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Allergo-immunologie. 1. Nouveautés dans le traitement des crises aiguës d’angiœdème héréditaire

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Texte intégral

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A. Leimgruber

introduction

L’angiœdème héréditaire (HAE) est une maladie autosomale dominante caractérisée par des épisodes d’œdèmes non pru- rigineux qui peuvent toucher aussi bien les tissus sous-cuta- nés (le plus souvent extrémités et face) que sous-muqueux (voies respiratoires supérieures et tube digestif). L’œdème laryngé est particulièrement redouté, car il peut provoquer une obstruction fatale des voies respiratoires.

La cause de l’angiœdème héréditaire est un déficit partiel de l’inhibiteur du premier composant du système du complément (C1-INH), plus rarement une anomalie de cet inhibiteur qui est présent, mais inactif. Cette carence en C1-INH aboutit non seulement à une activation de la cascade du complément (d’où la libération d’anaphylatoxines), mais à une activation concomitante de la coagula- tion et du système de contact.1 La dysrégulation de ces trois cascades protéoly- tiques provoque la libération de substances proinflammatoires et vasoactives.

Parmi celles-ci, la bradykinine 2 semble jouer un rôle prépondérant dans le dé- clenchement des crises d’angiœdème héréditaire, d’où le développement récent de médicaments inhibant la synthèse ou l’activité de la bradykinine, et dont l’in- dication devrait pouvoir être élargie, notamment aux angiœdèmes sur intolérance aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IECA), ces médicaments interférant avec la dégradation de la bradykinine.

traitementdel

angiœdèmehéréditaire

Contrairement à l’angiœdème d’étiologie allergique, l’angiœdème hérédi- taire ne répond pas à l’administration d’adrénaline, d’antihistaminiques et de cortisone. Jusqu’à récemment, les médicaments à disposition permettaient de restaurer un taux suffisant de C1-INH, soit par administration de cet inhibiteur, soit par stimulation de sa biosynthèse avec des androgènes atténués (danazol, Danatrol) ou, option moins efficace, par blocage de sa dégradation avec des anti- fibrinolytiques (notamment acide tranexamique, Cyklocapron). L’entrée en ac- tion des androgènes atténués et antifibrinolytiques est beaucoup trop tardive pour espérer une action en urgence. Ils sont néanmoins encore prescrits à titre Allergy-immunology

New therapies for acute attacks in heredi- tary angioedema

Hereditary angioedema is a disease which develops as a result of a deficiency or dys- fonction of C1-inhibitor, a key regulator of the complement, coagulation and contact cas- cades, resulting among others in excessive release of bradykinin. This disease mortality rate is high in absence of immediate and ef- fective treatment, in particular in presence of acute attacks of the upper respiratory tract (laryngeal edema). Until now only adminis- tration of a purified C1-inhibitor extract was effective against these symptoms. This paper aims to synthesise essentials knowledge con- cerning news drugs, in particular icatibant, a selective bradykinin B2- receptor antagonist whose use should be widened to the treat- ment of angioedema with ACE-inhibitors into- lerance.

Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 103-5

L’angiœdème héréditaire est une maladie due à un déficit ou une dysfonction du C1-inhibiteur, protéine qui joue un rôle-clé dans la régulation des cascades du complément, de la coagu- lation, et du système de contact, ce qui aboutit, en particulier, à une libération excessive de bradykinine. La mortalité liée à cette maladie est élevée en l’absence de traitement immé- diat, notamment lors d’œdème des voies respiratoires supé- rieures (œdème laryngé). Jusqu’ici, seule l’administration d’un extrait de C1-inhibiteur purifié s’avérait efficace. Cet article présente les nouveaux médicaments disponibles, en particulier l’icatibant, antagoniste sélectif du récepteur B2 de la brady- kinine dont l’indication pourrait être étendue à l’angiœdème sur intolérance aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

