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Article pp.243-255 du Vol.28 n°3 (2008)

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© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

Les emballages transmettent-ils des molécules dangereuses ?

D. Ribera1, E. Barthélémy2, A. Feigenbaum2

SUMMARY

Is packaging transferring hazardous molecules?

Reading some newsletters, packaging appear to be responsible of the contam- ination of our foodstuffs without taking into account that their first interest is the protection of the food. However, food contact material (FCM) are regulated. In the framework regulation it is clearly stated that a food contact materials is safe if it doesn’t transfer its components into the food in quantities that could endanger human health, change the composition of the food in an unaccepta- ble way or deteriorate the taste and odour of foodstuffs. Numerous directives of application or other “regulatory” texts are into force to appreciate this state- ment with regard to the nature of the FCM (i.e. plastics, rubbers, silicons…).

Our objective is to review the requirements and measures to ensure food safety regarding FCM such as packaging materials, articles, utensils, materi- als used during production, storage and transport of foodstuffs. We will also point out the limits of these regulations and some questions regarding emerging new FCM.

Keywords

packaging, regulation, evaluation, risks.

RÉSUMÉ

À la lecture de certains journaux on pourrait penser que les emballages sont responsables de la contamination de nos aliments sans prendre en compte que le rôle premier de l’emballage est la protection de l’aliment. Pourtant les matériaux au contact des aliments sont bien encadrés réglementairement.

Ainsi le règlement cadre prévoie qu’un emballage est sain que s’il est démontré que dans les conditions prévisibles d’emploi, il ne transmet pas à l’aliment de substances en quantité suffisante, susceptibles de présenter un danger pour la santé humaine, de modifier la composition de l’aliment ou de modifier ses caractéristiques organoleptiques.

1. Bio-Tox – Talence – France.

2. European Food Standard Agency – Parma – Italie.

* Correspondance :

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L’objectif de cet article est de montrer quelles ont été les mesures et obliga- tions permettant de garantir la sécurité alimentaire au regard des emballa- ges. Nous aborderons également les limites de cette réglementation et quelques questions en relation avec les nouveaux matériaux.

Mots clés

emballage, réglementation, évaluation, risques.

1 – INTRODUCTION

Dans le monde de communication où nous vivons, les emballages sont régulièrement mis en cause car susceptibles d’être la source de la contamina- tion des aliments.

Ainsi nous assistons à des crises sanitaires régulières liées à la présence de catalyseurs d’encre (ITX) dans des briques de lait, de plastifiants (ESBO et phta- lates) dans des purées de piments, de semi-carbazide (SEM) dans des aliments infantiles ou de BADGE dans des boîtes de conserve…

La dernière en date (le Figaro, 15 mai 2008 ou le Point, 15 mai 2008) porte sur le Bisphénol A constituant des polycarbonates et susceptible d’effets repro- toxiques à faibles doses.

Mais pour paraphraser Paracelse (XVe siècle) : « tout est poison, rien n’est poison, ce qui fait le poison c’est la dose ». La plupart de ces crises médiati- ques ne se basent que sur l’identification d’une substance dans un aliment.

Aucune ne s’accompagne d’une évaluation des risques sanitaires rigoureuse basée sur la comparaison de valeurs toxicologiques et de calculs d’exposition sur toute la ration alimentaire.

Si des substances dangereuses peuvent être utilisées pour la fabrication d’emballages, elles doivent préalablement avoir été évaluées afin de limiter le risque pour le consommateur à des niveaux acceptables.

L’objet de cet article est de présenter comment sont évalués et gérés les ris- ques des substances servant à l’élaboration des matériaux au contact des ali- ments. Il complète l’article de Barthelemy et al. (2007) qui faisait déjà un point exhaustif sur cette problématique.

2 – QU’ENTEND-ON PAR EMBALLAGE ?

Le mot emballage est le terme le plus couramment employé en lieu et place de la dénomination officielle de « matériaux au contact des aliments » (MCDA).

Mais le mot emballage est trop limitatif. La notion de MCDA dépasse le sens littéral d’emballage. Elle porte sur tout matériau au contact ou destiné à entrer

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en contact avec un aliment : emballages et conditionnements, récipients et ustensiles de cuisine, machines et matériels utilisés dans la production, moyens de stockage ou de transport de denrées ainsi que les tétines et sucettes (DGC- CRF, 2002). Ainsi cette notion de MCDA recouvre un nombre très important de matériaux et d’usages barquettes, planches de travail, bouchons, bouteilles, caissettes, couvercles, gobelets, films, boîtes de conserve, flacons, pots, sachets…

3 – GÉNÉRALITÉS SUR LES RISQUES SANITAIRES LIÉS AU MCDA

Le risque est une probabilité d’apparition d’un danger. Le risque est fonction du danger et de l’exposition.

