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de l'inform ation

N avigation et construction des espaces de com préhensio n sur le w eb

Franck G hitalla - C harles Lenay

I

e num érique, les docum ents électroniques ou les réseaux ne nous délivrent pas des contraintes physiques et techniques constitutives

^ de tout espace docum entaire, EDCBAi n f i n e de tout e s p a c e d e c o m p r é h e n s i o n . Les études sur les pratiques de navigation sur le w eb m ontrent que les usagers sont m assivem ent plongés dans des difficultés liées à l'organisation

spatiale et parfois tem porelle d'une série de docum ents, à l'exploitation de l'interface (notam m ent dans la gestion du fenêtrage et le repérage des zones actives) et restent m ajoritairem ent rivés à des stratégies très routinières. O n est donc loin de ce qu'annonçaient les term es « d'infosphère », de

« virtualité », de « technologies de l'im m atériel », de la prom esse de l'épanouissem ent de l'activité critique sur les réseaux de docum ents num ériques tel qu'ont pu le rêver V . B ush, T. N elson ou tel que sem ble nous le prom ettre, de nos jours, le projet d'un « w eb sém antique » (T. B em ers-L ee, 1999)1.

1. En particulier son article dans A m e r ic a n S c ie n tific , M ay 2001 issue (Tim Berners-Lee, Jam es H endler, O ra Lassila).

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C es « difficultés » que rencontrent les usagers du w eb peuvent être considérées com m e un « coût cognitif », être associées au « syndrom e de désorientation » ou paraître révéler les lim ites EDCBAt e m p o r a i r e s de nos outils et les déficits (bientôt résolus peut-être...) du travail d'indexation ou de structuration de l'inform ation. D u point de vue cognitif, elles relèveraient de l o i ü l e v e l t a s k s au regard des h i g h l e v e l t a s k s consacrées au traitem ent logique de rinform ation2. Pourtant, elles nous m ontrent aussi qu'il n'est pas d'entrée purem ent désincarnée dans le num érique et supposer leur caractère transitoire ou tem poraire serait croire pouvoir échapper à la m atérialité de toute technologie cognitive et aux contraintes qu'elle nous im pose. Les observations des pratiques de navigatior^ contribuent aujourd'hui à dessiner les contours de ces contraintes inhérentes à l'architecture hypertextuelle et de son exploitation v i a des interfaces graphiques. Elles perm ettent, du m êm e coup, de com m encer à com prendre ce que doit, sur les réseaux, l'activité critique (lire, analyser, com parer, com piler, m ém oriser...) à la construction d'espaces subjectifs d'action et de m anipulation. Le term e

de n a v i g a t io n sur le w eb n'a donc rien d'usurpé, à condition de ne pas y voir

les horizons infinis prom is par la m étaphore m aritim e m ais plutôt le lent et patient travail d'arpentage d'un territoire où se construisent, de façon subjective et très contextuelle, les repères géographiques d'un dom aine lim ité d'activités cognitives et techniques.

A rpenter le w eM

L 'observation des pratiques de navigation m ontre que le travail sur l'inform ation ne s'exerce jam ais dans des espaces décontextualisés, purem ent logiques. Sur le w eb, les usagers sont m assivem ent confrontés à la nécessité de construire le contexte et les form es m atérielles de leur activité. A l'échelle d'une page, d'im site, au long d'im e session ou sur plusieurs m ois.

2. C ateledge L., Pitkow J., voir in fr a .

3 Parm i les travaux les plus représentatifs : C atledge L., Pitkow J., « C haracterizing brow sing strategies in the W W W , C o m p u te r N e tw o r k s a n d I S D N S y s t e m s , 27, 1065- 1073,1995./Tauscher L.-M ., G reenberg S., « H ow people revisit W eb pages: em pirical findings and im plications for the design of history m echanism s », I n t . J o u r n a l o f H u m a n - C o m p u t e r S t u d ie s , 47, p. 94-137, 1997./G reenberg S., C ockbum A ., « G etting Back to Back: alternative behaviors for a W eb brow ser's Back button », p r o c e e d in g s o f th e F ifth A n n u a l H u m a n F a c to r s a n d th e W e b C o n fé r e n c e , 1999./O tter M ., Johnson H .,

« Lost in hyperspace: m etrics and m ental m odels », I n te r a c tin g w it h C o m p u te r s , 13(1), p. 1-40,2000.

