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Cadeaux de Noël

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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ISSN 1422-5220

M a g a z i n e t r i m e s t r i e l d e l ' U n i v e r s i t é d e L a u s a n n e - N ° 4 3 D é c e m b r e 2 0 0 8 - G r a t u i t

Religion Et si Darwin avait tort?

Que nous dit la Bible à propos de la Genèse Animaux

Découvrez comment les écureuils

retrouvent leurs noisettes en hiver

Cadeaux de Noël

Faut-il offrir des jeux vidéo aux enfants?

Politique Faire un procès à l'Etat, c'est possible. Les auto- rités ont été impliquées dans

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É D I T O

Collaborateurs : Sonia Arnal, Michel Beuret, Laurent Bonnard, Pierre-Louis Chantre, Elisabeth Gordon, Muriel Ramoni Photographies :Nicole Chuard Photos de couverture :

Correcteur :Albert Grun Concept graphique : Richard Salvi, Chessel Publicité :EMENSI publicité, Cp 132, 1000 Lausanne 7 Tél. 078 661 33 99

Editeur responsable : Université de Lausanne Marc de Perrot, secrétaire général Philippe Gagnebin, responsable de la communication, chef de service Francine Zambano, responsable Magazine de l’Université

de Lausanne : N° 43, décembre 2008 Tirage 30’000 exemplaires 48’400 lecteurs (Etude M.I.S Trend 1998)

F

aire un procès à l’Etat.

Parce que son enfant a été abattu au coin de la rue, d’une balle tirée avec un fusil mili- taire. Parce qu’une manifesta- tion autorisée a dégénéré et qu’elle a provoqué des dégâts à sa propriété. Ou parce que

des experts ont relâché un criminel et qu’il a récidivé. Pour l’instant, ce n’est qu’une tentation, un scénario. Mais la possibilité de traîner les autorités suisses en justice existe bel et bien, comme vous le vérifierez en page 28de ce magazine.

L’an dernier, un fait divers tragique révélait au grand public une information étonnante : l’armée suisse risquait d’être condamnée par un tribunal, parce que ses cadres avaient confié un fusil d’as- saut à un soldat assez fou pour jouer au sniper, près d’un abribus de Zurich. Et, en août dernier, les citoyens se voyaient offrir le droit d’attaquer en justice des experts de l’Etat qui feraient une erreur d’appréciation en libérant un criminel interné à vie pour des délits gravissimes, et qui frapperait à nouveau.

Cette innovation, adoptée par le biais d’une initiative très controversée, té- moigne du changement d’état d’esprit qui s’opère dans l’opinion publique suisse.

Désormais, la fatalité n’est plus une ex- cuse pour un drame. Quand une histoire dérape, on cherche des responsables. Et les politiques ne sont pas les derniers à se retrouver sur la liste noire.

Ils ne sont pas les seuls.

L’envie de placer les autorités, toutes les formes d’autorité, face à leurs respon- sabilités est de plus en plus palpable. Les

parents viennent ainsi de dé- couvrir qu’ils risquaient éga- lement de faire les frais de cette nouvelle mode. C’est, du moins, la conclusion d’un ju- gement ahurissant tombé en mars dernier. Pour avoir per- du de vue un de ses enfants durant quelques minutes, parce qu’elle changeait les couches du petit pendant que l’aînée (deux ans) manquait de se noyer dans une pataugeoire de Vevey, une mère «inattentive» a été jugée cou- pable de lésions corporelles graves par négligence.

Cette condamnation semble extrême.

Mais restera-t-elle très longtemps excep- tionnelle? N’est-elle pas, elle aussi, un indicateur de l’évolution actuelle des mentalités helvétiques? Observons que, au plus chaud des polémiques suscitées par les jeunes superchauffards, ou celles déclenchées par les petits caïds qui mul- tiplient les délits violents, l’idée de sanc- tionner les parents qui ont si mal élevé ces «racailles» a fait son chemin dans les esprits.

Bien sûr, pour l’instant, ce n’est qu’une tentation, un scénario. Reste que cette envie grandissante de replacer les auto- rités politiques et familiales en réelle po- sition de responsabilité nous offre une étrange conclusion à cette année 2008 qui devait être placée, on l’avait presque ou- blié, sous le signe des célébrations des quarante ans du très libertaire Mai 68.

Jocelyn Rochat

Jocelyn Rochat Rédacteur en chef

Responsables.

Donc coupables?

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Edito . . . .page 1 L'UNIL en livres . . . .page 4 Abonnez-vous,

c’est gratuit!

. . . .page 7

T E C H N O L O G I E S

Cadeaux de Noël : faut-il offrir

des jeux vidéo aux enfants?

. . . .

page 8

Dilemme sous le sapin : les petits réclament des consoles, parlent de Wii et de Nintendo DS, et demandent les jeux qui vont avec au Père Noël.

Et les grands hésitent. Si vous êtes dans ce cas, vous n’êtes pas le seul : car 92 % des jeunes Vau- dois pratiquent ces loisirs virtuels. Deux experts de l’UNIL vous proposent quelques clés pour gérer au mieux ce problème familial d’actualité.

S C I E N C E & R E L I G I O N

Admettons un instant que

Darwin se soit trompé... Que dit la Bible à propos de la Genèse?

. . . . .

page 18

A double titre, 2009 sera l'année Charles Darwin.

Nous célébrerons le bicentenaire de sa naissance, le 12 février 2009, et les 150 ans de son ouvrage

«L'Origine des espèces». La polémique avec les créationnistes est programmée. Profitons-en pour relire l'Ancien Testament avec Thomas Römer, un spécialiste de l'UNIL. Surprise : on découvre que la Bible raconte deux origines du monde incon- ciliables. Bonne nouvelle pour Darwin!

Le rendez-vous à agender

«Où va le monde?» Et que nous promet l’avenir? Ces questions feront l’objet de cinq conférences gratuites, organisées à l’UNIL au début 2009. Le prochain Cours public de l’Uni- versité aura lieu les mercredis 25 février, ainsi que les mercredis 4, 11, 18 et 25 mars.

Ces conférences-débats se tiendront entre 18 et 20 h, dans l'auditoire Erna Hamburger du bâ- timent Amphimax.

Les différents interve- nants de ces conférences chercheront d’abord à savoir qui seront les nouveaux riches et les nouveaux pauvres, dans l’époque de mondialisa- tion qui nous est promi- se. Ils tenteront ensuite de désigner les gagnants et les perdants du ré- chauffement climatique, cette menace qui pèse sur nos têtes.

Puis ils se demanderont comment on prédit l’ave- nir, et quelle est la fiabi- lité des instruments utilisés pour nous an- noncer des perspectives riantes ou des catastro- phes. Ils se demanderont encore si l’avenir est devenu un danger. Et, dans ce cas, comment s’en protéger.

Enfin, pour terminer le cycle, les intervenants du Cours public 2009 de l’UNIL se demanderont comment nous pourrons rester nous-mêmes dans la société mondialisée de demain.

Plus d’infos en pages 54-55 Sans oublier notre interview, en avant-goût.

Elle est en page 46

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 3 DÉ C E M B R E 2 0 0 8 2

Sommaire

P O L I T I Q U E / S O C I É T É

L’Etat sera-t-il bientôt attaquable en justice pour tout et pour rien?

. . .

page 28

Dans plusieurs faits divers récents, émotionnels donc ultramédiatisés, le rôle et la responsabilité des autorités ont été évoqués. L’Etat aurait-il pu faire l’objet d’un procès? Analyse d’un phéno- mène émergent avec des experts de l’UNIL.