3.1 Les dangers liés au MCDA

Le danger provient de la migration dans les aliments de substances suscep- tibles d’avoir un effet délétère pour la santé humaine.

Il convient de distinguer deux catégories de substances :

– Les substances intervenant dans la fabrication des matériaux. Les princi- paux constituants susceptibles de migrer sont les additifs, les monomères résiduels (pour les plastiques), leurs impuretés (par exemple métaux pour les céramiques). Les auxiliaires technologiques utilisés pendant la fabrica- tion (comme les solvants) ou encore les auxiliaires de polymérisation sont également susceptibles de se retrouver dans les matériaux finis.

– Les substances n’intervenant pas en l’état dans la fabrication du matériau.

Elles sont produites lors de réactions pendant le procédé de fabrication ou lors de l’utilisation (cuisson par exemple). Ces molécules sont souvent qualifiées de substances néoformées. Elles ne sont pas intentionnellement ajoutées au matériau et souvent non identifiées.

Dans ce contexte, on comprend que le législateur se soit focalisé sur l’éva- luation des substances de départ.

3.2 L’exposition des consommateurs aux substances émises par les MCDA

L’exposition ne se produit pas directement à partir du MCDA mais via l’ali- ment qui entre au contact du matériau : c’est le phénomène de migration.

Pour évaluer les expositions, il est donc nécessaire :

– de connaître la migration (par analyse dans des aliments, dans des liqui- des simulateurs des aliments ou même par modélisation) et ;

– de déterminer les niveaux de consommation de l’aliment au contact.

Ce dernier point fait souvent défaut. En l’absence de donnée sur la consommation des aliments emballés dans des matériaux fabriqués avec une

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substance donnée, il est considéré, en Europe, qu’un adulte de 60 kg consomme 1 kg d’aliment emballé par jour. Ces critères représentent, en géné- ral, une surestimation de la consommation d’un individu moyen.

3.3 Le risque sanitaire lié aux matériaux au contact des denrées alimentaires

Pour qu’un consommateur soit exposé à une substance dangereuse à une dose représentant un risque pour sa santé, les étapes suivantes doivent se succéder :

– une substance doit être présente dans un matériau ;

– cette substance doit migrer des matériaux vers les aliments ;

– le consommateur doit ingérer une quantité suffisante de ces aliments contaminés.

L’évaluation par des agences sanitaires est rendu possible par la réglemen- tation qui prévoit des obligations pour les fabricants de substances et de maté- riaux.

4 – LA GESTION DES RISQUES ALIMENTAIRES RELATIFS AUX MCDA

4.1 Place de la réglementation

En France et en Europe, le risque est principalement géré par des outils réglementaires qui précisent les obligations et responsabilités incombant notamment aux industriels et permet ainsi de prendre des sanctions en cas de défaillance constatée.

4.2 La réglementation européenne

Le domaine des matériaux au contact des denrées alimentaires est géré par le règlement (CE) n° 1935/2004. Dans son article 3, ce règlement fixe un grand principe applicable à tous les matériaux et objets destinés à entrer en contact directement ou indirectement, avec des denrées alimentaires : c’est le principe d’inertie. Selon cet article les MCDA ne doivent pas, dans les conditions norma- les ou prévisibles de leur emploi, céder des constituants en une quantité susceptible :

1) de présenter un danger pour la santé humaine ;

2) d’entraîner une modification inacceptable de la composition des aliments ou ;

3) d’altérer leurs caractères organoleptiques.

Ce règlement prévoit également que les risques doivent être évalués préala- blement à la commercialisation et demande que soient adoptées des mesures spécifiques pour 17 groupes de matériaux et objets : plastiques, matériaux et

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objets actifs et intelligents, colles, céramiques, lièges, caoutchoucs, verre, rési- nes échangeuses d’ions, métaux et alliages, papiers et cartons, encres d’impri- merie, cellulose régénérée, silicones, textiles, vernis et revêtement, cires et bois.

Outre ces groupes de matériaux, le règlement prévoit également d’établir un projet de mesures spécifiques aux matériaux et objets en matière plastique recyclée.