4. Titre repris à un autre article, G hitalla F., « A rpenter le w eb : lietrs, indices, cartes » in T e r m in a l, n° 86, L'H arm attan, 2001.

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l'exploitation du w eb sem ble d'abord passer par ce que l'on pourrait appeler la construction d'un EDCBAe s p a c e d e c o m p r é h e n s i o n . C et espace donne à l'activité interprétative et au travail sur l'inform ation sa face m atérielle, ses coordonnées, son centre de gravité m ais aussi ses frontières et ses lim ites. Il ne s'agit pas là de cerner seulem ent ce qui relèverait de lim ites ergonom iques en term es d'IH M , m ais de reconnaître que c'est aussi cette dim ension m atérielle qui rend possible la m anifestation phénom énale de l'inform ation, et donc son traitem ent.

L 'observation de la genèse et du développem ent de ces espaces m atériels révèle que la géographie docum entaire des usagers sur le w eb est très lim itée, com m e si la navigation consistait surtout à borner les frontières du connu ou d'une m ém oire topographique des déplacem ents. D ans sa dernière étude^, S. B roadbent, par exem ple, relève la faiblesse du nom bre de sites visités par les internautes sur plusieurs m ois, notam m ent chez ceux qu'elle qualifie de « légers », ces usagers qui sont les plus nom breux et qui ne sont pas des experts, ni des novices non plus. L eur com portem ent est très stéréotypé : ils visitent pour la plupart toujours les m êm es 6 ou 7 sites, utilisent de m oins en m oins les m oteurs de recherche et déploient des stratégies de navigation très procédurales (les m êm es chem ins sont parcourus dans des espaces où la m ajorité des docum ents sert de relais ou de repères pour en atteindre d'autres). U ne autre caractéristique de ces espaces est qu'ils ne connaissent pas de phases m assives d'expansion m ais se construisent par « petites bouchées », sans trop s'éloigner des sites fam iliers com m e « des enfants avec leurs m ères »^. D ans ces stratégies qui relèvent autant de la recherche d'inform ation que de l 'a r p e n t a g e , les m oteurs de recherche et les sites fam iliers jouent le rôle de points d'entrée sur le w eb, à tel point qu'il nous a sem blé que leurs nom s ou leurs adresses com portent pour l'usager une valeur t o p o n y m i q u e '^ . La possibilité d'y revenir au cours d'une session constitue une form e de stratégie cognitive prégnante et persistante. C es pratiques peuvent paraître « coûteuses » cognitivem ent, notam m ent parce que le traitem ent de l'inform ation sem ble relégué à l'arrière-plan de cette activité d'arpentage (trois pages sur quatre ne sont que

« survolées », une sur six véritablem ent « lue »), une activité guidée le principe de la r é v e r s i b i li t é s p a t ia l e (s'éloigner et revenir au poin t de départ). Il

5. « Les usagers du w eb », Stefana B roadbent et Francesco C ara ( I c o n M e d ia la b ) , extrait de l'intervention Les nouvelles A rchitectures de l'Inform ation, C o p y r ig h t © 2 0 0 1 B ibliothèque publique d'inform ation. C entre G eorges Pom pidou.

6. I b id . 7. I b id , note 4.

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serait d'ailleu rs vain de croire que les « experts » y échappent : seules varient la form e et la com plexité de ces géographies de l'activité, pas leur principe.

Parler de la constitution d'un espace docum entaire com m e d'une EDCBA

g é o g r a p h i e d e l 'a c t i v i t é ne relève d'ailleurs pas de la m étaphore. L 'analyse au long term e des l o g s des m achines utilisées révèle par exem ple de façon m assive la prégnance de p a t te r n s s p a t i a u x d e n a v i g a t i o n . D ans le cham p de ce que l'on appelle aussi le c l ic k - s t r e a m b e h a v i o r a l r e s e a r c h , plusieurs études m enées depuis déjà plus de dix ans^ en ont rendu com pte, avec des résultats saisissants. C elle de C ockbum et M cK enzie (2000)3, par exem ple, porte sur l'observation des pratique de navigation d'une com m im auté hom ogène que l'on peut qualifier « d'experte » (enseignants et étudiants d'inform atique en université). D es contraintes spatiales fortes sem blent guider le travail sur l'inform ation : 81 % des pages ouvertes ont déjà été visitées, les trois pages les plus lues occupent en m oyenne 24% des logs (les seules, d'ailleurs, auxquelles on accède v i a le b o o k m a r k ) et les auteurs notent aussi que les phases d'exploration et de découverte s'effectuent toujours après une série