A N I M A U X

Voici comment les écureuils

retrouvent leurs noisettes

. . . .

page 38

Même en hiver, même des mois plus tard, les écu- reuils retrouvent leurs réserves accumulées dans des dizaines et des dizaines de cachettes discrètes.

Rien à voir avec un odorat spécialement déve- loppé, comme on l’a longtemps cru. C’est une par- tie de leur cerveau, l’hippocampe, qui leur garan- tit une mémoire spatiale quasi infaillible. Les explications de Françoise Schenk, professeure de psychophysiologie à l’UNIL...

I N T E R V I E W

Où va le monde? Vers un avenir

«qui nous fait peur»

. . . .

page 46

Du 25 février au 25 mars 2009, le cours public de l’UNIL tentera de répondre à la question : «Où va le monde?» En avant-goût, «Allez savoir!»

vous propose de réfléchir à ce futur rempli de

«progrès» technologiques qui inquiètent l’opi- nion publique, comme le nucléaire, les OGM, ou le transhumanisme, avec deux chercheurs de l’UNIL qui se sont penchés sur la question. Et qui ne sont pas plus rassurés.

© N. Chuard

DR«La Création d'Adam», une fresque de Michel-Ange, 1509-1510, Vatican, chapelle Sixtine

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E N A P A R L É !

Allez savoir !

M É D E C I N E

Ne pestez plus sur les virus...

Ils nous soignent aussi

et ils nous sauveront peut-être

un jour du cancer

. . . .

page 56

Rhume, grippe, etc. Pas un hiver sans le nez qui coule et la gorge qui nous démange. Et pourtant, s’ils tuent parfois, les virus sont aussi, on le sait moins, de précieux alliés. La médecine les utilise déjà pour préparer certains vaccins et elle aura besoin d’eux pour élaborer de futures thérapies géniques contre des maladies génétiques. Les explications des chercheurs de l’UNIL.

L A V I E À L’ U N I L

Cours public 2009 de l’UNIL . . . .page 54 Formation continue . . . .page 63

www.photos.com

L’info

Eve, lève-toi…

V ous êtes persuadés que Dieu a créé l’homme avant la femme, et qu’il a uti- lisé une côte d’Adam pour façonner Eve?

C’est que vous avez lu la Bible un peu rapi- dement. En réalité, l’Ancien Testament raconte deux histoires de nos origines sen- siblement différentes, qui se contredisent sur plusieurs points. Dans l’une d’entre elles, Adam et Eve reçoivent la vie en même temps.

Machos de tous

Les loups, les cygnes noirs et les ragondins

L

a récente apparition d’un loup italien dans les cantons d’Uri et d’Obwald, après 238 et 160 ans d’absence, n’aura pas surpris les lecteurs d’«Allez savoir!». Ils le savent depuis décembre 2007 et le numéro 40 de ce magazine*qu’un autre grand canidé a réussi

l’exploit de marcher jusqu’en Allemagne, où il a été renversé par une voiture aux abords de Munich. Et ce après avoir laissé une trace de son passage à la frontière italo-valaisanne.

La présence de cet animal en Bavière, à la fin mai 2006, et l’importance de son périple révélée par le biologiste de l’UNIL Luca Fumagalli, lais- saient imaginer que les loups avaient déjà traversé des territoires suisses situés nettement plus au nord des cantons de Vaud, du Valais, des Grisons et du Tessin, qui constituaient alors leur zone visible de colonisation. Voilà qui est désormais confirmé.

L’actualité est encore venue illustrer un autre article paru dans le même numéro d’«Allez savoir!», qui annonçait que la gestion des flux migratoires animaliers allait devenir l’un des problèmes majeurs, et l’un des plus sensbiles que la Suisse aurait à traiter dans les pro- chaines décennies. «Nous allons vers un monde où il faudra parfois prendre des décisions capitales et rapides, sous peine de voir notre environnement changer en profondeur», disait l’expert de l’UNIL Daniel Cherix. «Faut-il laisser des oiseaux s’installer? Faut-il en tirer quelques-uns? Ces débats vont devenir de plus en plus nourris, et les solutions de moins en moins nettes», ajoutait son collègue Cornelis Neet.

L’analyse des deux enseignants de l’UNIL vient d’être confirmée par les arrivées de quatre cygnes noirs, des oiseaux originaires d’Aus- tralie, qui ont quitté un élevage de Suisse alémanique pour se poser sur les lacs de Neuchâtel et sur le Léman. Fallait-il capturer ou tirer les envahisseurs exotiques? Les autorités ont hésité avant d’accor- der aux oiseaux des antipodes un «permis provisoire de résidence»

jusqu’à la fin de l’hiver, époque où leur sort sera réévalué.

Au même moment, on apprenait que des ragondins, arrivants tout aussi exotiques dans nos régions, ne bénéficieraient pas du même sursis. Les autorités genevoises et tessinoises ayant annoncé qu’elles allaient appliquer la loi et tout faire pour empêcher ces rongeurs sud-américains de s’installer. Une politique de fermeté que les res- ponsables jurassiens, également confrontés à un ragondin venu s’ins- taller dans un étang proche de Delémont, n’ont pas voulu appliquer.

De peur d’être traités «d’assassins» par leurs électeurs.

Le problème et les discussions, on le voit, ne font que commencer.

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AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 3 DÉ C E M B R E 2 0 0 8 4

L’ U N I L e n l i v r e s

Ce Jésus sorti des églises

Depuis une centaine d’années, Jésus est sorti des églises pour se trouver projeté sur les écrans de cinéma, représenté dans les volumes romanesques, les tra- vaux des plasticiens et même, plus récemment dans les cases des auteurs de bandes dessinées.

On lui a donné des états d’âme;

on a planté avec réalisme le décor historique de sa vie; on a recon- sidéré son message pour y lire des ambiguïtés ou, au contraire, une «vérité» enfouie sous les siècles. On l’a ainsi «incarné» de multiples manières qui sont autant de chemins vers son deve- nir-profane.

Edité par quatre chercheurs de l’UNIL, issus d’horizons divers, cet ouvrage présente différents

«points de vue» qui se posent sur la figure de Jésus telle qu’elle a pu se montrer, au XXesiècle, sur la place publique. Jean Kaemp- fer, professeur à la section de français, examine notamment le Protévangile de Jacques et se penche sur des romans comme

«Da Vinci Code»; l’historien de l’art Philippe Kaenel revient sur le Suaire de Turin; Pierre Gisel, en bon théologien, replace Jésus dans le contexte d’une sorte de retour au religieux; et Alain Boillat, maître-assistant à la sec- tion de cinéma, analyse le Christ de Scorsese, ainsi que le Jésus des bandes dessinées. Quelques points de vue parmi d’autres...

«Points de vue sur Jésus», édité par Jean Kaempfer, Philippe Kaenel, Alain Boillat et Pierre Gisel,

Etudes de Lettres, 2008 / 2, 2008, 172 p.

Prométhée déchaîné!

Industrialisation et urbanisation accélérées, intensification de la mobilité, naissance d’une culture de masse, avènement de nou- velles formes de représentations scientifiques et artistiques du monde... La Belle Epoque est une période de mutations sociales et culturelles fondamentales, qui voit s’épanouir un nombre im- pressionnant de technologies aujourd’hui indispensables, com- me l’automobile, l’éclairage électrique, le téléphone ou les rayons x. Sous la direction de Cédric Humair et d’Hans-Ulrich Jost, de l’UNIL, les auteurs de ce livre défendent et exemplifient une thèse commune, à savoir qu’il existe une articulation essentielle et complexe entre l’évolution technique et les transformations sociales et culturelles. Les pé- riodes de rapides transformations ébranlent nos repères, en parti- culier la croyance dans les bien- faits du progrès. Cet ouvrage doit permettre au lecteur de mieux cerner les enjeux du débat social

actuel portant sur une nouvelle génération de technologies, tel- les que le nucléaire, Internet ou la manipulation génétique.