Parmi ces mesures spécifiques, on trouve une limite de migration globale des constituants et des listes de substances autorisées pour la fabrication des matériaux et objets. Ces listes sont assorties de critères de pureté, de restric- tions et conditions d’utilisations et des limites de migration spécifiques (LMS) pour certains constituants. Il est également fait obligation d’accompagner les matériaux et objets d’une déclaration écrite attestant de leur conformité avec les règles qui leur sont applicables.

Enfin, d’autres exigences concourent à la sécurité sanitaire des MCDA comme la traçabilité et l’emploi de guides de bonne pratique d’hygiène et de fabrication qui figurent aussi dans ce règlement.

Pour que les substances soient autorisées et inscrites sur les listes positi- ves, il doit être démontré que le matériau satisfait aux exigences de l’article 3 après évaluation des risques par l’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA) qui émet alors un avis scientifique (cf. ci-après).

La réglementation prévoit de plus que l’étiquetage, la publicité et la présen- tation d’un matériau et objet ne doivent pas induire le consommateur en erreur.

Un symbole, verre associé à une fourchette peut accompagner les matériaux et objets mais ne revêt pas de caractère obligatoire. Seule la mention « convient pour le contact alimentaire » est obligatoire sauf si le nom indique un contact alimentaire ou si l’objet est destiné à un contact alimentaire.

4.3 Les limites de la réglementation européenne

Le règlement 1935/2004 précise que certains types de matériaux sont exclus de son champ d’application. Il s’agit des matériaux et objets fournis en tant qu’antiquité, matériaux d’enrobage et d’enduit faisant corps avec les den- rées et susceptibles d’être consommés (croûtes de fromage, produits de char- cuterie ou des fruits), les installations fixes, publiques ou privées de distribution d’eau.

Actuellement, seuls les groupes « matière plastique », « pellicule de cellulose régénérée » et « céramique » disposent de directives spécifiques (Directive 2002/72/CE, Directive 2004/14/CE, Directive 84/500/CEE). Tous les autres groupes de matériaux (résines échangeuses d’ions, papiers et cartons, lièges, encres d’imprimerie, etc.) ne font pas encore l’objet de mesures spécifiques.

Dès lors pour ces groupes de matériaux, il revient à l’industrie de respecter l’article 3 du règlement 1935/2004, mais sans que les autorités fournissent de listes spécifiques de substances utilisables et qu’il y ait évaluation des risques par les autorités sanitaires.

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4.4 Les autres instances contribuant à la sécurité des MCDA

La Commission Européenne dans le cadre de l’accord partiel (AP) dans le domaine de la santé publique a créé un Comité d’experts pour travailler sur le contact alimentaire (Conseil de l’Europe, 2007). Ainsi, depuis la fin des années 1980, le Conseil de l’Europe a adopté des résolutions sur des groupes de maté- riaux ou de substances ne faisant pas l’objet de mesures spécifiques par la Commission européenne : colorants (Résolution AP(89)1), auxiliaires de poly- mérisation des matières plastiques (Résolution AP(92)2), vernis (Résolution- cadre ResAP(2004)1), papiers et cartons (Résolution ResAP(2002)1), bouchons en liège (Résolution ResAP (2004)2), résines échangeuses d’ions (Resolution ResAP(2004)3), caoutchoucs (Résolution ResAP (2004)4), silicones (Résolution ResAP (2004)5), encres d’emballage (Résolution AP (2005)2). Bien que n’ayant pas force de loi, les résolutions du Conseil de l’Europe sont généralement utili- sées par l’industrie en l’absence de réglementation communautaire et nationale.

En l’absence de réglementation européenne, les réglementations nationales prennent le relais. Avec l’Allemagne, la France est probablement le pays le plus réglementé en matière de MCDA. De manière générale, les directives sont transposées en réglementation nationale et les règlements sont directement applicables. Les MCDA en France doivent donc respecter toutes les obligations édictées dans le règlement 1935/2004 mais également, des réglementations spécifiques qui ont perduré. C’est notamment le cas pour :

– l’ionisation des matériaux au-dessus de 10 kGy (Décret n° 73-138) ; – les constituants des produits de nettoyage des matériaux (Décret n° 73-

138) ;

– les colorants et pigments des matières plastiques, vernis et revêtements (arrêté en attente de publication au journal officiel) ;

– les caoutchoucs (Arrêté du 19 décembre 2006) ;

– les élastomères de silicones (Arrêté du 25 novembre 1992) ;

– les encres et vernis pour l’impression des emballages spécialement au tra- vers de listes de solvants et de préparations colorantes évalués et autori- sés (CSHPF, 1995) ;

– l’évaluation des procédés de recyclage du polyéthylène téréphtalate (PET) (AFSSA, 2006).