de r e v is it a ti o n s . Le retour aux m êm es pages v i a d'autres docum ents est une

constante, ce que C atledge et Pitkow appellent aussi a « leave as you've entered strategy »10. L à aussi le traitem ent de l'inform ation sem ble relégué au second plan : le tem ps m oyen passé par page est inférieur à la seconde, 2 % seulem ent d'entre elles sont sauvegardées et très peu font l'objet d'un travail critique ultérieur. C es géographies s'organisent autour d'xm centre de gravité (les trois ou quatre m êm es sites à partir desquels on rayonne) et sont très subjectives, ne com portant que peu « d'effets com m unautaires » (seules 9,2 % des pages visitées l'ont été par au m oins deux usagers).

8. parm i les travaux du début des années 1990, citons : Thuring M ., H aake J.-M ., H annem ann « W hat's Eliza doing in the C hinese room ? Incohérent hyperdocum ents - and how to avoid them », A C M H y p e r t e x t'9 1 , A CM Press, p. 161-177, 1991/B otafogo R.-A ., Rivlin E., Shneiderm an, «Structural A nalysis of hypertexts:

identifying hiérarchies and useful m etrics », A C M T r a n s a c tio n s o n I n fo r m a tio n S y s te m s , 10(2), p. 142-180, A CM Press, 1992. Pour une synthèse générale sur la problém atique des espaces de navigation et le syndrom e de désorientation, voir le site de D avid D anielson (Stanford U niversity)

http://hci.stanford.edu/cs377/hci-research/topics/david.htm l

9. « W hat D o W eb U sers D o ? A n Em pirical A nalysis of W eb U se », I n t. J o u r n a l o f H u m a n - C o m p u t e r S t u d ie s (2000), A ndy C ockburn, Bruce M cKenzie, D ept. C om puter Science, U niv. C anterbury, C hristchurch, N ew -Zealand. O n lira aussi CO CK BU RN et G REEN BERG « G etting Back to Back: alternative behaviors for a W eb brow ser's Back button », p r o c e e d in g s o f th e T ifth A n n u a l H u m a n F a c to r s a n d th e W e b C o n fé r e n c e , 1999.

10. Cf. note 2.

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La navigation conçue com m e la construction de EDCBAm é m o i r e s d e l 'a c ti v it é intéresse tout autant l'observation des pratiques sur le long term e qu'à l'échelle d'une session. D ans ce cadre, l'une des façons de contribuer à leur étude consisterait à pouvoir corréler le type de pattern développé avec le type de stratégie d'exploitation des fonctionnalités de l'interface (du navigateur et du systèm e d'exploitation). C 'est ce que l'on a tenté de com prendre au cours d'une étude basée sur l'observation de l'activité des usagerslO en m ilieu dom estique, puis sur station publique^. C haque session de navigation a été l'occasion d'observer la genèse de ces topographies m atérielles et subjectives de l'inform ation. La synthèse proposée ici rend com pte de leur dynam ique et de leurs form es typiques dans le cadre, a p r i o r i restreint, d'une recherche d'inform ation telle qu'elle est pratiquée régulièrem ent par les usagers. D ans cette perspective, il faut d'abord considérer la navigation sur le w eb com m e une a c t i v i t é o u t i ll é e dans un environnem ent technique où les c o n t r a in t e s ouvrent sur autant de p o s s i b l e s et conditionnent ainsi le traitem ent de l'inform ation, et m êm e plus généralem ent l'ensem ble de l'activité cognitivei2. N aviguer c'est donc d'abord exploiter un dispositif technique (interface et technologie hypertexte) pour les potentialités m anipulatoires qu'il intègre et les contraintes qu'il exerce. C 'est en jouant sur ces derniers à titre de dispositif d'action que l'environnem ent propre de travail du sujet se construit d'abord com m e e s p a c e m o t e u r e t p e r c e p t i f ^ ^ . C es patterns spatiaux localisés et m om entanés de la navigation ne nous sont pas apparus com m e des cartes abstraites m ais com m e l'expression de l'organisation spontanée des dom aines d'activité technique et perceptive. A u cœ ur du processus d'arpentage spatial résident les r è g le s d e s y n th è s e que se donne le sujet à titre de s t r a t é g ie s d 'a c t io n et de d é p l a c e m e n t qu'il s'agit ici d'isoler et dont on peut tenter de dresser la typologie.