Allergo-immunologie

1. Nouveautés dans le traitement des crises aiguës d’angiœdème héréditaire

nouveautés en médecine 2010

Dr Annette Leimgruber

Service d’immunologie et d’allergie CHUV, 1011 Lausanne

annette.leimgruber@chuv.ch

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prophylactique lorsque les crises aiguës sont trop fré- quentes, ceci malgré leurs effets secondaires potentiels : avec le danazol, risque de virilisation chez certaines fem- mes et exceptionnellement adénomes, voire carcinomes hépatiques, et, lors de prise d’acide tranexamique (utilisé rarement, mais surtout chez l’enfant), risque de thrombo- ses graves, voire à long terme d’artériosclérose par inhibi- tion de la plasmine, et de rétinopathie par stase de la veine centrale de la rétine.3

traitementdescrisesaiguës

d

angiœdème

L’administration de C1-INH est possible depuis plus de vingt ans grâce à un extrait plasmatique humain pasteurisé Berinert P. Son entrée en action est rapide (moins de 30 minutes), et l’administration intraveineuse de 1000 à 1500 unités s’est avérée très efficace, notamment lors de crises aiguës graves 4 et en prévention lors de chirurgie à haut risque.5 La demi-vie du Berinert P étant suffisamment lon- gue, il est rare de devoir répéter ce traitement durant une crise d’angiœdème. De plus, il offre une excellente sécu- rité : aucun cas de transmission de virus n’a été décrit à ce jour, alors qu’en 2004 plus de 100 millions d’unités avaient déjà été administrées.6 En Suisse, il est admis par l’assu- rance maladie de base depuis 1993. Le Berinert P a été largement utilisé en Europe, aussi bien chez l’adulte, l’en- fant, la femme enceinte ou allaitant, d’où une baisse très importante de la mortalité due à cette maladie, ce qui n’a malheureusement pas été le cas aux Etats-Unis où la FDA n’a pas accepté ce médicament, craignant un risque de trans mission virale. Deux autres C1-INH ont été récem- ment produits, un extrait plasmatique humain de C1-INH nanofiltré après pasteurisation (Cynrize), sur le marché aux Etats-Unis depuis 2009, et un C1-INH recombinant (Rhucin) qui a peu d’avenir, au vu de sa courte demi-vie et de son immunogénicité (extrait du lait de lapines).

Néanmoins, malgré sa grande efficacité, sa rapidité d’ac- tion, et sa sécurité, l’administration de C1-INH n’est pas idéale, puisqu’elle doit se faire par voie intraveineuse.

Une autoadministration est difficile, et à moins d’avoir dans son entourage une personne ayant ce type de compé- tence médicale, le patient doit se rendre à l’hôpital ou chez un médecin, d’où un retard dans le traitement qui peut être critique en cas de crise sévère.

La nouveauté en 2010 est l’arrivée sur le marché suisse et la prise en charge par l’assurance maladie de base de l’icatibant (Firazyr), un antagoniste sélectif du récepteur B2 de la bradykinine, médicament à administrer par voie sous-cutanée, ce qui permet au patient de réaliser cette injection lui-même.

L’efficacité de ce médicament a été testée en 2007, dans une étude ouverte, chez quinze patients totalisant vingt crises d’angiœdème.7 L’administration intraveineuse d’icatibant permettait une diminution des symptômes après 1,5, 1,42 et 1,13 heures dans trois groupes de patients (avec différentes doses et vitesses de perfusion de l’icati- bant), alors que l’administration sous-cutanée s’avérait tout aussi rapide (0,58 et 0,45 heures avec 30 versus 45 mg d’ica- tibant). Lors de cinq crises d’angiœdème (chez quatre pa-

tients), on observait, après une bonne réponse à l’icati- bant, une récidive ou un nouvel épisode d’angiœdème dans les 24 heures, probablement en relation avec la courte demi-vie de l’icatibant (2-4 heures). Le taux de bra- dykinine passait en moyenne de 48,5 pmol/l (7 x la norme) à 18 pmol/l (environ 2 x la norme), quatre heures après ad- ministration d’icatibant.

