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Article pp.183-185 du Vol.33 n°173 (2007)

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Texte intégral

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Dans la communauté nord américaine des chercheurs en sciences sociales, Bill Star- buck occupe une position paradoxale. Sa carrière témoigne de la position préémi- nente que lui ont attribué ses pairs : rédac- teur en chef d’Administrative Science Qua- terly, président de l’Academy of management, pour n’en citer que deux. Et c’est pourtant cet universitaire respecté et honoré qui condamne avec la plus grande véhémence le système américain de recherche en sciences sociales : « Les chercheurs en sciences sociales semblent davantage préoccupés de produire du papier plutôt que du savoir »1. Dans ce livre écrit dans une langue simple et alerte, Bill Starbuck dresse le bilan de ce qui pourrait apparaître comme une longue et prolifique carrière de chercheur mais qu’il baptise « a

journey into disillusionment » ou un par- cours vers la désillusion. Pendant ce

« voyage » le jeune chercheur, féru d’illu- sions, de sciences exactes et de méthodes formalisées, découvre progressivement la vanité et la vacuité d’un système de recherche qui crée une énorme quantité de papiers sans apporter de réelles contribu- tions à la connaissance des organisations.

Mais il ne se contente pas de montrer les faiblesses de ce système, il envisage les remèdes à lui apporter pour qu’à la désillusion succède l’espoir.

Vers la désillusion. La découverte des problèmes

« Les années passent et le savoir utile reste négligeable, les recherches se succèdent sur un même sujet en expliquant de moins en

The Production of Knowledge

The Challenge of Social Science Research*

William H. Starbuck

Oxford University Press, 2006, 194 pages

A C T U A L I T É D E S L I V R E S

* Les citations ont été traduites par l’auteur de cette note de lecture.

1. Starbuck (2006, p. 84).

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moins la réalité, l’énorme majorité des tra- vaux publiés présentent des résultats qui ne sont jamais reproduits.2» C’est par ce cri d’alarme que Bill Starbuck introduit son constat sur l’état de la recherche en sciences sociales.

Si le savoir généré par les recherche est si peu utile, c’est que les chercheurs font ce qui leur plait, ou ce qui les sert, ou ce qui sert leur carrière sans se préoccuper de ce qui pourrait servir les organisations ou la société. Starbuck rejoint là une des ques- tions souvent abordées en France mais tou- jours sans réponse : pourquoi les gestion- naires ont-ils si peu d’influence sur leur environnement ? « L’utilité de leur recherche est si faible, dit-il, que leur envi- ronnement ne prête guère attention à leur recherche et les regarde avec une indul- gence amusée. »

La science est supposée produire un savoir universel. C’est ce qu’on observe dans les sciences dures. Pas dans les sciences sociales où chaque chercheur critique et rejette les travaux menés par ses prédéces- seurs. Chacun peut ainsi prétendre à la nou- veauté et à l’invention. Chaque université peut s’enorgueillir d’employer des génies.

Les théories prolifèrent et les connaissances ne s’accumulent pas. D’autant plus que les méthodes de recherche ne sont pas exemptes de critiques. Les tests d’hypo- thèses ont envahi les sciences sociales alors que les statisticiens les dénoncent depuis un demi siècle _ tout test étant susceptible d’être significatif si on augmente suffisam- ment la taille des échantillons. Ces tests portent sur des informations biaisées parce que fournies par des interlocuteurs ayant

des références intellectuelles différentes ou soucieux de servir les préférences des chercheurs. Les situations étudiées sont des situations « moyennes » ou en équilibre alors qu’il faudrait étudier les situations extrêmes ou celles en mouvement.

D’ailleurs les chercheurs sont si peu confiants dans la validité de leurs méthodes et de leurs résultats qu’ils concluent leurs inférences en appelant à de meilleures recherches… qu’ils ne font jamais ! Ils font également preuve d’une grande subjectivité dans l’évaluation des travaux de recherche. Les textes en anglais sont mieux évalués par des Nordiques que ceux rédigés dans leur propre langue. C’est pro- bablement la même chose en France. Lors- qu’il était rédacteur en chef de Administra- tive Science Quaterly, Starbuck calcula le coefficient de corrélation entre l’accepta- tion (1), la révision (0) et le rejet (-1) sur un échantillon de 500 couples d’évaluation. Le résultat (0,12) montre qu’il n’existe pas de consensus entre chercheurs sur ce qui constitue une bonne recherche.

L’espoir de solutions nouvelles

Starbuck ne se limite pas à ce noir constat.

Des progrès sont envisageables à condition que les chercheurs substituent à leur confort intellectuel et à leur productivité illimitée une plus grande utilité sociale et une meilleure fiabilité de leurs résultats. Pour cela diverses tactiques sont explorées : sor- tir du confort de la cohérence logique, regarder chaque phénomène de plusieurs points de vue, étudier des cas extrêmes ou des ruptures d’équilibre, utiliser des méthodes d’analyse robustes et fiables, 184 Revue française de gestion – N° 173/3007

2. Op. cit., p. 1

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développer les méta-analyses, rechercher les éléments de consensus plus que les points de divergence.

Si ce livre avait été écrit par un exclu du

« main stream » américain ou par un euro- péen sceptique ou marginal, il aurait été au mieux ignoré ou, au pire, traité avec le mépris qu’il convient d’afficher face à la prétention et l’incompétence. Mais on ne peut prêter de telles insuffisances à Bill Starbuck dont l’honnêteté intellectuelle et les compétences techniques ne peuvent être

niées. Ce livre que Andrew Pettigrew, Chris Argyris, Karl Weick et Danny Miller, parmi d’autres, considèrent comme un livre événement dans la recherche sur les organi- sations devrait figurer dans toutes les bibliothèques des universités et écoles en gestion mais aussi, et d’abord, être médité par tous les aspirants chercheurs dans tous les programmes doctoraux. Et sans doute aussi par leurs tuteurs.

Jean-Claude TARONDEAU ESSEC Actualité des livres 185

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