• Aucun résultat trouvé

Article pp.231-242 du Vol.28 n°3 (2008)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Article pp.231-242 du Vol.28 n°3 (2008)"

Copied!
12
0
0

Texte intégral

(1)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

Mercure et métaux lourds dans l’alimentation : quels risques ?

M. Boisset

SUMMARY

Mercury and heavy metals in food: what risks?

Methylmercurry (MeHg) dietary intake relies on the consumption of fish and more particularly to large and slow-growing species. The provisionally toler- able weekly intake (PTWI) has been lowered to 1.6 MeHg/kg of body weight in June 2003 by WHO, to afford additional safety towards potential effect of MeHg on neurological development of the foetus.

Estimates of dietary intake of French population using aggregated con- sumption data have shown that, when heavily contaminated species were consumed, exposure exceeded PTWI whatever the age group. A more pre- cise probabilistic approach produced an expected frequency to exceed PTWI from 9.7 to 15.5% for adults and teenagers and 34.2% for children from 3 to 8 years. Subsequently, exposure of children under 3 was submit- ted to a new evaluation using new contamination data. For heavy consum- ers in the various age groups, percentile 95 of intake remained lower than PTWI except for 1-30 months (11.3%) and 3-6 years children (14.7%). More- over, 3% of childbearing-age women could be exposed above the PTWI.

Comparison of estimates resulting from different but complementary approaches highlight the difficulty of determining accurately the probability of exposure above the PTWI within the French population but support the view that exposure is heavier in children than in adults, as already observed with various dietary contaminants, Such estimates were used to recommend an maximal intake of predatory fish of 60g per week in addition to usual intake of non predatory fish, for children. This recommendation is in accord- ance with consumption levels of public health relevance from the French nutrition and health program (PNNS). Pregnant and lactating women should not consume more than 150g or predatory species in addition to their usual consumption of non predatory fishes.

The MeHg case exemplifies the difficulty of risk evaluation for target popula- tions with poorly defined consumption patterns. Risk management for such contaminants not only relies on sound regulatory levels in food but also includes recommendations for the general population as well as for target Bureau de Coordination de la Prévention des Risques – Inserm Paris – France.

(2)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

groups. Such recommendations must consider both food safety and nutritional goals.

Keywords

methylmercury, toxicity, tolerable weekly dose, dietary intake, risk evaluation.

RÉSUMÉ

L’apport alimentaire de méthylmercure (MeHg), provient de la consomma- tion des poissons et plus particulièrement des espèces de grande taille et à croissance lente. La dose hebdomadaire tolérable (DHTP) a été abaissée à 1,6 µg/kg de poids corporel et par semaine en juin 2003 par l’OMS, pour apporter une précaution supplémentaire vis-à-vis de l’impact potentiel du MeHg sur le développement neurologique du fœtus.

Les évaluations de l’apport alimentaire réalisées en France sur des données de consommation agrégées ont montré qu’en cas de consommation de pois- sons fortement contaminés, l’exposition excédait la DHTP pour toutes les tranches d’âges. Une approche probabiliste plus fine a conduit à une fré- quence de dépassement de la dose tolérable de 9,7 à 15,5 % pour les ado- lescents et les adultes de 34,2 % chez les enfants de 3 à 8 ans. Par la suite, l’exposition des nourrissons et des enfants de moins de 3 ans a été réévaluée en incluant de nouvelles données de contamination. Pour les forts consom- mateurs dans toutes les tranches d’âge étudiées, les niveaux au percentile 95 sont inférieurs à la DHTP, sauf pour les enfants de 1 à 30 mois (11,3 %) et de 3 à 6 ans (14,7 %). Par ailleurs, 3 % des femmes en âge de procréer seraient susceptibles d’être exposées à un niveau supérieur à la DHTP.

La comparaison des estimations, obtenues selon deux méthodologies diffé- rentes et complémentaires, montre qu’il est difficile d’estimer précisément la probabilité de dépassement de la DHTP dans la population française mais indiquent que, comme pour d’autres contaminants, l’exposition des enfants est plus élevée que celle des adultes. Ces estimations ont permis de recom- mander pour les enfants en bas âge, une consommation de poissons préda- teurs sauvages ne dépassant pas 60 g par semaine, en plus de la consommation habituelle de poissons non prédateurs. Cette recommandation est en cohérence avec les repères de consommation du Programme National Nutrition-Santé. Les femmes enceintes et allaitantes, ne devraient pas consommer plus de 150 g de poissons prédateurs sauvages par semaine, en plus de leur consommation habituelle de poissons non prédateurs.

