans la dualitéqui
nousintéresse,
et établironsplutôt
la relation de double récurrenceElle
résulte,
y si l’onveut,
du fait que, yparmi
lesinjections
de Kdans
N,
il y en a de deux sortes. n1°)
Celles pourlesquelles
un bureauparticulier
a del’étage
N estoccupé.
Pour en définir une, on
peut
d’aborddésigner l’employé unique qui
occupera le bureau a(ce qui
donne kpossibilités),
ypuis répartir
les k-1employés
restantsinjectivement
dans les n-1 bureaux restants(ce qui
donneIk-1
.possibilités) ;
en tout donc
k Ik-1 injections
de cetype.
n-1 n-1
20)
Celles pourlesquelles
le bureau a est laissé vide et où l’onrépartit
les k
employés injectivement
dans les n-1 autresbureaux,
cequi
donne1
injections.
n-11La formule
(2)
est ainsi établie. Le tableaunumérique qu’elle permet
deformer est le suivant
(qui
n’a pas de nomtraditionnel) :
D3
Une
parenté
presque évidente entre C et I consiste en ce que la colonne k de Ipeut
s’obtenir enmultipliant
par k! la colonne k deC,
cequi peut
s’écrireC’est-à-dire :
En effet toute
inj
ection de K dans N définit unegjection
de K dans unepartie
de N formée de k éléments(ceux auxquels
aboutissent desflèches).
Pourchacune des
cf--
nparties
de N formées de kéléments,
’ ilexiste,
’ on lesait,
’ k!telles
bijections;
cequi
établit la formule(3).
E.- COMPTAGE DES PARTITIONS ET DES’SURJECTIONS E1 --
’
D’une
manière
"duale" de cellequi précède,
nous allons commencer par éta-blir la f ormule
Parmi les
Pk partitions
de K en nclasses,
y nous endistinguerons
pour celadeux sortes. n ’
1 ° )
Celles danslesquels
un certain élémentb,
fixé àl’avance,
de K cons-titue
une classe à lui seul. Les n-1 autres classes définissent alors uneparti-
tion de l’ensemble des k-1 éléments autres que b en n-1
classes,
cequi
montrequ’ il
ya p-1 partitions
de cette sorte.n-1
2° )
Celles danslesquelles l’élément
bappartient
à une classe dans la-quelle
il y adéjà
d’autres éléments(au
moins unautre).
Pour définir une par- tition de cette secondesorte,
il suffit departitionner l’ensemble
des k-1élé-
ments de K autres que b en n classes
(ce qui
donneI-
npossibilités),
y etensuite rattacher b à l’une
quelconque
de ces n classes(ce qui
donne n pos-sibilités).
Il y y a donc npk-1 partitions
de cette seconde sorte.n p
On a donc bien la formule
(1 ’ ) .
Letriangle numérique qu’elle permet
deformer de
proche
enproche,
moins bien connu engénéral
que letriangle
de Pas-cal, pourrait porter
le nom detriangle
r nrr de nStirling:
rmE2
Pour les
nombres e (nombres
desurjections)
nous établirons la formulen
Nous
distinguerons
à nouveau deux sortes desurjections
de K dansN, parmi
les
o
existantes.n
1 ° )
Celles pourlesquelles
unemployé particulier,
mettons le "chef de ser-vice",
y sera seul dans son bureau. Pour définir un telemménagement surjectif,
onpeut
d’abord laisser le chef de service choisir celui des n bureaux où il s’installera seul(n possibilités),
ypuis répartir surjectivement
ses k-1 subor-donnés dans les n-1 autres bureaux
(de
l’une desmanières possibles);
ily a donc n
e-1 surjections
de cette sorte.n-1 y a donc n
S surjections
de cette sorte.n-1 n-1
2°)
Celles pourlesquelles
le chef de service ne sera passeul,
y c’est-à- dire si l’on veut celles où il y aura un des k-1subordonnés
danschaque
bureau.Pour en définir une, il suffit de
répartir
les k-1subordonnés surjectivement
dans les n bureaux
(de
l’une desSk 1
manièrespossibles),
y et de laisser len
chef de service choisir le bureau où il s’installera
(n
choixpossibles);
il ya donc n
Sk-1
nsurjections
de cettedeuxième
sorte.La formule
(2’ )
est donc établie. Le tableaunumérique correspondant
estE3
S et P ont entre eux une
parenté analogue
à celle de I et C : laligne
n deS
peut s’obtenir
enmultipliant
par n! laligne
n de P : ,C’ est-à-dire :
(classifications
de k enn)
En effet toute
surjection
de K dans N définit unepartition
R de Ken n
classes,
le fait pour deuxéléments
de K d’être "demême
classe" voulant dire que lesflèches qui
enpartent
aboutissent en un mêmeélément’de
N.K/R
estun ensemble de n
classes,
et lasurjection
de K dans Npeut être
définiecomme
l’application canonique
de K dansK/R,
suivie d’uneapplication
deK/R
dans
N
ycette dernière
étantbi ’ective. -
Pour chacune desPk
npartitions
R deK en n
classes,
il existe n!bijections
deK/R
dansN,
cequi établit
laformule
( 3’ ) .