«Les Annuelles 11 / 2008. Prométhée déchaîné: technologies, culture et société helvétiques à la Belle Epoque», sous la direction de Cédric Humair et Hans-Ulrich Jost, Ed. Antipodes, 2008, 136 p.

Ces anecdotes qui font vivre l’Histoire

Le nœud gordien, l’or de Crésus, l’épée de Damoclès, la baignoire d’Archimède, la cruauté de Tibè- re ou encore l’incendie de Rome par Néron : pendant presque deux mille ans, l’histoire antique s’est transmise par des récits édifiants ou effrayants, sublimes ou instructifs. Les élites culti- vées d’Europe ont longtemps su ces épisodes par cœur. Mais au- jourd’hui, nous les avons souvent oubliés. C’est dommage, car ces petites histoires font aussi la grande. Dans ce livre, Justin Favrod, docteur ès Lettres de l’UNIL, revient sur cinq cent quatre-vingts anecdotes, faisant ainsi revivre neuf siècles d’his- toire de la Grèce et de Rome. Des noms, des lieux, des événements qui n’étaient plus que des mots retrouvent ainsi leur épaisseur et leurs couleurs d’antan. Mais ce livre réactualise également un genre oublié, celui du recueil d’anecdotes et de sentences,

très prisé dans l’Antiquité par Plutarque, Elien et Valère Maxime, puis à la Renaissance par Erasme.

«La Grèce et Rome par les anecdotes», un livre de Justin Favrod,

Ed. Infolio, 2008, 272 p.

Pas de cyclisme sans dopage?

Dix ans après l’affaire Festina, malgré la mise en place de lois, d’une détection antidopage plus fine et de sanctions exemplaires, de nouvelles affaires de dopage éclatent chaque année. L’ambi- tion de ce livre est de comprendre leur persistance en posant le dopage comme un élément cons- titutif des années 1980 et 1990.

Il ne s’agit ni de dénoncer ni de faire l’éloge du dopage, mais de porter un regard sociologique sur une pratique courante dans le milieu du cyclisme professionnel.

Fabien Ohl, directeur de l’Institut du sport et de l’éducation phy- sique de l’UNIL, Olivier Aubel et Christophe Brissonneau, rendent compte du contexte dans lequel les coureurs exercent leur profes- sion – changements des normes de santé, mutations dans le mar- ché du cyclisme – et examinent les modifications de la profession de cycliste. Ils montrent comment les conceptions du métier de cou- reur et les prises de produits évo-

luent. En outre, de nombreux ex- traits d’entretiens révèlent com- bien le dopage est une pratique collective au sein de cette acti- vité laborieuse.

«L’épreuve du dopage. Sociologie du cyclisme professionnel», par Christophe Brissonneau, Olivier Aubel, Fabien Ohl, PUF, Coll. Le lien social, 2008, 302 p.

T e x t e s d e M u r i e l R a m o n i

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L’ U N I L e n l i v r e s

Nos pas laissent des traces...

Les traces de semelles consti- tuent une catégorie de traces physiques incontournable dans l’investigation forensique. Elles sont recueillies dans une gamme très large de situations judi- ciaires, allant du simple larcin au crime de sang. Dans cet ouvrage, le chef de l’identité judiciaire de la police cantonale vaudoise et deux spécialistes de l’UNIL, Christophe Champod et Olivier Ribaux, tentent de donner un aperçu exhaustif de l’exploitation de ces traces dans deux cadres distincts. Le premier est le cadre investigatif et d’analyse crimi- nelle, qui utilise la trace de semelles comme vecteur d’infor- mation sur des phénomènes sériels. Le second est celui de l’expertise, lorsque la mission consiste à comparer puis à se pro- noncer quant au lien entre des traces relevées sur des lieux et une ou plusieurs paires de chaus- sures d’intérêt pour l’enquête.

L’ouvrage s’appuie sur des exem- ples illustrés, des cas réels, la lit- térature spécialisée, ainsi que sur les expériences opérationnelles des auteurs.

«Traces de souliers», par Alexandre Girod,

Christophe Champod et Olivier Ribaux, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008, 354 p.

Nouvel éclairage sur le «roman pseudo- clémentin»

Le «roman pseudo-clémentin», un riche corpus littéraire quelque peu délaissé par la critique, était au centre du deuxième colloque international sur la littérature apocryphe chrétienne, tenu en

Les contributions qui y ont été présentées font l’objet du 6evo- lume des publications de l’Insti- tut romand des sciences bibli- ques, édité par Frédéric Amsler, Albert Frey, Charlotte Touati, et Renée Girardet. Ses Actes re- groupent les interventions de plu- sieurs théologiens, mais égale- ment d’autres professeurs de l’UNIL, notamment Claude Bé- rard, professeur honoraire d’ar- chéologie classique, et Etienne Barilier qui a prononcé une leçon publique sous le titre «La revan- che de Simon le Magicien».

«Nouvelles intrigues pseudo- clémentines – Plots in the Pseudo- Clementine Romance», Actes du deuxième colloque international sur la littérature

Comment gérer les ressources et les services urbains?

Comment optimiser les cycles écologiques du fonctionnement urbain en réduisant les prélève- ments sur les capitaux naturels et les impacts sur l’environnement?

Comment garantir pour tous, dans un contexte de libéralisation, l’ac- cès aux ressources et aux ser- vices urbains dans des conditions satisfaisantes et à des coûts qui soient à la fois supportables pour les individus et pour les collecti- vités publiques? Quelles sont les transformations institutionnelles permettant d’assurer la réalisa- tion de ces enjeux divers et sou- vent divergents? Ces trois ques- tions ont été débattues durant le Forum international d’urbistique, qui s’est déroulé à l’Université de Lausanne en septembre 2006.

Ce numéro d’«Urbia», dirigé par Antonia Da Cunha, professeur à l’UNIL, présente les contributions de huit des intervenants de ce Forum. Portant essentiellement sur

l’analyse des services urbains de la gestion de l’eau (eau potable, épuration et lutte contre les inon- dations) ainsi que des transports publics, chacun des articles s’in- téresse aux changements institu- tionnels intervenus au niveau du statut, des relations de pouvoir et de l’accessibilité des prestations des opérateurs des services ur- bains concernés ainsi que des mo- dalités de leur régulation publique.

«Gouvernance des ressources et des services urbains: régimes des eaux urbaines et autres exemples», Urbia. Les Cahiers du développement durable, No 5, Institut de géographie de l’UNIL, novembre 2007, 191 p.

Voyage au cœur de la poésie contemporaine

Depuis une vingtaine d’années, le genre poétique a connu des dé- bats intenses sur ses renouvelle- ments, avec des propositions esthétiques multiples. Alors que s’affirmait pour de nombreux poètes la nécessité d’un retour au monde et à l’émotion à travers un

«nouveau lyrisme» ou un «lyrisme critique», d’autres auteurs choi- sissaient les voies d’un «littéra- lisme» ou d’un «objectivisme», en privilégiant le réel par sa maté- rialité, le collage des textes ou le formalisme. En outre, des pra- tiques comme la «poésie sonore»

ou la «performance» ont pris leur essor durant cette période, en refondant la poésie sur un rapport singulier au langage et au public.

Ce volume collectif, élaboré à

aux habitués du genre de mieux se repérer face à un ensemble foi- sonnant.