L’exemple du MeHg montre l’évaluation des risques pour les populations cibles et est difficile à réaliser notamment parce que les profils de consom- mation sont mal connus. La gestion du risque lié à ce type de contaminants ne passe pas uniquement par la fixation de valeurs limites réglementaires de contaminations réalistes, mais passe aussi par les recommandations visant la population générale et les groupes de population cibles. De telles recom- mandations doivent concilier les objectifs de sécurité sanitaire et les préoc- cupations des nutritionnistes.

Mots clés

méthylmercure, toxicité, dose hebdomadaire tolérable, apport alimentaire, évaluation du risque.

(3)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

INTRODUCTION

Les métaux toxiques dans les aliments ont multiples origines. À l’encontre des polluants organiques persistants, les contaminants métalliques comme le mercure ont pour partie une origine géochimique et pour partie une origine anthropique. Leur présence est ubiquitaire et l’exposition de la population générale, via les aliments, inéluctable. Dans le cas du mercure, la combustion des carburants fossiles, l’activité industrielle, et l’incinération des déchets ménagers conduisent à l’émission de vapeurs métalliques (Hg°) qui vont être dispersées dans l’atmosphère à très longue distance des sources puis oxydées en mercure mercurique (Hg II). Dans les eaux océaniques et les rivières divers micro-organismes peuvent transformer, par une réaction de méthylation, les ions mercuriques en méthylmercure (MeHg), réalisant ainsi une véritable détoxi- fication du mercure. On sait, depuis les épisodes d’intoxications collectives sur- venus dans les années 60 et 70 au Japon (Minamata) et en Irak, que cette forme chimique du mercure est de loin la plus redoutable de toutes pour les organismes supérieurs, dont l’Homme. Au travers de ces épisodes tragiques, le fœtus, l’enfant en bas âge apparaissent beaucoup plus sensibles que l’adulte à l’action toxique du méthylmercure sur le système nerveux central et constituent de ce fait des populations-cibles. L’apport alimentaire de MeHg provient de manière prédominante de la consommation des poissons et à degré moindre, des mollusques et de céphalopodes. Dans la chair des poissons, quel que soit leur habitat, on retrouve du MeHg ; l’accumulation est d’autant plus marquée chez les espèces de grande taille et à croissance lente qui se trouvent en fin de chaîne trophique.

1 – QUELLE EST LA DOSE TOLÉRABLE DE MÉTHYLMERCURE ?

Les experts ont, de longue date, considéré que l’apport de mercure inorga- nique par les aliments n’avait pas de signification en termes de risque toxicolo- gique. Pour le méthylmercure (MeHg), une dose Hebdomadaire Tolérable Provisoire (DHTP) de 3,3 µg de MeHg/kg de poids corporel – 200 µg de MeHg pour un adulte de 60 kg – avait été prorogée jusqu’en 1990 par l’OMS (IPCS 1990) en accord avec les résultats d’évaluations successives du Comité joint d’experts des additifs alimentaires et des contaminants de la FAO et de l’OMS, en 1972, 1978 et 1989. Cette instance reconnaissait néanmoins en 2000 (JECFA 2000) que « les risques d’effets indésirables sont accrus chez les fem- mes enceintes et les mères qui allaitent » et « qu’il ne disposait pas de données suffisantes pour recommander une dose de MeHg précise pour ce groupe de population. » Elle recommandait de faire une nouvelle évaluation en 2002, au terme de l’étude internationale conduite dans la République de Seychelles (suivi d’une cohorte d’enfants de la naissance jusqu’à l’âge de 9 ans). En juin 2003, ce comité a, dans le souci d’apporter une précaution supplémentaire vis-à-vis de l’impact potentiel du MeHg sur le développement neurologique du fœtus, abaissé cette valeur à 1,6 µg/kg p.c./semaine (JECFA 2003).