11. Enquête en cours de réalisation pour la B ibliothèque publique d'inform ation (D. Boullier, A . N eau, L. Le D ouarin, F. G hitalla).

12. D ans la perspective des travaux de J. G oody et D . O ison (cf. bibliographie).

13. D ans cette perspective on lira Lenay C., C annu S., V illon P., « Technology and Perception : the C ontribution of Sensory Substitution System s ». In S e c o n d I n te r n a tio n a l C o n fé r e n c e o n C o g n itiv e T e c h n o lo g y , A i z u , ] a p a n , Los A lam itos: IEEE, 1997, p. 44-53./H anneton S., Lenay C., G apenne O ., V erm andel S., et M arque G.,

« D ynam ique de la reconnaissance de caractères via une interface H aptique », V U e C o llo q u e d e L 'A s s o c ia tio n p o u r la R e c h e r c h e C o g n itiv e A R C '9 8 , K ayser D ., N guyen-X uan A ., & H olley A . (Eds.), U niversité Paris 8, Paris 13, A RC, 1998, p. 343-347.

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Contraintes technique et stratégies d'arpentageZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA L 'étude a perm is d'observer une corrélation forte entre le type de pattern

spatial de navigation et la stratégie développée pour exploiter certaines fonctiorm alités de l'interface (du systèm e d'exploitation et du navigateur confondus). L 'interface sem ble donc EDCBAf a i r e s e n s pour l'usager de par les contraintes qu'elle exerce m ais aussi le cham p des possibles qu'elle ouvre. A ce titre, on a pu observer que les usagers jouaient sur au m oins trois types de param ètres qui leur perm ettent d'organiser l'espace-écran com m e espace contraint de travail :

- la possibilité d'ouvrir et de ferm er des docum ents (essentiellem ent en activant un lien hypertexte m ais pas seulem ent). Le type de contrôle associé est celui de l'ouverture ou de la s u c c e s s i v it é des docum ents (ordre et rythm e chronologique) ;

- la possibilité d'ouvrir une ou plusieurs fenêtres (et, notam m ent, pour les sujets observés, avec le clic droit de la souris option « ouvrir dans une nouvelle fenêtre »). Le type de contrôle associé à cette fonctiorm alité de l'interface est celui du fenêtrage en m ode m ono ou m ulti. Le cas du m ultifenêtrage perm et donc de contrôler la p r é s e n c e s i m u l t a n é e de plusieurs docum ents. Il s'agirait donc d'un contrôle de la d i v e r s i té ;

-la possibilité d'afficher le ou les docum ents en plein-écran ou en affichage réduit. L 'affichage réduit ouvre l'espace écran à xm e sorte de profondeur où les fenêtres de docum ents se superposent suivant la fenêtre active choisie. En affichage réduit s'ouvre la possibilité pour l'usager de contrôler la p r o f o n d e u r de l'espace de travail en sélectionnant, grâce au chevauchem ent visuel, une fenêtre active au détrim ent d'une autre.

C 'est en jouant sur l'un ou plusieurs de ces trois types de contrôle que se bâtissent différentes stratégies d'exploitation de l'interface qui conditionnent à chaque fois la m orphologie particulière de l'espace d'action et de travail.

T outefois, on notera qu'isoler ainsi des param ètres de prem ier plan nous a conduit, au cours de la phase d'analyse, à considérer com m e m ineurs d'autres param ètres techniques com m e la résolution de l'affichage, la taille de l'écran, les vitesses de chargem ent ou les types de périphériques utilisés qui ne paraissent pas jouer de rôle de prem ier plan.

Stratégie 1 : linéarité spatiale et succession temporelle

C e type de stratégie se caractérise par le principe du m onofenêtrage et de l'affichage plein-écran. Le sujet sem ble contrôler essentiellem ent (et souvent seulem ent) le rythm e d'ouverture des docum ents qui, successivem ent, se

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rem placertt les uns après les autres. C inq de nos sujets développent ce t)q)e de stratégie. A partir de la liste de résultats (et selon les critères de pertinence retenus), les observés explorent par « plongées » ou « coups de sonde » les pistes qu'ils choisissent parm i d'autres. D e liens hypertextes en liens hypertextes, ils s'aventurent prudem m ent jusqu'à trois docum ents au- delà de la liste initiale.