Ainsi, dans une étude parue en 2010, l’icatibant a été administré uniquement par voie sous-cutanée.8 Cette étu- de multicentrique, en double aveugle et randomisée, effec- tuée chez des adultes (femmes enceintes exclues), com- portait deux bras, FAST-1 (Amérique et Australie) et FAST-2 (Europe). Dans FAST-1, icatibant (30 mg) versus placebo, 56 des 64 patients inclus ont rempli ces conditions de trai- tement (dont 51 sur 56 avec une atteinte cutanée ou diges- tive et 5 sur 8 avec une atteinte laryngée). Dans FAST-2, icatibant (30 mg) versus acide tranexamique (3 g/j durant deux jours), 74 des 85 patients inclus ont rempli ces condi- tions (dont 72 sur 74 avec une atteinte cutanée ou diges- tive, et 2 sur 3 avec une atteinte laryngée). Par nécessité, tous les patients avec un œdème laryngé ont reçu d’em- blée de l’icatibant (étude ouverte). Une réduction de 30%

des symptômes a été observée en moyenne dans FAST-1 sous icatibant après 2,5 heures (versus 4,6 heures sous placebo) et dans FAST-2 après deux heures (versus douze heures sous acide tranexamique). Dans les deux bras de l’étude, l’amélioration a débuté en moyenne, selon les pa- tients, sous icatibant après 0,8 heure (versus 16,9 heures sous placebo et 7,9 heures sous acide tranexamique), et selon l’investigateur, sous icatibant après 1 à 1,5 heure (ver- sus 5,7 heures sous placebo et 6,9 heures sous acide tra- nexamique).

Malgré l’administration d’icatibant, une crise d’angiœ- dème a été observée dans les 48 heures chez quatre pa- tients (14,8%) de FAST-1 et chez dix patients (27%) de FAST-2 ; de plus, l’angiœdème s’est aggravé dans FAST-2 chez six patients (un le jour de l’injection et cinq le lende- main).

Concernant l’œdème laryngé, trois patients sur huit traités par icatibant dans FAST-1 ont dû recevoir dans les 24 heures un médicament de secours (C1-INH notamment), en raison d’une récidive ou de l’apparition de nouveaux symptômes, alors que dans FAST-2, deux des trois pa- tients avec œdème laryngé ont répondu favorablement à l’administration d’icatibant seul, le troisième patient ayant dû être intubé cinq minutes après injection d’icatibant.

L’effet secondaire quasi constant de l’icatibant (L 90%) est une réaction au site d’injection (érythème et œdème, parfois sensation de brûlure), mais de courte durée (l 3,5 heures). Des cas de céphalée (4), migraine (1), vertige (1) ont été rapportés, de même qu’un cas de crise hyperten- sive, survenue plusieurs jours après injection d’icatibant.

Quant à l’acide tranexamique, cette étude confirme ce qui avait déjà été observé, soit son inefficacité dans le trai- tement urgent des crises aiguës d’angiœdème.

A noter que l’icatibant doit être administré avec pru- dence chez les patients avec cardiopathie ischémique (ris- que de diminution du débit coronarien), et qu’il est con- tre-indiqué chez la femme enceinte, en raison d’un effet nocif observé dans les études animales sur l’implantation

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utérine et le déclenchement de l’accouchement (effet to- colytique). De plus, l’icatibant est excrété dans le lait ma- ternel de rates, d’où le conseil donné aux femmes de ne pas allaiter dans les douze heures suivant son injection.

Enfin, l’icatibant n’a pas été étudié chez l’enfant, car son administration répétée provoque chez l’animal un retard (réversible) de la maturation sexuelle en raison d’une mo- dification des taux de gonadrotrophines.

Aux Etats-Unis, un inhibiteur de la kallikréine (ecallan- tide, Kalbitor), qui bloque la formation de bradykinine, est disponible depuis 2008, avec une efficacité qui semble comparable à celle de l’icatibant, mais pour lequel des cas d’anaphylaxie ont été décrits.9

Ainsi, depuis 2010 en Suisse, le traitement des crises aiguës d’angiœdème modérées à sévères n’est plus limité à l’utilisation de C1-INH que nos patients possèdent tous dans leur trousse d’urgence. On peut actuellement leur prescrire à choix du Berinert P, sans contre-indication, ra- pidement et presque toujours totalement efficace, mais dont l’injection intraveineuse limite l’autoadministration, ou du Firazyr dont l’atout principal est la possibilité d’une autoadministration (injection sous-cutanée), efficace dans la majorité des crises d’angiœdème, mais qui est contre- indiqué chez la femme enceinte ou allaitant, les patients avec problèmes coronariens, et actuellement chez l’enfant.