Cette énumération n’est pas exhaustive. Pour ces domaines, des autorisa- tions d’emploi sont obligatoires. Cela signifie que l’emploi est préalablement soumis à l’avis de l’AFSSA en charge de l’évaluation des risques. Dans la majo- rité des cas, les substances autorisées sont regroupées dans des listes positi- ves nationales. Par ailleurs, la réglementation française présente la particularité de considérer l’évaluation des procédés (ionisation des matières plastiques et recyclage du PET) et notamment l’effet de procédés sur la formation de substances néoformées (par exemple pour l’ionisation).

4.5 Bilan sur la réglementation

En conclusion sur la réglementation, les deux principales mesures de ges- tion qui sous-tendent la sécurité sanitaire des aliments au contact des

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matériaux et objets sont le principe d’innocuité défini plus haut dans l’article 3 du règlement cadre et l’établissement de mesures spécifiques qui intègrent une limite de migration globale des constituants et des listes de substances autori- sées après évaluation par les Agences sanitaires.

Pour les groupes et les substances ne faisant pas l’objet de réglementation spécifique, l’industrie doit se conformer à l’article 3 et démontrer l’inertie de son produit.

5 – L’ÉVALUATION DES RISQUES ASSOCIÉS AUX MCDA

L’évaluation des risques est donc nécessaire pour les nouveaux consti- tuants des matériaux en contact des denrées alimentaires réglementés.

En pratique, l’évaluation des risques porte essentiellement sur les substan- ces qui interviennent dans la fabrication des matériaux et qui sont susceptibles de migrer dans les aliments. Mais dans quelques cas comme celui de l’emploi de PET recyclé, le procédé de fabrication est évalué.

Pour les demandes d’autorisations d’emploi de nouvelles substances, le fabricant doit soumettre un dossier d’évaluation des risques auprès de l’Auto- rité compétente d’un État Membre, en France auprès de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). L’évaluation scientifique du dossier est réalisée dans le cadre d’une expertise collective confiée au comité d’experts MCDA de l’AFSSA ou de l’AESA selon le niveau de réglementation nationale ou européenne. Le contenu du dossier à fournir est précisé dans une recommandation du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF, 1997) ou sur le site Internet de l’AESA (note for guidance, AESA 2006) pour l’Europe. Dans la pratique, l’évaluation des substances utilisées pour la fabrication des matériaux menée par l’AFSSA suit de très près les lignes directrices de l’AESA.

5.1 Évaluation des substances utilisées pour la fabrication des matériaux

L’évaluation des substances utilisées pour la fabrication des matériaux est très encadrée. Elle suit un protocole en 3 étapes consistant à :

1) évaluer les expositions ; 2) identifier les dangers et ; 3) caractériser le risque.

5.2 Évaluation de l’exposition

Le niveau d’exposition d’un individu est généralement estimé de plusieurs manières conventionnelles :

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– modèle empirique : en utilisant des études de migration spécifique de la substance dans l’aliment ou dans un liquide simulant le comportement de l’aliment couplées à des études de consommation alimentaire des ali- ments emballés dans les matériaux fabriqués avec la dite substance ; – modèle théorique du pire des cas : en considérant que la totalité de la

substance présente dans le matériau migre dans les aliments et que le consommateur consomme la totalité de sa diète quotidienne en aliments contaminés. Ce modèle appelé « pire des cas » surévalue l’exposition.

C’est le calcul le plus simple. Si un matériau est jugé conforme selon ce scénario, il est forcément acceptable ;

– modèles intermédiaires : pouvant utiliser des hypothèses des deux modè- les précédents comme des études de migration spécifique de la subs- tance et la consommation de toute la diète emballée dans les seuls matériaux contenant la substance étudiée. Le niveau de migration peut être accessible soit par des expériences soit par un modèle de diffusion reconnu.

5.2.1 Données de consommation alimentaire

Il est difficile de connaître la quantité réelle d’aliment consommé emballé avec chaque type de matériau et a fortiori avec un matériau contenant la subs- tance à évaluer, d’où l’emploi d’approche conventionnelle. En Europe pour le domaine des matériaux au contact des denrées alimentaires, il est considéré qu’un individu de 60 kg consomme 1 kg d’aliment emballé par jour.