D ans ce type de stratégie, c'est la possibilité de revenir à la page initiale (celle du m oteur de recherche) qui guide l'acteur. L 'espace de navigation corrstruit se caractérise donc par un principe de réversibilité linéaire à partir d'un point de référence en opérant par synthèse longitudinale. La possibilité de revenir à la page de résultats du m oteur est ici essentielle ; l'utilisation de la touche « retour » du navigateur (ce qui peut prendre parfois du tem ps selon le réglage de la m ém oire-cache) est une pratique généralisée^^.

L 'utilisation de EDCBAl 'h i s to r i q u e (qui perm et de gagner sur la tem poralité du processus et de revenir directem ent au point de départ) m ontre, dans le m êm e sens, le souci perm anent de m aîtriser les étapes successives d'un chem inem ent.

Liste de résultats du m oteur de

recherche

I L

reto

retour via l'historique

F ig u r e l . L e s « p e r c é e s » lin é a ir e s , j u s q u 'à tr o is d o c u m e n ts a u - d e là d e la lis te d 'a d r e s s e s

Le prem ier docum ent, sous form e de liste, joue donc le rôle d'un point de repère focal à partir duquel l'acteur rayonne. 11 est le centre de gravité du systèm e d'activité caractérisé par une série de percées exploratoires^S. C 'est

14. Ce qu'on appelle aussi la stratégie du b a c k tr a c k in g .

15. C 'est ce type de phénom ène qu'a repéré de façon très pertinente K. Lynch dans son principe de «géographie subjective» : le m onum ent, la statue ou l'im m euble sont souvent m oins un vestige de l'histoire, une form e d'art ou un lieu de travail que

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dans cette stratégie de navigation que s'illustre au m ieux le principe de routes constituées elles-m êm es de docum ents. M ém orisées, elles peuvent constituer ces fam euses « routines » ou « procédures » stéréotypées qui paraissent si « coûteuses » en term es de traitem ent de l'inform ation, m ais si efficaces pour l'usager en term es de construction spontanée de l'espace docum entaire, donc de l'espace d'activité.EDCBA

S t r a t é g i e 2 : l a c o n s t r u c t i o n d e l a sim ultanéité

C e second type de stratégie de navigation et d'organisation de l'espace de com préhension se caractérise par le principe du m ultifenêtrage m ais en affichage plein-écran. Le sujet, ici, opère une série d'ouvertures de docum ents, jusqu'à im e dizaine, qui se recouvrent les uns les autres (avec le clic droit de la souris « ouvrir dans une nouvelle fenêtre »). C est en jouant sur la barre d'état et ses icônes (m êm e quand les titres ne sont plus lisibles) que les sujets font apparaître ou disparaître les docum ents présents, com m e dans un diaporam a. T rois, parm i les dix sujets, opèrent ainsi. C om m e rangés les uns sur les autres dont seuls dépasseraient les onglets, les docum ents présents sont rendus m anipulables par un outil e x t e r n e de contrôle de leur

d i v e r s it é . Ici, la liste de résultats n'est plus un point de repère spatial pour

des plongées tem porelles dans la profondeur du réseau, m ais le point d'origine d'im espace coordonné en deux dim ensions (synthèse spatiale de type p l a n a ir e où la réversibilité s'exerce sur deux dim ensions). Les patterns spatiaux ne se construisent pas xm iquem ent à partir de l'utilisation du b a c k -

b u t t o n ou de l'historique m ais aussi à partir du contrôle perm is par la barre

d'état. Q u'il prenne le tem ps de les « lire » successivem ent (ou plutôt de les balayer) ou qu'il les traite une fois tous ouverts n'enlève rien au principe du contrôle de la sim ultanéité des docum ents rendus m aintenant c o p r é s e n t s (et non plus successifs).

D ans une telle stratégie, il s'agit avant tout de construire un espace d'élém ents sim ultanés et veiller, non plus à revenir au point de départ, m ais à ne pas être subm ergé par la diversité (ce qui arrive fréquem m ent). C est la successivité incontournable de la navigation par lien hypertexte qui est ici transform é en h é t é r o g é n é i té s p a t i a le , com m e une liste à plat qui sert de m ém oire et d'accès instantané aux docum ents présents.

de puissants repères ou des « foyers » à partir desquels s'exerce une synthèse de l'espace arpenté pour l'usager. K. Lynch, L 'im a g e d e la c ité , A nthropos, 1979.

