• Aucun résultat trouvé

Préservation de la fertilité et insuffisance ovarienne prématurée

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Préservation de la fertilité et insuffisance ovarienne prématurée"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

14 | La Lettre du Gynécologue • N° 402 - mai-juin 2016 R. Wainer

DOSSIER

Préservation de la fertilité féminine

Préservation de la fertilité et insuffisance ovarienne prématurée

Fertility preservation and premature ovarian insufficiency

R. Wainer*, H. Letur**

* Centre d’AMP, CHI Poissy-Saint- Germain ; EA7404-GIG, UFR des sciences de la santé Simone-Veil, université Versailles-Saint-Quentin- en-Yvelines.

** Département mère-enfant, Ins- titut mutualiste Montsouris, Paris.

I

l y a un an, La Lettre du Gynécologue (1) vous pré- sentait un dossier sur l’insuffisance ovarienne pré- maturée (IOP). À cette occasion, nous évoquions les nouvelles possibilités de prise en charge de cette pathologie par les techniques de préservation de la fertilité. Qu’en est-il exactement aujourd’hui, quelles techniques pourraient être utilisées dans un futur proche et comment devons nous modifier notre conduite pratique vis-à-vis de ces patientes ? La définition de l’IOP a un peu évolué au fil du temps et l’European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE) a édité en décembre 2015 des recommandations sur celle-ci (2). Elle se caractérise par une aménorrhée primaire ou secondaire depuis plus de 4 mois chez une femme de moins de 40 ans, dont l’estradiolémie est basse (< 50 pg/ml) et les taux de gonadotrophines élevés sur 2 dosages réa- lisés à au moins 1 mois d’intervalle. La valeur seuil du taux de FSH a progressivement diminué dans les publications ,de > 40m UI/l (2) à > 25 mUI/l (2).

L’IOP peut être primaire ou secondaire, s’installant brutalement après un passé de cycles réguliers, ou après une période d’irrégularités menstruelles. Son incidence est estimée à 1/100 de la population des femmes de moins de 40 ans, 1/1 000 de celles de moins de 30 ans et 1/10 000 avant l’âge de 20 ans, ce qui en fait une pathologie relativement fréquente.

L’IOP peut survenir selon 3 types de mécanismes : une anomalie de l’établissement de la réserve fol- liculaire avant la naissance, une altération de la croissance folliculaire avec blocage à différents stades de la folliculogénèse, ou une augmentation de l’apoptose folliculaire physiologique entraînant une déplétion accélérée. La majeure partie des IOP est secondaire, iatrogène, succédant à une chimiothérapie, une radiothérapie ou une chirurgie pelvienne ; elles peuvent aussi être d’origine auto-im-

munes ou virales. Dans plus de 80 % des cas, l’IOP est d’origine idiopathique (3). Mais les IOP peuvent aussi être primaires, d’origine chromosomique ou génétique. Si la préservation de la fertilité a été utilisée depuis longtemps pour lutter contre les étiologies secondaires, son utilisation dans les cas d’étiologie primaire vient seulement d’être initiée.

Les lois de bioéthique françaises prévoient la pré- servation de la fertilité depuis 1994. Elle en définit l’objet par l’article L. 2141-11, modifié par la loi 2011- 814 du 7 juillet 2011 : “Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer sa fertilité ou dont la fertilité risque d’être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement de l’intéressé et le cas échéant, de celui de l’un des titu- laires de l’autorité parentale, ou du tuteur, lorsque l’intéressé, mineur ou majeur, fait l’objet d’une mesure de tutelle”.

Les techniques de préservation de la fertilité peuvent donc être mises en œuvre lorsque la fer- tilité de la patiente risque d’être prématurément altérée, notamment dans les causes iatrogènes et génétiques définies, ou lorsqu’il existe une famille informative à risque d’IOP. Le bilan du Groupe fran- çais de recherche et d’études de la conservation ova- rienne et testiculaire (GRECOT) de 2015 montre, sur 1 800 congélations ovariennes, 816 conservations pour hémopathies malignes, 762 pour tumeurs solides, 40 conservations réalisées dans le cadre du syndrome de Turner, 3 pour syndrome de blé- pharophimosis-ptosis-épicanthus inverse (BPES) et 10 dans le cadre d’IOP familiale.