(4)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

Les résultats de l’étude de la République des Seychelles (Myers et al. 2003), portant sur l’évaluation du développement neurocomportemental des enfants à l’âge de 9 ans, confirmèrent les résultats négatifs observés chez ces mêmes enfants à 6, 19, 29 et 66 mois, en l’occurrence l’absence d’association entre l’exposition maternelle au MeHg via une consommation de poisson très élevée (12 repas/semaine) et le développement neurologique des enfants. Comme c’est souvent le cas en épidémiologie, une seconde étude provenant d’une cohorte des Iles Féroé, et dont les résultats anciens ont été retraités en utilisant divers modèles statistiques, semblait au contraire montrer une altération subtile du développement neurologique des nouveaux-nés (Grandjean et al. 2003). Le JECFA a rejeté d’autres études épidémiologiques (Cordier et al. 2002, Counter et al. 2002, Weih et al. 2002) qui concernaient des échantillons de population de trop faible taille. La grossesse, notamment les 2e et 3e trimestres (Grandjean et al. 1999), apparaît comme la période la plus vulnérable au regard d’une exposi- tion au MeHg.

De manière récursive on a déterminé qu’un apport de 1,5 µg de MeHg/kg p.c./jour (soit 10,5 µg/kg poids corporel/semaine), correspondait en état d’équi- libre, à une concentration dans le sang maternel de 56 µg de MeHg/L et était sans effet néfaste chez le fœtus. Ce niveau d’apport était associé à une teneur de mercure de 14 mg/kg dans les cheveux maternels1.

Le JECFA a retenu deux facteurs modificateurs de la DHTP :

a) un facteur d’incertitude de 2, pour tenir compte de la variabilité interindivi- duelle de la relation entre la concentration de MeHg dans les cheveux et MeHg dans le sang. En effet, ni l’étude des Féroé ni celle des Seychelles n’ont permis d’établir un facteur de transposition de la teneur en mercure dans le cheveu maternel à la teneur en mercure dans le sang maternel.

b) un facteur d’incertitude par défaut de 3,2 (100,5) pour tenir compte de la variabilité interindividuelle de la relation entre l’apport alimentaire en MeHg et sa concentration dans le sang.

La dose ingérée par la mère sans risque appréciable pour l’enfant (NOAEL) a été divisée par le facteur d’incertitude global de 6,4, conduisant à une DHTP de 1,6 µg/kg poids corporel/semaine.

Le JECFA a également réaffirmé que le poisson était un élément important d’un régime alimentaire équilibré et qu’il devait en être tenu compte dans une démarche de santé publique, notamment lors de la fixation de limites maxima- les de contamination pour le MeHg.

1. La mesure du mercure organique sanguin et celle du mercure total capillaire constituent de bons indica- teurs (en l’absence de contamination exogène) de l’imprégnation mercurielle de l’organisme. Ni l’étude des Féroé ni celle des Seychelles ne permet d’établir un facteur de transposition de la teneur en mercure dans le cheveu maternel à la teneur en mercure dans le sang maternel. Selon les études, le rapport entre la concentration mesurée dans les cheveux et celle mesurée dans le sang, varie cependant entre 140 et 370 (moyenne = 250) et, selon les individus, ce rapport est compris entre 137 et 585.

(5)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

2 – COMMENT ÉVALUER LE RISQUE POUR LES CONSOMMATEURS FRANÇAIS ?

En France, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) avait émis un premier avis en octobre 2002 sur la base d’une expertise de l’ensemble des publications répondant aux critères de qualité. Compte tenu de la réduction de la DHTP, elle a procédé en 2003-2004 à la réévaluation de l’exposition de la population française avec deux approches méthodologiques de calcul, celle qui avait été appliquée dans l’avis d’octobre 2002 – approche déterministe – et une nouvelle approche probabiliste (Tressou et al. 2004).

2.1 Approche méthodologique utilisant des données « agrégées »

2.1.1 Données de consommation

Les données de consommation sont celles de l’enquête nationale de consommation alimentaire INCA de 19991 sur les consommateurs de 3 ans et plus.

2.1.2 Données de contamination

L’évaluation de l’exposition au MeHg ingéré avec les produits de la mer repose sur des données de contamination de diverses sources françaises en 1994 et entre 1997 et 2000 pour les poissons (629 valeurs pour les poissons sauvages, 326 pour les poissons d’élevage) et entre 1994 et 1998 pour les mol- lusques bivalves (1 233 valeurs). Pour des raisons pratiques, seul le mercure total (Hg-T) a été dosé et le calcul d’exposition au MeHg prend en compte un pourcentage moyen de mercure sous forme méthylée dans la chair des pois- sons représentant 84 % du mercure total2. La fraction du mercure sous forme de MeHg dans la chair des mollusques bivalves (huîtres et moules) a pour valeur médiane 43 %.