Aucune comparaison directe de ces deux médicaments n’a été effectuée pour l’instant. L’entrée en action du Be- rinert P paraît clairement plus rapide, mais pour un patient à domicile, la relative lenteur du Firazyr peut être compen- sée par la simplicité de son autoadministration.

Pour l’instant, il n’est pas prouvé que l’inhibition de la bradykinine soit suffisante pour maîtriser toutes les crises aiguës, car d’autres substances, habituellement bloquées par le C1-INH, pourraient également jouer un rôle (notam- ment anaphylatoxines libérées par l’activation du complé- ment). Ceci explique peut-être le fait que trois patients de

l’étude FAST-1 avec angiœdème laryngé aient dû recevoir, en plus de l’icatibant, un traitement de secours (notamment C1-INH), et que certains patients aient continué à s’aggra- ver malgré l’administration d’icatibant. La courte demi-vie de l’icatibant permet de comprendre certaines récidives d’angiœdème dans les 24 heures. Dans ces cas, l’injection d’icatibant peut être répétée après six heures, et au maxi- mum 3 x/24 heures, mais le coût est alors très élevé.

Au vu de ces études, certains auteurs10 recommandent, pour le traitement d’une crise aiguë laryngée (quelle que soit sa sévérité) ou d’une crise abdominale modérée à sé- vère, l’utilisation de C1-INH (premier choix) ou d’icatibant versus ecallantide (deuxième choix).

conclusion

Le Berinert P et le Firazyr ont leur place dans le traite- ment de l’angiœdème héréditaire, que ce soit dans la trousse d’urgence du patient ou à l’hôpital ! De plus, l’arri- vée sur le marché d’inhibiteurs de la bradykinine donne l’espoir d’une meilleure compréhension des mécanismes fins aboutissant au déclenchement de la crise d’angiœ- dème, non seulement lors de carence en C1-INH, mais lors d’intolérance aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

1 Petitpierre S, et al. The multiple etiologies of an- gioedema. Rev Med Suisse 2008;4:1030-4, 1036-8.

2 * Nussberger J, et al. Plasma bradykinin in angio- oedema. Lancet 1998;351:1693-7.

3 Snir M, Axer-Siegel R, Buckman G, Yassur Y. Cen tral venous stasis retinopathy following the use of tranexa- mid acid. Retina 1990;10:181-4.

4 Cicardi, M, et al. The use of plasma-derived C1 inhi- bitor in the treatment of hereditary angioedema. Expert Opin Pharmacother 2007;8:3173-81.

5 Leimgruber A, Jaques WA, Spaeth PJ. Hereditary angioedema : Uncomplicated maxillofacial surgery using

short-term C1 inhibitor replacement therapy. Int Arch Allergy Immunol 1993;101:107-12.

6 Agostoni A, et al. Hereditary and acquired angioe- dema : Problems and progress : Proceedings of the third C1 esterase inhibitor deficiency workshop and beyond. J Allergy Clin Immunol 2004;114(Suppl. 3):S51- 131.

7 Bork K, et al. Treatment of acute edema attacks in hereditary angioedema with a bradykinin receptor-2 antagonist (Icatibant). J Allergy Clin Immunol 2007;119:

1497-503.

8 * Cicardi M, et al. Icatibant, a new bradykinin-recep-

tor antagonist, in hereditary angioedema. N Engl J Med 2010;363:532-41.

9 Cicardi M, et al. Ecallantide for the treatment of acute attacks in hereditary angioedema. N Engl J Med 2010;363:523-31.

10 ** Atkinson JP, Cicardi M, Sheffer AL. Treatment of acute attacks in hereditary angioedema. UpToDate 2010;8.2.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Implications pratiques

Les crises aiguës d’angiœdème héréditaire ne répondent pas aux traitements classiques de l’anaphylaxie

Ces crises peuvent être traitées avec succès par administra- tion intraveineuse d’un extrait de C1-inhibiteur purifié ou par injection sous-cutanée d’un inhibiteur du récepteur B2 de la bradykinine (icatibant)

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