«Poésie contemporaine et tensions de l’identification de 1985 à nos jours», édité par Antonio Rodriguez, Archipel, coll. «Essais», vol. 14, mai 2008, 196 p.

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L’ U N I L e n l i v r e s

Quand les

francophones écrivent hors de France

Que désigne l’appellation «fran- cophonie littéraire»? Peut-elle fonctionner comme une catégo- rie d’appartenance poétique? Si tel est le cas, la pratique littéraire du français, hors de France, im- plique-t-elle une «prise de pou- voir», une appropriation de la langue en tant qu’instrument de revendication identitaire et poé- tique? Une telle question peut sembler une boutade, tant elle est caricaturale. Il n’est pourtant pas inutile de cerner en détail des situations particulières, au vu de la diversité de ceux qui ont le français en partage, et surtout de

s’interroger sur les écarts entre ce que nous pourrions nommer une esthétique de la production, qui implique des choix narratifs et stylistiques, et une esthétique de la réception, qui donne pou- voir au lecteur de reconnaître, voire de faire sienne, cette fran- cophonie littéraire. Sous la direc- tion de Christine Le Quellec Cot- tier et de Daniel Maggetti, de l’UNIL, les auteurs de ce livre explorent plusieurs pans de la lit- térature francophone, suisse, africaine, belge ou québécoise.

Daniel Maggetti signe notam- ment un article intitulé «Ecrire en Suisse romande : pouvoir en faire à sa tête?».

«Ecrire en francophonie : une prise de pouvoir?», édité par Christine Le Quellec Cottier et Daniel Maggetti,

Etudes de lettres 2008/1, 2008, 176 p.

Prise d’otages et forcenés retranchés Le 65enuméro de la «Revue inter- nationale de criminologie et de police technique et scientique»

consacre un dossier spécial à la prise d’otages et aux forcenés retranchés. L’étude porte sur 534 situations de prises d’otages et de barricades, qui se sont dérou- lées au Québec entre 1990 et 2004 et durant lesquelles est intervenue la structure d’inter- vention spécialisée en situation de crise de la Sûreté du Québec.

Elle dresse un portrait exhaustif des situations de crise à l’aide d’une méthodologie rigoureuse.

En marge de ce dossier, Benoît Kuchler revient sur la combustion spontanée et rappelle que ce n’est pas un mythe! Ce licencié en sciences forensiques, actuel- lement responsable criminaliste à la police cantonale de Genève, résume ici un travail de recherche réalisé sous la direction de Jean- Claude Martin, professeur hono- raire à l’UNIL. A noter encore,

dans le même numéro, une inter- vention du professeur Pierre Margot, directeur de l’Ecole des sciences criminelles de Lausanne et membre du comité de direction scientifique de la revue.

«Prise d’otages et forcenés retranchés», Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, Organe officiel de l’association internationale des criminologues de langue française (AICLF), vol. LXV, No 2 2008, avril-juin 2008

Le poids des

noms dans la recherche d’emploi

Les noms et prénoms sont-ils source de discrimination à l’em- bauche? Ce petit livre apporte une contribution sociolinguis- tique à une question devenue un véritable enjeu sociétal, par son ampleur et les préjudices causés tant à l’individu qu’à l’Etat : celle de la discrimination frappant les personnes issues de la migration sur le marché du travail helvé- tique. Cette publication de la sec- tion de linguistique de l’UNIL est le fruit d’une recherche, réalisée par des étudiants, dans le cadre d’un séminaire de sociolinguis- tique dirigé par Pascal Singy et Alexei Prikhodkine. L’étude met en évidence l’étendue du traite- ment inégal attaché aux noms et prénoms, puissants outils de ca- tégorisation révélateurs de l’iden- tité des postulants. Elle comporte un examen détaillé des différents facteurs susceptibles d’entrer en jeu dans les pratiques discrimi- natoires : l’origine de la dénomi-

nation, la composition de l’appel- lation ou encore le type d’emploi et son prestige social.

«Tout nom n’est pas bon à dire.

Discriminations à l’embauche en Suisse romande»,

par Alexei Prikhodkine, Pascal Singy, Noémie Charton, Alessandro Iannelli,

Bulletin de linguistique et des sciences du langage, UNIL, 2008, 79 p.

Le travail

sous le microscope des sociologues

Travail salarié, domestique, scientifique, travail de mise au monde et de care. Toutes les facettes du travail passent à la loupe des sociologues. Sous la direction de Magdalena Ro- sende et Natalie Benelli, char- gées de recherche à l’Université de Lausanne, cet ouvrage offre un aperçu des perspectives et des thématiques actuelles au- tour de l’objet travail. Les au- teurs abordent notamment la grève, les outils, le travail col- lectif, la division du travail et de l’emploi (sexuelle, sociale, in- ternationale), la responsabilité au travail et l’imbrication des systèmes de domination. Si la thématique du travail a été trai- tée selon des angles différents, la conception que les différents intervenants de ce collectif en ont s’inscrit dans l’approche développée par Françoise Mes- sant, professeure de sociologie

du travail à l’UNIL; ce livre lui est dédié, à l’issue de sa carrière à Lausanne.

«Laboratoires du travail», sous la direction de Magdalena Rosende et Natalie Benelli, Ed. Antipodes, 2008, 168 p.

AL L E Z S A V O I R! / N ° 4 3 DÉ C E M B R E 2 0 0 8 6

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D ilemme sous le sapin : les petits réclament des consoles, parlent de Wii et de Nintendo DS, et demandent les jeux qui vont avec au Père Noël.

Et les grands hésitent. Si vous êtes dans ce cas, vous n’êtes pas le seul : car 92% des jeunes Vaudois pratiquent ces loisirs virtuels. Deux experts de l’UNIL vous proposent quelques clés pour gérer au mieux ce problème familial d’actualité.

Cadeaux de Noël : faut-il offrir

des jeux vidéo aux enfants?

T E C H N O L O G I E S

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T E C H N O L O G I E S

C a d e a u x d e N o ë l : f a u t - i l o f f r i r d e s j e u x v i d é o a u x e n f a n t s ?

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millions d’adeptes, un chiffre d’affaires mondial plus élevé que celui de l’industrie du cinéma : incon- testablement, le jeu vidéo est devenu un produit de divertissement massif. Un bien culturel, même : le Conseil culturel allemand a décidé, après d’âpres négo- ciations, d’intégrer parmi ses membres des représentants de ce domaine. Alors, offrir un jeu vidéo, ce serait au fond aussi innocent qu’offrir un livre?

A peu près, si l’on respecte quelques règles appliquées spontanément quand il s’agit de littérature mais que l’on oublie dès qu’il est question de l’univers virtuel, sous prétexte qu’on le connaît mal... Vous offririez «Justine ou les infortunes de la vertu», du Marquis de Sade, à un enfant de 10 ans? Non. Alors ne lui offrez pas non plus GTA (Grand Theft Auto). Mais vous pouvez sans autre lui donner l’un des innombrables autres jeux qui lui apporteront beaucoup – et à vous aussi.

Qui peut jouer?

A priori tout le monde : l’offre a telle- ment progressé ces dernières années que, du garçon qui veut se la jouer Michael Schumacher au volant de Mario Kart en passant par sa mère qui veut garder la forme avec les exercices de fitness de la Wii-fit, tout le monde est concerné. C’est d’ailleurs une excellente opportunité de réunir toute la famille pour des défis iné- narrables.