F.- PROPRIETES CONJOINTES
Pour
exprimer
commodémentquelques propriétés
des tableauxnumériques C, I, P, S, B,
il estcommode
de les traiter comme des matrices. Nous introduirons enoutre la matrice
A,
dont leséléments
sontA k = n k
nombre total desap licar
tions K- N.
’ n p
Cela
posé,
leségalités (3)
et(3’) peuvent s’écrire respectivement
Montrons que
Nous établirons la
dernière
de ceségalités,
les deuxpremières exprimant
seulement
l’associativité
duproduit
C B P.L’égalité
enquestion
s’écrit si l’on veutbien entendu tous les tennes à sommer deviennent nuls
dès
que pdépasse
leplus petit
des deux nombres k et n.Or chacune des
ri applications
de K dans N se caractérise par1 ° )
unepartie
H deN, qui
est lapartie
del’étage
effectivementoccupée
par au moins un
employé;
~°)
unepartition
R deK,
définie par les classes de"compagnons
debureau";
(Il
y a évidemment autant de bureauxoccupés
que de classes de compagnons debureau, c’est-à-dire
autant d’éléments dans H que de classes dansK/R;
soitp ce
nombre, qui
nepeut dépasser
ni k nin).
3°)
unebijection
deKIR
dans H.Pour toute valeur donnée de p, le nombre total de
possibilités
correspon- dantes est bienet il suffit ensuite de sommer en donnant à p toutes les valeurs
possibles
pour établirl’égalité (4).
Exemples: 1 ° )
n = 3 k=4G.- EXERC 1 CES PROPOSES
10)
Les sommes deslignes
successives dutriangle
de Pascal C forment unesuite Yo
Y1 Y2
.·.Y~
... danslaquelle chaque
terme est double duprécédent.
Etablir cette
propriété classique
par un raisonnement direct en considéranty n
comme le nombre total de
parties,
yparties
vide etpleine comprises,
d’un ensem-ble de n éléments.
(On considèrera
deux sortes departies, suivant qu’elles comprennent
ou non un élémentparticulier).
, Les sommes des colonnes successives du
triangle
deStirling
P forment unesuite w 0’w1w 2 ...oon
... dont le termegénéral
est le nombre total departitions
d’un ensemble de k éléments. Montrer que l’on a
(On comptera le
nombre departitions
d’un ensemble de k+1 éléments en sup-posant
connu le nombred’éléments
de la classe àlaquelle appartient
un élémentparticulier).
’
-
2°)
Unjury
veutorganiser
un concours entre p candidats de manière à les classer par "niveaux dequalité",
et il hésite entre lesquatre procédures
sui-vantes :
(a)
on classera tous lescandidats,
sans faired’ex-aequo,
(b)
on ne fera pasd’ex-aequo
mais on se réserve de ne pas classer certains candidats(sans
exclure l’éventualité de classer tout le monde ni celle de neclasser
personne) ,
(c)
on classera tous les candidats mais on se réserve de faire des ex-aequo(sans
exclure le cas où tout le monde seraitex-aequo).
(d)
on se donne toute liberté d’exclure éventuellement certains candidats du classement et de faire des ex-aequoparmi
lesclassés.
Comment calculer dans les
hypothèses
successivesd’adoption
de chacune deces
procédures,
le nombre de résultatspossibles
du concours? Onappellera
res-pectivement ap bp cp dp
les nombres cherchés.Indications: ap
est évidemmentégal
àp! , bp
est la somme de laligne
p dutriangle I, ep
est la somme de la colonne p dutriangle S, dp
est pour toutp >, n le double de
cp (justifier
cettedernière
affirmation par une correspon- dancesimple
entre un résultat de laprocédure (c)
et un résultat de laprocédure
(d)).
Noter quecp
est lenombre
demanières
de définir sur un ensemble de pobjets
unpréordre complet.
Etablir par des raisonnements directs les récurrences
(on peut
raisonner ensupposant
connu pour lapremière
le nom du candidatclassé
en
tête
s’il y en a un, et pour la seconde le nombre de candidats classés entête).
Forme-r
numériquement
lesquatre suites a., bp cp dp jusqu’à
p = 6. Ontrouve
3° )
Onappelle
CI et P’ les matrices obtenues àpartir
de C et P par sup-pression complète
deslignes
et colonnes numérotées 0.Donner une
interprétation
desproduits
matriciels IP’ et CIS.(Indications:
le
premier
redonne à undécalage près
les termes deM,
le second donne la sommedes
puissances k-ièmes
des npremiers
nombresentiers).
4° )
Les matrices C et P se laissent facilement inverser deproche
en pro-che~
et l’on obtient ainsi des matricesC ~
etp-1
de mêmedisposition
trian-gulaire respective.
Montrer que les termes de
C-1 reproduisent
ausigne près,
y ceux de C.Montrer que les termes de
p-1 donnent,
y ausigne près
et à undécalage gé-
néral