Pour les liquides, l’OMS estime à 2 litres par jour la consommation moyenne d’eau pour un individu adulte de 60 kg (OMS, 1994). Cette donnée est corrobo- rée par l’enquête française INCA 1 menée en 1999, qui montre que la consom- mation totale d’eau du robinet pour la boisson (chauffée et non chauffée), correspond pour 99 % des individus à une consommation hebdomadaire infé- rieure à 12,7 litres, soit 1,8 litre par jour (OMS, 1994). La FDA estime elle qu’un individu consomme 3 kg d’aliments par jour répartis en 1,5 kg d’aliments soli- des et 1,5 kg d’aliments liquides (Beaudeau P. et al., 2003). En considérant les 2 litres d’eau bues par jour (OMS) et le kilo d’aliments emballés ingéré par jour, on retrouve cette consommation totale de 3 kg.

5.2.2 Données de contamination des aliments

Pour évaluer la migration d’une substance, des tests standardisés sont utili- sés pour mettre en contact les matériaux avec des liquides simulateurs des ali- ments et doser les migrations. Ces conditions sont précisées dans les directives européennes 85/572/CEE et 97/48/CE (FDA, 1995 ; Directive 85/572/

CEE).

La directive 85/572 fixe la liste des simulants à utiliser en fonction de caté- gories d’aliments déterminés. Les quatre simulants suivants peuvent être utilisés :

– A (aqueux) : eau distillée ou de qualité équivalente ; – B (acide) : acide acétique à 3 % en solution aqueuse ; – C (alcoolisé) : éthanol 15 % en solution aqueuse ;

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– D (gras) : huile d’olive rectifiée ou si nécessaire un mélange de triglycéri- des synthétiques ou l’huile de tournesol selon des critères bien définis.

La directive 97/48 établit les conditions de test (température et durée de contact) pour vérifier la migration des constituants des matériaux et objets en matière plastique.

5.2.3 Calcul de l’exposition

Considérant l’hypothèse de consommation retenue pour l’évaluation des ris- ques liés aux matériaux en Europe, c’est-à-dire 1 kg d’aliments emballés consommé par jour par un individu de 60 kg, on calcule un niveau d’exposition théorique (NET), qui s’applique pour une personne de 60 kg et pour un jour. Ce NET est calculé à partir de données de migration dans des simulateurs d’ali- ment selon la formule suivante (CSHPF, 1997) :

ET = 0,8 [(MA + MB + Mc)/3] + 0,2 MD

où M correspond à la migration par kg de simulant.

Le coefficient 0,2 correspond à la consommation maximale de lipides (200 grammes par personne et par jour au 95e percentile selon les enquêtes de consommation individuelle telles qu’INCA ou SUVIMAX). Le coefficient 0,8 cor- respond à une consommation de 800 grammes d’aliments non gras emballés dans un matériau. On retrouve le kilo d’aliments emballé par matériau utilisé au niveau européen en additionnant 200 grammes de matières grasses et 800 grammes d’aliments divers.

5.3 Identification et caractérisation du danger

Le dossier toxicologique, servant à identifier les dangers, comprend des étu- des dont l’ampleur dépend du niveau d’exposition pour l’AFSSA (ou de migra- tion pour l’AESA). Aucune substance génotoxique ne devant être employée dans les matériaux, la mise en évidence de ces effets se retrouve à tous les niveaux d’exposition ou migration.

Plus le niveau de migration est élevé, plus le dossier toxicologique doit être complet (tableau 1).

À la différence de l’AESA, la procédure française introduit un quatrième niveau. Lorsque le niveau d’exposition théorique (NET) est inférieur à 0,5 µg/

personne/jour, les études expérimentales démontrant l’absence de potentiel génotoxique ne sont pas nécessaires, sous réserve que l’industriel fournisse les éléments caractérisant l’absence de potentiel génotoxique : par exemple en montrant l’absence de motif structural d’alerte, ou en utilisant un modèle de relation structure-activité reconnu.

Quelle que soit la valeur du niveau d’exposition théorique, lorsque le résultat d’un test de génotoxicité est positif ou équivoque, d’autres tests de toxicité génique, dont des tests in vivo, peuvent être requis pour caractériser le poten- tiel génotoxique de la substance. Le choix des tests supplémentaires est décidé au cas par cas, sur la base des résultats déjà obtenus et des autres informations disponibles. Dans tous les cas d’autres études peuvent être nécessaires si des données suggèrent des effets possibles sur le système ner- veux, immunitaire, ou endocriniens.