Mais, pour bien choisir dans cette plé- thore de possibilités, il faut d’une part

connaître les intérêts de l’enfant (plutôt tenté par l’aventure, par les sports d’é- quipe, par le fantastique, par l’idée de de- venir maire d’une ville?), d’autre part te- nir compte de son âge et de sa sensibilité.

A partir de quel âge?

Pour aiguiller les parents et leur don- ner une idée du contenu des jeux dispo- nibles dans le commerce, le système PEGI (Pan European Game Informa- tion) a mis au point une classification par âge de tous les jeux vendus en Europe.

Soutenue par les plus grands fabricants de consoles (Microsoft, Sony et Nin- tendo), cette association a établi cinq groupes.

Dans le premier, 3+, sont inscrits les jeux grand public accessibles à tous, qui ne comportent ni violence, ni nudité, ni trace de sang. «Mais attention : cela ne signifie pas qu’un enfant de 3 ans peut s’amuser avec n’importe lequel des jeux ainsi noté, explique Olivier Glassey, chef de projet à l’Observatoire science, poli- tique et société de l’UNIL. Il peut être limité par son développement intellectuel et sa psychomotricité fine trop imma- tures. Se demander quels sont les gestes et les manipulations mentales dont il est capable est donc essentiel avant d’ache- ter un jeu ainsi classé.»

Outre l’âge, PEGI donne aussi des renseignements sur le contenu (voir tableau ci-contre) et donc les raisons qui conduisent à un classement dans les classes d’âge supérieures (violence, dis-

© N. Chuard

Wii

Olivier Glassey, chef de projet à l’observatoire science, politique et société de l’UNIL

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crimination raciale, consommation de drogue...). On trouve ces pictogrammes au dos des emballages de tous les jeux vendus en Suisse. Pour savoir avant la visite au magasin si le jeu contre lequel Junior serait prêt à échanger sa petite sœur a une chance de lui convenir, un petit tour sur le site de PEGI (www.pegi.info/fr/index) peut donner une première indication. Une conversa- tion avec les parents du copain chez qui il l’a découvert aussi...

Et les filles?

Coralie Magni-Speck est assistante en psychologie à l’UNIL. Elle est aussi membre de l’Association suisse des pas- sionnés de jeux vidéo (swiss gamers net- work), ce qui en fait l’une des rares femmes à s’intéresser sérieusement au

phénomène – elle a d’ailleurs organisé cette année à l’UNIL une conférence publique pour réfléchir aussi bien aux dangers du jeu virtuel (comme la dépen- dance, qui l’intéresse particulièrement), qu’à ses apports.

«Il y a quelques mordues qui arrivent au meilleur niveau, mais les filles sont sta- tistiquement beaucoup moins nombreu- ses à jouer, explique-t-elle, et elles pas- sent moins de temps derrière leur écran.»

Certaines adolescentes ont néanmoins compris que ce bastion masculin était un excellent terrain de chasse et elles s’ini- tient avant tout pour draguer...

Reste que les jeux cultes des gamers laissent de marbre la plupart des filles.

On s’en doute, les fabricants ont repéré que sommeillait là un marché à exploi- ter, et depuis quelques années, on voit

Langage grossier

Ce jeu contient des expressions grossières.

Discrimination

Ce jeu contient des images ou des éléments susceptibles d’inciter à la discrimination.

Drogue

Ce jeu illustre ou se réfère à la consommation de drogues.

Peur

Ce jeu risque de faire peur aux jeunes enfants.

Jeux de hasard

Ce jeu incite à jouer aux jeux de hasard ou enseigne leurs règles.

Sexe

Ce jeu montre des scènes de nudité et/ou des comportements ou des allusions de nature sexuelle.

Violence

Ce jeu contient des scènes violentes.

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donc proliférer des jeux et des consoles qui ciblent spécifiquement les petites filles et les demoiselles (Nintendo a sorti une version rose de la DS...). Marche particulièrement bien tout ce qui consiste à prendre soin d’animaux virtuels (Pas- sion vétérinaire, Nintendogs, Cheval et poney – mon centre équestre, Mon che- val et moi, L’académie des animaux...), les simulations de vie avec une forte dimension sociale (les Sims), les jeux qui mettent en scène les aventures d’un per- sonnage de dessin animé connu (Titeuf), le karaoké (Singstar, Karaoke party) ou encore le stylisme (Jeune styliste).

Largement de quoi fasciner sans vio- lence et sans compétition, deux éléments très présents dans la plupart des jeux et qui ont, si l’on en croit les spécialistes, un effet répulsif sur les demoiselles. Seule

exception à cette règle, Tomb Raider, qui met en scène une sorte d’Amazone mo- derne pas exactement pacifique, que les fabricants voyaient séduire un public de machos attirés par sa plastique de Bimbo et à laquelle se sont en fin de compte identifiées beaucoup de femmes…

Est-ce que ça rend violent?

C’est la question sans fin et sans réponse définitive qui poursuit le jeu vidéo depuis qu’il existe : une étude prouve que oui, le lendemain une autre prouve que non. On en revient finalement toujours aux deux hypothèses qui s’opposent depuis qu’Aristote a parlé de la représentation de la violence dans la fiction (le théâtre

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© N. Chuard

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Coralie Magni-Speck est assistante en psychologie à l’UNIL.

Elle est aussi membre de l’association suisse des passionnés de jeux vidéo (swiss gamers network)

A priori, les Sims (ci-dessus) était un jeu davantage destiné aux filles, et Tomb Raider (ci-dessous), avec son héroïne Lara Croft, devait plutôt plaire aux garçons.

Surprise : les filles ont aussi craqué pour la seconde

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dans son cas). Le philosophe grec pos- tulait que voir un meurtre virtuel per- mettait au spectateur d’exprimer par pro- curation sa propre violence, lui évitant d’avoir à la réaliser dans la vraie vie – c’est ce qu’il nomme l’effet cathartique de la représentation.

D’autres postulent au contraire que voir douze assassinats à la seconde a un effet incitatif, ou, tout le moins banali- sant, qui favorise le passage à l’acte. Le débat reste ouvert, mais la position de Serge Tisseron, psychanalyste spécialiste notamment des images (et parrain du swiss gamers network), est intéressante : pour lui, certains jeunes sont bien désta- bilisés par le contenu violent des jeux les plus extrêmes. Mais ce sont les adoles- cents qui ont déjà «un terreau fertile avant de se mettre à jouer, des jeunes

dont le monde intérieur est en morceaux»

– ils ne sont pas conditionnés directement par les violences mises en scène sur leur écran, plutôt par un passé lourd dont ils ont de la peine à se sortir.

Evidemment, la presse relève tou- jours, lorsqu’un fait divers sanglant im- pliquant un jeune se produit, que l’au- teur «était un fan de jeux vidéo», et s’empresse en général de créer un lien de causalité entre les deux phénomènes.

Comme le relève Olivier Glassey, «au- jourd’hui, environ 90%1 des jeunes jouent aux jeux vidéo. Dire qu’un jeune auteur de violence est un gamer ne dit finalement rien des raisons qui l’ont conduit à agir ainsi.» Car, on l’oublie fa- cilement, le premier de classe est aussi un joueur, comme ce jeune sportif d’élite ou ce violoniste prometteur...

1Source : SCRIS (« Activités physiques et sportives des jeunes Vaudois durant leurs loisirs» – Août 2007) pour le canton de Vaud: «Le sport (86 %) arrive en huitième position notamment après la télévision (98 %), l’écoute de la musique (96 %), le jeu sur ordinateur (92 %) et la lecture (92 %)...»

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Si vos petits enfants vous demandent GTA (Grand Theft Auto) pour Noël (photo ci-dessous), répondez par la négative.