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F ig u r e 2 . C o n tr ô le a v e c la b a r r e d 'é t a t d e l'a ffic h a g e d e s d o c u m e n ts

S t r a té g i eZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA 3 ; l a profondeur e t l a m u l t i p l i c a t i o n d e s e s p a c e s d 'a c t i o n

C ette stratégie épouse, de façon générale, la précédente (principe du m ultifenêtrage, espace de docum ents coprésents traités par « paquets ») à la différence que l'affichage des fenêtres est en taille réduite, laissant s'ouvrir une profondeur essentielle pour l'élargissem ent de l'espace d'activité. Si le sujet peut éventuellem ent encore s'appuyer sur la barre d'état W indow s, sa gestion de l'espace docum entaire s'effectue dans cette profondeur qui lui perm et de sélectiorm er la fenêtre active et de la faire apparaître au prem ier plan. C ette stratégie de contrôle par la profondeur s'accom pagne souvent d'une activité « m ultitâches », le sujet pouvant gérer sim ultaném ent plusieurs recherches, et donc contrôler plusieurs dom aines d'activité. C 'est le cas pour deux de nos dix sujets observés qui opèrent donc par synthèse spatiale de type « volum étrique ».

D ans un tel espace de travail, la gestion de la successivité et de la diversité s'exercent toujours m ais l'utilisation de la profondeur a ceci de

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particulier qu'elle sem ble engager EDCBAle p o i n t d e v u e d u s u j e t (« plusieurs fenêtres à l'écran, ça m e fait tourner la tête... » dit une observée). A utrem ent dit, ce n'est plus ici la liste de résultats qui sert de point de départ (stratégie 1) ou la barre d'état qui sert de point d'origine (stratégie 2) c'est le point de vue à partir d'où se définissent respectivem ent et sim ultaném ent la position du sujet et l'organisation de l'espace docum entaire. L 'étagem ent en plans superposés (du prem ier où s'effectuent les actions au dernier souvent à peine visible m ais toujours susceptible de surgir) m ontre que les points d'action se distribuent dans une sorte d'univers en trois dim ensions^^ rendu possible par im type de synthèse volum étrique im pliquant des dom aines de réversibilité sur trois coordonnées.

F ig u r e 3. L a « p r o fo n d e u r » d e l'e s p a c e d e tr a v a il e t l'e n g a g e m e n t d u p o i n t d e v u e d u s u je t

Discussion

Dans un tel cadre, comment spécifier le « syndrome de désorientation » ? D epuis longtem ps décrit par la littérature^^, le syndrom e de désorientation sur les réseaux et les systèm es hypertextes (et la constellation 16. Le point de vue dont il s'agit, ici, est fixe, com m e pour un tableau perspectif. En m atière de génie logiciel, il serait intéressant de pouvoir développer une application qui perm ettrait de tourner a u t o u r des docum ents, et donc de déplacer le point de vue com m e dans un espace V RM L.

17. A u m oins dès 1987 : C onklin J., « H ypertext : an introduction and survey », I E E E C o m p u te r , 20(7), p. 17-41,1987.

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de sym ptôm es qui l'attestent) souligne la dim ension spatiale des repères que se donnent spontaném ent les usagers. D ans notre perspective, les trois stratégies observées, m êm e si elles sont souvent phénom énalem ent m êlées chez certains sujets, correspondent à trois types différents de synthèse : longitudinale (épouser la linéarité), spatiale (construire la sim ultanéité),

« volum étrique » (em brasser la profondeur). Elles représentent EDCBAd e s s t r u c t u r e s

d 'a n t i c ip a t i o n pour l'acteur et présentent sim ultaném ent, pour chacune d'elle,

d e s f o r m e s d i v e r s e s e t d i s s o c i a b l e s d e d a n g e r pour l'activité perceptive (et donc, au-delà, pour l'organisation de l'espace de com préhension) : par disparition du point de repère, par subm ersion dans la m ultitude, par désarticulation des diverses actions.

Qu'est-ce qu'une interface ?