2.1.3 Estimation de l’exposition

Les estimations de l’exposition au MeHg via les poissons sauvages3 sont obtenues en croisant les données de consommation des groupes de population (5 tranches d’âge) avec les niveaux de contamination de MeHg. Elles ont été réalisées par tranche d’âge en prenant en compte :

1. Enquête réalisée par le CREDOC-DGAL-AFSSA en 1998-1999. Elle recueillait toutes les prises alimen- taires des individus pendant une semaine entière. Les données ont été obtenues à partir de carnets de consommation, renseignés sur une période de 7 jours consécutifs. L’enquête a porté sur 3003 individus, enfants et adultes, représentatifs de la population française métropolitaine. L’échantillon des adultes comprenait 1985 individus de 15 ans et plus et celui des enfants regroupait 1 018 individus âgés de 3 à 14 ans.

2. Le pourcentage de MeHg peut varier de 15 % autour de cette valeur entre les différentes espèces et, au sein de ces dernières, selon les zones de pêche. Les pourcentages de mercure méthylé dans les coquilla- ges par rapport au mercure total peuvent varier de 11 à 88 % selon les zones littorales.

3. Cette réévaluation de l’exposition a été limitée aux poissons sauvages dans la mesure où le rapport de l’Afssa d’octobre 2002 montrait que les poissons d’élevage et les mollusques, peu contaminés, contri- buaient faiblement à l’exposition.

(6)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

– une valeur de consommation pondérale moyenne et extrême (percentile 95) par semaine des poissons sauvages correspondant à l’ensemble des individus d’une tranche d’âge donnée ;

– le poids médian de l’ensemble des individus de chaque tranche d’âge comme poids de référence ;

– une valeur de contamination médiane et extrême (percentile 95) des pois- sons sauvages.

Par ailleurs, la probabilité de dépasser la DHTP a été estimée selon une approche probabiliste (méthode de simulation de Monte Carlo) appliquée dans l’avis d’octobre 2002 pour chaque tranche d’âge à partir de la distribution des consommations alimentaires et des valeurs de contamination. L’estimation de la probabilité est exprimée en pourcentage et correspond au nombre d’indivi- dus dont l’exposition théorique est au-dessus de la DHTP.

2.1.4 Résultats

Le croisement des données « agrégées » de contamination avec celles de consommation permet de calculer différents scénarios d’exposition globale selon les tranches d’âge (tableau 1).

Tableau 1

Estimation de l’exposition au MeHg à partir de données « agrégées » pour différentes tranches d’âge de consommateurs de poissons sauvages.

(Source Afssa).

Pour une consommation de poissons fortement contaminés, l’exposition excède la DHTP pour toutes les tranches d’âges. Cette méthodologie d’estima- tion de l’exposition avec des données « agrégées » ne tient pas compte de la variabilité réelle de la contamination mais seulement deux valeurs : le percentile 50 et le percentile 95 pour tous les produits consommés. De plus, elle n’est pas représentative de la consommation individuelle et du poids de chaque individu au sein d’une tranche d’âge.

L’approche probabiliste permet d’intégrer, dans un seul et même modèle, la variabilité existante au sein des échantillons. Par tirage aléatoire dans les distri- butions de consommation et de contamination, on obtient une distribution de

Tranches d’âge Poids (kg) Consommation (g/semaine) Exposition (µg/kg p.c./semaine) Moyenne P95 Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3

3-8 ans 13 132 385 1,54 7,30 4,46

9-14 ans 36 145 420 0,60 2,89 1,76

15-24 ans 60 158 490 0,39 1,89 1,23

25-64 ans 60 205 590 0,51 2,46 1,48

65 ans 60 241 638 0,61 2,88 1,60

Scénario 1 : consommation moyenne x contamination médiane.

Scénario 2 : consommation moyenne x contamination au P95.

Scénario 3 : consommation au P95 x contamination médiane.

(7)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

l’exposition (dans le cas présent, 10 000 situations d’exposition possible). On estime ainsi la probabilité de dépasser la nouvelle DHTP du MeHg (1,6 µg/kg p.c./semaine) pour l’ensemble des produits de la pêche (tableau 2).