Ce jeu violent est destiné aux adultes. En revanche, il n’y a aucun risque s’ils votent pour Mario (ci-dessus)

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On focalise énormément l’attention des parents sur ce thème, mais comme se plaît à le souligner Coralie Magni- Speck, citant les chiffres de la SIEA (Swiss Interactive Entertainment Asso- ciation), «la moitié des jeux vendus en Europe sont classés dans la catégorie 3+

et sont donc totalement exempts de la moindre violence. Les 18+ ne représen- tent quant à eux que 4% des produits en vente.» On parle donc beaucoup d’un aspect qui, s’il est important, n’en de- meure pas moins très circonscrit.

Est-ce que ça rend asocial?

Ou dépendant?

Après les reportages sur les jeunes scotchés derrière leur écran, qui ne se nourrissent plus qu’à peine et qui ont coupé tous les ponts avec le monde exté- rieur, les parents craignent de voir leur enfant finir en zombie. Dans les faits, «on

estime qu’environ 10% des joueurs ont des pratiques ludiques excessives pou- vant conduire à la dépendance», estime Olivier Glassey.

Et, comme pour la violence, ce sont des jeunes qui présentent déjà un terreau favorable pour ce type de problèmes.

Reste que si c’est un phénomène rare, il existe : «Les parents doivent être atten- tifs à l’attitude de l’enfant. S’il arrête le sport, ne voit plus ses copains, ne parle plus que de ça, que ses notes chutent, il faut agir», commente Coralie Magni- Speck. Pour éviter d’en arriver là, Oli- vier Glassey suggère «de placer l’ordi- nateur ou la console dans un espace commun à toute la famille plutôt que dans la chambre de l’adolescent, de le faire parler de ses jeux et de ce qu’il y fait».

De l’avis de tous les spécialistes, les jeux qui présentent le plus de risques sont les MMORPG (massively multiplayer

online role-playing games) : des jeux qui se jouent en ligne, souvent en guildes, c’est-à-dire en équipe. «Le jeune est incité à y revenir et à y jouer longtemps, puis- que le résultat de son groupe dépend de sa présence et de l’évolution de son per- sonnage – lequel ne progresse que s’il joue beaucoup», explique Coralie Magni- Speck.

Mais, comme dans la vraie vie, dans les jeux vidéo, rien n’est tout blanc ou tout noir. «Ce principe n’a de loin pas que des effets négatifs, explique Olivier Glas- sey. Il permet aussi de travailler sur nom- bre de compétences sociales très valori- sées dans le monde du travail, comme la collaboration dans la complémentarité, la négociation, le leadership. C’est de loin beaucoup plus subtil et formateur que les non-joueurs ne l’imaginent.»

La violence ou la dépendance sont évi- demment très stigmatisées : ils entrent en T E C H N O L O G I E S

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Les jeux qui se jouent en ligne et en équipe, comme Final Fantasy (photo), sont ceux qui ont le plus de chances de conduire un joueur à la dépendance

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résonance avec les inquiétudes que nour- rissent les parents à l’égard de leurs enfants. Les jeux vidéo posent néanmoins d’autres questions. Celle de la vision du monde proposée à l’enfant notamment : dans les SIMS par exemple, jeu par ailleurs très politiquement correct et donc rarement décrié, le sommet de l’ac- complissement personnel est d’avoir le revenu le plus important possible et de passer sa vie aux barbecues organisés par les voisins...

Même simplisme avec le premier SIMcity : «Pour sortir un quartier pauvre de la violence et de la misère, le joueur n’a qu’à bâtir un poste de police, et hop, tous les problèmes, du chômage à la qua- lité des logements, se trouvent balayés d’un seul coup...», s’amuse Olivier Glas- sey. Ce qui n’empêche pas les enfants de récupérer ce monde merveilleux à leur manière : telle jeune fille de 12 ans fait exprès de négliger son bébé SIMS parce qu’elle sait qu’ainsi les services sociaux

vont le lui confisquer, et que c’est «trop drôle de voir le flip de la mère SIMS».

Beaucoup de jeux enfin proposent un décorum historique fouillé. «Le joueur peut choisir parmi un large choix de civi- lisations et s’il triomphe, il sera le maître du monde, explique Olivier Glassey.

Vous pouvez donc régner sur la Terre en étant une obscure tribu Sioux.» Histori- quement, ce n’est pas exactement com- me cela que ça s’est passé pour les Indiens d’Amérique. On espère que les ensei- gnants suffiront à rétablir une vision de l’histoire de l’humanité un peu plus con- forme à la réalité...

Qu’est-ce que ça apporte?

Les jeux vidéo, c’est aussi, mais on en parle rarement, l’occasion d’acquérir ou de renforcer quantités d’attitudes et de capacités : l’estime de soi en réussissant un palier ou en achevant une quête, la prise de décision en devant choisir une option de jeu presqu’à chaque seconde,

la gestion de ressources finies, l’antici- pation, l’élaboration de stratégies, la faculté de se mettre à la place de l’autre, l’apprentissage par erreur-correction, la solidarité, l’analyse de situations com- plexes, sans compter pour les plus jeunes la psychomotricité et la coordination.

Qui dit mieux?

Sonia Arnal

Pour en savoir plus : Le site de l’association suisse des loisirs interactifs : www.siea.ch

Le site des joueurs suisses : www.swissgamers.net Le site de PEGI : www.pegi.info Dans certains jeux vidéo, comme Age of Empire, vous pouvez régner

sur la Terre en étant une tribu Sioux. Ne comptez donc pas sur ces loisirs pour donner aux enfants de bonnes connaissances en histoire

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La baston (FPS)

Genre le plus décrié, le First Person Shooter (FPS) place le joueur dans la peau d’un personnage dont le but est de zigouiller un maximum d’ennemis avec les armes les plus destructrices pos- sibles. L’angle de vue recoupe celui du héros – c’est donc un jeu à la première personne où le joueur est immergé dans l’action. C’est Doom qui a donné ses lettres de noblesse à cette variété. L’uni- vers proposé est souvent historique (une bataille célèbre, une guerre), mais peut aussi parfois être fantastique.

La stratégie (RTS)

Age of Empire, Civilization, Warcraft : autant de jeux qui remportent un vif suc- cès auprès surtout des adolescents – avant 12-13 ans, il est rare que les enfants s’y intéressent. Dans le monde

Les grandes familles

merveilleux du Real Time Strategy (RTS), il faut gérer la logistique de son camp (planter des champs de blé pour nourrir une armée, créer des agriculteurs pour faire les foins, des éleveurs pour nour- rir tout ce petit monde), et élaborer une stratégie pour gagner contre l’armée ennemie. Le tout pour finir si possible maître du monde.

«C’est le jeu qui, en termes de res- sources intellectuelles, ressemble le plus aux échecs, avec la même néces- sité d’anticiper les coups par exemple, et la même importance déterminante pour les ouvertures de partie», explique Coralie Magni-Speck.

Je est un autre (RPG)

Le jeu vidéo de rôle (Role Playing Game) est la version virtuelle du jeu de rôle réel, type Donjons et dragons. Le joueur est un personnage qui s’intègre avec d’autres dans un scénario, généra- lement une quête (Dragon Quest, Final Fantasy). C’est souvent par le biais de ce genre que les jeunes s’intéressent aux parties en ligne (sur Internet) avec une multitude de joueurs, ce que dans le jargon on nomme les MMORPG (mas- sively multiplayer online role-playing games). C’est le type de jeu considéré comme le plus addictif.