0014_LGY 14 17/05/2016 14:11:48

(2)

La Lettre du Gynécologue • N° 402 - mai-juin 2016 | 15

Points forts

» L’insuffisance ovarienne prématurée (IOP) se caractérise par une aménorrhée primaire ou secondaire depuis plus de 4 mois chez une femme de moins de 40 ans, dont les taux de gonadotrophines sont élevés sur 2 dosages réalisés à au moins 1 mois d’intervalle. La valeur seuil du taux de FSH est de > 25 mUI/l.

» Pour les adolescentes présentant un syndrôme de Turner, il serait recommandé de préserver des ovocytes aussi tôt que possible après la ménarche.

» Récemment, une équipe japonaise, prenant en compte les différents régulateurs de la croissance folliculaire, a obtenu la naissance d’enfants vivants bien portants chez des patientes atteintes d’IOP. Ils associent dans leur travail une levée des voies de répression de la croissance folliculaire (voie Hippo) à une activation des follicules primordiaux (voie AKT).

Mots-clés

Insuffisance ovarienne prématurée (IOP) Préservation de la fertilité Syndrome de Turner Activation folliculaire

Highlights

»Definition of premature ovarian insufficiency (POI) guideline of ESHRE published in December 2015. It is an primary or secondary amenor- rhea from more than 4 months in a woman less than 40 years, with high gonadotrophin in two samples. The threshold of FSH was > 25 mui/l

»For the adolescent with Turner syndrome, it is recom- mended to preserve oocyte as soon as possible after the menarche.

»Recently, a Japanese team, using the different follicular growth factors, obtained two successful deliveries in women with POI. The ovarian fragmen- tation disrupts the Hippo sig- naling pathway and the AKT stimulators activate dormant primordial follicles.

Keywords

Premature ovarian insufficiency (POI) Fertility Preservation Turner syndrome Activation of primordial follicles

Les anomalies du chromosome X et la préservation de fertilité

Les délétions du chromosome X (telles que POF1 et POF2) et les translocations intéressant le chromosome X sont régulièrement responsables d’IOP (5, 6).

Pour sa part, le syndrome de Turner se définit comme une haplo-insuffisance de gènes portés par le chromosome X. Il concerne 1 nouveau-né de sexe féminin sur 2 500. Ces jeunes femmes (45,X ou mosaïque 45,X/46,XX) présentent une impor- tante augmentation de l’apoptose folliculaire.

L’IOP est en partie prévisible, comme Hagen et al. ont pu le montrer, par le dosage d’AMH qui est un marqueur prédictif de la fonction ovarienne, tant chez le sujet sain qu’au cours des syndromes de Turner (7).

La préconisation thérapeutique actuelle, pour ces jeunes femmes présentant un syndrome de Turner et souhaitant une grossesse, est le don d’ovocytes (en l’absence d’une contre-indication médicale à la grossesse) [1]. Cependant, de nouvelles options thérapeutiques pourraient être bientôt proposées :

La cryopréservation ovocytaire

Pour les adolescentes présentant un syndrome de Turner, il serait donc très important de préserver des ovocytes aussi tôt que possible après les ménar- chées. Ainsi, Oktay et al. ont publié en 2014, une cryopréservation ovocytaire chez 3 jeunes filles de 13 à 15 ans présentant un syndrome de Turner en mosaïque, et chez lesquelles une importante chute de la réserve ovarienne avait été objectivée par des dosages d’AMH et le compte des follicules antraux.

Après stimulation ovarienne, il a été possible de recueillir de 7 à 19 ovocytes, dont 4 à 10 étaient matures. Ceux-ci ont été cryopréservés. Ces jeunes filles, ainsi que leurs parents, avaient été soigneu- sement évalués, tant sur des critères physiques que psychologiques. Cependant, il est essentiel de savoir que, pour l’instant aucune fécondation de ces ovocytes n’a été réalisée chez ces jeunes patientes, et que le bénéfice potentiel de cette approche est encore inconnu.

Néanmoins, Oktay et al. recommandent une évalua- tion de la réserve ovarienne après la ménarche pour toutes les jeunes filles présentant un syndrome de Turner, suivie d’une consultation avec leurs parents où la cryopréservation ovocytaire puisse être envi- sagée comme une option pour la préservation de leur fertilité.