Tableau 2

Estimation de la probabilité de la DHTP, par tranche d’âge. (Source Afssa).

Si l’on considère l’apport total de MeHg par les produits de la pêche, on constate que la probabilité de dépasser la nouvelle DHTP se situe entre 9,7 et 15,5 % pour la population adulte et adolescente. La probabilité de dépasse- ment est beaucoup plus importante pour les enfants de 3 à 8 ans (34,2 % des cas).

2.2 Estimation de l’exposition à partir des données « désagrégées » Dans cette approche, l’Afssa a réévalué l’exposition au MeHg en incluant des nouvelles données de contamination recueillies en 2002 dans les produits de la pêche. Elle a incorporé de manière plus fine les données de l’enquête INCA 1999 et a estimé les expositions des nourrissons et des enfants en bas âge de moins de 3 ans.

2.2.1 Données de consommation

Les données de consommation de l’enquête Institut National des Consom- mations Alimentaires (INCA) en 1999 utilisées portaient sur les seuls consom- mateurs de produits de la pêche (1 251 adultes de 15 ans et plus + 845 enfants de 3 à 14 ans) en tenant compte des types de poisson consommés et des pri- ses individuelles de chaque enquêté. Les données de consommation issues d’une enquête, réalisée en 1997 pour le syndicat Alliance 71 et portant sur un échantillon de 658 enfants âgés de 1 à 30 mois dont seuls consommateurs = 263), ont été utilisées pour estimer l’exposition des nourrissons et enfants en bas âge. Tous les produits de la pêche ont été pris en compte. Concernant les aliments à base de poisson sous forme de petits pots ou de plats préparés pour bébés, une proportion de poissons de 10 % a été appliquée à la quantité de produit consommé après consultation des recettes utilisées.

Tranches d’âge Probabilité (%) de dépasser la DHPT (1,6 µg/kg p.c./semaine)

3-8 ans 34,2

9-14 ans 15,5

15-24 ans 9,7

25-64 ans 12,9

65 ans et plus 15,1

1. Alliance 7 : Association de sept syndicats agroalimentaires : Biscotterie, Biscuiterie, Céréales pour petit déjeuner, Chocolaterie, Confiserie, Aliments de l’enfance et diététique, Industries alimentaires diverses.

(8)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

2.2.2 Données de contamination

Les données de contamination retenues pour cette réévaluation sont celles collectées entre 1996 et 2002 sur les produits de la pêche1. Le classement des poissons en prédateur et non prédateur, a été basé sur les catégories définies par le règlement européen de 2001 (CE 2001). Environ 3 % des échantillons présentent des teneurs en Hg total à un niveau supérieur à la limite maximale de 1 mg/kg de poids frais fixée par ce règlement européen.

Les produits de la pêche pris en compte dans cette évaluation, compte tenu de la disponibilité des données de contamination, sont :

– les poissons prédateurs : baudroie (lotte), loup (bar), lingue bleue (julienne), bonite, anguille, congre, empereur, grenadier, flétan, marlin, bro- chet, daurade, raie, sabre, requin, espadon et thon ;

– les mollusques bivalves : amandes, coques, coquilles Saint-Jacques, huî- tres, moules, palourdes et pétoncles ;

– les crustacés : araignée, crevette rose, langouste, langoustine et tourteau ; – les céphalopodes : seiche, calmar (encornet) et poulpe ;

– les échinodermes : oursins ; – les gastéropodes : le bulot.

Les données de contamination ne portant que sur le mercure total, le pour- centage de MeHg a été estimé, non plus globalement à 84 % de mercure total pour les poissons et à 43 % pour les mollusques, mais pour chaque produit de la pêche en se fondant sur les données de la littérature ou communiquées par l’Ifremer (Cossa 1990, Claisse et al. 2001). Les poissons d’eau douce ou d’éle- vage, prédateurs (anguille, bar, brochet, daurade) ou non prédateurs (carpe, tanche, turbot, saumon, truite) ont des niveaux de contamination similaires.

2.2.3 Estimation de l’exposition

L’exposition au MeHg, moyenne et au percentile 95 (forts consommateurs), a été estimée en croisant chacune des données de consommation individuelle par le niveau moyen de contamination de l’aliment concerné. Cette démarche permet de tenir compte de la variabilité de la consommation et donne une dis- tribution réaliste de l’exposition chronique des individus au MeHg.