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de jeux

La plate-forme

«Le titre qui incarne par excellence ce type de jeu, c’est Mario», explique Coralie Magni-Speck. Le joueur guide son personnage à travers des échafau- dages, évite les bombes et autres pièges placés sur son chemin pour atteindre le niveau supérieur. D’abord assez basique, en 2D et doté d’un graphisme très des- sin animé, ce genre s’est développé vers

plus de complexité et de réalisme (avec notamment le jeu Prince of Persia).

Typiquement le genre de jeux auquel un jeune enfant peut avoir du plaisir à jouer, pour autant que ses parents se renseignent sur le contenu.

Le sport

Football, hockey, basket, tennis, golf ou encore course automobile (ici Gran Turismo 5), les sports traditionnels sont très bien représentés dans l’offre des jeux vidéo à disposition. Les grandes associations ou fédérations qui cha- peautent ces différentes disciplines sont associées à leur commercialisation, cer- tains sportifs professionnels aussi.

«On sait par ailleurs que les sportifs d’élite sont très friands de ce passe- temps, que ce soit dans leur domaine ou dans un autre», explique Olivier Glassey.

Le principe est assez simple : le joueur

«est» une équipe, qu’il peut selon les options composer à sa guise; son but est de battre l’équipe adverse, que celle-ci soit menée par l’ordinateur ou par un camarade.

S. A.

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Admettons

un instant que Darwin se soit trompé...

Que dit la Bible à

propos de la Genèse?

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A double titre, 2009 sera l'année Charles Darwin. Nous célébrerons le bicentenaire de sa naissance, le 12 février 2009, et les 150 ans de son ouvrage «L'Origine des espèces».

La polémique avec les créationnistes est programmée.

Profitons-en pour relire l'Ancien Testament avec Thomas Römer, un spécialiste de l'UNIL. Surprise : on découvre que la Bible raconte deux origines du monde inconciliables. Bonne nouvelle pour Darwin!

«La Création d'Adam», une fresque de Michel-Ange, 1509-1510, Vatican, chapelle Sixtine

Photo by J. Cameron, 1869

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A d m e t t o n s u n i n s t a n t q u e D a r w i n s e s o i t t r o m p é . . . Q u e d i t l a B i b l e à p r o p o s d e l a G e n è s e ?

E

t si Darwin avait tort? Et si la Bible disait vrai sur la création du monde? En vérité, plusieurs arguments très sérieux militent pour ce point de vue.

D’abord, le Livre Saint a 2500 ans; c’est beaucoup plus ancien que «L’Origine des espèces», qui fut publié le 24 novembre 1859 et dont on célébrera l’an prochain les 150 petites années d’existence.

Ensuite, l’Ancien Testament est à lui seul trois fois plus gros que le petit pavé de Darwin : plus de 2000 pages dans une traduction courante, contre à peine plus de 600 pour le pensum du biologiste anglais.

Troisièmement, la Bible est au som- met des ventes depuis des temps immé- moriaux. C’est même l’ouvrage le plus lu dans le monde entier, loin devant Harry Potter, «Millenium» ou le «Da Vinci Co- de». Et si loin des livres de Darwin que c’en est humiliant. D’ailleurs, «L’origine des espèces» n’apparaît dans aucun clas- sement commercial.

Il y a deux Genèses dans la Bible

Malgré ces évidences, des esprits cha- grins doutent encore. Parmi eux, Tho- mas Römer, qu’on dit grand spécialiste de l’Ancien Testament et qui enseigne à la Faculté de théologie de l’UNIL et au Collège de France. Ce professeur affirme que la Genèse est incohérente; que si on la lit à la lettre, l’histoire de la naissance du monde ne tient pas debout.

Son argument principal est le suivant : la Genèse propose deux récits de la créa- tion du monde et non pas un. Le premier va jusqu’au chapitre II, verset 4; le

deuxième commence à ce point jusqu’à la fin du chapitre III. Entre ces deux récits, et parfois même à l’intérieur de chaque récit, il y aurait une série de contradictions et de bizarreries flagran- tes dans la Bible.

L’homme a-t-il été créé avant la femme ou en même temps?

Au chapitre I verset 27 de la Genèse, il est écrit : «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa; mâle et femelle il les créa.» Une dizaine de ver- sets plus loin, dans le chapitre suivant, il est écrit : «Le Seigneur Dieu modela l’homme avec de la poussière prise du sol.

Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie, et l’homme devint un être vivant.»

Eh bien, dans ces deux brefs passages, Thomas Römer parvient à voir cinq élé- ments contradictoires.

Contradiction n° 1 : ces deux passages racontent la naissance de la femme à deux moments différents. «Dans le premier, l’homme et la femme apparaissent en même temps; Dieu crée le couple humain, relève le professeur. Or, dans le deuxiè- me passage, le Seigneur commence par créer un seul être.»

Dans ce que Thomas Römer appelle

«le deuxième récit», la femme arrive en dernier. Adam commence par s’ennuyer

«Le jardin d'Eden», une peinture des frères Limbourg, tirée du livre «Les très riches heures du duc de Berry», 1412-16,

Musée Condé, Chantilly

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dans le jardin d’Eden, puis Dieu compa- tit et cherche à lui faire «une aide». Il pense d’abord à créer les animaux pour lui tenir compagnie; mais le pauvre hom- me ne trouve pas chaussure à son pied.

Alors Dieu l’endort et lui enlève une côte qu’il «transforme» en une femme.

Adam a-t-il été créé avant ou après les animaux?

Contradiction n° 2: dans le premier passage, le couple humain est créé «à l’image de Dieu» – le texte dit aussi selon sa «ressemblance»; dans le deuxième, lorsque le Seigneur crée Adam seul, cette référence n’apparaît plus.

Eve a-t-elle bien été créée après Adam? Pas sûr. Certains versets de la Bible prétendent au contraire que Dieu a fait apparaître l'homme et la femme en même temps

La création de l'homme, imaginée par Darwin en 1837.

Sur ce croquis, le scientifique a esquissé un premier arbre généalogique. La théorie de l'évolution des espèces est en train de naître

«La création d'Eve», une fresque de Michel-Ange, 1509-1510, Vatican, chapelle Sixtine

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«Caïn et Abel», une peinture du Titien, vers 1570-1576, Santa Maria della Salute, à Venise

Comment l'humanité a-t-elle fait pour ne pas disparaître, puisque Eve n'a eu que des garçons, et que Caïn a tué Abel?

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Contradiction n° 3: dans le premier récit, Dieu s’appelle «Dieu», soit «Elo- him» dans le texte original; dans le deuxième récit, il s’appelle «Yahvé», qu’on traduit en français par «le Sei- gneur».

Contradiction n° 4: lorsque le couple humain apparaît dans le premier récit, tous les animaux sont déjà créés; les êtres humains arrivent donc en dernier. Mais dans le chapitre suivant, lorsqu’Adam émerge de sa glaise, il n’y a sur la Terre, dit le texte, «encore aucun arbuste des champs et aucune herbe n’avait encore germé».

Contradiction n° 5, enfin : le couple humain prend vie par la seule parole divine, tandis que l’homme solitaire est

modelé par les mains du Créateur «avec de la poussière prise du sol».

L’homme est-il vraiment supérieur aux animaux?

La chasse aux contradictions de Tho- mas Römer ne s’arrête pas là. Il examine d’autres passages et s’amuse à pointer une foule de problèmes supplémentaires.

Lorsque le Créateur s’apprête à créer l’homme et la femme d’un seul coup, il décrit la mission de l’être humain en disant «qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre!»

Mais lorsque «le Seigneur Dieu» crée Adam dans le deuxième récit, le texte dit

simplement que le Créateur «établit»

l’être humain dans le jardin d’Eden «pour cultiver le sol et le garder».