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Tableau 1

Données toxicologiques nécessaires en fonction du NET (d’après Barthélémy et al. 2008).

5.4 Caractérisation du risque

À partir des données toxicologiques disponibles, l’évaluateur calcule une valeur toxicologique de référence (VTR). Pour la fixer, il faut idéalement disposer d’une étude de toxicité chronique (2 ans) ou à défaut subchronique (90 jours) et utiliser la dose sans effet adverse observable (DSEAO, NOAEL en anglais). Lors de sa fixation des marges d’incertitudes sont utilisées. À partir de cette VTR et du niveau d’exposition attendu, l’évaluateur caractérise le risque et calcule une marge de sécurité.

En l’absence des études de toxicité chronique ou subchronique, le risque n’est pas totalement caractérisé. Cela est tolérable seulement si le NET est infé- rieur à 50 µg/kg/j. À ce niveau d’exposition théorique, les dossiers d’évaluation des risques doivent comporter les éléments qui démontrent l’absence de potentiel génotoxique. La substance est alors autorisée si elle n’est pas géno- toxique (par exemple par des tests négatifs). Le législateur a considéré que les autres risques pour la santé sont négligeables à ce niveau d’exposition.

5.5 Cas des substances néoformées

Au cours de la fabrication, il peut se former des substances néoformées.

C’est le cas, par exemple, du traitement de matériaux plastiques par rayonne- ments ionisants. La formation de néoformées suite à l’ionisation doit être véri- fiée (AFSSA, 2006). Si des substances néoformées sont détectées dans le matériau ionisé, leur migration doit être évaluée sur la base d’une semi-quantifi- cation. Selon le NET, des études de toxicité peuvent alors être demandées (cf. tableau 1).

Cependant, l’évaluation ne permet pas toujours de s’assurer qu’aucune substance néoformée ne migrera dans les aliments. Ce fut le cas pour la semi- carbazide, produit de réaction de l’azodicarbonamide, agent gonflant ancienne- ment évalué et utilisé dans les joints de couvercles de conserves. Récemment EU : Migration (M) en µg/kg d’aliment M > 5 000 5 000 > M > 50 50 > M

FR : NET en µg/personne/jour NET > 5 000 5 000 > NET > 50 50 > NET Études imposées

Génotoxicité in vitro (3 essais minimum) X X X

Toxicité subchronique par voie orale, avec réversibilité X X

Potentiel daccumulation chez lhomme X X

Toxicité sur la reproduction et sur le développement X

Toxicité à long terme cancérogénèse X

Sensibilisation, irritation oculaire et cutanée, toxicité respiratoire, observation relevée sur létat de santé des personnes exposées àla molécule

X

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du semicarbazide a été découvert dans des petits pots pour bébé entraînant une crise sanitaire du fait de l’incertitude sur la toxicité de ce produit. Le produit est aujourd’hui interdit pour ces usages.

6 – CONCLUSION

Depuis la mise en place de réglementations spécifiques aux MCDA, les pro- grès pour la prise en compte de ces risques ont été considérables. Ainsi en 1994, plus de 1 200 monomères et 1 000 additifs des MCDA avaient été éva- lués.

Mais il reste encore un travail important :

1) sur les MCDA qui ne sont pas actuellement réglementés ;

2) sur les procédures de réévaluation des substances (les méthodologies analytiques ou toxicologiques ne cessent de s’améliorer) ;

3) sur les substances à double fonctionnalité (par exemple une substance migrant d’un emballage mais également utilisée comme additif alimen- taire) pour lesquelles les évaluations des expositions ne semblent pas suffisantes…

De nouveaux challenges nous sont également proposés comme ceux des matériaux actifs et intelligents ; des nanomatériaux ; des composés néoformés ; des matériaux biodégradables…

Ces manques de connaissance ou d’évaluation sont sans doute anxiogènes, mais avant de jeter l’opprobre sur les MCDA, il s’agit de bien mesurer les béné- fices considérables qu’ils ont apportés en termes de sécurité des produits : protection de l’aliment (conserves appertisées, barrière fonctionnelle…) ; infor- mation (liste d’allergènes, matériaux intelligents indicateurs d’une rupture de chaîne du froid…).

D’autre part des efforts considérables sont actuellement mis en œuvre pour limiter les impacts sur l’environnement par de l’éco-conception : diminution du poids (et réduction du coût environnemental du transport) ; amélioration de la biodégradabilité ; recyclage ; valorisation matière (matières premières secondaires) ; valorisation énergétique…

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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