2.2.4 Résultats

L’estimation de l’exposition au MeHg pour les forts consommateurs dans toutes les tranches d’âge étudiées montre que les niveaux au percentile 95 sont inférieurs à la DHTP de 1,6 µg/kg p.c./semaine, sauf pour les jeunes enfants de 1 à 30 mois et de 3 à 6 ans. La probabilité de dépassement de la DHTP varie de 0,5 et 15 % selon les tranches d’âge (tableau 3).

1. Données recueillies dans le cadre des plans de contrôle et de surveillance de la DGAL et de la DGCCRF, du Réseau National d’Observation de la qualité du milieu marin d’Ifremer et auprès des professionnels.

(9)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

Tableau 3

Estimation de la probabilité de dépassement de la DHTP selon les tranches d’âge.

(Source Afssa).

Les principaux vecteurs d’exposition au MeHg alimentaire sont par ordre décroissant de contribution, selon les tranches d’âge, les catégories d’aliments suivants :

– poissons autres que les prédateurs (50 à 80 %) ; – poissons prédateurs (20 à 40 %) ;

– autres produits : soupes, plats composés, etc. (3 à 7 %) et ; – crustacés, mollusques, céphalopodes et gastéropodes (1 à 3 %).

L’analyse de la distribution de l’exposition montre qu’environ 3 % des femmes en âge de procréer (19-44 ans) sont susceptibles d’être exposées à un niveau supérieur à la DHTP. La consommation de poissons prédateurs de type espadon et thon (frais et conserve) et de « poisson » sans autre pré- cision étaient les trois principaux vecteurs responsables du dépassement.

Pour ces vecteurs, les quantités consommées étaient comprises entre 90 et 180 g/semaine pour le thon en conserve et entre 200 à 400 g/semaine pour les poissons frais, les consommations totales de poisson étant comprises entre 300 et 700 g/semaine, soit de 2 à 5 portions de 150 g/semaine.

Les enfants en bas âge (1 à 30 mois) consomment le plus souvent des pois- sons non prédateurs tels que le colin et le cabillaud. Pour la population des seuls consommateurs des produits de la pêche, l’apport moyen en MeHg est plus important avec les poissons prédateurs (1,6 µg/kg p.c./semaine) qu’avec les non prédateurs (0,8 µg/kg p.c./semaine). Dans cette population, 14,7 % des consommateurs de produits de la pêche sont susceptibles de dépasser la DHTP. Chez les seuls consommateurs de poissons prédateurs (n = 15/263), la quantité moyenne consommée est de 60 g. Si l’on applique à cette quantité la valeur moyenne de contamination des poissons consommés 120 g suffisent pour atteindre la DHTP.

Tranche d’âge Probabilité (%) de dépasser

la DHTP (1,6 µg/kg p.c./semaine)

1-30 mois 11,3

3-6 ans 14,7

7-10 ans 4,6

11-14 ans 1,8

15-24 ans 0,5

25-34 ans 1,2

35-44 ans 4,0

45-64 ans 3,6

Femmes en âge de procréer 19-44 ans 2,8

> 64 ans 1,8

(10)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

3 – CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

La comparaison des estimations des expositions au MeHg, obtenues selon deux méthodologies de calcul différentes et complémentaires, montre qu’il est difficile d’estimer précisément la probabilité de dépassement de la DHTP dans la population française. Elles révèlent que l’exposition des enfants est systéma- tiquement plus élevée, les enfants consommant plus de poissons au regard de leur poids par rapport aux adultes. Ces résultats renforcent la pertinence des recommandations émises dès octobre 2002 par l’Afssa.

Au vu des données disponibles pour le MeHg et en tenant compte des habi- tudes alimentaires de la population française métropolitaine, les recommanda- tions de consommation de poisson formulées dans l’avis de l’Afssa d’octobre 2002 demeurent pertinentes. Toutefois, en raison de la sensibilité particulière du système nerveux central au méthylmercure durant le développement du fœtus, mise en évidence par des données expérimentales ou lors d’expositions très élevées à caractère accidentel, il est recommandé aux femmes enceintes et allaitantes et aux jeunes enfants de favoriser une consommation diversifiée des différentes espèces de poisson en évitant, à titre de précaution, une consom- mation exclusive de poissons appartenant aux espèces de poissons prédateurs sauvages présentant généralement des niveaux plus élevés de méthylmercure.