Une différence qui suscite ce commen- taire au professeur : «Dans le premier récit, le texte instaure une supériorité des hommes sur les animaux. Dieu attribue une sorte d’ascendance royale à l’homme sur le règne animal. Dans le deuxième récit, Dieu donne aux animaux un rôle de compagnon pour Adam. Cela signifie qu’homme et animaux ne sont pas si dif- férents, qu’ils sont au même niveau.»

Pourquoi, pourquoi, pourquoi?

Et puis, comment se fait-il que le jour et les plantes sont créés avant le soleil?

Comment l’humanité a-t-elle pu se repro- duire puisqu’Adam et Eve n’ont fait que des garçons? Caïn a-t-il couché avec sa mère après avoir tué son frère? Pourquoi Caïn a-t-il peur d’être tué par quelqu’un après avoir tué Abel, alors que ne vivent encore que trois êtres humains sur terre?

Pourquoi Dieu protège-t-il Caïn le meur- trier quelques lignes après l’avoir mau- dit?

Et encore : qui sont ces «géants», qui apparaissent au chapitre VI et habitent la Terre au moment où Dieu décide pour la première fois d’anéantir l’humanité?

Pourquoi les humains parlent-ils plu- sieurs langues au chapitre X, puis une seule au chapitre XI? Pourquoi est-il écrit que le Déluge a duré 50 jours dans une ligne et 140 jours dans une autre?

Etc., etc... «Si l’on dressait la liste de toutes les incohérences de la Bible, on pourrait écrire un livre entier», dit Tho- mas Römer avec malice.

Même l’Eglise hésite à prendre la Bible au pied de la lettre

Il y a longtemps que cette façon de mettre en doute la vérité biblique a com-

© N. Chuard

Thomas Römer, spécialiste de l’Ancien Testament à l’UNIL et professeur au Collège de France

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mencé. Au début du XVIIesiècle déjà, Galilée s’acharne à instiller le doute. Il affirme que la Terre n’est pas un simple plateau surmonté d’une cloche à fromage, comme le racontent les Ecritures.

«Après lui, l’Eglise a commencé à se dire qu’on ne pouvait peut-être pas prendre toute la Bible à la lettre, dit Thomas Römer. Au XVIIIe siècle, on s’intéresse à la formation du Penta- teuque, et on s’aperçoit que les cinq pre- miers livres de l’Ancien Testament se composent de différents documents.

Cette constatation est à l’origine de l’hy- pothèse, ultérieure, que la Bible a été écrite par plusieurs rédacteurs à diffé- rentes époques.»

Un pot-pourri de récits antérieurs

Thomas Römer affirme ainsi que la Genèse n’a pas été rédigée par Moïse sous la dictée de Dieu sur le mont Sinaï.

«Comme le Pentateuque et l’ensemble de l’Ancien Testament, le récit de la créa- tion est une compilation de plusieurs his- toires, un pot-pourri de toutes sortes de conceptions de l’origine du monde.»

Un exemple parmi d’autres : la Bible raconte que Dieu crée le monde à partir d’un océan primordial, dont il partage les eaux. «L’idée que la naissance de l’uni-

vers a passé par une séparation se re- trouve dans les traditions égyptiennes, babyloniennes et grecques. Chez les Egyptiens, le ciel et la terre forment un couple qui fait l’amour continuellement et qu’il faut séparer pour que le monde puisse naître.»

Chez les Grecs, le ciel Ouranos étouffe la Terre Gaia de son poids avant que les Titans, les toutes premières divinités de la mythologie, ne coupent son sexe pour pouvoir sortir du ventre de leur mère.

Quant au récit du Déluge, on le trouve dans plusieurs histoires antérieures à la Bible: «Le récit biblique reprend de nom- breuses traditions tout en les réinterpré- tant, dit Thomas Römer. Dans l’épopée de Gilgamesh, les dieux déclenchent le déluge par pur caprice, comme pour s’amuser. La Genèse reprend la même histoire en donnant une raison moins arbitraire. Dieu détruit l’humanité parce qu’elle est devenue mauvaise.»

La vérité peut-elle avoir des zones d’ombre?

Que répondre à tout cela? L’intention du professeur de théologie lausannois est claire: selon lui, «il est totalement absurde de prendre la Bible à la lettre». Que peut bien rétorquer un créationniste contre cette vision, qui enlève à la Bible toute S C I E N C E & R E L I G I O N

A d m e t t o n s u n i n s t a n t q u e D a r w i n s e s o i t t r o m p é . . . Q u e d i t l a B i b l e à p r o p o s d e l a G e n è s e ?

Le récit du Déluge (imaginé ici par le peintre Charles Gleyre) n'est pas une exclusivité de la Bible.

On le trouve aussi dans plusieurs textes écrits avant l'Ancien Testament

Charles Gleyre (1806-1874)/«Le Déluge», 1856/Huile et pastel sur toile, 98,5 x 197cm/Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne/ Photo: J.-C. Ducret, Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne

Moïse, une huile de José de Ribera, 1638, Musée de San Martino, Naples

La Genèse n'aurait pas été rédigée par Moïse sur le mont Sinaï, mais elle serait

une compilation de plusieurs histoires racontant l'origine du monde

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réalité? Thomas Römer donne lui-même des pistes : «Contrairement aux Anciens ou à la tradition juive, la tradition chré- tienne refuse que la Bible puisse com- porter des faits ou des idées contradic- toires. Pour les fondamentalistes, la vérité est forcément cohérente. Elle ne peut pas avoir de zones d’ombre.»

Voilà donc ce qu’un bon lecteur de la Bible doit faire, lorsqu’il est confronté au mitraillage de remises en question des spécialistes : trouver la logique obliga- toire des textes; révéler une cohérence qui n’apparaît pas aux sceptiques. La Genèse comprend deux récits? «Les lec- teurs littéraux de la Bible répondent que la première partie raconte la naissance du monde dans ses grandes lignes, tan- dis que la deuxième reprend l’histoire en donnant plus de détails.»

Le récit de la création ne parle pas des dinosaures et de leur disparition scien- tifiquement prouvée? «Cela veut dire que ces animaux ont disparu pendant le Déluge.» Comment Caïn a-t-il pu avoir un fils dans un monde sans autre femme que sa mère? «Dieu a créé des femmes à un moment donné...»

Une intime conviction

Le fidèle qui croit en la lettre biblique n’a cependant pas besoin d’aller trop loin pour défier les chercheurs de contradic- tions. De la bouche même de Thomas Römer, «les créationnistes ont un argu- ment imbattable : tout est possible à Dieu». Pourquoi donc se casser la tête davantage? Pourquoi même s’attarder sur les textes plus qu’il ne faut? «Le créa- tionnisme n’a pas véritablement de théo-

rie, dit Thomas Römer, et la plupart des personnes qui croient en une lecture lit- térale de la Bible ne connaissent pas le texte avec précision. Ils n’estiment pas en avoir besoin. Ils sont simplement convaincus que la Bible a raison et que la science a tort.»

Mais la science elle-même n’a-t-elle pas montré son imperfection? «La théo- rie de l’évolution a connu plusieurs cor- rections après Darwin, les créationnistes jouent aussi sur ces remises en question.»

Eh oui, si la science elle-même démon- tre que la science se trompe, pourquoi la croire...?

Pierre-Louis Chantre Voici comment les créationnistes américains présentent la Genèse,

au Creation Museum de Cincinnati. Ils y expliquent notamment que, si la Bible ne parle pas des dinosaures, c'est parce que ces animaux ont disparu durant le Déluge

Creation Museum, Cincinnati

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