L 'interface nous est apparu com m e un dispositif de m édiation technique concourrant à l'organisation de l'espace r é e l d'activité, y com pris sur les réseaux num ériques. Elle n'a donc rien de m étaphorique et on ne peut la considérer com m e la déclinaison graphique optionnelle, périphérique d'algorithm es jugés plus essentiels. Elle représente, com m e le rappelle S.

Johnsoni8, cette « g r a y z o n e , b e tw e e n m e d iu m a n d m e s s a g e » qui rend sensible, et donc m anipulable, l'inform ation. D ans cette perspective, utiliser un ordinateur pour naviguer sur le w eb c'est d'abord m anipuler un clavier et une souris pour activer des fonctions logicielles dont les effets sont visibles à l'écran. O n peut voir dans l'utilisation d'un écran num érique et de systèm es d'entrée type souris l'équivalent d'un dispositif de couplage sensori-m oteur à partir duquel s'effectue une a c t iv i té d e s y n th è s e perceptive (dispositif de couplage dont le sujet peu éventuellem ent se désolidariser quand, par exem ple, le curseur ne répond plus au m ouvem ent de sa m ain)l9. A insi la souris peut se concevoir com m e un dispositif m oteur dynam ique qui fait de l'écran, non plus une sim ple surface à percevoir passivem ent, m ais un véritable cham p d'action. Les fonctions de l'interface (W indow s et/ou du navigateur) s'activent ou se désactivent en fonction des zones dynam iques où il faut se déplacer et cliquer et, en retour, ces actions transform ent sans cesse le cham p des possibles suivants.

18. Johnson Steven, I n te r fa c e c u ltu r e , Basic Books, N ew Y ork, 1997 19. Cf. note 13.

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Comment s'inscrit l'activité critique et le traitement logiqueZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA de l'information dans cette construction phénoménale des espaces

d'activité ?

C hercher, lire, interpréter, raisonner, com parer ou synthétiser l'inform ation constitue bien la finalité de la navigation sur le w eb m ais ces opérations que l'on peut qualifier de EDCBAl o g i q u e s ne s'exercent pas dans un environnem ent désincarné, décontextualisé, purem ent abstrait. Q n peut faire l'hypothèse, pou r peu que l'on puisse en dresser la typologie, que ces tâches se distribuent sous form es de « chaînes de traitem ent logique » dont la m orphologie varie en fonction du type de stratégie d'exploration spatiale choisi. A ce titre, l'observation des pratiques de navigation devrait contribuer à la com préhension des n o u v e l l e s f o r m e s d e m a r i a g e e n t r e l 'i n f o r m a t i o n e t s o n c o r p s m a t é r i e l dans l'univers des réseaux num ériques, autrem ent dit de t y p e s i n é d i ts de docum ents ou de corpus de docum ents.

O bserver les voies (certaines nouvelles, d'autres plus anciennes) par lesquelles s'inscrit l'activité interprétative dans cette genèse spatiale et proprioceptive des univers de travail, est l'une des façons de découvrir la m orphologie singulière de l'architecture docum entaire num érique. La question des patterns spatiaux, telle que nous l'avons abordée, peut ainsi être déplacée dans le cadre de l'observation de la navigation à l'intérieur d'un m êm e docum ent. C om m e nous le laissent supposer les observations déjà pratiquées, ce que nous appelons spontaném ent « page » ou

« docum ent » ne correspond pas toujours à la façon qu'ont les usagers de découper et de construire leurs espaces d'interprétation. Le principe des couches calculatoires inhérentes aux support num érique et la possibilité de program m er une série de transform ations20 conduit, par exem ple, certains de nos usagers à considérer com m e com plém entaire (et donc faisant partie

du m ê m e docum ent) une série successive d'objets (par exem ple, tm pavé de

texte puis une illustration qui apparaît dans une fenêtre nouvelle).

Inversem ent, ils ont une conscience aiguë du principe de fragm entation de la page-écran, com m e autant d'espaces clos et indépendants. A insi, l'étude des patterns spatiaux de navigation à l'échelle d'un « docum ent » devrait conduire, on peut le supposer, à la com préhension d'une form e nouvelle d'architecture docum entaire qui utilise autant la « profondeur » que la surface.

20. Cf. G hitalla F., « L'Espace du docum ent num érique » in C o m m u n ic a tio n e t L a n g a g e s , n° 126, A . C olin, décem bre 2000.

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