En particulier :

– pour les enfants en bas âge, il est recommandé de veiller à ce qu’ils ne consomment pas plus de 60 g de poissons prédateurs sauvages par semaine, en plus de leur consommation habituelle de poissons non préda- teurs. Cette recommandation est en cohérence avec les repères de consommation du Programme National Nutrition-Santé (PNNS 2006) ; – pour les femmes enceintes et allaitantes, il est recommandé de veiller à ne pas

consommer plus de 150 g de poissons prédateurs sauvages par semaine, en plus de leur consommation habituelle de poissons non prédateurs.

Cette recommandation vise les femmes enceintes et allaitantes, et non tou- tes les femmes en âge de procréer, dans la mesure où, contrairement à certains contaminants, tels que les dioxines, qui s’accumulent tout au long de la vie, le méthylmercure est excrété et métabolisé avec une demi-vie corporelle estimée à 45 jours (Smith et al. 1994) et son impact neurotoxique ne s’exercerait spécifi- quement qu’au cours des 2e et 3e trimestres de la grossesse.

Des recommandations de même type ont été formulées par les agences de sécurité sanitaire des aliments dans différents pays :

a) en Australie et en Nouvelle-Zélande la Food Standards Agency recom- mande aux femmes souhaitant procréer, aux femmes enceintes et aux jeunes enfants de limiter leur consommation de poissons prédateurs tels le requin, l’espadon et le marlin à une portion toutes les deux semaines ; b) aux États-Unis, le US Department of Health et l’EPA déconseillent aux

femmes en âge de procréer, aux femmes enceintes, aux mères allaitantes de consommer des espèces prédatrices et de limiter à 2 rations (12 oz soit 340 g) la consommation d’autres espèces. Une recommandation spécifique concerne le thon albacore (6 oz soit 170 g) ;

(11)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

c) au Canada, Santé-Canada, recommande à la population générale de ne pas consommer plus de 150 g par semaine de poissons prédateurs (thon, requin, espadon, marlin, escolier). Pour les femmes en âge de procréer, les femmes enceintes et les mères allaitantes, la consommation de ces espèces ne doit pas dépasser 150 g par mois, 125 g par mois dans le cas des enfants de 5 à 10 ans et 75 g par mois pour les enfants de 1 à 4 ans ; d) la Commission Européenne a publié en avril 2008 une note recomman-

dant aux femmes en âge de procréer, aux femmes enceintes, et aux mères allaitantes de limiter la consommation à 100 g par semaine des prédateurs de grande taille (espadon, requin, marlin, et perche) sans consommation supplémentaire d’espèces non prédatrices pauvres en MeHg et de limiter la consommation de thon à deux portions par semaine. Cette recommandation s’applique aussi aux jeunes enfants.

L’exemple du méthylmercure montre l’évaluation des risques pour les popu- lations cibles et est difficile à réaliser notamment parce que les profils de consommation sont mal connus. La gestion du risque lié à ce type de contami- nants ne passe pas uniquement par la fixation de valeurs limites réglementaires de contaminations réalistes, mais nécessite aussi de formuler des recomman- dations visant la population générale et des groupes de population cibles. De telles recommandations doivent concilier les objectifs de sécurité sanitaire et les préoccupations des nutritionnistes.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

IPCS 1990 - International Programme on Che- mical Safety environmental health criteria 101 : Methylmercury. WHO, Geneva.

JECFA 2000 - Safety evaluation of certain food additives and contaminants. WHO food additives series : 44, Prepared by the fifty third of the Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives (JEFCA). IPCS, WHO, Geneva.

JECFA 2003 - Summary and conclusions of the sixty-first meeting of the Joint FAO/

WHO Expert Committee on Food Additi- ves (JEFCA), 10-19 June 2003, WHO, Rome.

MYERS G. J., DAVIDSON P. W., COX C., SHAMLAYE C., PALUMBO C., CERNI- CHIARI E., SLOANE-REEVES J., WIL- DING G.E., KOST J., HUANG L., CLARKSON T.W. 2003 - Prenatal methyl- mercury exposure from ocean fish con- sumption in the Seychelles child development study. Lancet, 361, 1686- 1692.