La cryopréservation de tissu ovarien suivie de greffe

Cette technique, bien que considérée comme expé- rimentale chez l’adulte, est très prometteuse. En 2015, Donnez dénombrait plus de 60 enfants nés après autogreffe de cortex ovarien (8). Par ailleurs 2 publications avaient démontré, en 2012 et 2013, qu’une puberté pouvait être induite après cryopréser- vation de tissu ovarien et autogreffe (9, 10). Et tout récemment (11), une naissance vivante vient d’être obtenue en Belgique après cryopréservation ovarienne à l’âge de 13 ans (en raison d’une chimiothérapie pour hémopathie) et autogreffe 10 ans plus tard.

Cette cryopréservation de tissu ovarien pourrait être proposée aux enfants atteints du syndrome de Turner qui auraient une réserve ovarienne adéquate, mais qui ne pourraient attendre, sans risque pour leur statut ovarien, une maturité suffisante et une préservation ovocytaire.

Cependant, comme cela a été exposé dans le n° 395 de La Lettre du Gynécologue (1), les patientes ayant un syndrome de Turner présentent plus fréquem- ment une cardiopathie, parfois incompatible avec le développement sans risque de la grossesse (12).

Cette association peut, dans des cas exceptionnels, nous amener à envisager une adoption ou même une gestation pour autrui (GPA).

Avancées récentes dans les IOP non chromosomiques

Récemment, une équipe japonaise (13, 14), prenant en compte les différents régulateurs de la croissance folliculaire (3), a obtenu la nais- sance d’enfants vivants bien portants chez des patientes atteintes d’IOP. Ils associent, dans

0015_LGY 15 17/05/2016 14:11:49

(3)

16 | La Lettre du Gynécologue • N° 402 - mai-juin 2016

DOSSIER

Préservation de la fertilité

féminine Préservation de la fertilité et insuffisance ovarienne prématurée

leur travail, une levée des voies de répression de la croissance folliculaire (voie Hippo) à une activation des follicules primordiaux (voie AKT).

Ainsi, 37 patientes ayant une IOP (31 avec une aménorrhée de plus de 1 an et une FSH > 40 mUI/ml , et 6 avec une aménorrhée de plus de 4 mois et une FSH > 35 mUI/ml) ont eu un prélèvement ovarien avec préparation de bandelettes ovariennes. Les chercheurs ont fragmenté ces bandelettes pour rompre la voie de signalisation Hippo, puis ont réalisé une incubation dans des milieux contenant des stimulateurs Akt pendant 2 jours. Enfin, une greffe après rinçage des fragments est réalisée dans la fossette ovarienne de ces patientes.

Vingt patientes sur 37 (54 %) présentaient des fol- licules ovariens, et 9 ont eu une croissance folli- culaire. Après stimulation ovarienne de type FIV, 24 ovocytes ont été recueillis pour 6 patientes, 4 ont bénéficié d’un transfert embryonnaire, avec 3 grossesses menant à 2 accouchements d’enfants bien portants et à 1 fausse couche spontanée.

D’autres voies de recherche sont prometteuses.

Ainsi, une nouvelle voie d’activation des follicules primordiaux (mTOR) vient d’être décrite (15).

D’autres auteurs évoquent le possible renouvellement du stock folliculaire grâce à l’existence de cellules souches germinales (16) et la possibilité d’obtenir des ovocytes à partir de cellules souches pluripotentes (17) ou de cellules somatiques reprogrammées (18) est à l’étude. Toutes techniques que l’on peut imaginer potentiellement associables à une préservation.

Conclusion

La prise en charge thérapeutique de l’insuffisance ovarienne prématurée, qui se résumait depuis de nombreuses années au don d’ovocytes et à la prise en charge psychologique, devrait subir une véritable révolution dans les années à venir, grâce aux techniques de préservation de la fertilité et aux possibilités d’ac- tivation, voire de renouvellement folliculaires. ■

1. Touraine P, Raccah-Tebeka B (dir.). Insuffisance ovarienne prématurée. La Lettre du Gynécologue 2015;395(2):16-36.

2. Management of women with premature ovarian insuf- ficiency. Guideline of the European Society of Human Reproduction and Embryology. POI Guideline Develop- ment Group 2015.

3. Cordeiro C, Chritianson M, Selter J, Segars J. In vitro activa- tion: a possible new frontier for treatment of Primary Ovarian Insufficiency. Reprod Sci 2016;23(4):429-38.

4. De Vos M, Devroey P, Fauser BC. Primary ovarian insuf- ficiency. Lancet 2010;376(9744):911-21.

5. Oktay K, Bedoschi G, Berkowitz K et al. Fertility Preser- vation in females with Turner syndrome: A comprehensive review and practical guidelines. J Pediatr Adolesc Gynecol 2015 Oct 17. pii: S1083-3188(15)00357-5. doi: 10.1016 (epub ahead of print).

6. Bachelot A, Rouxel A, Massin N et al. Phenotyping and genetic studies of 357 consecutive patients presenting with premature ovatian failure. Eur J Endocrinol 2009;161(1):179-87.

7. Hagen CP, Aksglaede L, Sorensen K et al. Serum levels of anti-Müllerian hormone as a marker of ovarian func- tion in 926 healthy females from birth to adulthood and

in 172 Turner syndrome patients. J Clin Endocrinol Metab 2010;95(11):5003-10.

8. Donnez J, Dolmans MM. Ovarian cortex transplantation:

60 reported live births brings the succes and worldwides expansion of the technique towards the routine clinical practice. J Assist Reprod Genet 2015;32(8):1167-70.

9. Poirot C, Abirached F, Prades M, Coussieu C, Bernaudin F, Piver P. Induction of puberty by autograft of cryopreserved ovarian tissue. Lancet 2012;379(9815):588.

10. Ernst E, Kjærsgaard M, Birkebæk NH, Clausen N, Andersen CY. Case report: stimulation of puberty in a girl with chemo and radiation therapy induced ovarian failure by transplantation of a small part of her frozen/thawed ovarian tissue. Eur J Cancer 2013;49(4):911-14.

11. Demeestere I, Simon P, Dedeken L et al. Live birth after autograft of ovarian tissue cryopreserved during childhood.

Hum Reprod 2015;30(9):2107-9.

12. Chevalier N, Letur H, Lelannou D; French Study Group for Oocyte Donation. Materno-fetal cardiovascular compli- cations in Turner syndrome after oocyte donation: insuf- ficient prepregnancy screening and pregnancy follow-up are associated with poor outcome. J Clin Endocrinol Metab 2011;96(2):E260-7.

13. Kawamura K,Cheng Y, Suzuki N et al Hippo signa- ling disruption and Akt stimulation of ovarian fol- licles for infertilty treatment. Proc Natl Acad Sci USA 2013;110(43):17474-9.

14. Suzuki N, Yoshioka N, Takae S et al. Successful ferti- lity preservation following ovarian tissue vitrification in patients with primary ovarian insufficiency. Hum Reprod 2015;30(3):608-15.

15. Sun X, Su Y, He Y et al. New strategy for in vitro activation of primordial follicles with mTOR and PI3K stimulators. Cell Cycle 2015;14(5):721-31.

16. Johnson J, Canning J, Kaneko T, Pru JK, Tilly JL. Germline stem cells and follicular renewal in the postnatal mammalian ovary. Nature 2004;428(6979):145-50. Erratum in: Nature 2004;430(7003):1062.

17. Hübner K, Fuhrmann G, Christenson LK et al. Deriva- tion of oocytes from mouse embryonic stem cells. Science 2003;300(5623):1251-6.

18. Hayashi K, Ogushi S, Kurimoto K, Shimamoto S, Ohta H, Saitou M. Offspring from oocytes derived from in vitro primordial germ cell-like cells in mice. Science 2012;338(6109):971-5.

Références bibliographiques

R. Wainer déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

H. Letur n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts.

0016_LGY 16 17/05/2016 14:11:49

Références

Documents relatifs

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

Muscle biopsies from 2 representative animals, one heterozy- gous (heteroz.) for a frameshift mutation and a WT copy in the second allele and another WT for both alleles (#51 and

 Mise en évidence du rôle du conceptus dans le maintien de la fonction lutéale+.  Reconnaissance

In the present study, we have investigated the effects of polyphenol-rich infusions from carob leaves and OFI-cladodes on inflammation associated with obesity and dextran

Dans L’Œuvre au Noir (1968), l’un des romans les plus célèbres de Marguerite Yourcenar avec Mémoires d’Hadrien (1951), les couleurs rouge et noire jouent un rôle

L’écriture de l’enfance dans Du côté de chez Swann et Mort à crédit » Thomas Carrier-Lafleur,..

D'ailleurs, et c’est quand même la preuve la plus forte, une tradition constante autant que précise, a toujours désigné et vénéré ce lieu comme le théâtre des plus

Plusieurs mécanismes d’intervention de l’insuline au niveau ovarien sont possibles : (1) une activation directe du récepteur insulinique ; (2) une réac- tion croisée avec