GRANDJEAN P., BUDTZ-JORGENSEN E., STEUERWALD U., HEINZOW B., NEED- HAM L.L, JORGENSEN P.J., WEIHE P.

2003 - Attenuated growth of breast-fed children exposed to increased concentra- tions of methylmercury and polychlorina- ted biphenyls. FASEB J., 17, 699-701.

CORDIER S., GAREL M., MANDEREAU L.

MORCEL H. DOINEAU P. GOSME-SEGU- RET S., JOSSE D., WHITE R., AMIEL- TISON C. 2002 - Neurodevelopmental investigations among methylmercury- exposed children in French Guiana. Envi- ron. Res., 89, 1-11.

COUNTER S.A., BUCHANAN L.A., ORTEGA F., LAURELL G. 2002 - Elevated blood mercury and neurological observations in children of the Ecuadorean gold mines. J.

Toxicol. Environ. Health, 65, 149-163.

WEIHE P. HANSEN J.C., MURATA K., DEBES F., JORGENSEN P.J., STEUERWALD U.

WHITE R.F., GRANDJEAN P. 2002 - Neu- robehavioral performance of Inuit children with increased prenatal exposure to

(12)

© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

methylmercury. Int. J. Circumpolar Health, 61, 41-49.

GRANDJEAN P., BUDTZ-JORGENSEN E., WHITE R.F., JORGENSEN P.J., WEIHE P., DEBES F., KEIDING N. 1999 - Methyl- mercury exposure biomarkers as indica- tors of neurotoxicity in children aged 7 years. Am J Epidemiol. 149, 301-305.

TRESSOU J., CRÉPET A., BERTAIL P., FEIN- BERG M.H., LEBLANC J.Ch. 2004 - Pro- babilistic exposure assessment to food chemicals based on Extreme Value Theory. Application to heavy metals from fish and sea products. Food Chem. Toxi- col., 42, 1349-1358.

CE 2001 - Règlement CE N°466/2001 de la Commission du 8 mars 2001 portant fixa- tion de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimen- taires, modifié par les règlements n° 221/

2002 CE et n° 78/2005.

COSSA D. et al. 1990 - Niveaux de concentra- tion en métaux, métalloïdes et composés organochlorés dans les produits de la pêche côtière française. IFREMER, Nan- tes.

CLAISSE D., COSSA D., BRETAUDEAU-SAN- JUAN J., TOUCHARD G., BOMBLED B.

2001 - Methylmercury in molluscs along the French coast. Marine pollution Bulle- tin, 42, 329-332.

PNNS 2006 - Deuxième programme national nutrition-santé 2006-2010 accessible à l’adresse http://www.sante.gouv.fr/htm/

actu/pnns_060906/plan.pdf

SMITH J.C., ALLEN P.V., TURNER M.D., MOST B., FISHER H.L., HALL L.L. 1994 - The kinetics of intravenously administered methyl mercury in man. Toxicol. Appl.

Pharmacol. 128, 251-256.

Références

Documents relatifs

Il est par conséquent beaucoup plus ren- table d’externaliser les coûts d’intervention des « services consommateurs » en sollici- tant des entreprises spécialisées dans cette

Les systèmes, données et applications répartis dans différents types de réseaux et à différentes échelles ont donné naissance à de nouveaux défis tels que

Le modèle que nous avons développé est celui de la souris mâle C57bl/6J nourrie ad libitum et intoxiquée par voie intra péritonéale tous les deux jours avec du benzo[A]pyrène

Cette étude a permis de connaître les quantités de chacune des substances actives homologuées sur chacun des fruits et des légumes ingérées quotidien- nement par les consommateurs

Si les atteintes à la santé des agriculteurs sont aujourd’hui démontrées à la fois pour les effets aigus mais aussi pour des effets à long terme comme certains cancers, les

Deux études cliniques ont été conduites, l’une comparant chez le sujet jeune et sain les effets métaboliques d’un régime vapeur par rapport à un régime standard naturellement

Le domaine des matériaux au contact des denrées alimentaires est géré par le règlement (CE) n° 1935/2004. Dans son article 3, ce règlement fixe un grand principe applicable à tous

Les biotransformations vont orienter le statut des résidus des mycotoxines ou de leurs métabolites toxiques pouvant être retrouvés dans les tissus (abats, muscles) ou les